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19/06/2024 | FRANCE | N°21/01694

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 19 juin 2024, 21/01694


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 21/01694 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOHM



[N]

C/

Société DALKIA SMART BUILDING



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 11 Février 2021

RG : F19/00357





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 19 JUIN 2024







APPELANT :



[Z] [N]

né le 05 Juin 1969 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 2]

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représenté par Me Jérôme CHOMEL DE VARAGNES de la SELARL EQUIPAGE AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Emilie ESCAT, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société DALKIA SMART BUILDING

[Adresse 3]

[Localité 4]



...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/01694 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOHM

[N]

C/

Société DALKIA SMART BUILDING

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 11 Février 2021

RG : F19/00357

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 19 JUIN 2024

APPELANT :

[Z] [N]

né le 05 Juin 1969 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Jérôme CHOMEL DE VARAGNES de la SELARL EQUIPAGE AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Emilie ESCAT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société DALKIA SMART BUILDING

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me David BLANC de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Jean-martial BUISSON de la SELARL Littler France, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Ilan ORENSTAIN, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Mars 2024

Présidée par Anne BRUNNER, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Catherine MAILHES, présidente

- Nathalie ROCCI, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [Z] [N] a été engagé à compter du 14 juin 2010 par la société EDF Optimal Solutions devenue Dalkia Smart Building, par contrat à durée indéterminée, en qualité de chef de projet travaux senior.

La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment de la rupture des relations contractuelles.

Le 9 juillet 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 19 juillet 2018.

Par lettre du 19 juillet 2018, la société lui a notifié son licenciement pour faute simple, lui reprochant une inaptitude à remplir sa fonction et des manquements dans l'exécution de sa mission de sa mission relative au projet « Ilot 3.5 ».

Le 8 février 2019, M. [Z] [N], contestant son licenciement, a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon, aux fins de voir la société Dalkia Smart Building condamnée à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Dalkia Smart Building a été convoquée devant le bureau de conciliation et d'orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 13 février 2019.

La société Dalkia Smart Building s'est opposée aux demandes du salarié et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celui-ci au versement de la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 11 février 2021, le conseil de prud'hommes de Lyon a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, débouté M. [Z] [N] de l'ensemble de ses demandes et la société Dalkia Smart Building de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 8 mars 2021, M. [Z] [N] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 12 février 2021, aux fins d'infirmation en ce qu'il a dit et jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement l'a débouté des demandes de condamnation de la société EDF Optimal Solutions devenue Dalkia Smart Building à lui payer la somme de 69 830 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 mois), outre les intérêts au taux légal à compter de la décision, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 20 décembre 2023, M. [N] demande à la cour de :

juger son appel recevable et bien fondé

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement, rejeté l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, à savoir :

Statuant de nouveau,

juger le licenciement notifié par lettre du 29 août 2018 dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamner la société EDF Optimal Solutions devenue Dalkia Smart Building à lui payer la somme de 69 835 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 mois), outre les intérêts au taux légal à compter de la décision ;

la condamner à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 13 février 2024, société Dalkia Smart Building demande à la cour de :

Dire et juger que le licenciement de M. [N] est parfaitement justifié ;

En conséquence,

Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [N] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes à ce titre ;

À titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que le licenciement de M. [N] était dénué de cause réelle et sérieuse et ainsi infirmer le jugement :

Constater que les demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de M [N] sont totalement infondées et manifestement excessives ;

En conséquence,

ramener le quantum sollicité à de plus juste proportions, dans la limite maximale de 46 556 euros ;

En tout état de cause,

débouter M. [N] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

condamner M. [N] à verser à la société Dalkia Smart Building la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

condamner M. [N] aux entiers dépens ;

Si la Cour devait considérer la demande de dommages et intérêts formulée par M [N] fondée, dire et juger que les dommages et intérêts alloués à ce titre s'entendent comme des sommes brutes avant CSG et CRDS et éventuelles charges sociales.

La clôture des débats a été ordonnée le 15 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

SUR CE,

Sur la rupture du contrat de travail :

Le salarié relate que :

pendant toute la relation contractuelle, entre 2010 et 2018, ses compétences ont toujours été reconnues au sein de l'entreprise, il recevait des mails de félicitations et était gratifié de prime variable en reconnaissance de ses excellents résultats ;

dans le même temps, la société connaissait des changements récurrents de direction et une baisse de l'effectif, celui de l'agence Rhône Alpes passant de 14 à 5 salariés entre 2010 et 2019 ;

c'est dans ce contexte que la société a accepté le chantier de construction d'un ensemble immobilier d'un surface de 20 000 m², alors qu'elle intervenait jusque-là, dans la rénovation de bâtiment ;

la société devait assurer une mission de maîtrise d''uvre et une mission de direction des travaux ;

alors qu'il n'avait pas de compétence en matière de maîtrise d''uvre, la société l'a désigné pour assurer ce chantier, sans lui faire bénéficier de formation spécifique ;

le 5 février 2018, il a signalé des anomalies, qui mettaient la société en difficultés dans le cadre de la mission de maîtrise d''uvre, et le 21 février 2018, M. [W], son supérieur hiérarchique, confirmait son analyse ;

il a alerté à nouveau, le 20 juin 2018, sur des difficultés rencontrées, qui ne lui étaient pas imputables, sans que pour autant la société ne lui fournisse les moyens humains dont il avait besoin pour le seconder sur la partie technique du projet.

Il soutient que :

selon son contrat de travail, sa mission, au sein de la société, en tant que chargé de projet de travaux était une mission de réalisation et en aucun cas, il n'avait en charge la maîtrise d''uvre avec supervision d'études, de sorte qu'il ne saurait lui être reproché un manquement à ses obligations contractuelles alors que la société lui a sciemment confié des tâches élargissant considérablement le spectre habituel de ses missions ;

en dépit de ses demandes répétées, il n'a jamais obtenu les éléments chiffrés lui permettant de construire les bordereaux ;

il ne s'est pas rendu à une réunion de chantier le 10 avril 2018, étant dispensé de venir ;

il n'a pas pu assister à deux autres réunions en raison d'une grève dans les transports aériens ;

il lui a été demandé de signer les marchés de travaux avec des sous-traitants alors qu'il ne disposait pas de toutes les informations pour définir les quantités ;

il était dans l'incapacité de fixer le client sur les travaux accomplis par EDF OS en qualité de prestataire fluide, alors que cette dernière ne lui fournissait pas les éléments nécessaires pour renseigner ses interlocuteurs, de sorte qu'il n'était pas illégitime de ne pas assister aux réunions ;

dans le mail qu'il a adressé le 9 mars 2018 à M. [A], il se borne à faire un reproche à son binôme, sans sortir du domaine de l'acceptable ;

ses alertes n'étaient pas dépourvues de justification ;

l'employeur ne démontre aucune mauvaise volonté susceptible de pouvoir rendre les faits reprochés d'insuffisance professionnels fautifs.

La société réplique que :

à son retour de congé sabbatique, elle a confié à M. [Z] [N], la gestion du projet Ilot 3.5 à [Localité 7], dans le cadre duquel il avait pour mission d'assurer la coordination et de faire l'interface entre la maîtrise d''uvre et les entreprises de travaux ;

les travaux ont débuté au mois de décembre 2017, or, dès le mois d'avril 2018, elle a constaté que M. [Z] [N] refusait de participer aux réunions et ce, même lorsque son supérieur lui demandait d'être présent ;

le salarié n'effectuait pas de visites de chantier et ne contrôlait pas l'exécution des travaux ;

il ne s'investissait pas dans le suivi financier du projet ;

il a adopté un comportement importun voire agressif à l'égard de la société cliente Nacarat et déplacé à l'égard du coordinateur OPC, M. [E] ;

il a eu un comportement agressif avec son binôme, M. [A] ;

cela caractérise une mauvaise volonté et un manque de diligence ;

le salarié n'a pas été licencié pour insuffisance professionnelle mais parce qu'il a refusé d'effectuer son travail et a persisté à adopter un comportement fautif malgré les rappels à l'ordre de sa hiérarchie ;

elle a mis en 'uvre plusieurs mesures afin d'accompagner M. [N] dans la gestion de ce projet ;

le salarié n'a jamais exprimé une quelconque alerte quant à son manque de compétences pour remplir ses missions dans le cadre du projet Ilot 3.5 ;

contrairement à ce qu'il affirme, il avait l'obligation d'assister aux réunions de chantier ainsi que cela ressort de sa lettre de mission.

***

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être existante et exacte. La cause sérieuse concerne une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n'est pas nécessaire.

Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce.

Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

Les motifs du licenciement sont les suivants :

« ['] Au cours de cet entretien, nous vous avons indiqué les motifs de la sanction que nous envisageons à votre égard qui sont les suivants :

inaptitude à remplir la fonction prévue par votre contrat de travail

Problème d'incompréhension du dossier « [Localité 7] 3.5 » malgré le support de vos collègues et l'accompagnement sans faille de votre manager

Incapacité à construire des bordereaux et à assurer le suivi financier du projet

Pas de visite de chantier sous prétexte de ne pas avoir avec vous les équipements de sécurité mis à disposition par l'entreprise

Absences à certaines réunions sur site avec pour motif de ne pas y voir d'intérêt

Problématique dans le relationnel, tant en interne qu'en externe

Sollicitations permanentes et plaintes récurrentes de votre part qui nous ont contraints de prendre la décision de confier une prestation complémentaire de MOE pour vous décharger d'une partie de la mission globale, afin de vous concentrer sur le suivi de réalisation et le suivi financier du projet.

A la suite de la description de ces éléments, vous n'avez pas souhaité nous faire part de vos remarques et observations, cette attitude est d'autant plus surprenante que vous nous aviez sollicité par mail pour un entretien de mise au point pour lequel nous avons répondu favorablement.

Votre comportement par rapport à cet entretien et votre posture de déni ne nous ont pas permis de comprendre ces agissements pour lesquels vous ne semblez pas avoir mesuré l'importance et les conséquences qui pourraient en découler, mettant sérieusement en risque les intérêts de l'entreprise.

Pour mémoire, avant de vous confier ce projet d'envergure après votre congé sans solde d'une période d'un an, nous avions pris le soin de vous recevoir longuement à l'agence de [Localité 5] (le 19 octobre 2017) afin de vous présenter ce dossier pour vous permettre de réintégrer l'entreprise de manière positive compte tenu de la forte évolution de notre société pendant votre année d'absence. Vous avez d'ailleurs manifesté une vive motivation et vous nous avez assurés que vous aviez les compétences requises et le savoir-faire pour gérer ce dossier complexe.

Vous avoir confié ce projet, très belle vitrine pour notre société, témoignait de notre confiance et au regard de votre positionnement dans l'entreprise et votre niveau de rémunération, nous semblait en totale adéquation avec votre profil ; et suscitait, à l'époque, votre enthousiasme.

Au regard des motifs ci-dessus listés et compte tenu de leurs conséquences, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute simple. ['] ».

Selon son contrat de travail, M. [Z] [N] est responsable du pilotage, de la conduite et de la finalisation des chantiers qui lui sont confiés, jusqu'à la signature du PV de réception sans réserve par le client, de la préservation de l'équilibre économique des affaires confiées, du maintien de la satisfaction du client pendant la durée du contrat client et de la conduire de missions transverses, en appui au directeur d'agence et pour le compte de l'ensemble de l'équipe de travail, concernant notamment la gestion prévisionnelle des réceptions de chantiers et la gestion du service après-vente sur les contrats en cours.

Incapacité à construire des bordereaux et à assurer le suivi financier du projet

La société verse aux débats en pièce n°8 et 13, un échange de mail entre M. [Z] [N] et M. [P], directeur Méthodes et Processus Opérationnel, en date du 29 juin 2018. M. [Z] [N] intitule le mail « situation de crise urgente » et fait la liste de 4 sujets qui « nous polluent depuis 6 mois et nous mettent désormais en crise », soit le DPGF Marché, la signature du marché Electricité, la lisibilité des prestations vendues et la boucle tempérée. Il fait la demande de « mobiliser l'équipe projet de toute urgence ». M. [P] lui répond, sur le 4ème sujet, en rappelant avoir déjà discuté du sujet et en récapitulant les points déjà discutés et en réitérant deux points d'attention.

Pour autant cet échange de mail n'établit pas une incapacité à assurer le suivi financier du projet.

Il en va de même des échanges de mails entre M. [Z] [N], Mme [D] [T], assistante développement Réalisation et M. [R] [A], chef de projets Réalisation, en date des 29 juin et 2 juillet 2018, à propos du « DPGF Client » et qui ne révèlent pas une incapacité à « construire des bordereaux ».

Pas de visite de chantier sous prétexte de ne pas avoir avec vous les équipements de sécurité mis à disposition par l'entreprise et absences à certaines réunions sur site avec pour motif de ne pas y voir d'intérêt

Par mail du 4 juillet 2018, adressé à l'architecte, avec copie notamment à M. [Z] [N], M. [E] de la société Gescem, OPC, demande, « 'qui contrôle la bonne exécution des prestations à réaliser par la technique CFO CFA. Je pense aux prestations de mise à la terre et disposition constructive parafoudre et paratonnerre. Cette tâche n'est pas précisée au planning TCE et le représentant du macro lot EOS ne fait pas de visite de chantier' ».

Il ressort du mail de M. [W] du 5 juillet 2018, à Mme [C], RH, que M. [Z] [N] « ne se déplace pas sur chantier car il n'a pas ses EPI sur site ».

Il est ainsi établi que M. [Z] [N] ne faisait pas de visite de chantier, or, il ne peut être soutenu que sa fonction de responsable du pilotage, de la conduite et de la finalisation des chantiers n'incluait pas de visiter le chantier qui lui était confié. Par ailleurs, il lui appartenait de se déplacer avec ses EPI.

Dans un mail du 12 avril 2018, M. [W] supérieur hiérarchique de M. [Z] [N] fait un récapitulatif des échanges de la veille. Il relate les échanges qu'il a eu avec M. [B] (maîtrise d'ouvrage déléguée), « agacé de recevoir des LRAR alors que tu n'étais pas aux réunions depuis trois semaines, je lui ai indiqué que compte tenu des grèves, tu ne pouvais pas y participer et que tu serais là la semaine prochaine'Je t'ai interrogé sur le fait que tu ne sois pas présent aux dernières réunions sur site, tu m'a répondu être présent aux réunions d'études et ne pas être présent, compte tenu des grèves aux réunions sur site « dans la boue » car tu n'y voyais aucun intérêt'je t'ai expliqué ne pas vouloir ne pas envoyer ces 3 LRAR mais qu'avant cette réunion à programmer, je pense que cette action serait une nouvelle fois mal perçue et qu'au sortir de la réunion, nous aviserions. Tu m'as indiqué ne pas vouloir participer à cette réunion et que de toutes les façons, cela faisait trois mois que tout le monde faisait des promesses et que personne ne les tenait' ».

S'il est mentionné sur les comptes-rendus de réunion de chantier des 10, 17 et 24 avril 2018 que M. [Z] [N] est « absent excusé », il ressort du mail du 12 avril 2018, que M. [Z] [N] ne veut pas se rendre aux réunions de chantiers alors même que son supérieur hiérarchique attire son attention sur la nécessité qu'il y participe.

Le salarié ne démontre pas qu'il était légitime à ne pas se rendre à une réunion destinée à apaiser la situation avec le maître de l'ouvrage. Au surplus, ne pas participer à cette réunion alors que son supérieur le lui demande est fautif.

Problématique dans le relationnel, tant en interne qu'en externe :

La société verse aux débats un mail de M. [Z] [N] à M. [A], en date du 9 mars 2018 « [R], on ne comprend rien à ton mail et à ce doc ; à poursuivre les discussions on va faire comme ta liste qui traine avec Nacarat depuis 4 mois' ». Ce seul mail n'établit pas une problématique dans le relationnel en interne.

Il ressort du mail du 12 avril 2018 de M. [W] que M. [Z] [N] estimait judicieux d'expédier des lettres recommandées dès qu'il rencontrait des difficultés avec un intervenant au chantier tandis que son supérieur, M. [W], considérait qu'une réunion était plus pertinente et ce, afin d'éviter de « jeter de l'huile sur le feu » et qu'expédier une lettre risquait d'amener à la situation de « te faire débarquer du projet à la demande de M. [B]. ».

A l'évidence, M. [W] devait faire face à l'agacement du maître de l'ouvrage délégué qui, mécontent du comportement de M. [Z] [N], provoquait « une réunion sous huitaine sur le chantier en présence de tous les acteurs du projet Nacarat, MOE, MOA, EOS, OPC'de manière à remettre à plat la situation et essayer de repartir du bon pied. ». Il faisait remarquer à M. [Z] [N] que participer à une réunion était un moyen efficace et pertinent d'expliquer « ta vision, mettre en avant tes arguments et proposer des solutions constructives pour la suite du projet » et qu'une « réaction en urgence est toujours délicate et te demande à ce que et nous prenions de la hauteur sur les événements afin d'adopter la bonne réponse à chaque problématique (sauf si sécurité et mise en danger de compagnons de salariés bien évidemment) ».

Pour autant, le 25 mai 2018, M. [Z] [N] informait M. [W] avoir eu une « réunion assez houleuse » avec « Nacarat, son AMO FERAL, le MOE mandataire Thalès, les preneurs HPVA et notre BE Fluides [']. Il vous sera sans doute demandé lors d'une réunion programmée le 6 juin prochain à [Localité 6] chez Nacarat que je sois personnellement destitué de la mission de MOE pour me concentrer uniquement sur notre mission Entreprise Lots Fluides. ['] ».

Ensuite, le 4 juillet 2018, M. [E] a adressé un mail à M. [Z] [N] « 'Suite à notre conversation téléphonique de ce matin et le fait que vous me raccrochiez au nez comme on dit, je vous informe que j'ai porté à connaissance de Thalès cette attitude que je n'apprécie guère pour la profession et au regard de la mission que nous a confié Thalès pour l'accompagnement nécessaire à l'ordonnancement pilotage et coordination des travaux de deux macros lots' ».

Ainsi, le 5 juillet 2018, dans un mail à Mme [C], M. [W] a pu faire le constat que le salarié « s'est engueulé avec la quasi-totalité de tous les acteurs du projet ».

La problématique dans le relationnel en externe est ainsi établie, de la part d'un salarié, qui avait été mis en garde par son supérieur hiérarchique.

Finalement, sont établis les griefs de l'absence de visite de chantiers, d'absence de participation à certaines réunions de chantier et la problématique relationnelle en externe.

Le soutien sans faille de son manager, M. [W], ressort notamment du mail de ce dernier du 12 avril, qui retrace tant ses interventions en faveur du salarié afin que la situation s'apaise et ses recommandations afin qu'il poursuive sa mission.

La persistance de la posture du salarié traduit une incompréhension du dossier « [Localité 7] 3.5 » malgré le support de ses collègues et l'accompagnement sans faille de son manager et une inaptitude à remplir sa fonction qui ne ressort pas d'un manque de compétences.

En effet, les mails que le salarié verse aux débats pour illustrer un prétendu manque de compétence de sa part sont des échanges ordinaires entre salariés de la société à propos de l'état d'avancement du chantier, le coût des prestations ou encore l'établissement de documents.

Au regard de la définition de ses fonctions dans son contrat de travail, M. [Z] [N] était compétent pour échanger à ce propos et il n'établit nullement que la société lui aurait confié une mission échappant à ses compétences.

Ainsi, les griefs sont d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Le jugement est confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles seront confirmées.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a laissé la charge des dépens à chacune des parties et M. [Z] [N] sera condamné aux dépens de première instance.

M. [Z] [N], qui succombe en appel, sera condamné aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Dalkia Smart Building, les sommes, non comprises dans les dépens, qu'elle a dû exposer au titre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Dans la limite de la dévolution,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Y ajoutant

CONDAMNE M. [Z] [N] aux dépens de première instance et d'appel ;

DÉBOUTE la société Dalkia Smart Building de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 21/01694
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.01694 ?
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