AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 21/09182 - N° Portalis DBVX-V-B7F-OAOU
Société [5]
C/
CPAM DE L'ISERE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de LYON
du 22 Novembre 2021
RG : 15/758
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 18 JUIN 2024
APPELANTE :
Société [5]
(Assuré : [Y] [V])
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Valéry ABDOU de la SELARL ABDOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
CPAM DE L'ISERE
Service contentieux
[Adresse 1]
[Localité 2]
non comparante, non représentée
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Mai 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Claudiane COLOMB, Greffier placé,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente
- Anne BRUNNER, conseillère
- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 18 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT,Présidente, et par Christophe GARNAUD, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Le 13 mai 2002, [Y] [V] a été engagé par la société [5], prise en son établissement de [Localité 7], en qualité de grutier, et a été mis à la disposition de la société [6].
Le 12 septembre 2014, la société [5] (la société, l'employeur) a établi une déclaration d'accident du travail mortel, survenu le 10 septembre 2014, au préjudice d'[Y] [V] dans les circonstances suivantes : « Monsieur [V] regagnait les vestiaires à la fin de son poste de travail à 18h00. Selon les dires de l'EU, vers 18h50, M. [S] conducteur de travail [6] a retrouvé Monsieur [V] inanimé dans le bungalow sanitaire de cantonnement du chantier ».
La société a émis des réserves sur le caractère professionnel du décès et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la CPAM) a procédé à une enquête administration dont elle a communiqué ses résultats à l'employeur le 2 octobre 2014.
Le 29 décembre 2014, la CPAM a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.
Le 25 février 2014, la société [5] a saisi la commission de recours amiable en contestation de la décision de prise en charge de la CPAM.
Par requête reçue au greffe le 10 avril 2015, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, aux fins de contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Par décision du 1er octobre 2015, la commission de recours amiable a finalement confirmé l'opposabilité à la société [5] de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident mortel dont a été victime [Y] [V].
Par jugement du 22 novembre 2021, le tribunal :
- déclare opposable à la société [5] la décision de reconnaissance par la CPAM du caractère professionnel du décès de [Y] [V] survenu le 10 septembre 2014,
- dit que la procédure est sans frais pour les recours introduits avant le 1er janvier 2019.
Par déclaration enregistrée le 23 décembre 2021, la société a relevé appel de cette décision.
Par ses conclusions reçues au greffe le 3 mai 2024 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, la société demande à la cour de :
- recevoir son recours,
- infirmer le jugement,
- lui déclarer inopposable la décision reconnaissant le caractère professionnel du décès survenu le 10 septembre 2014 de [Y] [V].
La CPAM, bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée du 15 mars 2023, retourné signé le 20 mars 2023, n'a pas comparu. Il sera donc statué par arrêt réputé contradictoire.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LE CARACTERE PROFESSIONNEL DE L'ACCIDENT MORTEL
La société conteste le caractère professionnel de l'accident mortel et oppose, à cet effet :
- sa survenue hors du temps de travail du salarié,
- l'absence de fait générateur et de tout rôle actif du travail de grutier dans le décès,
- l'absence d'enquête auprès des préposés de l'entreprise utilisatrice,
- l'absence d'autopsie pourtant nécessaire au regard des facteurs de risques de cardiopathie et d'AVC (surpoids, tabagisme intensif) de la victime, selon l'enquête de la caisse,
- l'absence de tout élément médical sur les causes du décès.
Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.
En application de ce texte, l'accident qui s'est produit au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail.
Celui qui déclare avoir été victime d'un accident du travail doit établir autrement que par ses simples affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel. Il lui appartient dès lors de rapporter la preuve de la réalité de la lésion ainsi que sa survenance au lieu et au temps du travail, c'est-à-dire celui au cours duquel le salarié se trouve soumis au contrôle et à l'autorité du chef d'entreprise. Toutefois, cette absence de témoins ne peut faire obstacle à la reconnaissance d'un accident du travail dès lors qu'un ensemble de présomptions graves et concordantes permet de corroborer, par des éléments objectifs, les déclarations de la victime ou si les circonstances peuvent expliquer cette absence de témoins et que des éléments de preuve sont apportés.
La présomption d'imputabilité au travail s'applique non seulement à l'accident initial mais à l'ensemble des lésions apparues à la suite de cet accident, lesquelles doivent être prises en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, sous réserve qu'aucun événement extérieur ne soit exclusivement à l'origine de ces évolutions.
De plus, le salarié titulaire d'un mandat représentatif est assimilé à un salarié en mission dès lors que l'activité, même exercée en dehors de l'entreprise, entre dans les fonctions représentatives ou syndicales.
En outre, le simple comportement fautif du salarié ne suffit pas à exclure la qualification d'accident du travail, dès lors que le lien avec le travail n'est pas totalement rompu et que l'assuré est demeuré lors des faits sous la direction et l'autorité de l'employeur.
Il revient ensuite à l'employeur ou la caisse qui entend contester la présomption légale d'imputabilité de prouver l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ou que l'assuré n'était pas, au moment de l'accident, sous l'autorité de l'employeur.
Ici, il est patent que le décès de M. [V] est survenu sur son lieu de travail et alors qu'il se trouvait encore sous l'autorité de son employeur, de sorte que les lésions alléguées médicalement constatées le jour-même de l'accident sont présumées imputables au travail.
Au demeurant, la matérialité de l'accident n'est pas contestée en tant que telle par la société laquelle prétend, en revanche, que le décès trouve son origine dans une cause totalement étrangère au travail, à savoir l'état antérieur du salarié. Il lui appartient de l'établir pour faire échec à la présomption d'imputabilité. Or, elle échoue en cette démonstration.
Le fait que le surpoids et le tabagisme du salarié puissent en effet constituer des facteurs de risque et que l'état de santé du salarié ait pu avoir pour cause des conditions de vie extérieures à son travail ne suffisent pas, en l'absence de tout autre constat, élément de preuve ou soin médical antérieur, à démontrer que la cause du malaise létal est totalement étrangère au travail. Aucun problème de santé avéré n'est démontré. Le médecin-conseil, qui s'est positionné au regard de l'entier dossier médical d'[Y] [V], n'a pas relevé l'existence d'un état pathologique antérieur mais a considéré que le décès était bien imputable au travail.
En l'absence d'élément de nature à caractériser un différend d'ordre médical ou d'élément médical de nature à accréditer l'existence d'une cause propre à renverser la présomption d'imputabilité, et face par ailleurs à la cohérence des pièces produites par la caisse qui sont suffisantes pour trancher le litige soumis à la cour, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'expertise de l'employeur.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens.
La société, qui succombe, supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne la société [5] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE