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18/06/2024 | FRANCE | N°21/09111

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 18 juin 2024, 21/09111


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 21/09111 - N° Portalis DBVX-V-B7F-OAJT





S.A.S.U. AD3



C/

CPAM DE L'ISERE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 10 Novembre 2021

RG : 15/2606















































AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

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COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 18 JUIN 2024









APPELANTE :



S.A.S.U. AD3

(5AT / Mme [X] [J])

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Fanny CAFFIN, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Marine BERTHIER, avocat au barreau de LYON





INTIMEE :



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AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 21/09111 - N° Portalis DBVX-V-B7F-OAJT

S.A.S.U. AD3

C/

CPAM DE L'ISERE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 10 Novembre 2021

RG : 15/2606

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

APPELANTE :

S.A.S.U. AD3

(5AT / Mme [X] [J])

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Fanny CAFFIN, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Marine BERTHIER, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

CPAM DE L'ISERE

Service contentieux

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparante, non représentée

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Claudiane COLOMB, Greffier placé,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Anne BRUNNER, conseillère

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT,Présidente, et par Christophe GARNAUD, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [X] (la salariée) a été engagée par la société [5] (l'employeur, la société), en qualité de lingère, à compter du 10 juin 2013.

Le 21 avril 2015, la société a établi une déclaration d'accident du travail survenu le 20 avril 2015, au préjudice de Mme [X], dans les circonstances suivantes : « Selon les dires de Mme [X], elle prétend qu'elle tirait un chariot de linge lorsqu'elle aurait ressenti une douleur à l'épaule. Elle prétend qu'il était environ 8h30 », déclaration accompagnée d'un certificat médical initial établi le 20 avril 2015 et faisant état d'une « déchirure musculaire intercostale postérieure gauche en regard K7-K8 » nécessitant un arrêt de travail jusqu'au 30 avril 2015.

Suite aux réserves exprimées par l'employeur, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la CPAM) a diligenté une enquête administrative et, le 20 mai 2015, a informé la société de la nécessité de recourir à un délai complémentaire d'instruction.

Le 4 juin 2015, elle l'a informée de la clôture de l'instruction et l'a invitée à consulter les éléments susceptibles de lui faire grief avant le 24 juin 2015, date à laquelle elle comptait prendre sa décision sur le caractère professionnel du sinistre en cause.

Le 24 juin 2015, la CPAM a pris en charge ledit accident au titre de la législation professionnelle.

Le 19 août 2015, la société a saisi la commission de recours amiable aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du 20 avril 2015.

Le 23 novembre 2015, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, aux fins de contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par jugement du 10 novembre 2021, le tribunal a déclaré opposable à la société [5] la décision de prise en charge par la CPAM, au titre de la législation professionnelle, de l'accident dont Mme [X] a été victime le 20 avril 2015.

Par déclaration enregistrée le 22 décembre 2021, la société a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 16 mai 2024 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré,

- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident dont aurait été victime Mme [X] le 20 avril 2015,

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère de l'intégralité de ses demandes.

La CPAM, bien que régulièrement convoquée par courrier recommandé du 18 janvier 2023, retourné signé le 23 janvier 2023, n'a pas comparu. Il sera donc statué par arrêt réputé contradictoire.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LE CARACTERE PROFESSIONNEL DE L'ACCIDENT

Au soutien de son recours, la société argue, à titre principal, du manquement de la caisse au principe de la contradiction (non-transmission d'un questionnaire à l'employeur) et, à titre subsidiaire, du fait que la matérialité de l'accident déclaré n'est pas établie en l'absence de témoin et de fait accidentel traumatique précis. Elle excipe de l'existence d'un état pathologique antérieur à l'origine des douleurs ressenties, résultant d'un précédent vol à l'arraché dont a été victime Mme [X] 1 ou 2 jours plus tôt.

1 ' sur le respect du principe de la contradiction

Vu les articles R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale :

Il résulte de ces articles qu'en cas de réserves motivées de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie, avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie, ou procède à une enquête auprès des intéressés.

La caisse est tenue, lorsqu'elle procède à des mesures d'instruction et avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, d'informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier pendant un certain délai et de la date à laquelle elle prévoyait de prendre sa décision.

A défaut pour la caisse d'avoir informé l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des points susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de venir consulter le dossier et de la date prévisible de la décision à intervenir, la décision de prise en charge est inopposable à l'employeur.

Ici, la société a formulé des réserves motivées sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident, la matérialité de l'accident et une cause étrangère.

Il convient de rappeler qu'à ce stade il n'appartient pas à la société de rapporter la preuve du bien fondé de ses réserves.

La caisse qui en présence de réserves motivées de la part de l'employeur, qui l'y invitait formellement et expressément, a bien procédé à une instruction préalable en diligentant une enquête administrative

Ainsi, la cour adopte la motivation pertinente du premier juge sur le respect par la caisse du principe du contradictoire et rejette le moyen d'inopposabilité soulevé à ce titre par la société.

Il échet simplement d'ajouter que la caisse a dûment avisé l'employeur de la fin de l'instruction, de la possibilité de consulter le dossier pendant un certain délai et de la date à laquelle elle prévoyait de prendre sa décision sans que la société ne précise quels éléments recueillis susceptibles de lui faire grief n'auraient pas été portés à sa connaissance. Il n'est pas établi que la salariée aurait, contrairement à l'employeur, été destinataire d'un questionnaire ni qu'une instruction aurait été diligentée sous forme d'enquête.

La CPAM a respecté les dispositions de l'article R. 441-11 précité de sorte que le moyen tiré du manquement au principe de la contradiction doit être rejeté.

2- Sur la matérialité de l'accident

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.

En application de ce texte, l'accident qui s'est produit au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail.

Celui qui déclare avoir été victime d'un accident du travail doit établir autrement que par ses simples affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel. Il lui appartient dès lors de rapporter la preuve de la réalité de la lésion ainsi que sa survenance au lieu et au temps du travail, c'est-à-dire celui au cours duquel le salarié se trouve soumis au contrôle et à l'autorité du chef d'entreprise. Toutefois, cette absence de témoins ne peut faire obstacle à la reconnaissance d'un accident du travail dès lors qu'un ensemble de présomptions graves et concordantes permet de corroborer, par des éléments objectifs, les déclarations de la victime ou si les circonstances peuvent expliquer cette absence de témoins et que des éléments de preuve sont apportés.

En outre, le simple comportement fautif du salarié ne suffit pas à exclure la qualification d'accident du travail, dès lors que le lien avec le travail n'est pas totalement rompu et que l'assurée est demeurée lors des faits sous la direction et l'autorité de l'employeur.

Il revient ensuite à l'employeur ou la caisse qui entend contester la présomption légale d'imputabilité de prouver l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ou que l'assuré n'était pas, au moment de l'accident, sous l'autorité de l'employeur.

En l'espèce, s'agissant de la matérialité de l'accident déclaré et de son caractère professionnel, la cour relève que la société a exprimé, le 21 avril 2015, des réserves motivées en ces termes :

« Nous contestons les circonstances de l'accident du travail de Madame [X] [J] du lundi 20 avril 2015 pour les motifs suivants : Madame [X] nous a indiqué qu'elle souffrait de l'épaule depuis quelque temps. Aussi les lésions présentées par la victime s'apparentent à une maladie caractérisée par une apparition lente et progressive : sensation de malaise, et à un état pathologique préexistant et non à un accident. L'accident allégué n'a eu lieu en présent d'aucun témoin et n'a été rapporté que sur les seuls dires de notre salarié ».

Or, la cour rappelle que l'absence de témoin est inopérante à écarter l'application de la présomption d'imputabilité si les circonstances l'expliquent et s'il existe un ensemble de présomptions graves et concordantes permettant de corroborer, par des éléments objectifs, les déclarations de la victime, ce qui est le cas en l'espèce. En effet, l'accident litigieux est survenu à 8h30 au temps et au lieu du travail ; ses circonstances sont précisément détaillées dans la déclaration d'accident du travail, cohérentes avec les missions contractuelles de la salariée ; de même, les lésions à l'épaule gauche médicalement constatées le jour-même des faits viennent corroborer les circonstances de l'accident telles que relatées par la salariée.

La présomption d'imputabilité a donc vocation à s'appliquer et l'employeur ne rapporte pas la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, étant rappelé que l'aggravation, due entièrement à un accident du travail, d'un état pathologique antérieur n'occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée en sa totalité au titre de l'accident du travail. En l'occurrence, le vol à l'arraché allégué par la société, outre le fait qu'il n'est pas établi, est donc sans emport de même que le certificat médical du 1er juillet 2015 mentionnant une nouvelle lésion.

En conséquence, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'inopposabilité de la société.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision attaquée sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens.

L'abrogation, au 1er janvier 2019, de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale. Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l'espèce, la procédure ayant été introduite en 2015, il n'y avait pas lieu de statuer sur les dépens de première instance.

La société, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives aux dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,

Condamne la société [5] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 21/09111
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.09111 ?
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