La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2024 | FRANCE | N°24/04884

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 15 juin 2024, 24/04884


N° RG 24/04884 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PXGF



Nom du ressortissant :

[T] [E]





PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE



C/

[E]

PRÉFET DE L'ISERE





COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT











ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 15 JUIN 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers







Nous, Anne DU BESSET, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de

madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvier 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des é...

N° RG 24/04884 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PXGF

Nom du ressortissant :

[T] [E]

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

C/

[E]

PRÉFET DE L'ISERE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 15 JUIN 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Anne DU BESSET, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvier 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Cécile BERNARD, greffier,

En présence du ministère public, représenté par Laurence CHRISTOPHLE, substitut, près la cour d'appel de Lyon,

En audience publique du 15 Juin 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de judiciaire de Lyon

représenté par le parquet général de Lyon

ET

INTIMES :

M. [T] [E]

né le 23 Juin 1995 à [Localité 1]

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [2]

comparant, assisté de Maître Noémie FAIVRE, avocat au barreau de LYON, et avec le concours de Madame [R] [M], interprète en langue arabe experte près la cour d'appel de LYON

et

M. LE PREFET DE L'ISERE

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître RENAUD AKNI Cherryne, avocat au barreau de LYON substituant Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l'affaire en délibéré au 15 Juin 2024 à 15 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pendant un an a été notifiée à [T] [E] le 12 juin 2024 par le préfet de l'ISERE.

Par décision en date du 11 juin 2024, l'autorité administrative a ordonné le placement de [T] [E] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire à compter du 11 juin 2024.

Suivant requête du 12 juin 2024, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le même jour à 14 heures 21, le préfet de l'ISERE a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 13 juin 2024 à 17 heures 19 a :

' déclaré irrégulière la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de [T] [E],

' ordonné sa remise en liberté ,

' dit n'y avoir lieu à statuer sur la requête en prolongation de sa rétention.

Le ministère public a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 13 juin 2024 à 18 heures 05, avec demande d'effet suspensif qui lui a été accordé par ordonnance du 14 juin 2024 à 12 heures, en faisant valoir que le juge des libertés et de la détention ne peut pas, ainsi qu'il l'a fait, soulever d'office la prétendue irrégularité du placement en rétention administrative, sauf à méconnaître la loi et sa compétence ; que le juge des libertés et de la détention ne peut pas non plus substituer sa propre motivation à celle de la préfecture ; et que le placement en rétention était en toutes hypothèses régulier et que le retenu ne présente aucune garanties de représentation.

Il a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et qu'il soit fait droit à la requête de la préfecture en prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 15 juin 2024 à 10 heures 30.

[T] [E] a comparu, assisté d'un interprète et de son avocat.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions pour soutenir les termes de la requête d'appel, soulignant que le juge des libertés et de la détention était saisi uniquement d'une requête de la préfecture et non d'une requête en contestation du placement en rétention du retenu et qu'il ne pouvait donc soulever d'office en méconnaissance de la loi, de sa compétence et même du principe du contradictoire des moyens tirés de la prétendue irrégularité du placement. Il a demandé en conséquence l'annulation de l'ordonnance et qu'il soit fait droit à la requête en prolongation de la préfecture.

Le préfet de l'ISERE, représenté par son conseil, s'est joint aux réquisitions, ajoutant que l'adresse fournie est celle de la victime des violences conjugales commises par le retenu (faits pour lesquels il est convoqué en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité).

Le conseil de [T] [E] a été entendu en sa plaidoirie aux fins de confirmation de l'ordonnance entreprise, faisant valoir que des irrégularités ont été soulevées d'office par le juge des libertés et de la détention et constatées et que l'intéressé présente des garanties de représentation, étant marié avec deux enfants, reconnaissant les violences sur son conjoint et toute sa famille étant près de Péage de [Localité 3].

[T] [E] a déclaré subvenir aux besoins de sa famille, que sa femme a porté plainte juste pour lui faire peur et lui a dit avoir retiré sa plainte, et qu'il n'a jamais eu de problème avant, étant travailleur.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que l'appel du ministère public a déjà été déclaré recevable ; 

Sur la régularité du placement en rétention

Attendu que le premier juge dans sa décision a déclaré la procédure irrégulière aux motifs de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen loyal et sérieux de la situation du retenu et de deux erreurs manifestes d'appréciation, sur le fondement de l'article L. 743-12 du CESEDA et au visa de l'arrêt rendu par la Cour de Justice de l'Union européenne le 8 novembre 2022 ;

Attendu que cette décision de la la Cour de Justice de l'Union européenne n'a pas dit pour droit que le juge des libertés et de la détention disposait nécessairement de la faculté de se saisir d'office du contrôle de la légalité de l'arrêté de placement en rétention en l'absence de saisine par la personne placée en rétention ;

Attendu que l'article L. 743-12 du CESEDA dispose que : 'En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.' ; que s'il en résulte que le juge peut soulever d'office une irrégularité, force est de rappeler qu'il doit le faire dans le respect du principe du contradictoire et qu'il ne peut ordonner la remise en liberté, que si l'irrégularité constatée n'a pas été régularisée et a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger ;

Attendu qu'en l'espèce, il résulte de la note d'audience de première instance, que le juge des libertés et de la détention a mis dans les débats qu'il soulevait d'office une irrégularité tirée du défaut de motivation et de l'erreur manifeste d'appréciation sur la menace à l'ordre public et sur les garanties de représentation, ce qui a permis aux parties de faire valoir leurs observations ;

Attendu toutefois que le juge des libertés et de la détention a estimé à tort le placement en rétention irrégulier, en ce que ne sont pas caractérisés et établis :

-l'insuffisance de motivation et le défaut d'examen loyal et sérieux de la situation du retenu, étant invoqués à suffisance par la préfecture dans sa décision le maintien sur le territoire depuis 2022, l'absence de pièce d'identité remise, l'existence d'attaches familiales en Algérie où seraient ses parents et son fils mineur, et la menace à l'ordre public en raison de deux interpellations, l'une en août 2023 pour conduite sans permis et sans assurance et l'autre le 11 juin 2024 pour violences conjugales, faits reconnus en garde à vue et qui mettent à mal l'argument de la stabilité familiale, l'existence d'une précédente obligation de quitter le territoire français non respectée n'étant pas exigée ;

- les deux erreurs manifestes d'appréciation, compte tenu de la menace à l'ordre public caractérisée par les éléments précités, et de l'absence corrélative de garanties de représentation suffisantes, le domicile invoqué étant celui de la victime des violences conjugales, peu important à cet égard que ces faits - reconnus - ne soient pas encore jugés et fassent l'objet d'une convocation en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ; étant ajouté que cette reconnaissance des faits est au demeurant sujette à caution, le retenu ayant indiqué devant la cour que sa femme avait porté plainte 'juste pour lui faire peur' et qu'elle lui avait dit avoir retiré sa plainte ;

et en ce qu'il n'apparaîtrait pas, en toutes hypothèses, que l'irrégularité qui découlerait de ces éléments aurait eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger, celui-ci n'ayant pas de lui-même saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête aux fins de contester la régularité de son placement en rétention et ne l'alléguant semble-t-il qu'à l'occasion lors des débats du relevé d'office du moyen par ce magistrat ;

Attendu en conséquence que la décision du premier juge est annulée ;

Attendu que la procédure est régulière ; que la préfecture a saisi les autorités consulaires pour obtenir un laissez-passer ; que ces diligences sont justifiées ; qu'il est fait droit à la requête de la préfecture et que la rétention est prolongée pour 28 jours ;

PAR CES MOTIFS

Annulons l'ordonnance déférée,

Statuant par effet dévolutif,

Déclarons la procédure régulière,

Ordonnons la prolongation de la rétention administrative de [T] [E] pour une durée de 28 jours.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Cécile BERNARD Anne DU BESSET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/04884
Date de la décision : 15/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-15;24.04884 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award