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14/06/2024 | FRANCE | N°21/04777

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 14 juin 2024, 21/04777


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/04777 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NVFZ





Société RGS - RECYCLAGE GRAVATS SERVICES SARL



C/

[B]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 17 Mai 2021

RG : F 16/03116











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 14 JUIN 2024







APPELANTE :



Société RGS - RECYCLAGE GRAVATS SERVICES


[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON,et ayant pour avocat plaidant Me Flore PATRIAT de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[I] [B]

né le 2 mai 1969 à [Loca...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/04777 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NVFZ

Société RGS - RECYCLAGE GRAVATS SERVICES SARL

C/

[B]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 17 Mai 2021

RG : F 16/03116

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 14 JUIN 2024

APPELANTE :

Société RGS - RECYCLAGE GRAVATS SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON,et ayant pour avocat plaidant Me Flore PATRIAT de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[I] [B]

né le 2 mai 1969 à [Localité 4] (Sénégal)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Audrey MARION, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Mars 2024

Présidée par Régis DEVAUX, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, Présidente

- Catherine CHANEZ, Conseillère

- Régis DEVAUX, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Recyclage Gravats Services (RGS) a pour activité la collecte, le tri, le conditionnement et la valorisation des déchets industriels, et fait application de la convention collective nationale des industries et du commerce de la récupération (IDCC 637).

Elle a embauché M. [I] [B] le 12 octobre 2012, en qualité d'ouvrier trieur, suivant contrat à durée déterminée à temps plein, dont le terme était fixé au 28 octobre 2012. Suite à un avenant signé le 4 décembre 2012, la relation s'est poursuivie, toujours dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, du 5 décembre 2012 au 29 mars 2013 puis, suivant contrat à durée indéterminée à compter du 2 avril 2013.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 octobre 2015, la société RGS a convoqué M. [B] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 novembre et lui a notifié la prolongation de la mise à pied à titre conservatoire dont il avait été informé oralement le 23 octobre 2015 (selon l'indication portée dans l'employeur dans le courrier de convocation). Par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 novembre 2015, la société Recyclage Gravats Services a licencié M. [B] pour faute grave.

Par requête reçue au greffe le 23 septembre 2016, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et de réclamer le paiement de la prime conventionnelle de vacances.

Par jugement du 17 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit que le licenciement prononcé par la société Recyclage Gravats Services à l'encontre de M. [I] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- en conséquence, condamné la société Recyclage Gravats Services à payer à M. [I] [B] les sommes suivantes :

3 626,86 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 362,68 euros de congés payés afférents,

1 049,80 euros à titre d'indemnité de licenciement,

12 700 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 248,86 euros à titre de rappel de prime de vacances, outre 124,88 euros de congés payés afférents,

1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- donné acte à Maître [Z] [U] de ce qu'elle s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si, dans les 12 mois du jour où la décision à intervenir est passée en force de chose jugée, elle parvient à recouvrer auprès de la société Recyclage Gravats Services la somme allouée et si cette somme est supérieure à l'indemnité qui aurait été versée au titre de l'aide juridictionnelle ;

- ordonné la capitalisation de ses intérêts ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société Recyclage Gravats Services aux dépens.

Le 31 mai 2021, la société Recyclage Gravats Services a enregistré par voie électronique une déclaration d'appel à l'encontre de ce jugement, précisant critiquer toutes ses dispositions.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2022, la société RGS demande à la Cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 17 mai 2021 en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau, de :

- dire que le licenciement de M. [I] [B] est fondé sur une faute grave,

- débouter M. [I] [B] de l'ensemble de ses demandes,

- prendre acte qu'elle reconnaît devoir à M. [I] [B] la somme de 15,59 euros au titre de la prime de vacances,

A titre subsidiaire,

- réduire le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal, soit 10 880,58 euros,

En tout état de cause,

- débouter M. [I] [B] de sa demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- condamner M. [I] [B] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [I] [B] aux dépens.

La société RGS soutient que le licenciement de M. [B] pour faute grave est justifié du fait, d'une part, de la commission par celui-ci du vol de produits issus du tri effectué sur son lieu de travail, malgré l'avertissement qui lui avait d'ores et déjà été notifié en ce sens, et, d'autre part, en raison du non-respect par le salarié de sa période de mise à pied à titre conservatoire. Par ailleurs, elle affirme qu'elle a versé une prime de vacances à M. [B], dont le montant a été calculé conformément à l'article 67 bis de la convention collective, par référence à la période allant du 1er juin 2014 au 31 mai 2015, sauf à ajouter 15,59 euros, et ajoute qu'il convient de prendre en compte la gratification versée au salarié en décembre 2014.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 novembre 2021, M. [I] [B], intimé, demande pour sa part à la Cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon sauf en ce qu'il lui a accordé la somme de 12 700 euros à titre de dommages et intérêts, et, statuant à nouveau, de :

- condamner la société Recyclage Gravats Services à lui payer les sommes de :

14 507,44 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, à tout le moins, 10 880,58 euros

3 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- condamner la société Recyclage Gravats Services aux dépens.

M. [B] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, dans la mesure où son employeur, sur qui repose la charge de la preuve, ne précise pas la nature des marchandises qu'il l'accuse d'avoir volées et où, au demeurant, il n'a jamais récupéré de marchandises de sa propre initiative mais uniquement parce qu'il avait été autorisé à le faire. De même, M. [B] souligne que son employeur ne démontre pas qu'il se fût présenté sur son lieu de travail au cours de la période de mise à pied conservatoire. Il sollicite par ailleurs le versement d'un rappel sur la prime de vacances due en 2015, car la société RGS n'a pas appliqué correctement les dispositions conventionnelles pour calculer le montant de celle-ci et n'établit pas que la gratification versée en décembre 2014 correspondait à un treizième mois.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

La clôture de la procédure de mise en état était ordonnée le 13 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la demande en rappel de la prime conventionnelle de vacances

En droit, l'article 67 bis de la convention collective, dans sa rédaction issue de l'accord du 21 mai 2015, étendu par arrêté du 7 avril 2016, au sujet de laquelle la société RGS conclut qu'elle est applicable à l'espèce, énonce que « la prime de vacances est calculée en fonction du nombre d'heures de travail effectif réalisées par le salarié, sur une période de 12 mois comprise entre le 1er juin et le 31 mai de l'année écoulée.

Le taux de l'indemnité horaire est égal à : valeur du salaire minima conventionnel, premier niveau - premier échelon, au 31 mai de l'année en cours divisé par 1 820 heures.

Le montant de la prime de vacances est égal au produit du taux ainsi obtenu avec le nombre d'heures de travail effectif réalisées par le salarié sur la période de référence précisée ci-dessus.

Pour satisfaire à l'obligation de versement du montant de la prime de vacances, il est pris en compte, durant la période de référence, le cumul de l'ensemble des primes et gratifications versées quelle que soit leur dénomination et présentant un caractère collectif, répétitif, consacré par un accord collectif, par l'usage ou un engagement unilatéral, à l'exception :

- des primes liées à l'activité de l'entreprise comme les primes de production, rendement

- des sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation.

Lesdites primes conservent leur mode de calcul et leur périodicité de versement.

Si le montant des primes et gratifications déjà versées par l'entreprise pendant la période de référence est égal ou supérieur au montant de la prime de vacance, l'obligation de versement est remplie et la prime de vacances n'a donc pas lieu d'être ».

En l'espèce, les parties s'accordent pour conclure que, sur la période allant du 1er juin 2014 au 31 mai 2015, M. [B] a effectué un total de 1 963,63 heures de travail effectif. La valeur du salaire minimal conventionnel, premier niveau - premier échelon était, au 31 mai 2015 et en application de l'accord du 17 septembre 2014, de 1479,77 euros,

Ainsi, le montant de la prime de vacances due à M. [B], pour la période allant du 1er juin 2014 au 31 mai 2015, s'élevait à : (1479,77 / 1820) x 1963,63 = 1596,54 euros.

La société RGS a versé à M. [B], au titre du mois de juin 2015 et pour cette même période de référence, une prime de vacances de 347,68 euros.

Par ailleurs, la société RGS avait payé à M. [B] une gratification, de 1 371,25 euros, au titre du mois de décembre 2014. Elle verse aux débats les bulletins de paye délivrés pour les mois de décembre 2012, 2013 et 2014 à plusieurs salariés, autres que M. [B] (pièces n° 4-3 à 4-5 de l'appelante).

Si ces bulletins de paye mentionnent le paiement d'une gratification, la société RGS a effacé, sur les copies produites, tous les montants correspondants.

Surtout, la société RGS n'indique pas si le versement de cette gratification était consacré par l'usage ou un engagement unilatéral, elle ne précise pas son mode de calcul et ne démontre pas que cette gratification n'était pas une prime liée à l'activité de l'entreprise.

En conséquence, le montant de la gratification n'a pas être pris en compte au cours de l'examen du respect de l'obligation de versement de la prime de vacances ; il reste dû à M. [B], au titre de la prime de vacances : 1596,54 ' 347,68 = 1 248,86 euros.

La prime de vacances ne rémunérant pas du temps de travail effectif ou assimilé, son paiement ne crée pas un droit à congés payés.

Le jugement déféré sera confirmé, en ce qu'il a condamné la société RGS à payer à M. [B] 1 248,86 euros à titre de rappel de prime de vacances, et infirmé en ce qui concerne la condamnation à payer 124,88 euros de congés payés afférents.

2. Sur le bien-fondé du licenciement

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Aux termes de l'article L. 1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n'est pas nécessaire. L'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs. Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce.

Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

En outre, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, la lettre de licenciement adressée le 18 novembre 2015 à M. [I] [B] est rédigée dans les termes suivants :

« (') Nous faisons suite à notre entretien préalable du jeudi 12 novembre 2015 à 11 heures et à votre courrier recommandé avec AR du 1er novembre 2015 et nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave. Nous vous en rappelons les motifs :

Le vendredi 23 octobre 2015, j'ai pris la peine de réunir l'ensemble du personnel de tri ainsi que les chauffeurs afin d'inaugurer les nouveaux locaux, de pause, de restauration et de vestiaire.

A l'occasion de cette réunion à laquelle vous étiez présent, j'ai pris la peine de rappeler l'interdiction formelle de récupérer quelques marchandises que ce soient en provenance de nos clients auprès desquels nous récupérons des déchets les plus divers.

J'avais pris la peine de préciser que ce principe ne pouvait souffrir d'exception qu'à l'initiative de la direction représentée par M. [G] [T] en qualité de chef d'équipe de la zone de tri.

Or, par plus tard que le lundi 26 octobre 2015 en fin de journée, je vous ai personnellement surpris dans les vestiaires en possession de marchandises récupérées de votre propre initiative et j'ai pu constater que votre vestiaire était ouvert et rempli de marchandises issues du tri alors que ce même vestiaire était vide la semaine dernière pour les besoins du nouvel aménagement.

Dans votre courrier, vous nous indiquez que ce serait [S] de la société CAP VALO qui vous a remis l'ensemble de ces marchandises. Une telle tentative d'explication est irrecevable car allant directement à l'encontre du principe rigoureux d'interdiction de toute récupération de toutes marchandises que ce soient en provenance de notre clientèle tel qu'il est applicable dans notre entreprise. En outre, j'ai pu constater moi-même que bon nombre de ces marchandises ne provenaient pas de notre cliente la société CAP VALO.

Egalement, par courrier recommandé avec AR du 13 février 2013, nous avions pris la peine de vous mettre en garde pour des faits similaires.

Enfin, il convient de relever également le comportement gravement fautif d'insubordination dont vous avez fait preuve le mardi 27 octobre à 7h00 en refusant de quitter l'entreprise afin de vous conformer à la mise à pied à caractère conservatoire qui venait de vous être à nouveau notifiée par votre responsable.

En dépit de nos demandes répétées, vous avez persisté à travailler pendant toute la journée du mardi 27 octobre. Vous avez exigé une copie de votre convocation à l'entretien préalable avant d'accepter de vous conformer à la mise à pied à titre conservatoire verbalement notifié le lundi 26 octobre 2015 au soir.

De même, enfin le lundi 26 novembre 2015 à 8h30, vous vous êtes à nouveau présenté à l'entreprise alors que M. [R] [E] à l'issue de l'entretien préalable du jeudi 12 novembre 2015 avait pris soin de vous préciser les différentes étapes de la procédure et notamment le délai de réflexion nécessaire avant toute prise de décision.

Face à de tels constats, nous ne pouvons envisager la poursuite de notre collaboration, même pendant le temps d'un quelconque préavis ['] ».

Ainsi, la société Recyclage Gravats Services a justifié le licenciement de M. [I] [B] en invoquant à son encontre des griefs de deux ordres :

- le 26 octobre 2015, pour avoir été surpris, dans les vestiaires, en possession de marchandises issues du tri et récupérées de sa propre initiative, et pour avoir en outre stocké des marchandises également issues du tri dans son casier personnel ;

- le 27 octobre 2015, pour s'être présenté et maintenu à son poste de travail malgré la notification d'une mise à pied conservatoire.

S'agissant du premier grief, la société RGS conclut que son directeur, M. [D] [N], a, le 26 octobre 2015, en fin de journée, surpris M. [B] dans les vestiaires de l'entreprise en possession de marchandises valorisables, issues du tri pratiqué sur le site, notamment des ceintures, des câbles électriques, des bibelots, des denrées alimentaires, des vêtements.

M. [A] [H], directeur d'agence RGS, atteste que, le 26 octobre 2015, il a été avisé par M. [N] du fait que celui-ci avait vu M. [B] rentrer dans les vestiaires, chargé d'un carton et d'un sac, remplis de marchandises volées à l'occasion de l'accomplissement de sa tâche de tri. M. [H] indique qu'il s'est rendu personnellement dans les vestiaires et qu'il a vu, dans le casier de M. [B], deux cartons remplis de ceintures et un sac de câbles de cuivre (pièce n° 5-19 de l'appelante).

M. [B] ne conteste pas s'être retrouvé en possession de cartons contenant diverses marchandises mais il affirme les avoir reçus de la part du prénommé [S], salarié de la société Cap Valo, identifié comme étant M. [S] [O]. Il verse aux débats trois attestations, rédigées par des collègues de travail.

M. [L] [M] atteste pour sa part que c'est un dénommé M. [Y] qui est venu le 26 octobre 2015, vers 16 h, et qui a donné un petit carton contenant des ceintures, que les salariés pouvaient se partager entre eux. Il précise que le « chef [W] » a donner l'autorisation pour qu'il soit procédé à ce partage (pièce n°2-3 de l'intimé).

M. [X] [J] explique, dans son attestation, que « [I] [B] n'a pas volé de marchandises », car c'est un chauffeur prénommé [S] qui a donné les ceintures, pour que les salariés se les partagent. Leur chef leur avait d'ailleurs donné son autorisation, après avoir pris sa part (pièce n°2-4 de l'intimé).

M. [X] [K] affirme également que, le 26 octobre 2015, le dénommé [S] est venu au début vers 15 h 50, il a donné des ceintures à M. [B] pour qu'il les partage avec les autres salariés, ce que ce dernier a fait avec l'autorisation du « chef [W] » (pièce n°2-5 de l'intimé).

La Cour note que les auteurs de ces attestations n'évoquent qu'un carton rempli de ceintures, alors que M. [N] et M. [H] affirment que M. [B] était en possession, en outre, d'un sac contenant des câbles électriques.

M. [S] [O] conteste la version des faits présentée par M. [B] et affirme au contraire qu' « en tant que chauffeur poids lourds, j'étais très souvent amené à vider des déchets industriels et recyclables sur les différents sites du groupe RDS. J'ai toujours vu les consignes de non autorisation de trier de valeurs marchandes, de récupérer des objets ou matériaux. Etant client de la société RDS j'ai toujours vu ces interdictions. Je n'ai jamais donné de matières ou d'objet au personnel de RDS sur leurs sites » (pièce n° 5-21 de l'appelante).

La société RGS précise qu'il n'existe, au sein de son personnel, aucun salarié du nom de « [W] » tel qu'évoqué par MM. [M] et [K], et qu'il s'agit en réalité de M. [P] [F], trieur et conducteur polyvalent, placé sous la subordination de M. [T] [G], qui n'avait donc pas qualité pour délivrer une quelconque autorisation de récupération des déchets.

Par ailleurs, la société RGS fait valoir que M. [B] avait une parfaite connaissance de l'interdiction générale de récupérer des marchandises puisque celle-ci figure à l'article 7 de son contrat de travail à durée indéterminée, qui lui fait interdiction de prélever des marchandises dans les bennes, compacteurs et zones de tri, pour son compte personnel (pièce n° 1-3 de la société).

Le 13 février 2013, M. [B] a fait l'objet d'un avertissement de la part de son employeur, rédigé en ces termes : « au mépris des multiples consignes verbales et écrites, j'ai constaté que vous persistez à prélever des marchandises dans les bennes de nos clients. Cette situation est d'autant plus inadmissible que vous avez cessé le travail afin d'une part d'effectuer vos prélèvements et d'autre part pour boire un café. Je tiens tout particulièrement à vous mettre en garde et vous rappeler qu'il est formellement interdit de récupérer des marchandises dans les bennes de nos clients. Ce courrier est la notification d'un ultime avertissement solennel. A l'avenir, si de tels faits venaient à se reproduire nous engagerons immédiatement une rupture de notre collaboration » (pièce n° 2-1 de l'appelante).

En outre, l'employeur indique qu'une réunion avait été organisée le 23 octobre 2015 à 14 heures, à laquelle M. [B] était présent (ainsi qu'il résulte de la pièce n° 2-5 de l'intimé), afin notamment de rappeler certaines règles : plusieurs salariés attestent qu'à cette occasion, M. [D] [N], directeur du groupe, a ainsi rappelé l'interdiction de voler des marchandises issues de l'exploitation chargée du tri, sauf autorisation exceptionnelle de M. [T] [G], chef d'équipe de la zone de tri (pièces n° 5-1, 5-2, 5-3 de l'appelante). M. [P] [F] confirme qu'au cours de cette réunion, M. [N] a répété qu'il était interdit aux salariés de prendre des produits dans les bennes de tri (pièce n°2-6 de l'intimé).

Ainsi, il est démontré que M. [B] avait parfaitement connaissance de l'interdiction de prélèvement des produits pris en charge dans la zone de tri, celui-ci ayant notamment déjà été sanctionné pour de tels faits, sauf autorisation exceptionnelle de M. [T] [G], ce qu'il ne démontre pas.

S'agissant de son comportement du 26 octobre 2015, qui lui est reproché dans la lettre de licenciement, la société RGS démontre que M. [B] a été découvert, dans les vestiaires de

l'entreprise, en possession en particulier d'un sac contenant des câbles électriques, sans que le salarié n'apporte d'explication à ce sujet.

Ainsi, M. [B] a appréhendé, sur son lieu de travail, des marchandises sans pouvoir justifier du droit de les détenir.

Ce comportement, en contradiction avec l'interdiction prévue par le contrat de travail et rappelée directement par l'employeur lors de la réunion qui s'est tenue trois jours plus tôt, constitue une violation des obligations découlant des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'analyser les autres griefs invoqués par l'employeur, le licenciement de M. [B] pour faute grave est parfaitement fondé. Le jugement déféré sera infirmé en conséquence.

3. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [B], partie perdante, sera condamné aux dépens de l'instance d'appel. Sa demande en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, concernant seulement les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, sera rejetée. Pour un motif tiré de l'équité, la demande de la société RGS en application de l'article 700 du code de procédure civile sera également rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement rendu le 17 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Lyon, en ses dispositions déférées, sauf en ce qu'il a condamné :

- la société Recyclage Gravats Services à payer à M. [I] [B] la somme de 1 248,86 euros au titre de rappel de prime de vacances et 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la société Recyclage Gravats Services aux dépens ;

Statuant sur les dispositions infirmées et ajoutant,

Rejette la demande de M. [I] [B] en paiement de la somme de 124,88 euros de congés payés afférents au rappel de prime de vacances ;

Dit que le licenciement de M. [I] [B] pour faute grave est fondé ;

Rejette toutes les demandes de M. [I] [B] relatives à la rupture de son contrat de travail ;

Condamne M. [I] [B] aux dépens de l'instance d'appel ;

Rejette la demande de M. [I] [B] en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Rejette la demande de la société Recyclage Gravats Services en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 21/04777
Date de la décision : 14/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-14;21.04777 ?
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