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13/06/2024 | FRANCE | N°24/04803

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 13 juin 2024, 24/04803


R.G : N° RG 24/04803 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PXAF



Nom du ressortissant :

[C] [S]





[S]

C/

PREFECTURE DU RHONE



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT





ORDONNANCE DU 13 JUIN 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers







Nous, Marianne LA MESTA, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 04 janvier 2024 pour statuer sur les procédures ouve

rtes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,



Assistée de Manon CHINC...

R.G : N° RG 24/04803 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PXAF

Nom du ressortissant :

[C] [S]

[S]

C/

PREFECTURE DU RHONE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DU 13 JUIN 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Marianne LA MESTA, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 04 janvier 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Manon CHINCHOLE, greffier,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 13 Juin 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [C] [S]

né le 04 Juin 1994 à [Localité 1] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 3]

comparant, assisté de Maître Sandrine RODRIGUES, avocat au barreau de LYON, commis d'office

ET

INTIME :

MME La PRÉFETE DU RHONE

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Cherryne RENAUD AKNI, avocat au barreau de LYON substituant Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l'affaire en délibéré au 13 Juin 2024 à 15 heures 30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 28 mars 2024, la préfète du Rhône a ordonné le placement en rétention d'[C] [S] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour l'exécution d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire français pendant une durée de 10 ans prononcée le 22 septembre 2020 par le tribunal correctionnel de Lyon.

A la même date, l'autorité administrative a pris une décision fixant le pays de renvoi.

Par ordonnances des 30 mars 2024, 27 avril 2024 et 27 mai 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a prolongé la rétention administrative d'[C] [S] pour des durées successives de vingt-huit, trente jours et quinze jours.

Suivant requête du 10 juin 2024, enregistrée le jour-même à 14 heures 57 par le greffe, la préfète du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une dernière prolongation exceptionnelle de la rétention d'[C] [S] pour une durée de quinze jours.

Dans la perspective de l'audience, le conseil d'[C] [S] a déposé des conclusions aux fins de remise en liberté.

Dans son ordonnance du 11 juin 2024 à 15 heures 25, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a fait droit à la requête de la préfète du Rhône.

Le conseil d'[C] [S] a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 12 juin 2024 à 11 heures 02, en excipant du caractère insuffisant des diligences de l'administration en vue de la mise en oeuvre de la mesure d'éloignement. Il fait également valoir que la situation de l'intéressé ne répond pas aux conditions posées par l'article L. 742-5 du CESEDA, puisque l'inexécution de la mesure d'éloignement ne résulte pas, à ce stade, du défaut de délivrance des documents de voyages par le consulat saisi, mais uniquement de l'absence d'obtention d'un routing, et que la préfecture ne peut se fonder sur des faits commis antérieurement aux 15 derniers jours de la rétention pour caractériser la menace pour l'ordre public.

Il demande en conséquence l'infirmation de l'ordonnance déférée et la remise en liberté d'[C] [S].

Les parties ont régulièrement été convoquées à l'audience du 13 juin 2024 à 10 heures 30.

[C] [S] a comparu assisté de son avocat.

Le conseil d'[C] [S], entendu en sa plaidoirie, a soutenu les termes de la requête d'appel.

La préfète du Rhône, représentée par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.

[C] [S], qui a eu la parole en dernier, explique qu'il souhaite sortir pour voir sa fille et ensuite quitter la France avec sa famille par ses propres moyens.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel d'[C] [S], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), est déclaré recevable.

Sur le bien-fondé de la requête en prolongation

L'article L. 741-3 du CESEDA énonce qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

L'article L. 742-5 du même code dispose que :« A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours. ».

En l'espèce, le conseil d'[C] [S] soutient dans sa requête écrite d'appel :

- d'une part, qu'il existe un manque de diligences de la part de l'autorité préfectorale, ne ce qu'elle n'a demandé un routing que 3 jours après l'accord donné par les autorités algériennes de délivrance d'un laissez-passer et ne justifie pas avoir envoyé ledit routing au consulat algérien,

- d'autre part, que les conditions de l'article L. 742-5 précité ne sont pas réunies, dès lors la prolongation doit être fondée sur le défaut de délivrance des documents de voyage et non sur l'absence d'émission d'un routing par l'autorité administrative et le texte exige que la menace pour l'ordre public résulte d'un comportement survenu dans les 15 derniers jours de sa rétention, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence, puisque la décision du premier juge est fondée sur des faits antérieurs.

Il ressort de l'analyse des pièces du dossier, et notamment de la requête en prolongation formalisée par la préfète du Rhône :

- qu'[C] [S] est dépourvu de tout document d'identité ou de voyage, mais a été d'ores et déjà été reconnu comme étant de nationalité algérienne sous par les autorités de ce pays qui, dans un courrier du 19 janvier 2024, ont fait savoir qu'elles étaient disposées à délivrer un laissez-passer le concernant,

- que dès le 29 mars 2024, l'autorité préfectorale a donc saisi le consulat général de Tunisie à [Localité 2] aux fins d'obtention de ce document de voyage, et sollicité corrélativement l'organisation d'un routing auprès de la Division Nationale de l'Eloignement du Ministère de l'Intérieur qui a répondu positivement le 5 avril 2024,

- que le vol programmé le 15 avril 2024 a cependant dû être annulé, faute de délivrance du document de voyage par les autorités consulaires algériennes,

- que pour le même motif, la préfecture a été contrainte d'annuler trois autres plans de vol sucessivement réservés pour les 11 mai 2024, 29 mai 2024 et 10 juin 2024,

- qu'une nouvelle demande de routing a été adressée le 8 juin 2024 à la Division Nationale de l'Eloignement du Ministère de l'Intérieur, le jou-même de l'annulation du vol du 10 juin 2024,

- qu'en parallèle, la préfète du Rhône a opéré des relances les 18 avril, 30 avril et 23 mai 2024 auprès du consulat général d'Algérie à Lyon,

- que par courriel du 5 juin 2024, les autorités consulaires ont finalement réitéré leur accord à la délivrance d'un laissez-passer en conditionnant l'établissement de ce document à la réception d'un routing.

Au regard de ces éléments circonstanciés, dont la réalité n'est d'ailleurs pas contestée par [C] [S], il y a lieu d'adopter les motifs clairs et pertinents du premier juge, en ce qu'il a considéré que non seulement les démarches entreprises par la préfète du Rhône ne souffrent d'aucune insuffisance, mais qu'elles permettent en outre d'établir la délivrance à bref délai d'un document de voyage par les autorités consulaires algériennes au sens de l'article L. 742-5 3° du CESEDA.

Il y a par ailleurs lieu d'observer que l'interprétation de l'article L. 742-5 du CESEDA faite par le conseil d'[C] [S] comme devant s'entendre de la recherche d'une menace pour l'ordre public intervenue dans les 15 derniers jours de la rétention, conduit à dénaturer ce texte dont la mise en oeuvre ne saurait exiger, sauf à lui faire perdre toute substance, que la circonstance prévue par son septième alinéa corresponde nécessairement à des faits commis ou révélés au cours de la précédente période de la rétention administrative, la concrétisation de la menace pour l'ordre public pouvant en effet résulter d'éléments antérieurs à la 3ème prolongation mis en exergue par l'autorité administrative lorsqu'elle soutient que cette menace est toujours présente.

A cet égard, il doit être rappelé que dans l'ordonnance rendue le 27 mai 2024, non contestée par [C] [S], le juge des libertés et de la détention avait d'ores et déjà estimé que le comportement de l'intéressé était constitutif d'une menace pour l'ordre public compte tenu de la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour une durée de 10 ans prononcée à son encontre le 22 septembre 2020 par le tribunal correctionnel de Lyon, étant aussi rappelé que le quantum de la peine d'emprisonnement prononcée à titre de peine principale par cette même décision était de quatre années.

Aucun élément nouveau n'étant invoqué par [C] [S] depuis le prononcé de cette ordonnance, dont la survenance serait de nature à remettre en cause l'appréciation faite il y a tout juste 15 jours relativement au critère de la menace pour l'ordre public, il convient dès lors de considérer que cette menace est toujours d'actualité.

La situation d'[C] [S] répondant à deux des critères posés par l'article L. 742-5 du CESEDA, l'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée, en ce qu'elle a retenu que les conditions d'une dernière prolongation exceptionnelle sont réunies et autorisé une dernière prolongation exceptionnelle de la rétention.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [C] [S],

Confirmons l'ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Manon CHINCHOLE Marianne LA MESTA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/04803
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;24.04803 ?
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