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13/06/2024 | FRANCE | N°24/04799

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 13 juin 2024, 24/04799


N° RG 24/04799 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PW75



Nom du ressortissant :

[B]







PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE



C/

[B]

PREFECTURE DE LA SAVOIE



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 13 JUIN 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers





Nous, Marianne LA MESTA, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvi

er 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit ...

N° RG 24/04799 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PW75

Nom du ressortissant :

[B]

PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

C/

[B]

PREFECTURE DE LA SAVOIE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 13 JUIN 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Marianne LA MESTA, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvier 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Manon CHINCHOLE, greffière,

En présence du ministère public, représenté par Jean-Daniel REGNAULD, Avocat général près la cour d'appel de Lyon,

En audience publique du 13 Juin 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. Le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon

représenté par le parquet général de Lyon

ET

INTIMES :

M. [K] [B]

né le 01 Janvier 1997 à [Localité 4] (AFGHANISTAN)

de nationalité AFGHANNE

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [5]

comparant, assisté de Maître Sandrine RODRIGUES, avocat au barreau de LYON, commis d'office

et

M. LE PRÉFET DE LA SAVOIE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Cherryne RENAUD-AKNI, avocat au barreau de LYON substituant Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,

Avons mis l'affaire en délibéré au 13 Juin 2024 à 15 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 12 avril 2024, le préfet de la Savoie a ordonné le placement de [K] [B] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et assortie d'une interdiction de retour pendant une durée de 3 ans prise le 19 février 2024 par le préfet du Val-de-Marne et notifiée le 21 février 2024 à l'intéressé.

Dans son ordonnance du 14 avril 2024, confirmée en appel le 16 avril 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a déclaré régulière la décision de placement en rétention de [K] [B] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour une durée de 28 jours.

Par décision du 20 avril 2024, le préfet de la Savoie a ordonné le maintien en rétention de [K] [B] dans l'attente du réexamen de la demande d'asile déposée par ce dernier le 19 avril 2024.

L'OFPRA a déclaré cette demande irrecevable par décision du 29 avril 2024, notifiée le 2 mai 2024 à [K] [B], étant rappelé que celui-ci avait précédemment perdu le bénéfice de l'asile le 7 décembre 2022, au motif qu'il constitue une menace grave pour l'ordre public compte tenu de l'interdiction du territoire français pour une durée de 5 ans prononcée à son encontre pour des faits d'infraction à la législation sur les stupéfiants.

Par ordonnance du 12 mai 2024, confirmée en appel le 14 mai 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [K] [B] pour une durée supplémetaire de trente jours.

Suivant requête du 10 juin 2024, enregistrée le jour-même à 14 heures 57 par le greffe, le préfet de la Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention de [K] [B] pour une durée de 15 jours.

Dans la perspective de l'audience, le conseil de [K] [B] a déposé des conclusions aux fins de remise en liberté.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 11 juin 2024 à 14 heures 46, a déclaré la procédure régulière, mais dit n'y avoir lieu à la prolongation exceptionnelle de la rétention administrative de [K] [B], au motif qu'il existe un manque de diligences imputable au préfet.

Par déclaration reçue le 11 juin 2024 à 17 heures 36, le Ministère public a formé appel avec demande d'effet suspensif, en relevant que le premier juge ne pouvait considérer qu'il existe un manque de diligences imputable à l'administration, alors que cette dernière est tributaire de l'organisation aérienne à même d'assurer la liaison entre [Localité 6] et [Localité 3] et entièrement dépendante des programmes de ces compagnies.

Il observe par ailleurs que l'autorité préfectorale est tout à fait fondée à solliciter la prolongation de la rétention au visa de l'article L. 742-5 du CESEDA, dès lors que le comportement de [K] [B] constitue une menace grave pour l'ordre public. Il rappelle notamment que celui-ci a perdu le bénéfice de l'asile le 7 décembre 2022 pour ce motif et qu'il a été condamné par le tribunal judiciaire de Paris à une peine complémentaire d'interdiction du territoire français pendant une durée de 5 ans du 27 juin 2022 au 27 juin 2027.

Par ordonnance du 12 juin 2024 à 15 heures, le délégataire du premier président a déclaré l'appel du procureur de la République de Lyon recevable et suspensif.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 13 juin 2024 à 10 heures 30.

[K] [B] a comparu assisté de son avocat.

M. l'Avocat Général a sollicité l'infirmation de l'ordonnance et soutient qu'il doit être fait droit à la requête de la préfecture de la Savoie, en reprenant les moyens développés dans la déclaration écrite d'appel.

Le préfet de la Savoie représenté par son conseil, s'associe aux réquisitions du Parquet Général.

Le conseil de [K] [B], entendu en sa plaidoirie, demande la confirmation de l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a retenu un défaut de diligences de la part de l'autorité administrative, précisant que la situation de l'intéressé soit en tout état de cause être appréciée à l'aune de l'article 3 de la CEDH qui prohibe les traitements inhumains ou dégradants auxquels se trouvera nécessairement exposé [K] [B] en cas de retour dans son pays d'origine.

[K] [B], qui a eu la parole en dernier, indique qu'il n'y a rien de plus à ajouter.

MOTIVATION

Sur le bien fondé de la requête

L'article L. 741-3 du CESEDA énonce qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

L convient de rappeler que ce texte, autonome et de portée générale, s'applique à tous les stades de la rétention administrative.

L'article L. 742-5 du CESEDA dispose quant à lui que : 'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.'.

En l'espèce, il ressort de l'analyse des pièces versées au dossier, et notamment de la requête aux fins de prolongation de la rétention de [K] [B] formalisée par l'autorité préfectorale :

- que l'intéressé étant démuni de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité, le préfet de la Savoie a saisi les autorités consulaires afghanes dès le 13 avril 2024, aux fins de délivrance d'un laissez-passer,

- que par courriel du 16 avril 2024, l'ambassade d'Afghanistan à [Localité 6] a fait savoir qu'elle acceptait de recevoir [K] [B] le 17 avril 2024 pour l'entendre,

- que compte tenu de l'impossibilité pour les agents du centre de rétention d'organiser une escorte à [Localité 6] pour une date aussi proche, la préfecture de Savoie a sollicité une nouvelle date d'audition auprès des services consulaires qui ont répondu positivement dès 17 avril 2024 en proposant d'entendre [K] [B] le 2 mai 2024,

- que le 6 mai 2024, le préfet de la Savoie a relancé les autorités consulaires afghanes pour connaître les conclusions de cette audition,

- que par courriel du 17 mai 2024, l'ambassade d'Afghanistan à [Localité 6] a transmis un laissez-passer consulaire au nom de [K] [B] valable 2 mois à compter de sa date d'émission le 6 mai 2024, soit jusqu'au 6 juillet 2024,

- que le jour-même de la communication de ce document de voyage, la préfecture de la Savoie a demandé l'organisation d'un routing auprès de la Division Nationale de l'Eloignement du Ministère de l'Intérieur qui a accusé réception de cette requête le 17 mai 2024 à 15 heures 50,

En l'état des diligences décrites ci-dessus, qui ne sont d'ailleurs nullement contestées par [K] [B], il ne peut être retenu que le préfet de la Savoie n'a pas accompli les démarches suffisantes en vue d'organiser l'éloignement de l'intéressé, puisque dès la réception du laissez-passer consulaire le 17 mai 2024, il a saisi le service central compétent du Ministère de l'Intérieur en vue de la réservation d'un vol à destination de l'Afghanistan, cette requête ayant dûment été enregistrée par la Division Nationale de l'Eloignement qui y donnera suite lorsqu'elle aura reçu une réponse positive d'une compagnie aérienne.

Il n'est par ailleurs pas allégué par le conseil de [K] [B] qu'il serait absolument impossible de réserver un vol pour l'Afghanistan, de sorte qu' il doit être considéré qu'il demeure une perspective raisonnable d'éloignement de l'intéressé en dépit de l'absence d'obtention d'un plan de voyage à ce stade.

Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article L. 741-3 du CESEDA ne pouvait être accueilli, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.

Il doit à ce stade être précisé que la critique opérée par le conseil de [K] [B] à l'audience quant aux risques encourus par ce dernier en cas de mise à exécution effective de la mesure d'éloignement concerne la pertinence du pays de destination. Or, sauf à excéder ses pouvoirs, le juge judiciaire ne peut se prononcer sur l'opportunité d'un renvoi vers l'Afghanistan, ce qui reviendrait à porter une appréciation sur la légalité de la décision administrative fixant le pays de renvoi, laquelle ressort de la seule compétence du juge administratif.

Il y a par ailleurs lieu de relever que la menace pour l'ordre public au sens du dernier alinéa de l'article L. 742-5 du CESEDA est suffisamment caractérisée par l'autorité préfectorale qui a produit les fiches pénales de [K] [B] ainsi qu'un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 16 juin 2022, pièces dont l'analyse fait apparaître que cette juridiction l'a condamné, dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate, à la peine de 8 mois d'emprisonnement avec mandat de dépôt ainsi qu'à la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pendant une durée de 5 ans pour des faits de transport non autorisé de stupéfiants en récidive, détention non autorisée de stupéfiants en récidive, offre ou cession non autorisée de stupéfiants en récidive et acquisition non autorisée de stupéfiants en récidive, qu'il s'était précédemment vu infliger une peine de 4 mois d'emprisonnement assortie d'un mandat de dépôt par le tribunal correctionnel de Paris le 17 juillet 2021 pour des faits identiques et déjà en état de récidive et qu'il a de nouveau été incarcéré le 15 octobre 2023 dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate à l'issue de laquelle le tribunal correctionnel de Paris a prononcé son encontre une peine de 8 mois d'emprisonnement, encore une fois en répression d'infractions à la législation sur les stupéfiants.

Les conditions d'une troisième prolongation exceptionnelle de la rétention sont en conséquence réunies, ce qui conduit à l'infirmation de l'ordonnance déférée, sachant qu'il suffit que le retenu réponde à l'une des situations prévues par le texte pour permettre la poursuite de la mesure, dès lors qu'il s'agit de critères alternatifs et non cumulatifs.

PAR CES MOTIFS

Infirmons l'ordonnance déférée et statuant à nouveau,

Ordonnons la prolongation exceptionnelle de la rétention administrative de [K] [B] pour une durée de quinze jours.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Manon CHINCHOLE Marianne LA MESTA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/04799
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;24.04799 ?
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