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13/06/2024 | FRANCE | N°23/05656

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 13 juin 2024, 23/05656


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 23/05656 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PC4X





S.A.S. VOLTAIRE PIZZA



C/



[T] [M]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX

du 12 Juin 2023

RG : 21/00053



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 13 JUIN 2024







APPELANTE :



S.A.S. VOLTAIRE PIZZA

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant du barreau de LYON et Me Benjamin GAUTIER, avocat plaidant du barreau d'AIN





INTIMÉ :



[L] [T] [M]

né le 14 Mai 1968 au MAROC

[Adresse 5]

[A...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 23/05656 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PC4X

S.A.S. VOLTAIRE PIZZA

C/

[T] [M]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX

du 12 Juin 2023

RG : 21/00053

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

APPELANTE :

S.A.S. VOLTAIRE PIZZA

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant du barreau de LYON et Me Benjamin GAUTIER, avocat plaidant du barreau d'AIN

INTIMÉ :

[L] [T] [M]

né le 14 Mai 1968 au MAROC

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

représenté par Me Audrey MARION, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Mars 2024

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère pour Etienne RIGAL, Président empêché et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Le 13 juillet 2021, M. [L] [T] [M] a fait convoquer la société Voltaire Pizza, exploitant une pizzeria sous l'enseigne [4] à [Localité 3], à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement de rappels d'heures supplémentaires, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

Il exposait qu'il était employé par la société défendresse depuis le 9 septembre 2015 mais que celle-ci ne l'avait jamais déclaré ; qu'il avait été mis un terme à la relation de travail suite au passage de l'inspection du travail dans les locaux de la pizzeria le 12 mars 2020.

Par ordonnance du 20 septembre 2021, le bureau de conciliation a condamné la société Voltaire Pizza à verser à M. [T] [M] la somme provisionnelle de 4 200 €.

Par jugement du 12 juin 2023, le conseil de prud'hommes a :

- rejeté l'exception d'incompétence formée par la société Voltaire Pizza,

- ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir,

- dit qu'il appartiendrait à la partie la plus diligente de communiquer au conseil de prud'hommes la copie de la décision pénale pour que l'affaire soit réenrôlée.

La société Voltaire Pizza a interjeté appel le 7 juillet 2023 selon la procédure à jour fixe.

Par jugement du 5 septembre 2023, le tribunal correctionnel de Bourg en Bresse a relaxé M. [H], gérant de la société, des poursuites du chef de délit de travail dissimulé en retenant qu'il n'était pas suffisamment établi que M. [T] ait été soumis à un lien de subordination avéré envers celui qu'il désigne comme son employeur.

Aux termes de conclusions notifiées le 17 janvier 2024, la société Voltaire Pizza demande à la cour d'infirmer le jugement, de déclarer le conseil de prud'hommes incompétent et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Bourg en Bresse, sollicitant en outre l'allocation de la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de conclusions notifiées le 4 mars 2024, M. [T] [M] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la partie adverse,

- condamner la pizzeria [4] (sic) à lui payer les sommes suivantes :

'' 1 168,44 € à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires au titre de la période du 4 au 29 mars 2019, outre 116,88 € au titre des congés payés afférents,

'' 38 323,52 € à titre de rappels de salaire pour heures supplémentaires pour la période de mars 2017 à mars 2020, outre 3 832,30 € au titre des congés payés afférents,

'' 502,16 € à titre de rappel de salaire pour la période du 24 au 31 mai 2018 outre 50,20 € au titre des congés payés afférents,

'' 6 282,50 € à titre de dommages et intérêts pendant la période d'inactivité de l'établissement du 27 septembre 2017 au 1er mars 2018,

'' 18 053,70 €, subsidiairement 10 770 €, à titre de dommages et intérêts,

'' 3 510,44 €, subsidiairement 2 094,17 €, à titre d'indemnité de licenciement,

'' 6 017,90 € bruts, subsidiairement 3 590 € bruts, à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé que les demandes tendant à voir "constater" ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; qu'il en est de même des demandes tendant à voir 'dire et juger" lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur l'existence d'un contrat de travail

Aux termes des articles L.1221-1 et suivants du code du travail, le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération. Il en résulte que l'existence d'une relation de travail suppose la réunion de trois éléments : l'exercice d'une activité professionnelle, la rémunération, et le lien de subordination.

L'existence d'une relation de travail salarié c'est-à-dire d'un lien de subordination ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

La société Voltaire Pizza fait valoir :

- que la décision de relaxe est revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée de sorte que M. [T] [M] ne peut revendiquer l'existence d'un contrat de travail le liant à la société Voltaire Pizza,

- subsidiairement que M. [T] [M] n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses prétentions alors qu'il a la charge de la preuve,

- que les attestations d'un fournisseur et de clients dont se prévaut M. [T] [M] ne sont pas régulières en la forme, que deux d'entre elles, supposées émaner de deux personnes différentes, sont rédigées de la même écriture ; que le procès-verbal de l'inspection du travail n'a pas autorité de la chose jugée ; que M. [T] [M] ne peut se prévaloir de preuves qu'il s'est constitué à lui-même,

- que si une promesse d'embauche avait été faite à M. [T] [M] le 2 février 2018 c'était pour faciliter ses démarches d'obtention de titre de séjour, que cette promesse était faite sous la condition suspensive d'obtention d'une autorisation de travail.

M. [T] [M] fait valoir :

- que pour tenter d'obtenir une régularisation de sa situation administrative, il a recherché un emploi et été mis en contact avec le gérant de [4] qui lui a proposé de travailler pour son compte à compter du 9 septembre 2015,

- que de nombreux témoins, clients et fournisseurs, attestent de son activité au sein de l'établissement, que ces témoignages sont corroborés notamment par des photographies, qu'il participait au groupe WhatsApp [4], que les attestations adverses émanent non pas de clients mais d'amis du gérant et qu'elles sont mensongères.

Outre les attestations de MM. [Z], [V] et [N], clients du restaurant, qui attestent de façon régulière en la forme, y avoir vu M. [T] [M] travailler en cuisine, notamment à la préparation de tacos, et servir en salle, et de M. [P] qui gérait une boucherie et qui indique que, depuis 2015, M. [T] [M] se présentait à son établissement pour y acheter de la viande pour le compte du restaurant, M. [T] [M] produit des photos sur lesquelles on le voit travailler dans la cuisine du restaurant, reconnaissable par le four qui figure à l'arrière-plan d'une photo du profil Facebook de l'établissement, et/ou porter le polo noir signé [4] du personnel du restaurant, le courrier de l'inspecteur du travail, fonctionnaire assermenté, qui déclare avoir constaté le 12 mars 2020 que M. [T] [M] s'était présenté pour ouvrir le restaurant et apporter un carton de pains, ainsi que des bons de commande portant la mention 'commande Medine', des factures de marchandises émanant de la société Medine distribution datées du 5 mars 2019 et trois chèques de la même période à l'ordre de ladite société.

L'ensemble de ces éléments, sans qu'il y ait besoin d'analyser les autres pièces invoquées par le demandeur, démontre à suffisance une présence autre que ponctuelle ou à titre amical de M. [T] [M] au sein de l'établissement.

Il est encore produit un échange WhatsApp, duquel il ressort qu'à la demande de M. [T] [M] qui exposait se trouver démuni depuis la visite de l'inspecteur du travail et son exclusion du restaurant et lui réclamait 6 mois de salaire, M. [H] avait répondu qu'il considérait que M. [T] [M] montait de toutes pièces un scénario et l'avait menacé, s'il persistait dans ses manoeuvres frauduleuses, d'engager une procédure pour extorsion de fonds contre lui, ce qu'il n'aurait pas manqué de faire si les demandes de M. [T] [M] avaient effectivement été frauduleuses, ses menaces n'ayant pas empêché son interlocuteur de saisir le conseil de prud'hommes.

C'est dès lors par une exacte analyse des éléments de la cause que le conseil de prud'hommes a retenu l'existence d'un contrat de travail et a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société défenderesse.

Sur les demandes financières de M. [T] [M]

Selon l'article 86 du code de procédure civile, après avoir statué sur la compétence, la cour renvoie l'affaire à la juridiction initialement saisie, l'instance se poursuivant à la diligence du juge.

Il convient en conséquence de renvoyer l'affaire au fond devant le conseil de prud'hommes d'Oyonnax afin qu'il soit statué sur les demandes financières de M. [T] [M].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Voltaire Pizza ;

Renvoie l'affaire devant le conseil de prud'hommes d'Oyonnax pour statuer sur les demandes de M. [T] [M] ;

Condamne la société Voltaire Pizza aux dépens exposés devant la cour.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 23/05656
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.05656 ?
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