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13/06/2024 | FRANCE | N°23/03092

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 13 juin 2024, 23/03092


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 23/03092 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O5HM





S.A.S.U. LE COURSIER DE LYON



C/



[F]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 05 Avril 2023

RG : 22/00480







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 13 JUIN 2024







APPELANTE :



S.A.S.U. LE COURSIER DE LYON

[Adresse 2]


[Localité 4]



représentée par Me Sébastien PONCET de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON subsitué par Me ROCHE Camille du même cabinet







INTIMÉ :



[H] [F]

né le 29 Mars 1988 à [Localité 3] ([Localité 3])

[Adresse 1]...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 23/03092 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O5HM

S.A.S.U. LE COURSIER DE LYON

C/

[F]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 05 Avril 2023

RG : 22/00480

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

APPELANTE :

S.A.S.U. LE COURSIER DE LYON

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Sébastien PONCET de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON subsitué par Me ROCHE Camille du même cabinet

INTIMÉ :

[H] [F]

né le 29 Mars 1988 à [Localité 3] ([Localité 3])

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Lucie DAVY de la SELARL LOIA AVOCATS, substituée par Me Marie MILLEY, avocats au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Mars 2024

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère pour Etienne RIGAL, Président empêché et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

M. [F] a été engagé le 17 août 2015 sous contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de manutentionnaire par la société Cogepart Lad 69, aux droits de laquelle est venue la société Le Coursier de Lyon.

En dernier état de la collaboration, Monsieur [F] exerce les fonctions de préparateur

de commande ' chef de groupe.

M. [F] est investi des mandats de membre titulaire de la délégation du personnel du CSE, de conseiller du salarié et de défenseur syndical.

Le 10 juillet 2020, il a été placé en arrêt de travail par son médecin traitant pour souffrance au travail et syndrome post-traumatique.

Le 10 septembre 2020, le Docteur [D], médecin du travail, l'a déclaré inapte à son poste, en indiquant que « tout maintien dans l'emploi nuirait gravement à l'état de santé du salarié ».

L'employeur a alors sollicité l'autorisation de licencier M. [F] pour inaptitude auprès l'inspection du travail.

Cette demande a été rejetée par l'inspecteur du travail le 6 janvier 2021 qui a estimé que l'inaptitude de M. [F] était en lien avec ses mandats. Cette décision a été confirmée par le ministre du travail par une décision implicite de rejet.

Le tribunal administratif de Lyon, saisi par la société Le Coursier de Lyon a rejeté le recours contre cette décision pour le même motif.

A la demande de la société Le Coursier de Lyon, M. [F] a été convoqué à une visite médicale occasionnelle fixée au 13 octobre 2022.

A la suite de cette visite, le médecin du travail a établi une attestation de suivi prévoyant de revoir M. [F] le 21 novembre 2022 et indiquant en commentaire 'visite sans objet'.

Au mois de novembre 2022, la société Le Coursier de Lyon a sollicité l'organisation d'une nouvelle visite médicale. Le médecin du travail a fait répondre par son secrétariat que l'attestation de suivi était erronée en ce qu'elle mentionnait la date d'une nouvelle visite au 21 novembre 2022 et qu'il n'y avait pas lieu d'effectuer cette visite médicale compte tenu de l'avis d'inaptitude délivré par le Docteur [D] (le 10 septembre 2020).

Par requête en date du 23 novembre 2022, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon suivant la procédure accélérée au fond à l'effet de voir :

- annuler l'attestation du Docteur [E] notifiée le 8 novembre 2022,

- faire injonction au médecin d'examiner M. [F] et de se prononcer sur son inaptitude,

Subsidiairement, qualifier juridiquement l'attestation de suivi rendue le 8 novembre 2022 d'inaptitude définitive.

Par jugement du 29 mars 2023, le conseil de prud'hommes a :

- déclaré l'action de la société Le Coursier de Lyon recevable,

- débouté les deux parties de toutes leurs demandes,

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

La société Le Coursier de Lyon a interjeté appel.

Aux termes de conclusions notifiées le 6 février 2024, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,

- annuler l'attestation de suivi du Docteur [E] notifiée le 8 novembre 2022,

- faire injonction au médecin du travail d'examiner M. [F] et de se prononcer sur son aptitude ou son inaptitude à exercer ses fonctions, après une étude de poste et des conditions de travail, ce dans un délai de 10 jours suivant une nouvelle demande de sa part,

- subsidiairement, qualifier juridiquement l'attestation de suivi rendue par le médecin du travail le 8 novembre 2022 d'avis d'inaptitude définitive, dispensant la société de son obligation de reclassement.

Aux termes de conclusions notifiées le 12 février 2024, M. [H] [F] demande à la cour de :

- constater qu'elle n'est saisie d'aucune demande,

subsidiairement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action de la SASU Le Coursier de Lyon recevable, et débouté les deux parties de leurs demandes,

- déclarer l'action de la SASU Le Coursier de Lyon irrecevable,

- débouter la société Le Coursier de Lyon de ses demandes,

- à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement,

- condamner la société Le Coursier de Lyon à lui payer la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé que les demandes tendant à voir "constater" ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; qu'il en est de même des demandes tendant à voir 'dire et juger" lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur l'effet dévolutif de l'appel

Selon l'article 542 du code de procédure civile dispose que « L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel ».

Aux termes de l'article 562, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

L'article 901 dispose que : 'La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité : 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité.'

Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'à défaut de mention dans l'acte d'appel des chefs du jugement critiqués, l'effet dévolutif ne s'opère pas et la cour n'est pas saisie.

En l'espèce, la déclaration d'appel de la société Le Coursier de Lyon indique que l'appel tend à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes. Elle mentionne donc bien le chef du dispositif du jugement qu'elle critique.

Le fait que le dispositif n'ait pas dissocié les demandes respectives des parties ou qu'il ait mentionné, inutilement s'agissant d'un élément de motivation, qu'il déboutait les deux parties 'après étude des deux dossiers' n'interdisait pas de procéder de la sorte, les dispositions légales susrappelées ne faisant pas obligation à l'appelant de reproduire mot à mot l'énoncé du dispositif critiqué.

Il en résulte que la cour est régulièrement saisie d'une demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Le Coursier Lyonnais de ses demandes.

Sur la recevabilité des demandes de la société Le Coursier de Lyon

M. [F] soulève l'irrecevabilité des demandes au motif qu'aucune disposition légale ne donne pouvoir au conseil de prud'hommes et subséquemment à la cour de prendre les mesures sollicitées.

La société Le Coursier de Lyon fait valoir :

- qu'en application de l'article R.4624-34 alinéa 1er du code du travail, l'employeur bénéficie d'un droit à demander une visite médicale pour un de ses salariés que le médecin du travail ne peut pas refuser d'organiser,

- qu'elle était légitime à solliciter un nouvel examen médical de M. [F] dès lors que sa situation avait évolué depuis le premier avis d'inaptitude et l'état de santé du salarié avait également pu évoluer depuis cette date,

- que l'attestation de suivi et son annexe remises le 8 novembre 2022 sont irrégulières en ce que le médecin n'a pas examiné le salarié et ne s'est pas prononcé sur son aptitue médicale, qu'elles doivent donc être annulées.

Selon l'article L.4624-7 du code du travail :

« I.-Le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l'employeur, n'est pas partie au litige.

II.-Le conseil de prud'hommes peut confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. (')

III.-La décision du conseil de prud'hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.

IV.-Le conseil de prud'hommes peut décider, par décision motivée, de ne pas mettre tout ou partie des honoraires et frais d'expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l'action en justice n'est pas dilatoire ou abusive. Ces honoraires et frais sont réglés d'après le tarif fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et du budget. (....). »

Il résulte de ces dispositions que la juridiction prud'homale peut, dans ce cadre, examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s'est fondé pour rendre son avis, qu'elle peut substituer à cet avis sa propre décision, après avoir le cas échéant ordonné une mesure d'instruction. Il en découle que la contestation dont peut être saisie la juridiction prud'homale ne peut porter que sur les éléments médicaux à partir desquels a été établi l'avis et non pas sur le respect des procédures prescrites par la loi et le règlement, notamment celles issues des articles L.4624 et R.4614 du code du travail.

S'agissant de dispositions spéciales, elles doivent s'interpréter strictement et ne confèrent pas à la juridiction prud'homale le pouvoir d'annuler ou de requalifier un avis au motif qu'il aurait été irrégulièrement pris ni celui de délivrer une injonction au médecin du travail qui n'est pas partie à la procédure.

Il convient de rappeler en outre que l'avis du Docteur [D], déclarant M. [F] inapte à son poste sans obligation de reclassement, est définitif faute d'avoir fait l'objet d'un recours dans le délai de quinze jours prévu à l'article R.4624-45.

Il en résulte que les demandes de la société Le Coursier de Lyon sont irrecevables.

Sur les demandes accessoires

La société le Coursier de Lyon qui succombe, supporte les dépens et une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare la cour régulièrement saisie de l'appel formalisé par la société Le Coursier de Lyon ;

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Déclare les demandes de la société Le Coursier de Lyon irrecevables ;

Condamne la société Le Coursier de Lyon à payer à M. [H] [F] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 23/03092
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.03092 ?
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