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12/06/2024 | FRANCE | N°21/01614

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 12 juin 2024, 21/01614


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 21/01614 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOA4



Société AAF FRANCE

C/

[K]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 04 Février 2021

RG : F19/00425





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 12 JUIN 2024







APPELANTE :



Société AAF FRANCE

[Adresse 6]

[Localité 1]



représentée par Me Nathalie ROSE,

avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Laurent MASCARAS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Jean michel REY, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE







INTIMÉ :



[L] [T] [Y] [K]

né le 29 Juillet 1983 à [L...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/01614 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOA4

Société AAF FRANCE

C/

[K]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 04 Février 2021

RG : F19/00425

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 12 JUIN 2024

APPELANTE :

Société AAF FRANCE

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Laurent MASCARAS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Jean michel REY, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIMÉ :

[L] [T] [Y] [K]

né le 29 Juillet 1983 à [Localité 4]

[Adresse 3]. A

[Localité 2]

représenté par Me Stéphanie BARADEL de la SELARL STEPHANIE BARADEL AVOCAT, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Mars 2024

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Catherine MAILHES, présidente

- Nathalie ROCCI, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société AAF France est spécialisée dans la fabrication de solutions de filtration de l'air. Elle est la filiale française d'un groupe international présent dans 22 pays. Elle applique la convention collective nationale de la métallurgie.

Suivant un contrat de travail du 12 décembre 2013, la société AAF France (la société) a engagé à compter du 20 janvier 2014, M. [L] [K] (le salarié) pour exercer les fonctions de technico-commercial en filtration position 2, coefficient 100, sous l'autorité de M. [E], chef des ventes à [Localité 5].

Le contrat de travail prévoit un salaire brut mensuel de 2 400 euros sur 13 mois, pour une durée hebdomadaire de présence de 36h80 comprenant les pauses et les divers crédits d'heures, soit un temps de travail effectif hebdomadaire de 36h54, outre une rémunération variable selon le tableau de rémunération en vigueur dans l'entreprise et en fonction de la réalisation de ses objectifs.

Le secteur géographique du salarié comportait les départements 69, 42, 63,03,07,58 et 71.

Par courrier remis en main propre contre décharge du 24 mai 2018, le salarié a présenté sa démission, avec une fin de contrat effective le 31 août 2018.

Par lettre remise en main propre contre décharge du 28 mai 2018, la société a pris acte de la démission du salarié et l'a dispensé de l'exécution de son préavis à compter du 28 mai 2018.

Par une requête du 25 février 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins d'obtenir la requalification de sa démission, considérant qu'il avait été forcé à la démission, ainsi que le paiement de dommages-intérêts et d'un rappel d'heures supplémentaires.

La société a été convoquée devant le bureau de conciliation et d'orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 27 février 2019.

Par jugement du 4 février 2021, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- Dit et jugé que la requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est pas fondée,

- Débouté M. [K] de sa demande ainsi que celle concernant les dommages et intérêts au titre de la dégradation de ses conditions de travail,

- Dit et jugé que la société AAF France reste redevable envers M. [K] d'un rappel de rémunération variable au titre des exercices 2017/2018 et 2018/2019,

- Condamné en conséquence la société AAF France à régler à M. [K] au titre de la rémunération variable :

6 807,45 euros bruts plus congés payés afférents de 680,74 euros bruts pour l'exercice 2017/2018,

4 119,64 euros bruts plus congés payés de 411,96 euros pour l'exercice 2018/201,

- Dit et jugé que la demande de paiement d'heures supplémentaires pour la période de 2014 au 23 février 2016 est prescrite,

- Dit et jugé qu'à compter du 23 février 2016, la demande de M.[K] au titre des heures supplémentaires est recevable,

- Condamné en conséquence la société AAF France à régler à M. [K] au titre des heures supplémentaires :

8 094,72 euros bruts plus 809,47 euros bruts de congés payés au titre de l'année 2016,

10 270,72 euros bruts plus 1 027,07 euros bruts de congés payés au titre de l'année 2017,

2 241,28 euros plus 224,12 euros bruts de congés payés au titre de l'année 2018,

- Dit et jugé que la société AAF France reste redevable d'un rappel de salaire pour la période du 1er avril au 23 août 2018,

- Condamné en conséquence la société AAF France à régler à M. [K] la somme de 619,08 euros bruts plus 61,90 euros bruts de congés payés,

- Constaté que les circonstances du litige ne justifient pas l'attribution de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société AAF France aux entiers dépens de l'instance.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 4 mars 2021, la société AAF France a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 4 février 2021, indiquant que l'appel est limité aux chefs du jugement expressément critiqués. La déclaration d'appel comporte la retranscription de tous les chefs du jugement critiqué.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 9 février 2024, la société AAF France demande à la cour de :

- Réformer le jugement entrepris sur tous ses chefs, sauf en ce qu'il a débouté M. [K] de ses demandes,

- L'infirmer de ces chefs,

- Débouter M. [K] de son appel incident,

Sur ce

A TITRE PRINCIPAL

- Débouter M. [K] de toutes ses demandes, et notamment :

au titre de rappels de rémunérations variables pour les exercices 2017/2018 et 2018/2019, outre les congés payés y afférents,

au titre des rappels des heures supplémentaires sur 2016 à 2018, sur la période non prescrite, en l'absence de décompte précis et corroboré par d'autre pièces, outre les congés payés y afférents,

au titre du rappel de salaire d'avril à août 2018, outre les congés payés y afférents,

au titre de l'indemnité d'exécution fautive du contrat,

au titre de l'indemnité de travail dissimulé,

A TITRE SUBSIDIAIRE

- En cas de rupture prononcée aux torts de l'employeur, faire application des dispositions de l'article L.1235-3 du Code du Travail qui fixe une indemnisation comprise entre 3 et 6 mois de salaire brut, plafonnée à la somme de 8 000 euros ;

- En cas de prime variable fixée en fonction des objectifs antérieurs, limiter la réclamation :

Pour l'exercice 2017/2018 à la somme de 6 115,20 euros,

Pour l'exercice 2018/2019 à la somme de 2 831 euros,

- Débouter M. [K] du surplus de ses demandes,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- Recevoir la société AAF en sa demande reconventionnelle et

- Condamner M. [K] à payer à la société AAF la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, outre les entiers dépens,

- Condamner M. [K] à payer à la société AAF la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant la présente instance, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 22 novembre 2021, M. [L] [K], ayant fait appel incident, demande à la cour de :

- Débouter la société AAF France de son appel ;

- Confirmer le jugement du 4 février 2021 en ce qu'il a :

dit et jugé que la société AAF France lui est redevable d'un rappel sur rémunération variable au titre des exercices 2017 / 2018 et 2018 / 2019 ;

condamné la société AAF France à lui régler la somme de 4 119,64 euros bruts plus congés payés de 411,96 euros bruts au titre de l'exercice 2018/ 2019 ;

condamné la société AAF France à lui régler les heures supplémentaires à compter du 23 février 2016 ;

dit et jugé que la société AAF France reste redevable d'un rappel de salaire pour la période du 1er avril au 23 août 2018 ;

- Réformer pour le surplus le jugement, dont a minima les quantum des condamnations seront révisés ;

Et statuant à nouveau,

- Dire et juger qu'il a effectué des heures supplémentaires bien au-delà du temps de travail contractuel, ce que la société AAF France ne pouvait ignorer,

- Dire et juger qu'en modifiant les conditions de rémunération malgré son désaccord, en imposant des objectifs sans discussion, en le soumettant à des exigences de justification et de suivi, la société AAF France a manqué à l'exécution de bonne foi du contrat de travail,

- Dire et juger que sa démission a été provoquée par les manquements contemporains de l'employeur et qu'elle s'analyse en une prise d'acte de rupture du contrat aux torts de la société AAF France,

En conséquence,

- Condamner la société AAF France à lui payer les sommes suivantes :

11 362,96 euros au titre du rappel de part variable ;

1 136,30 euros au titre des congés payés afférents ;

19 348,66 euros au titre des heures supplémentaires ;

1 934,87 euros au titre des congés payés afférents ;

377,42 euros à titre de rappel de salaire de base du 1er mai au 23 août 2018 ;

37,74 euros au titre des congés payés afférents ;

24 876 euros à titre de dommages-intérêts forfaitaire en raison du travail dissimulé

8 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail 16 584 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner la société AAF France aux entiers dépens de l'instance.

La clôture des débats a été ordonnée le 15 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la demande de requalification :

La société soutient que :

- la lettre de démission ne contient pas de motivation sur les causes de la rupture, de sorte qu'il s'agit d'une démission sans réserve ;

- la salarié est défaillant dans la preuve qui lui incombe que sa démission était équivoque et qu'elle trouverait sa cause dans des manquements antérieurs ou concomitants de son employeur.

Le salarié soutient au contraire que seules ses conditions de travail dégradées et la difficulté à faire respecter ses droits l'ont poussé à démissionner, ce qui s'analyse comme une prise d'acte de rupture fondée sur les manquements graves de l'employeur. Il soutient avoir effectué des heures supplémentaires bien au-delà du temps de travail contractuel; qu'en modifiant les conditions de rémunération malgré son désaccord, en imposant les objectifs sans discussions et en le soumettant à des exigences constantes de justification et de suivi, la société a manqué à l'exécution de bonne foi du contrat de travail.

1°) Sur la part variable de la rémunération :

La société soutient que :

- le mode de calcul des primes variables était fixé conformément au contrat de travail , selon le tableau de rémunération en vigueur dans l'entreprise et en fonction des objectifs atteints et du barème en vigueur lequel figurait en annexe du contrat et n'a jamais varié ;

- les objectifs de chiffre d'affaires fixés dans le cadre du pouvoir discrétionnaire de l'employeur étaient adressés en début d'exercice et n'ont pas été contestés par le salarié entre 2014 et 2017 ;

- la tension est apparue avec la modification du mode de calcul de la prime variable proposée par la société à l'ensemble des commerciaux en juin 2017, afin de modifier l'annexe du contrat sur les % appliqués ;

- le nouveau mode de calcul des primes a été porté à sa connaissance avant le 5 mai 2017 ;

- le changement de méthode a été préalablement soumis au CSE qui n'a émis aucune réserve ;

- le salarié tente de tromper la religion de la cour dés lors qu'il n'y a jamais eu contractualisation des objectifs de chiffre d'affaires et de marge, et si un avenant a été soumis c'est parce que les modalités de calcul de la prime variable changeaient avec une prime quantitative (à 50% de la prime nominale) et une prime qualitative (à 50% du montant de la prime nominale).

Le salarié expose que la société AAF lui doit un rappel de part variable dés lors que :

- il a refusé les derniers objectifs proposés inatteignables tant par manque de temps que de ressources ;

- faute de meilleure entente, la société était tenue de maintenir les règles antérieures ;

- s'agissant de la période précédant les derniers objectifs, la société a, de façon abusive, réduit les résultats pris en compte en déduisant certaines factures clients qui n'auraient pas été payées, ce qui n'est prévu ni par le contrat de travail, ni par un avenant postérieur.

Il soutient que son objectif a été multiplié par 3 pour l'exercice 2015/2016, par rapport à l'exercice précédant, qu'il a été encore augmenté de 12% pour l'exercice 2016/2017 et de 23% pour l'exercice 2017/2018, dernier objectif qu'il n'a pas signé et qu'il a atteint à 85%.

Il fait valoir, pour le calcul de l'intéressement sur le chiffre d'affaires, que :

- il convient de retenir les commandes réalisées par le salarié sans déduction des impayés ;

- c'est d'ailleurs ce chiffre là dont la société elle-même tient compte pour évaluer le taux d'atteinte des objectifs.

****

La rémunération fait partie du socle contractuel que l'employeur ne peut pas modifier sans l'accord exprès du salarié, y compris lorsqu'il soutient que la nouvelle rémunération serait plus favorable pour le salarié. Pour autant, les parties peuvent convenir de l'existence d'une rémunération variable dont la détermination dépendrait d'objectifs fixés unilatéralement par l'employeur, pourvu que ceux-ci soient réalistes.

La rémunération variable doit alors être fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l'employeur, ne faisant pas porter le risque d'entreprise sur le salarié et n'ayant pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels. Dans ce cas l'employeur peut modifier les objectifs dès lors que ceux-ci sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié.

Mais, lorsqu'ils sont entrés dans le champ contractuel, les objectifs ne peuvent pas être modifiés par l'employeur, et doivent être fixés par accord entre les parties.

Enfin, la jurisprudence considère que lorsque le contrat ne permet pas de déterminer le montant de la rémunération variable et en l'absence d'accord entre les parties, il appartient au juge de la fixer en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes.

Et, le caractère contractuel d'un élément peut être révélé par la proposition d'avenant ou de modification faite par l'employeur.

En l'espèce, le contrat de travail prévoit un salaire brut mensuel fixe de 2400 euros sur treize mois pour un temps de travail effectif hebdomadaire de 36h54 outre un variable 'selon tableau de rémunération en vigueur dans l'entreprise et en fonction de la réalisation de vos objectifs

(se reporter aux conditions particulières)'.

Les conditions particulières mentionnent 'un intéressement lié au chiffre d'affaires et à la marge vous sera versé, en fonction des objectifs atteints et du barème en vigueur.

a: selon tableau de rémunération en vigueur.'.

Par courriel du 30 juin 2017, le salarié a été informé du nouveau mode de calcul de la prime sur objectif, le document incluant les objectifs qui lui avaient été fixés lors de son plan de développement personnel.

L'employeur proposait au salarié de lui retourner dûment paraphé et signé, un document fixant les objectifs commerciaux pour 2017/2018 dans le cadre d'un nouveau système de rémunération sur partie variable. Ainsi, l'objectif 2017/2018 se décomposait de la façon suivante :

- Prime quantitative (50% du montant de votre prime nominale)

marge commerciale de 548 911 euros HT

chiffre d'affaires de 1 240 757 euros HT

sur le secteur 03, 07, 15, 42, 43, 58, 63, 69, 71

- Prime qualitative (50% du montant de votre prime nominale)

Objectif 1: réaliser 10 études TCOD sur l'année

Objectif 2 : atteindre un minimum de 25 Keuros sur le département 15

Objectif 3: signer 2 contrats cadre.

Pour un objectif atteint, la prime nominale est de 20% du salaire fixe annuel brut.

Par courriel du 5 mai 2017, le salarié avait déjà exprimé son désaccord sur les dits objectifs qu'il considérait comme difficilement atteignables, désaccord qu'il avait réitéré par courriel du 8 juin 2017.

Sans réponse à ses objections, le salarié les renouvelait par un courrier daté du 3 juillet 2017 libellé comme suit :

' (...) En outre, il y a une erreur dans le document concernant mon objectif de marge commercial. Il est de 44, 24% ( 548 911/1 240 757) alors que la marge atteinte sur 2016-2017 était de 41,11%.

Lors de mon PDP, vous me demandez de faire 0,50% de plus, ce qui équivaut à 41,61% d'objectif, soit 516 278,98 euros.

Moi je vous ai proposé une marge de 457 903 euros pour un chiffre d'affaire de 1 113 850 euros.

Je vous rappelle les conditions que nous avions prises ensemble pour que je valide ce nouveau système de rémunération variable :

- augmentation au 1er avril 2017 ( fait)

- augmentation au 1er avril 2018 à un salaire de 2 900 euros brut ( à inscrire dans l'avenant)

- prendre en gestion le département 15 à partir du 1er avril

Vous comprenez bien que je ne puisse pas signer le document 'Prime sur objectif 2017-2018 ( voir annexe B en pièce jointe) dans ces termes.

En conclusion, je suis déçu que cela se passe comme cela, et je souhaiterais vraiment trouver une solution. Ma motivation baisse actuellement. (...)'.

Il est constant que le salarié n'a pas contesté ses objectifs entre 2014 et 2017 et le contrat de travail ne précise pas que les dits objectifs sont négociés entre les parties. La cour en déduit que jusqu'en 2017, l'employeur a défini les objectifs de façon unilatérale dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de direction. Mais, le fait que l'employeur ait soumis le document fixant les nouveaux objectifs et la nouvelle méthode de calcul de la rémunération variable pour l'exercice 2017/2018 à la signature du salarié, laisse présumer qu'il entendait contractualiser la fixation des objectifs pour l'exercice 2017/2018. Cette contractualisation n'a pas été possible en raison de l'opposition du salarié qui a dénoncé des objectifs difficilement atteignables et a fait des propositions plus proches des objectifs des années précédentes.

Si l'employeur peut, dans l'exercice de son pouvoir de direction, modifier les objectifs de ses salariés, c'est à la condition que ces objectifs soient réalisables et qu'ils soient portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.

En l'espèce, le salarié remet en cause le caractère réalisable de ses objectifs pour l'exercice 2017/2018 en soulignant leur augmentation exponentielle sur les quatre derniers exercices. Ainsi, alors que l'objectif était de 232 000 euros pour l'exercice 2014/2015, il est passé à 850 000,00 euros en 2015/2016, soit une multiplication par trois, à 951 000 euros en 2016/2017 soit une augmentation de 12% et à 1 170 757 euros pour 2017/2018, soit une augmentation de 23%.

La cour observe que la société procède, à titre d'exemple, à une comparaison entre le chiffre d'affaires réalisé en 2016/2017 et l'objectif fixé pour 2017/2018, mélangeant sciemment l'objectif fixé et celui effectivement atteint, pour minimiser l'augmentation relative à la fixation des objectifs. Or, le salarié explique le dépassement de son objectif en 2016/2017 par une commande exceptionnelle.

La société soutient par ailleurs que le salarié a globalement accepté les objectifs fixés pour 2017/2018 puisqu'il ne les a contestés que partiellement et souligne que le taux qu'il a atteint pour cet objectif, à savoir 85, 24%, démontre que l'objectif n'était pas inatteignable. Mais la société procède par affirmation sur le caractère raisonnable des objectifs fixés et n'apporte aucun élément de nature à justifier l'augmentation constante constatée depuis 2014 ou le caractère raisonnable des objectifs assignés.

La cour observe au contraire que le taux d'atteinte des objectifs du salarié est le plus faible pour l'exercice 2017/2018 (85, 24 %), alors qu'il avait toujours été supérieur à l'objectif les années précédentes, atteignant 113, 41% de l'objectif en 2014/2015, 109, 50% en 2015/2016, 120, 73% en 2016/2017.

Il en résulte que la société n'est pas fondée à invoquer la nouvelle méthode de calcul de la rémunération variable proposée, et qu'il appartient dés lors au juge de fixer le montant de la rémunération variable en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes.

- sur la question de la déduction des impayés :

Le salarié soutient que la société a abusivement réduit les résultats pris en compte en déduisant des factures impayées, alors que la déduction des impayés n'était pas expressément prévue et que les impayés ne sont que la conséquence de l'organisation de l'employeur et notamment de l'allongement des délais de livraison, source d'insatisfaction pour le client.

La société demande la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que :

- le salarié avait été informé que les factures impayées par les clients sont décomptées du calcul de la prime sur marge, dés lors qu'il a fait référence, dans un courriel du 6 novembre 2017 à un mémo du 17 février 2003 dont il précise avoir pris connaissance et qui stipule que les factures non réglées seront retirées du calcul des primes ;

- cette règle était en application depuis son embauche en janvier 2004 ;

- la rémunération variable que le salarié a perçue pour les exercices précédents avait été calculée selon cette règle sans susciter de réclamation de sa part.

****

En l'espèce, le contrat de travail ne contient aucune clause subordonnant la prise en compte de la vente à l'encaissement du prix, communément appelée 'clause de vente menée à bonne fin' et la référence, dans un courriel du salarié, à un mémo évoquant l'application de ce principe, ne saurait lui conférer une nature contractuelle.

La société se réfère en revanche à un usage appliqué en son sein et non remis en cause au cours des exercices précédents.

Si l'usage d'une méthode de calcul de la rémunération variable déduisant les impayés peut être opposé au salarié, encore faut-il que l'employeur établisse que l'impayé n'est pas dû à sa propre faute. En effet, l'employeur ne saurait faire supporter au salarié un risque économique résultant par exemple de la livraison d'un produit défectueux ou du non respect des conditions du contrat de vente, circonstances relevant de la responsabilité de la société et non de celle du commercial.

Or, le salarié a dénoncé les conséquences des retards de livraison sur les commandes et produit trois témoignages de commerciaux dans le même sens.

Il en résulte que la société ne justifie pas des conditions lui permettant d'opposer au salarié l'usage consistant à déduire du calcul de la rémunération variable, les factures impayées. Le salarié est par conséquent fondé à exiger un rappel de rémunération variable calculé à partir du chiffre d'affaires des commandes réalisées par lui pour les exercices 2016/2017 et 2017 et 2018.

La cour fait observer, à l'instar du salarié, que c'est ce chiffre que la société retient pour établir le taux d'atteinte des objectifs.

Pour l'exercice 2016/2017, le salarié a perçu la somme de 11 994,16 euros au titre de la rémunération variable et sollicite un rappel de 226,46 euros outre 22,64 euros de congés payés afférents après réintégration des impayés. Il est fait droit à cette demande et le jugement est infirmé en ce sens.

Pour l'exercice 2017/2018, le salarié est fondé à se référer à l'exercice précédent sans que l'employeur ne puisse objecter que l'exercice 2016/2017 ne serait pas un étalon valable en raison d'une affaire exceptionnelle, le chiffre d'affaires ne distinguant pas les affaires exceptionnelles des autres.

La société objecte enfin qu'il existe une autre difficulté concernant la détermination de la prime par rapport à l'exercice antérieur, dans la mesure où seule la prime sur marge est affectée par les factures impayées et les BFA (bonus de fin d'années versés aux clients) et que les déductions étaient plus importantes pour l'exercice antérieur. Elle ne justifie cependant pas de son mode de calcul de la prime sur marge.

Ainsi, les documents produits par la société pour l'exercice 2016/2017 font état d'une prime sur marge de 41,11% et d'un coefficient de 2,05 que la cour retient aux lieu et place du taux de marge de 39,06% et d'un coefficient de 1,15%, ces derniers paramètres ayant été refusés par le salarié et la société ayant échoué à démontrer qu'ils correspondaient à des objectifs atteignables.

La cour valide par conséquent le calcul auquel le salarié a procédé sur les bases suivantes :

970 243 euros de résultat net après déduction des BFA ( 997 993 euros - 27 750)

application d'un taux de marge de 41, 11% ( = 398 867 euros)

application d'un commissionnement de 2, 05% (= 8 176,77 euros),

et condamne la société à lui payer un reliquat de 7 016,86 euros ( 8 176,77 euros - 1 159,91), outre la somme de 701,68 euros de congés payés afférents.

Le jugement qui lui a alloué la somme de 6 807,45 euros en retenant un chiffre d'affaires net de 945 395,34 euros, après avoir déduit le montant des factures impayées, est infirmé en ce sens.

Enfin, pour l'exercice 2018/2019, la société soutient à titre principal que le salarié n'a rempli aucun objectif lui permettant de recevoir une prime et à titre subsidiaire qu'il y a lieu de lui octroyer la somme qu'il réclamait dans sa lettre de contestation de son solde de tout compte, soit la somme de 2 831 euros.

La société se prévaut d'un courriel du 22 octobre 2019, par lequel M. [E], chef des ventes de la société, atteste qu'il a remis à [L] [K], en main propre, les objectifs 2018/2019 entre le 14 mai 208 et le 23 mai 2018 et la société produit en pièce n°39 un document mentionnant les objectifs quantitatifs et qualitatifs assignés au salarié.

Or, le salarié conteste toute notification pour cet exercice, et les deux pièces sus-visées, produites par la société, sont dépourvues de toute force probante en l'absence de signature du salarié et de tout élément objectif permettant de confirmer la réalité de cette notification. Il en résulte que la société ne peut se prévaloir de la notification d'objectifs au salarié pour l'exercice en question et que ce dernier est fondé à se référer aux exercices précédents et à appliquer une proratisation en fonction du temps passé dans l'entreprise au cours de l'exercice, soit quatre mois et vingt-trois jours.

Le salarié demande la somme de 4 119,64 euros se décomposant comme suit :

3 006,87 euros au titre de la prime sur marge + 209,03 euros au titre de la prime de nouveaux clients et 903,73 euros au titre de la prime progression booking.

La proposition de prime standard résultant du courrier de contestation par le salarié de son solde de tout compte du 4 octobre 2018, ne peut être retenue dès lors que le calcul proposé comporte une variable dont le courrier précise qu'elle est à modifier selon le bon objectif. L'invocation par la société, du principe de l'estoppel, est sans objet et la société ne propose aucune base de calcul contraire à celle du salarié.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société à payer au salarié la somme de

4 119,64 euros à titre de rappel de prime variable pour l'exercice 2018/2019.

La société sera donc condamnée à payer au salarié un rappel de rémunération variable d'un montant de 11 362,96 euros outre 1 136,30 euros, se décomposant comme suit :

226,46 euros outre 22,64 euros de congés payés afférents,

7 016,86 euros, outre 701,68 euros de congés payés afférents,

4 119,64 euros, outre 411,96 euros de congés payés afférents.

- Sur la demande au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé

La société soutient que :

- du 20 janvier 2014 au 23 février 2019, M. [K] n'a jamais réclamé à son employeur de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires ;

- la lettre de contestation du solde de tout compte, ne contient aucune réclamation de ce chef ;

- aucune des pièces communiquées par M.[K] ne mentionne une quelconque réclamation de ce chef ;

- le décompte du salarié est un tableau excel inséré dans ses premières conclusions en juillet 2019 et non dans sa saisine ;

- le seul décompte du salarié, produit pour les besoins de la cause, n'est corroboré par aucun élément ;

- le tableau produit ne mentionne pas, jour après jour, ses heures de début et de fin de service, ainsi que celles de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, avec récapitulatif du nombre d'heures quotidien et le total hebdomadaire ;

- le salarié faisait une moyenne de 5 à 6 visites par semaine, comme indiqué dans son propre mail du 27 février 2018 ;

- cette moyenne n'a pas varié en 2017/2018, voire a même diminué puisqu'il lui était reproché de ne pas faire 8 à 10 visites par semaine en 2018 ;

- en 2018, sa moyenne de visites était de 4 par semaine, bien en dessous de celle des autres commerciaux ;

- elle s'appuie sur les rapports de visites et les mails du salarié ;

- s'agissant de la revalorisation du salaire telle qu'elle était prévue au 1er avril 2018, soit une augmentation pour le porter à 2900 euros, elle souligne que cette augmentation qui faisait partie des conditions posées par le salarié pour accepter le nouveau système de rémunération n'a pas été validée par les parties et ne peut pouvait donc être appliquée par le conseil de prud'hommes.

Le salarié produit au soutien de sa demande :

- le tableau de synthèse qu'il a réalisé pour la période 2014-2019, en retranchant les périodes prescrites ;

- l'échange de mails entre lui et M. [E] en février 2018 au cours duquel il a signalé expressément que ses jours de travail dépassaient la durée prévue par le contrat.

Il demande en conséquence le paiement de :

pour la période du 23 février au 31 décembre 2016 : 372 heures supplémentaires au taux horaire de 2400 euros/159,47, majorées à 25% pour les 8 premières heures, soit 18,78 euros = 6 986,16 euros

pour l'année 2017: 472 heures au taux horaire de 2 742,50 euros/159,47, majorées à 25% au titre des 8 premières heures, soit 21,50 euros = 10 148 euros

en 2018: 103 heures au même taux, soit 2 214,50 euros.

****

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

L'absence de demande ou réclamation relative aux heures supplémentaires au cours de la relation contractuelle ou à la réception du solde de tout compte ne laisse en rien présumer que le salarié aurait renoncé à faire valoir ses droits, de sorte que les moyens tirés du silence du salarié pendant le contrat de travail sont inopérants.

Par ailleurs, le fait que le décompte des heures réclamées par le salarié ait été établi pour les besoins de la cause ne laisse pas davantage présumer qu'il ne serait pas conforme à la réalité du temps de travail effectué.

En tout état de cause, l'exécution d'heures supplémentaires relevant du pouvoir de direction de l'employeur, leur accomplissement repose soit sur la demande de l'employeur, soit sur l'acceptation tacite ou implicite de l'employeur, mais la jurisprudence admet que le droit au paiement d'heures supplémentaires est également ouvert lorsque le salarié justifie que les tâches inhérentes au travail commandé ne pouvaient pas être effectuées dans les limites des horaires de travail fixés, les heures supplémentaires ayant été été rendues nécessaires par la nature ou la quantité du travail imposé.

En l'espèce, le salarié produit en pièce n°19 un tableau de synthèse de ses heures supplémentaires mentionnant pour chaque année, de 2014 à 2018, et chaque semaine, un nombre d'heures supplémentaires, tout en acquiesçant au jugement en ce qu'il a dit que la demande de paiement des heures supplémentaires est prescrite pour la période de 2014 au 23 février 2016.

Il produit en outre la réponse à un courriel de son supérieur hiérarchique du 20 février 2018 l'interpellant sur un relâchement de son activité et un manque de visites. Dans cette réponse, le salarié détaille, à titre d'exemple la semaine 8 de l'année 2018 pour conclure à une durée de travail de 43 heures pour 10 rendez-vous. Il interroge par ailleurs son supérieur hiérarchique dans les termes suivants :

'(...) Attendez vous de moi que je fasse 50h00-55h00 par mois ( sic) pour atteinte cet objectif comme je l'ai fait pour prouver ma valeur en 2014 ( et autour des 42-45h en 2016-2016)''

L'employeur qui soutient que le salarié était soumis à une durée hebdomadaire précise de 38h80 comprenant les pauses et les divers crédits d'heures, soit un temps de travail effectif de 36h54, ne justifie cependant d'aucune réponse de sa part pour démentir les affirmations du salarié sur le nombre d'heures supplémentaires invoquées.

L'employeur n'a ainsi pas remis en cause l'affirmation du salarié sur l' impossibilité dans laquelle il était de remplir l'ensemble de ses missions dans l'horaire imparti.

La cour observe par ailleurs que l'employeur s'appuie sur le courriel de son salarié du 27 février 2018 pour en déduire que ce dernier n'effectuait pas plus de 8 heures d'amplitude de travail par jour, en ce compris la pause méridienne, sans apporter aucun élément résultant de la mise en place de ses propres outils de contrôle du temps de travail, alors même que cette obligation lui incombe.

Dans ces conditions, le salarié a produit un décompte d'heures suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, ce que ce dernier ne fait pas, faute de tout moyen de contrôle du temps de travail.

La cour fait droit, en conséquence, à la demande du salarié à compter du 23 février 2016, la période antérieure étant prescrite, et condamne la société à payer au salarié la somme totale de

19 348, 66 euros, outre les congés payés afférents, se décomposant comme suit:

6 986, 16 euros pour la période du 23 février 201- au 31 décembre 2016 ( 372 h au taux de 18,78 euros)

10 148 euros pour l'année 2017 ( 472 h x 21,50 euros)

2 214, 50 euros au titre des semaines 1 à 17 de l'année 2018 ( 103 h x 21, 50 euros)

Le jugement est confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires et infirmé sur le montant total au regard de la prescription partielle retenue.

S'agissant de la demande au titre du travail dissimulé, l'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l'article L. 8 221-5 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli.

Au terme de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, faute pour le salarié d'établir la volonté de l'employeur d'éluder le paiement des heures supplémentaires en question, sa demande d'indemnité forfaitaire à ce titre est rejetée.

****

Compte tenu des développements ci-avant et du désaccord profond entre les parties sur la méthode de calcul de la rémunération variable, sur les conditions de notification des objectifs au salarié, contestation touchant au socle du contrat de travail, la démission remise par le salarié le 24 mai 2018 avec effet au 31 août 2018 présente un caractère équivoque.

La demande de requalification de la démission en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail repose par conséquent sur des éléments suffisamment graves permettant d'y faire droit.

Le jugement qui a débouté le salarié de cette demande est infirmé; la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le salarié est fondé à solliciter des dommages-intérêts au titre de la rupture abusive.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, le salarié qui bénéficiait d'une ancienneté de quatre années complètes dans une entreprise dont il n'est pas contesté qu'elle occupait habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité comprise entre trois mois et cinq mois de salaire brut.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié âgé de 34 ans lors de la rupture, de ce qu'il a retrouvé sans délai un emploi équivalent, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 14 600 euros (4 mois de salaire), sur la base d'un salaire mensuel de 3 645,60 euros, après intégration du rappel de prime variable mensuel pour l'exercice 2017/2018.

En conséquence, le jugement qui a débouté le salarié de cette demande est infirmé.

- Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 1er mai 2018 au 23 août 2018 :

Le salarié demande un rappel de salaire de 377,42 euros outre la somme de 37,74 euros de congés payés afférents, se décomposant comme suit : ( 2 900 - 2 776,78) x 3, 063 mois, en soutenant que l'augmentation de son salaire à 2 742 euros à compter du mois de mai 2017, puis à 2 900 euros à compter du 1er mai 2018, constitue un juste rattrapage le plaçant encore très en dessous de ses collègues.

La société s'oppose à cette demande en faisant valoir que l'augmentation du salarié à 2 900 euros de salaire fixe à compter du 1er avril 2018 n'a pas été actée dés lors qu'il s'agissait d'une des conditions de la signature de l'avenant refusé par le salarié.

Mais la cour observe que dans un courriel du 19 mai 2017 relatif aux augmentations individuelles, M. [E] donnait un accord de principe indépendant de la négociation sur la rémunération variable dans les termes suivants :

' Pour [L] ( M. [K]), il a été dit 8% soit 2 742 euros, et 2 900 euros l'an prochain. (...)

Ok pour les autres.', de sorte que le salarié peut prétendre à l'augmentation annoncée à partir du 1er mai 2018 et justifie le rappel de salaire d'un montant de 377,42 euros outre 37,74 euros de congés payés afférents. Le jugement est confirmé.

- Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail :

Le salarié invoque à ce titre, une dégradation de ses conditions de travail caractérisées par :

la multiplication des reproches sur son manque d'activité,

des demandes incessantes de rapports d'activité, jamais exigées auparavant,

des exigences impossibles à tenir, soit un minimum de 10 visites par semaine

l'application de conditions de rémunération défavorables,

le non respect des dispositions contractuelles de fixation de sa rémunération variable.

Le salarié ne justifie ni de l'existence de demandes ou de reproches illégitimes de sa hiérarchie, ni d'un préjudice distinct qui n'aurait pas été entièrement réparé par les rappels de salaires accordés et par la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail, de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation au titre de la dégradation des conditions de travail.

- Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société AAF France les dépens de première instance.

La société AAF France succombant en ses demandes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Dans la limite de la dévolution,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la dégradation de ses conditions de travail, en ce qu'il a dit que la société AAF France reste redevable envers M. [K] d'un rappel de rémunération variable au titre des exercices 2017-2018 et 2018-2019, en ce qu'il a jugé que la demande de paiement des heures supplémentaires est prescrite pour la période antérieure au 23 février 2016, en ce qu'il a fait droit à la demande de rappels d'heures supplémentaires à compter du 23 février 2016, en ce qu'il a jugé que la société AAF France reste redevable d'un rappel de salaire pour la période du 1er avril 2018 au 23 août 2018 et sur les dépens ;

INFIRME le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la démission donnée le 24 mai 2018 par M. [K] à la société AAF France s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société AAF France à payer à M. [K] les sommes suivantes :

19 348,66 euros au titre des heures supplémentaires, outre 1 934,87 euros de congés payés afférents,

11 362,96 euros à titre de rappel de rémunération variable, outre 1 136,30 euros au titre des congés payés afférents,

377,42 euros, outre 37,74 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire pour la période du 1er mai 2018 au 23 août 2018,

14 600 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi ;

REJETTE la demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé ;

RAPPELLE que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

DIT que les intérêts au taux légal sur les créances de nature salariale courent à compter de la demande, soit à compter de la notification à la société de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes le 27 févier 2019 ;

DIT que les intérêts au taux légal sur les créances de nature indemnitaires courent à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE la société AAF France à verser à M. [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société AAF France aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 21/01614
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;21.01614 ?
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