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12/06/2024 | FRANCE | N°21/01481

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 12 juin 2024, 21/01481


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 21/01481 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NNW2



Société XPO DISTRIBUTION FRANCE

C/

[B]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 02 Février 2021

RG : 19/00076





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 12 JUIN 2024







APPELANTE :



Société XPO DISTRIBUTION FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]



rep

résentée par Me Eric ANDRES de la SELARL ANDRES & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[T] [B]

né le 08 Mai 1963 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Annie FOURNEL, avocat au barreau de SAINT-...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/01481 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NNW2

Société XPO DISTRIBUTION FRANCE

C/

[B]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 02 Février 2021

RG : 19/00076

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 12 JUIN 2024

APPELANTE :

Société XPO DISTRIBUTION FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Eric ANDRES de la SELARL ANDRES & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[T] [B]

né le 08 Mai 1963 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Annie FOURNEL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Mars 2024

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Catherine MAILHES, présidente

- Nathalie ROCCI, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [B] ( le salarié) a été embauché en qualité de conducteur au sein de la société XPO Logistics ( la société) à compter du 1er septembre 1988.

Le 10 novembre 2015 alors qu'il livrait la Clinique Mutualiste, M. [B] a chuté en descendant de son camion, chute à l'origine d'une entorse grave, traitée orthopédiquement dans un premier temps, puis opérée.

Lors de la visite de reprise du travail du 4 avril 2016, le médecin du travail concluait à une inaptitude temporaire, et le salarié était en situation de rechute d'accident du travail jusqu'au 12 juin 2016, lequel était prolongé jusqu'au 4 septembre 2016.

Le médecin du travail concluait à une aptitude le 6 septembre 2016 pour finalement conclure à une inaptitude temporaire le 16 septembre 2016.

Le 4 février 2018, le médecin du travail le déclarait apte à la reprise et le 12 avril 2018, le salarié déclarait une rechute de son accident du 10 novembre 2015, rechute prise en charge par l'assurance maladie au titre de la législation professionnelle.

Le 20 septembre 2018, le médecin du travail, après étude de poste réalisée sur site le 18 septembre 2018, a constaté l'inaptitude définitive de M. [B] au poste de conducteur, avec les mentions suivantes :

- Reclassement possible sur un poste avec alternance station assise / debout en évitant les montées / descentes du camion.

L'état de santé du salarié a justifié un taux d'incapacité permanent fixé à 32 % dont 7 % pour le taux professionnel à compter du 21 septembre 2018.

Le 26 octobre 2018, la société a informé M. [B] qu'aucun poste n'était disponible auprès de l'agence d'[Localité 5] ou à proximité et compatible avec son état de santé et son expérience.

Par courrier du 7 novembre 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 novembre 2018, le salarié a été licencié pour inaptitude physique à son emploi et impossibilité de reclassement.

Par requête du 1er octobre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montbrison aux fins de voir l'employeur condamner à lui payer trente mois de salaires d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'un rappel de salaire pour la période du 20 octobre 2018 au 21 novembre 2018 et une somme au titre de l' article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 2 février 2021, le Conseil des Prud'Hommes de Montbrison a :

- Dit que le licenciement de M. [T] [B] est sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné la société XPO Logistics à payer à M. [B] les sommes suivantes :

6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Débouté M. [T] [B] du surplus de ces demandes,

- Débouté la société XPO Logistics de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 26 février 2021, la société XPO Distribution France venant aux droits de la société XPO Logistics, a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 3 février 2021, aux fins d'infirmation de tous les chefs du dispositif du jugement expressément retranscrits dans la déclaration d'appel.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 15 septembre 2023, la société XPO Distribution France demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Montbrison le 2 février 2021

en ce qu'il a :

dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

condamné la société XPO Logistics à payer à M.[B] la somme de 6 000 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse,

condamné la société XPO Logistics à payer à M.[B] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 procédure civile,

débouté la société XPO Logistics de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et, statuant à nouveau,

- Débouter M.[T] [B] de ses demandes visant à :

Dire et juger que la société XPO Distribution France a méconnu son obligation de recherche de reclassement,

Dire et juger en conséquence que le licenciement de M. [T] [B] est abusif,

Condamner en conséquence la société XPO Distribution France à payer à M.[T] [B] :

- 62 160 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

- 2 101 euros au titre du salaire pour la période du 20 octobre 2018 au 21 novembre 2018,

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les intérêts légaux sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse courant à compter du jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Montbrison pour la somme de 6000 euros allouée par les premiers juges,

Condamner la société XPO Distribution France aux entiers dépens,

Dire et juger que la société XPO Distribution France a méconnu son obligation de recherche de reclassement,

- Dire le licenciement justifié et bien fondé,

En conséquence,

- Débouter M. [T] [B] de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions,

- Condamner M.[T] [B] à payer à la société XPO Distribution France la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Le condamner enfin aux entiers dépens de la présente instance.

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le16 juillet 2021, M. [T] [B] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Montbrison en ce qu'il a dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de reclassement ;

- Recevoir son appel incident,

- Réformer le jugement pour le surplus et

- Condamner la société XPO Logistics à lui verser les sommes suivantes :

62 160 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 101 euros au titre du rappel de salaire du 20 octobre 2018 au 21 novembre 2018 ;

- Dire que les intérêts légaux sur les dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse courent à compter du jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de Montbrison pour la somme de 6000 euros allouée par les premiers juges et à compter de l'arrêt à venir pour le surplus ;

- Condamner la société XPO Logistics à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner la société XPO Logistics aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur l'obligation de reclassement

La société XPO Distribution France fait valoir que :

- le poste occupé par M. [B] tel que défini par la convention collective et par le contrat de travail comporte pour partie une activité de conduite, et pour une autre partie, une activité de chargement et déchargement arrimage ;

- c'est un poste qui nécessite un certain nombre d'activités physiques, montées et descentes du camion, chargements et déchargements, déplacement de volumes, arrimage de marchandises, man'uvres sur le véhicule d'attelage et de dételage, déplacements sur les quais'toutes incompatibles avec l'avis du médecin du travail ;

- l'avis du médecin du travail n'est pas un avis d'aptitude avec réserves, mais un avis d'inaptitude avec préconisation de reclassement ;

- il ne saurait lui être reproché de n'avoir effectué aucune démarche permettant une adaptation de poste par des moyens physiques, dés lors que les mesures d'adaptation, d'aménagement ou de transformation de poste s'appliquent aux seuls avis d'aptitude sous réserve ;

- les délégués du personnel ont parfaitement été tenus informés de l'existence des recherches de reclassement et ont donné leur avis en connaissance de cause ;

- elle a débuté ses recherches de reclassement dés le 27 septembre 2018, dans le périmètre du groupe ;

- elle a procédé à une recherche de reclassement non seulement dans l'activité distribution, mais également dans l'activité vrac et dans l'activité logistique ;

- elle a procédé à une recherche précisément sur le site d'[Localité 5] ;

- elle a procédé à la recherche de reclassement sur une autre activité que celle du salarié, l'activité FTL ( lots complets) ou le périmètre transport ;

- l'ensemble des responsables a répondu et certains ont été relancés en l'absence de réponse ;

- les postes disponibles ont ainsi été évoqués et il a été procédé à l'étude des postes disponibles au sein de la société en octobre 2018 ;

- le salarié a décliné plusieurs propositions de poste dont une relative à un poste situé à [Localité 7] en région lyonnaise.

Le salarié soutient que :

- la société XPO Logistics n'a pas mené sa recherche de reclassement de manière sérieuse et loyale dés lors que :

tous les postes disponibles au sein du groupe ne lui ont pas été proposés,

la société n'a pas recherché un aménagement de poste,

la société ne lui a pas permis, par l'intermédiaire d'une formation, de s'adapter à un nouveau poste de travail ;

- l'employeur ne peut bénéficier de la présomption de respect de l'obligation de reclassement dés lors qu'il n'a fait aucune proposition ;

- la charge de la preuve que le reclassement est impossible incombe à l'employeur ;

- aucune précision n'a été demandée au médecin du travail pour savoir si un poste pouvait lui être proposé ;

- sa parfaite connaissance de l'entreprise lui permettait une adaptation facilitée sur différents postes administratifs au sein de l'entreprise mais également au sein de la logistique ;

- aux termes du registre d'entrées et de sorties du personnel, certains salariés ont été embauchés sur des postes qui auraient pu lui convenir, concomitamment à son licenciement, tels que les postes proposés à M. [V] recruté au mois de novembre 2018 sur un poste d'entrepôt-quai, ou celui de M. [C] sur l'entrepôt-quai ;

- plusieurs chauffeurs ont pu profiter de postes de travail à l'exploitation, tels que M. [H], M. [R], M. [N], M. [J], M. [Y] ;

- au moment de son licenciement, M. [X] est entré au service administratif et plus précisément au service relation agent ;

- enfin, son manque de mobilité ne peut lui être opposé dés lors que s'il a indiqué à son employeur qu'il ne souhaitait pas partir trop loin, il était prêt à aller travailler dans la région lyonnaise.

****

L'article L 1226-10 du Code du travail énonce :

' Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.'.

Ainsi, l'obligation d'une recherche loyale et sérieuse de reclassement impose à l'employeur de justifier du sérieux de ses recherches et de sa bonne foi à l'égard du salarié.

Il est constant que les mesures d'adaptation, d'aménagement ou de transformation du poste de travail occupé correspondent à un avis d'aptitude avec réserves et qu'un avis d'inaptitude requiert en revanche un reclassement dans un autre emploi.

En l'espèce, il est constant que le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude au poste de chauffeur poids-lourds après une étude du poste et des conditions de travail et qu'il a considéré qu'un reclassement était possible sur un poste permettant une alternance station assise/station debout et évitant les montées et descentes du camion.

Aucun aménagement du poste de chauffeur poids-lourds n'est par conséquent exigé de l'employeur dans son obligation de reclassement.

Par ailleurs, l'emploi proposé dans le cadre d'un reclassement doit être compatible avec la qualification et le niveau de formation du salarié. Si l'employeur, dans le cadre de son devoir d'adaptation, peut mettre en 'uvre des actions destinées à faciliter le reclassement du salarié, il n'est pas tenu de lui procurer la formation initiale qui lui fait défaut.

En l'espèce, l'employeur verse aux débats les courriels adressés par M. [D], responsable des ressources humaines à plusieurs responsables du groupe. Les réponses rendent compte pour l'essentiel, soit d'une absence de postes disponibles, soit de postes nécessitant un niveau de diplômes type Bac +2 ou bac +3 que le salarié ne possède pas. Il ne peut dés lors être reproché à l'employeur de ne pas avoir proposé ces postes au salarié.

Cependant, par courriel du 1er octobre 2018, Mme [E] (Responsable RH de Transports Solutions) proposait un poste de coordinateur client sur son site logistique de [Localité 6] (69) en indiquant qu'il s'agissait d'un poste d'employé requérant une bonne maîtrise des outils bureautiques et de la relation client mais en excluant d'emblée le reclassement du salarié dans ce poste au regard de son manque d'expérience dans la relation client.

Il apparaît que l'employeur a conclu de lui-même que le reclassement dans ce poste était impossible, sans solliciter le médecin du travail pour obtenir des précisions sur la compatibilité de ce poste avec son avis d'inaptitude et sans procéder à une évaluation objective des actions utiles, le cas échéant, pour permettre au salarié d'occuper un tel poste.

De fait, ce poste n'a ni été soumis à l'avis du médecin du travail, ni proposé au salarié.

Il ressort par ailleurs de la liste des embauches pour la période du 1er septembre 2018 au 31 décembre 2018, qu'ont été recrutés à [Localité 5], M. [U] [V] en qualité d'ouvrier manutentionnaire, à compter du 5 novembre 2018 et M. [A] [C] en qualité de magasinier/préparateur/Cariste à compter du 26 décembre 2018. Il est indiqué dans ce document que :

- le poste de M. [V] est physiquement inaccessible pour M. [B] ;

- le poste de M. [C] est un 'CDD accroissement d'activité suite à SEVEA, requiert CACES 1-3-5 et manutention de charges lourdes.'

S'agissant de ces deux recrutements, la société expose que le poste de manutentionnaire cariste exige une formation et une autorisation d'utiliser des transpalettes (Caces), ainsi que la formation à la saisie des marchandises, au contrôle des ramassages et arrivages et surtout que ce poste implique des opérations de manutention et des montées et descentes d'engins motorisés et non motorisés.

Cependant, faute pour l'employeur d'avoir consulté le médecin du travail sur la compatibilité entre ces deux postes et l'état de santé du salarié, l'employeur ne justifie par aucune considération objective de sa décision de ne pas proposer ces postes au salarié en situation de reclassement.

Et depuis l'entrée en vigueur de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, il appartient au médecin du travail d'apprécier et de mesurer les efforts de reclassement de l'employeur, de sorte que l'employeur ne remplit pleinement son obligation de reclassement lorsqu'il ne sollicite pas du médecin du travail des précisions relatives au reclassement , ces précisions concourant à la justification par l'employeur de ce qu'il est dans l'impossibilité de procéder au reclassement du salarié.

Il en résulte que la société ne justifie pas d'une recherche loyale et sérieuse de reclassement, de sorte que le licenciement de M. [B] est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est confirmé en ce sens.

- Sur la demande de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

La société expose que le salarié tente de contourner l'application du barème Macron issu de l'article L. 1235-3 du code du travail, en invoquant l'application des dispositions des articles

L. 1226-15 et L. 1235-3-1 du code du travail qui prévoient que l'indemnité allouée ne peut être inférieure à six mois de salaire.

La société soutient d'une part qu'il s'agit d'un moyen nouveau en cause d'appel et par conséquent irrecevable, d'autre part que les dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail sont relatives à une inaptitude d'origine professionnelle et que la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la rechute déclarée le 12 avril 2018 laquelle rechute est la cause unique de l'inaptitude prononcée par le médecin du travail.

La société soutient enfin que le salarié ne verse aux débats aucune preuve ni commencement de preuve de sa situation professionnelle depuis le licenciement, si ce n'est un relevé ASSEDIC particulièrement parcellaire, de sorte que son appel incident doit être rejeté.

****

L'article 565 du code de procédure civile énonce que les prétentions ne sont pas nouvelles dés lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Le salarié qui a introduit devant les premiers juges une demande d'indemnisation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse est recevable à invoquer en cause d'appel un autre fondement juridique à l'appui de sa demande d'indemnisation au titre de la perte d'emploi.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 septembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie a notifié à la société qu'après examen, le médecin conseil estimait que la rechute du 12 avril 2018 était imputable à l'accident du travail du 10 novembre 2015, de sorte que l'avis d'inaptitude professionnelle qui résulte de cette rechute, est bien d'origine professionnelle et le salarié est fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail suivantes :

' Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L.1226-12.

En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement , prévues à l'articles L. 122-614. (...)'.

Et l'article L. 1235-3-1 du code du travail qui exclut l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En application des textes sus-visés, le salarié qui a eu une ancienneté de trente années dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié âgé de 55 ans lors de la rupture, de son ancienneté de plus de trente années, de ce que l'intéressé justifie avoir été allocataire de Pôle Emploi au titre de l'aide au retour à l'emploi jusqu'au 31 juillet 2020, sans justifier de sa situation professionnelle, ni de revenus depuis cette date, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 30 000 euros, sur la base d'un salaire mensuel de 2 069,72 euros.

En conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est infirmé en ce sens.

- Sur la demande de rappel de salaires

Le salarié sollicite un rappel de salaire pour la période du 20 octobre 2018 au 31 novembre 2018 à hauteur de 2 101 euros soulignant qu'il a été licencié le 21 novembre 2018 sans percevoir son dernier salaire.

La société s'oppose à cette demande en soutenant que l'arrêt de travail du salarié date du 20 septembre 2018, de sorte que le salaire a été repris et réglé à compter du 20 octobre 2018, ainsi qu'en atteste le bulletin de salaire établi pour novembre 2018. La société conclut par conséquent à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté cette demande de rappel de salaires.

****

Il résulte des dispositions de l'article L. 1226-11 du code du travail que le salarié qui, un mois après l'examen de reprise du travail, n'est ni licencié, ni reclassé, a droit au salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant l'accident de travail ou la maladie professionnelle.

Les premiers juges qui ont constaté que l'avis d'inaptitude avait été rendu le 20 septembre 2018 et que le bulletin du mois de novembre 2018 comportait le paiement de la somme de 2 101, 66 euros au titre de l'absence autorisée, ont fait une juste application des dispositions relatives au maintien du salaire.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire pour la période du 20 octobre 2018 au 21 novembre 2018.

- Sur le remboursement des indemnités chômages

Il convient en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, d'ordonner d'office le remboursement par la Société XPO Distribution France à Pôle Emploi devenu France Travail des indemnités de chômages versées à M. [B] du jour de son licenciement dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage.

- Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué au salarié une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Dans la limite de la dévolution,

CONFIRME le jugement déféré sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués à M. [B] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la Société XPO Distribution France à payer à M. [B] la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi ;

RAPPELLE que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

DIT que les intérêts au taux légal sur la créance de nature indemnitaire courent à compter du jugement du conseil de prud'hommes à hauteur de 6 000 euros, et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

ORDONNE le remboursement par la Société XPO Distribution France à Pôle Emploi devenu France Travail des indemnités de chômages versées à M. [B] du jour de son licenciement dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage ;

CONDAMNE la Société XPO Distribution France à verser à M. [B] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Société XPO Distribution France aux dépens de l'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 21/01481
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;21.01481 ?
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