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12/06/2024 | FRANCE | N°20/07106

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 12 juin 2024, 20/07106


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 20/07106 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJMK



[W]

C/

Société PARALU

Société MJ SYNERGIE

Société [N]





APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 26 Novembre 2020

RG : 18/03161

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 12 JUIN 2024







APPELANT :



[V] [W]

né le 16 Décembre 1980 à [Localité 16]

[Adre

sse 1]

[Localité 8]



représenté par Me Malika BARTHELEMY-BANSAC de la SELARL CABINET D'AVOCATS MALIKA BARTHELEMY BANSAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



Société PARALU

[Adresse 4]

[Localité 9]



représenté...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/07106 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJMK

[W]

C/

Société PARALU

Société MJ SYNERGIE

Société [N]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 26 Novembre 2020

RG : 18/03161

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 12 JUIN 2024

APPELANT :

[V] [W]

né le 16 Décembre 1980 à [Localité 16]

[Adresse 1]

[Localité 8]

représenté par Me Malika BARTHELEMY-BANSAC de la SELARL CABINET D'AVOCATS MALIKA BARTHELEMY BANSAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société PARALU

[Adresse 4]

[Localité 9]

représentée par Me Myriam ADJERAD de la SELARL ADJERAD AVOCATS, avocat au barreau de LYON

PARTIES ASSIGNÉES EN INTERVENTION FORCÉE :

Société MJ SYNERGIE représentée par Me [X] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PARALU

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Patricia SEIGLE de la SELAS SEIGLE. SOUILAH. DURAND-ZORZI, avocat au barreau de LYON substituée par Me Elodie DARDICHON, avocat au barreau de LYON

Société [N], représentée par Me [K] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PARALU

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Patricia SEIGLE de la SELAS SEIGLE. SOUILAH. DURAND-ZORZI, avocat au barreau de LYON substituée par Me Elodie DARDICHON, avocat au barreau de LYON

Association AGS CGEA DE [Localité 11]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 11]

non représentée

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Mars 2024

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Catherine MAILHES, présidente

- Nathalie ROCCI, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère

ARRÊT : RENDU PAR DÉFAUT

Prononcé publiquement le 12 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Paralu a exercé une activité de fabrication, conception et pose de menuiseries et

garde-corps en aluminium. Elle appliquait la Convention collective nationale du Bâtiment.

M.[V] [W] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée par la société Paralu à compter du 9 novembre 2015 en qualité de Chef de chantier, statut ETAM.

Le contrat de travail prévoyait une convention de forfait hebdomadaire en heures. De ce fait, il était prévu que le salarié réalise 39 heures par semaine, soit 169 heures par mois.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [W] percevait un salaire de base de 2 956 euros bruts pour 169 heures, ainsi qu'un avantage en nature voiture de 76,22 euros bruts.

A compter du 13 août 2018, M. [W] a été placé en arrêt de travail pour maladie.

Par courrier du 4 septembre 2018, le conseil de M. [W] a adressé à la société Paralu, une mise en demeure de payer, sous quinze jours, les sommes suivantes :

- 10 385,27 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées,

- l'indemnité de trajet due pour les 1 473 heures de transports réalisées,

- 17 400 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 175 euros bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 17 400 euros bruts au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

Par courrier du 24 octobre 2018, la société Paralu a adressé à M. [W] un courrier de mise en demeure de justifier de son absence depuis le 28 septembre 2018, son arrêt maladie ayant pris fin à cette date.

Par courrier en date du 29 octobre 2018, réceptionné le 31 octobre 2018, le conseil de M. [W] indiquait alors, que selon son analyse, le contrat de travail était rompu depuis le 21septembre 2018.

La société Paralu a pris acte de la rupture du contrat de travail de M. [W] par prise d'acte de la rupture en date du 1er novembre 2018, tandis que par courrier en date du 12 décembre 2018, le conseil de M. [W] fixait la date de la prise d'acte du contrat de travail au 24 septembre 2018.

Par requête introductive d'instance en date du 12 octobre 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de requalification de sa prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamnation de la société Paralu à lui payer les sommes suivantes :

- 6 500 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées et préjudices subis ;

- 36 206,64 euros bruts au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 175 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 6 034,44 euros au titre de l'indemnité conventionnel de préavis correspondant à deux mois de salaire ;

- 603,44 euros au titre des congés payés sur préavis, selon la règle du 10ème ;

- 3 625 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 18 103,32 euros bruts au titre du travail dissimulé ;

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les entiers dépens.

La société Paralu a été convoquée devant le bureau de conciliation et d'orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 3 décembre 2018.

Le conseil de prud'hommes s'est déclaré en partage de voix le 17 décembre 2019.

Par jugement du 26 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Lyon statuant en formation de départage a :

- Dit que la prise d'acte de rupture de M. [V] [W] produit les effets d'une démission,

- Débouté M. [W] de sa demande tendant au paiement d'heures supplémentaires,

- Débouté M. [W] de sa demande tendant à l'indemnisation de ses temps de trajet,

- Débouté M. [W] de sa demande relative au licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, à l'indemnité de licenciement et l'indemnité conventionnelle de préavis,

- Dit que l'équité commande qu'il ne soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [W] aux dépens.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 16 décembre 2020, M. [W] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 26 novembre 2020, aux fins d'infirmation. L'appel porte sur tous les chefs du jugement expressément retranscrits dans la déclaration d'appel.

Par jugement du 22 novembre 2022, le tribunal de commerce de Lyon a converti la procédure de redressement judiciaire de la société Paralu en liquidation judiciaire et a nommé la Selarl MJ Synergie et la Selarlu [N] en qualité de liquidateurs judiciaires.

Par acte du 25 janvier 2023, M. [W] a fait assigner en intervention forcée la société Paralu, la Selarlu [N] et la Selarl MJ Synergies, ainsi que l'association AGS/CGEA de [Localité 10].

L'association AGS/CGEA de [Localité 10] n'a pas constitué avocat.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 24 janvier 2024, M. [W] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement dont appel,

- Juger que la non indemnisation des temps de trajets anormaux qu'il a effectués constitue un manquement grave de l'employeur,

- Juger que le non paiement des heures supplémentaires qu'il a effectuées constitue un manquement grave de l'employeur,

- Juger que ces manquements justifient que la prise d'acte soit qualifiée aux torts de

l'employeur et produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- Juger que la prise d'acte est constituée par la lettre du 4 septembre 2018,

- Juger que la prise d'acte a pris effet le 21 septembre 2018 ;

- Condamner la société Paralu à lui payer les sommes suivantes :

36 206,64 euros, au titre de son préjudice lié à la perte de son emploi,

6 034,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 603,44 euros au titre des congés payés sur préavis,

2 175 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

18 103,32 euros au titre de l'indemnisation du travail dissimulé,

49 533 euros au titre des déplacements effectués,

553,34 euros outre 55,33 euros de congés payés, au titre des heures supplémentaires effectuées en septembre 2017,

392,64 euros outre 39,26 euros de congés payés afférents, au titre des heures supplémentaires effectuées les 10 et 24 février 2018,

5 500 euros au titre du non respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail et des garanties légales et conventionnelles prévues en matière de repos quotidien et hebdomadaire,

3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon les dernières conclusions de leur avocat remises au greffe de la cour le 24 janvier 2024, la Selarlu [N] et la Selarl MJ Synergie, es qualités, demandent à la cour de :

- Déclarer irrecevables l'ensemble des demandes formulées par M.[W] ;

- Déclarer irrecevable la demande nouvelle formulée par M. [W] au titre de dommages et intérêts pour au titre du non-respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail et des garanties légales et conventionnelles prévues en matière de repos quotidien et hebdomadaire,

- Déclarer mal fondé l'appel de M. [V] [W] à l'encontre de la décision rendue le 26 novembre 2020 par le Conseil de prud'hommes de Lyon,

Par conséquent,

- Confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

- Débouter M. [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant,

- Fixer les dépens.

La clôture des débats a été ordonnée le 25 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur les fins de non recevoir tirées de l'irrecevabilité des demandes :

La Selarlu [N] et la Selarl MJ Synergie soulèvent d'une part l'irrecevabilité des demandes de condamnation en raison de la procédure de liquidation judiciaire de la société Paralu, d'autre part, l'irrecevabilité de la demande nouvelle de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail et des garanties légales et conventionnelles prévues en matière de repos quotidien et hebdomadaire, formulée pour la première fois en cause d'appel.

****

L'article L. 625-6 du code du commerce énonce :

« Les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, visés par le juge-commissaire, ainsi que les décisions rendues par la juridiction prud'homale sont portés sur l'état des créances déposé au greffe. Toute personne intéressée, à l'exclusion de celles visées aux articles L. 625-1, L.625-3 et L. 625-4, peut former une réclamation ou une tierce opposition dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ».

Il en résulte que les actions en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective sont poursuivies après que le créancier ait déclaré sa créance, et tendent à la fixation de la créance au passif, étant précisé que les créances salariales n'ont pas à être déclarées au passif de la société.

Dès lors que, dans le cadre d'une instance en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture d'une procédure collective, la cour d'appel constate que les organes de la procédure étaient dans la cause, il lui appartient de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées par le salarié en vue de leur fixation au passif de la procédure collective, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement.

Le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes de condamnation est par conséquent rejeté.

S'agissant de la demande en paiement de la somme de 5 500 euros au titre du non respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail et des garanties légales et conventionnelles prévues en matière de repos quotidien et hebdomadaire, le salarié soutient qu'il avait formulé une demande de 5 000 euros au titre du préjudice subi du fait du non paiement des heures supplémentaires et du non respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de la durée du travail.

La société fait valoir que les demandes initiales formulées par le salarié devant le Conseil de prud'hommes et cette nouvelle demande ne présentent aucun lien et ne tendent absolument pas aux mêmes fins, dans la mesure où :

- d'une part, la demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires vise uniquement

à obtenir le paiement d'une somme à caractère salarial ;

- d'autre part, la demande relative aux dommages-intérêts pour non-respect des durées

maximales de travail et garanties minimales de repos vise à l'indemnisation d'un préjudice

que le salarié estime avoir subi et dont la preuve lui incombe.

****

Il apparaît que le premier juge était saisi d'une demande de paiement de la somme de 6 500 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées 'et préjudices subis' sans plus de précision, et que le salarié n'a développé aucun moyen au soutien d'une demande d'indemnisation pour non respect des durées maximales de travail, que ce soit devant le premier juge ou devant la cour, de sorte qu'il n'établit pas en quoi sa demande serait l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de sa demande au titre des heures supplémentaires.

Il en résulte qu'il s'agit effectivement d'une demande nouvelle et par conséquent irrecevable.

- Sur la prise d'acte :

1°) sur la date d'effet de la prise d'acte :

M. [W] soutient que sa prise d'acte résulte du courrier de mise en demeure du 4 septembre 2018 et que cette prise d'acte est en date du 21 septembre 2018, soit 15 jours après la mise en demeure, qui laissait un délai de quinze jours à l'employeur pour payer les heures supplémentaires et les indemnités de trajets réclamées.

Le salarié expose que le litige causé par les nombreux manquements de l'employeur dans l'exécution de son contrat de travail a été explicitement détaillé dans le courrier sus-visé du 4 septembre 2018, lequel annonce une éventuelle prise d'acte s'il n'est pas satisfait à la mise en demeure dans un délai de quinze jours.

Il soutient que le courrier du 29 octobre 2018 en réponse à la mise en demeure de l'employeur du 24 octobre 2018 n'est qu'informatif d'un fait juridique, soit la prise d'acte, survenu le 21 septembre , de sorte que c'est à tort que le Conseil a jugé que la prise d'acte produisait ses effets à la date du 29 octobre 2018, date à laquelle le salarié répondait à la lettre de l'employeur du 24 octobre le mettant en demeure de justifier son absence.

Le premier juge qui a analysé les termes du courrier du 4 septembre 2018, en a déduit que seule l'éventualité de la prise d'acte était évoquée et a considéré que le salarié absent sans justification depuis le 1er octobre 2018 avait expressément notifié sa prise d'acte par son courrier du 29 octobre 2018, a fait une juste appréciation des éléments factuels.

Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu'il a jugé que le contrat de travail a été rompu à la date du 29 octobre 2018.

2°) sur la qualification de la prise d'acte :

Le salarié soutient que l'employeur a commis des manquements suffisamment graves pour constituer une rupture à ses torts, soit le non- paiement de temps de trajets anormalement longs et le non-paiement des heures supplémentaires.

a) sur le défaut d'indemnisation des temps de trajet anormalement longs :

Le salarié expose que :

- il était domicilié à [Localité 13] et se rendre sur son lieu habituel de travail, soit l'agence de [Localité 12] n'aurait pas été excessif ;

- en revanche, se rendre sur les chantiers situés dans toute la région Rhône Alpes, et effectuer chaque jour plusieurs heures de trajet devient excessif au sens de l'article L 3121-4 alinéa 2 ;

- depuis le début de ses fonctions en 2015 jusqu'en novembre 2017, il a effectué 491 déplacements pour se rendre notamment sur le chantier de [Localité 15], distant de 123 kilomètres de son domicile, soit 236 kilomètres aller-retour ;

- sur la période comprise entre novembre 2017 et juillet 2018, il s'est rendu 136 fois à [Localité 14] ;

- ce sont donc 627 déplacements de 1 heure 30, soit 3h 20 aller-retour qui sont concernés, au total 1881 heures de trajet entre novembre 2015 et juillet 2018 ;

- en considérant comme durée normale de trajet une heure, il convient de retenir qu'il a effectué 2 heures par jour de trajet d'une durée anormale et en conséquence indemnisables.

Considérant que la cour de cassation a fixé la contrepartie aux trajets anormalement longs à une heure de salaire normale, et 'à titre d'exemple, qu'une majoration salariale de 79e est appliquée dans les entreprises exerçant la même activité que la société Paralu' (sic), le salarié demande le paiement de la somme de 49 333 euros (627 x79).

La société fait valoir en réponse que :

- au terme de son contrat de travail, il était expressément mentionné que le salarié serait rattaché administrativement à l'agence de [Localité 12] mais qu'en raison de ses fonctions,« la mobilité est une obligation du contrat » ;

- il était amené, en sa qualité de Chef de chantier, à se rendre sur chaque chantier ;

- son lieu de travail dépendait nécessairement de la localisation des chantiers sur lesquels

il était affecté, de sorte que la mention de l'agence de [Localité 12] dans le contrat de travail n'avait qu'une valeur informative et administrative et qu'en l'absence de lieu de travail habituel fixe, le salarié ne peut pas bénéficier des règles applicables en matière de temps de déplacement anormaux.

La société ajoute que le salarié prétend encore n'avoir bénéficié d'aucune compensation en repos ni financière concernant ses temps de trajet, alors d'une part qu'il n'a effectué aucun déplacement professionnel avec un temps trajet considéré comme anormal au sens du code du travail, et alors d'autre part qu'il bénéficiait d'un avantage en nature voiture et de l'indemnisation de l'intégralité des frais engendrés par ses déplacements.

Enfin, la société fait valoir que le salarié effectuait en réalité l'ensemble de ses trajets pendant son temps de travail effectif, ce qui résulte de l'analyse de ses notes de frais.

****

L'article L. 3121-4 du code du travail énonce :

'Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière.

La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.'.

La chambre sociale juge que :

- lorsqu'un salarié travaille sur différents chantiers, le temps de trajet du salarié pour se rendre sur ces chantiers est du temps de travail effectif lorsqu'il est tenu, au préalable, de se rendre au siège de l'entreprise ;

- en revanche, lorsque le salarié travaille sur des chantiers mais n'est pas, au préalable, tenu de se rendre au siège de l'entreprise, le temps de déplacement entre son domicile et le chantier s'analyse en du temps de trajet qui n'est jamais du temps de travail effectif et qui ne donne lieu à compensation que s'il excède le temps normal de trajet.

En l'espèce, compte tenu des termes du contrat, soit :' Lieu habituel de travail: rattaché à l'agence de [Localité 12]. Compte tenu de la nature de la mission, la mobilité est une obligation du contrat.

Mise à disposition d'un véhicule société type Clio ou similaire', le jugement doit être confirmé en ce qu'il a jugé que le contrat de travail mentionnait un lieu de rattachement administratif, en l'espèce, l'agence de [Localité 12] et que le salarié n'avait pas de lieu habituel de travail dés lors qu'il était tenu de se rendre sur différents chantiers pour accomplir ses missions.

Le jugement est également confirmé en ce qu'il a jugé qu'aucune obligation n'était faite au salarié de se rendre au préalable au siège de l'entreprise avant de se rendre sur ses chantiers d'affectation.

En retenant que les trajets invoqués par le salarié étaient exclusivement cantonnés à la région Rhône-Alpes, qu'aucun élément du débat ne permettait d'apprécier de façon précise, ni les dates des trajets, ni les destinations, ni les kilomètres parcourus, que les factures d'essence versées aux débats par la société étaient inexploitables, le premier juge en a justement déduit d'une part que les trajets invoqués par le salarié n'étaient pas anormalement longs, d'autre part que l'employeur n'avait pas commis de manquement dés lors qu'il justifiait avoir défrayé le salarié pour ses trajets et avoir mis un véhicule à sa disposition.

b) sur le défaut de paiement des heures supplémentaires :

Le salarié soutient qu'il a réalisé, en septembre 2017, deux journées de travail sur les chantiers [T] et Xpôle avec des horaires dépassant largement la durée légale du travail, soit :

-une première journée de 8h du matin à 3 heures du matin

-une seconde journée (mercredi) de 9 h du matin à 2 h du matin, ce qui représente 56 heures pour la semaine concernée, soit 17 heures supplémentaires non formellement contredites par l'employeur.

Il demande à ce titre la somme totale de 555,34 euros.

Au titre du mois de février 2018, le salarié fait valoir qu'il a travaillé les samedi 10 février et 24 février 2018 sur le chantier [T] à [Localité 15], (banlieue de [Localité 14]) ;

Il demande à ce titre la somme de 392.64 euros calculée sur les bases suivantes :

deux jours travaillés en heures supplémentaires en février 2018 à raison de 8 heures de travail par jour, soit :

de la 40ème heure à la 43ème heure : 4 heures x 22.31= 89.24

Au delà de 44 ème heure ,soit : 4 x 26.77= 107.08 e

La société s'oppose à toute demande au titre des heures supplémentaires en soutenant que le salarié, qui prétend avoir réalisé dix-sept heures supplémentaires au mois de septembre 2017 et seize heures supplémentaires au mois de février 2018, ne produit aucun élément suffisamment précis pour justifier, tant de la réalisation effective des heures revendiquées, que de l'application de la majoration afférente; qu'il n'apporte aucun détail, aucun décompte, aucune pièce sur les prétendues heures supplémentaires réalisées.

****

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il résulte des demandes du salarié devant la cour qu'il indique, au titre du mois de septembre 2017, deux journées de travail représentant un total de 56 heures. S'il ne précise pas les dates exactes, il indique cependant les horaires de début et de fin de journée, ainsi que les deux chantiers concernés.

S'agissant du mois de février 2018, les dates sont précisées ainsi que le chantier concerné et le calcul indiqué par le salarié porte sur huit heures supplémentaires pour chacune de ces deux journées.

Le premier juge a d'ailleurs pu constater, au visa des pièces produites par le salarié, qu'il avait effectivement travaillé les 10 et 24 février 2018 ce qui résultait à la fois de ses demandes de remboursement de frais, et d'un plan de prévention qui prévoyait sa présence sur le chantier de [Localité 15] le 10 février 2018 de 8h à 17 heures.

Il en résulte que le salarié apporte des éléments suffisamment précis pour établir l'existence d'heures supplémentaires dépassant son forfait hebdomadaire de 39 heures , éléments qui permettent à l'employeur d'y répondre tant sur le principe d'heures supplémentaires qui auraient été rendues nécessaires par les missions à effectuer, lesquelles n'auraient pu être réalisées dans l'horaire imparti, le salarié précisant la nature du chantier, que sur le quantum.

Et la société n'apporte aucun élément résultant de son propre contrôle.

Dans ces conditions, la cour fait droit à la demande du salarié au titre des heures supplémentaires à hauteur de 947,98 euros, outre 94,79 euros de congés payés afférents et fixe cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Paralu.

Mais, le non paiement d'un faible volume d' heures supplémentaires au regard de la durée de la relation contractuelle, heures supplémentaires que le salarié n'a au demeurant pas réclamées avant sa prise d'acte, ne constitue pas un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite de la relation contractuelle, de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a jugé que les demandes relatives aux heures supplémentaires et à l'indemnisation des temps de trajet ne constituaient pas des manquements justifiant une prise d'acte.

- Sur la demande au titre du travail dissimulé :

Le salarié expose, au visa des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile, selon lesquelles « les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire , la conséquence , ou le complément nécessaire. », que son indemnisation pour travail dissimulé résulte de la nature cachée, dissimulée des heures supplémentaires effectuées et non payées.

Il soutient qu'il avait formulé une demande de 5 000 euros au titre du préjudice subi du fait du non paiement des heures supplémentaires et du non respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de la durée du travail, de sorte que sa demande au titre du travail dissimulé était bien formulée en première instance même si elle n'était pas référencée au regard de l'application de l'article 8224-1 du code du travail.

La société conclut au rejet de cette demande.

****

Il résulte de la requête saisissant le conseil de prud'hommes ainsi que du jugement déféré que le salarié a bien saisi le conseil de prud'hommes d'une demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé, d'un montant de 17 400 euros bruts au terme de l'acte introductif d'instance et de 18 103,32 euros au terme des conclusions de première instance.

Il ne s'agit donc pas d'une demande nouvelle.

L'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l'article L 8 221-5 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli.

Au terme de l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle et l'élément intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Le salarié qui n'apporte aucun élément de nature à caractériser la volonté de l'employeur de dissimuler des heures supplémentaires est par conséquent débouté de sa demande au titre du travail dissimulé et le jugement est confirmé.

- Sur les demandes accessoires:

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la Selarlu [N] et la Selarl MJ Synergie, es qualités, et le jugement déféré est infirmé en ce sens.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt rendu par défaut et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Dans la limite de la dévolution,

REJETTE la demande de la Selarlu [N] et la Selarl MJ Synergie, es qualités, tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de condamnations formulées par M. [W] envers la société en liquidation judiciaire

DÉCLARE irrecevable la demande de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail et des garanties légales et conventionnelles prévues en matière de repos quotidien et hebdomadaire

CONFIRME le jugement déféré sauf sur le rejet de la demande au titre des heures supplémentaires et sur les dépens

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés

FIXE la créance de M. [W] au titre des heures supplémentaires, au passif de la société Paralu à la somme de 947,98 euros, outre 94,79 euros de congés payés afférents

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la Selarlu [N] et la Selarl MJ Synergie, es qualités, aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 20/07106
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;20.07106 ?
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