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12/06/2024 | FRANCE | N°20/04810

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 12 juin 2024, 20/04810


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 20/04810 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NEBR



S.A.S. J&H

Société MJ SYNERGIE

C/

[L]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 01 Septembre 2020

RG : F18/03128

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 12 JUIN 2024







APPELANTE :



Société J&H

[Adresse 2]

[Localité 5]



représentée par Me Sabah DEBBAH de

la SELARL JURIS LAW & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON





INTIMÉ :



[X] [L]

né le 18 Mai 1973 à [Localité 12]

[Adresse 3]

[Localité 5]



représenté par Me Yves NICOL de la SELARL AVOCATALK, avocat au barreau de LYON





...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/04810 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NEBR

S.A.S. J&H

Société MJ SYNERGIE

C/

[L]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 01 Septembre 2020

RG : F18/03128

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 12 JUIN 2024

APPELANTE :

Société J&H

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Sabah DEBBAH de la SELARL JURIS LAW & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[X] [L]

né le 18 Mai 1973 à [Localité 12]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Yves NICOL de la SELARL AVOCATALK, avocat au barreau de LYON

PARTIES ASSIGNÉES EN INTERVENTION FORCÉE :

Société MJ SYNERGIE représentée par Me [W] [O] ou Me [Y] [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société J&H

[Adresse 1]

[Adresse 10]

[Localité 6]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Arlette BAILLOT-HABERMANN, avocat au barreau de LYON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE

[Adresse 4]

[Adresse 11]

[Localité 7]

non représentée

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Mars 2024

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Catherine MAILHES, présidente

- Nathalie ROCCI, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par contrat de travail a durée indéterminée, M. [L] a été embauché à compter du 03 janvier 2002 en qualité de boulanger par l'EURL [M].

La rémunération brute mensuelle de M. [L] a été fixée à la somme de 1 293,23 euros, outre une prime de travail de nuit de 138,56 euros ainsi qu'une prime de panier pour 35h de travail hebdomadaire.

La convention collective applicable est celle de la boulangerie pâtisserie artisanale.

La Société J&H a été créée et immatriculée au RCS de Lyon le 14.06.2017 en vue de l'acquisition de deux fonds de commerce de Boulangerie à [Localité 13], anciennement propriété de M.[G] [M].

Le 13 septembre 2017, M. [L] s'est trouvé en situation d'arrêt travail.

Le 04 octobre 2017, l'Eurl [M] a cédé ses deux fonds de commerce de boulangerie à la SAS J&H et le contrat de travail de M. [L] a été transféré à la société J&H.

M. [L] a repris son poste le 28 mai 2018.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 7 août 2018, la société J&H a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, devant se tenir au siège de l'entreprise le 16 août 2018 et lui a notifié dans le même temps sa mise à pied à titre conservatoire .

Par courrier recommandé avec accusé de réception circonstancié en date du 30 août 2018, la société J&H a notifié au salarié son licenciement pour faute grave, dans les termes suivants :

'(...) En dépit des explications que vous nous avez fournies lors de cet entretien, nous sommes

contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, compte tenu des éléments

suivants :

- Mise en danger de la santé des clients avec préparations indignent (sic) malgré nos différents

entretiens individuels pour vous alerter sur cette situation, une réunion de service pour attirer votre attention sur la qualité médiocre de votre production et les nombreuses plaintes de clients ; quelques exemples :

Le 28 juillet 2018 : nous avons reçu une plainte avec retour de marchandise de notre client maison de retraite le manoir pour la qualité de son pain depuis plusieurs jours, trop cuit voir brûlé,

Entre le 25 juin et le 9 juillet, vous étiez en charge de produire le pain et les pizzas pour notre client jules et [N] SAS pendant toute cette période toutes les pizzas livrées ont été mise la poubelle parce qu'invendable (photo prise pour preuve par le client); concernant le pain la vendeuse de ce client s'est vu jeter une baguette à la figure par un client excédé par la qualité du pain qui leur était vendu depuis quelques jours.

Notre client Raconte-moi la terre a à plusieurs reprises et notamment le 8 juillet renvoyé les quiches brûlées alors que c'était vous qui aviez en charge de la cuisson.

Dans le mois de juillet, nous avons perdu le client [Localité 8] de Montchat suite à plusieurs plaintes concernant les produits de fabrication.

Chaque fois vous preniez l'engagement de vous reprendre et nous, faisant confiance à vos 16 ans d'ancienneté dans l'entreprise, nous voulions croire qu'il s'agissait juste d'un passage à vide et que vous alliez vous reprendre. Ça n'a malheureusement pas été le cas jusqu'à une plainte de client du magasin du Tonkin pour intoxication alimentaire suite à la consommation d'une brioche de votre fabrication le dimanche 5 août et qui nous a décidé à envisager la procédure de licenciement à votre encontre.

- Manquement à votre obligation de tenir votre poste de travail propre : suite à un contrôle d'hygiène le 20 juin 2018 par la direction départementale de la protection des populations du Rhône, nous avons reçu un avertissement pour non-conformité aux règles d'hygiène pour votre laboratoire de fabrication.

- Absence injustifiée du 6 août 2018. Alors que le laboratoire de boulangerie était en sous-effectif pour cause de congé, le lundi 6 août vous ne vous êtes pas présenté pour prendre

votre poste, laissant un collègue seul pour assurer la production des magasins et des clients extérieurs, et sans avoir averti ni présenté de justificatif pour votre absence. Quand on vous a demandé ce qu'il en était, vous avez répondu que vous aviez besoin d'un jour de repos pour un doigt douloureux.

- Relation conflictuelle instaurée avec vos collègues : depuis votre retour après prés de 9 mois d'arrêt maladie, vous avez refusé de collaborer avec vos collègues ; ce malgré les multiples réunions et entretiens de médiation que j'ai pu faire seul avec vous ou en présence de vos autres collègues.

- Le 24 juillet dernier vous avez pris violemment à parti Mme [A] devant témoin, lui disant entre autres je cite :' tout ce que je veux c'est partir d'ici mais je ne partirai pas sans rien, je veux que vous me donniez un chèque pour que je parte .... .. ».

Compte tenu :

De la gravité des faits qui vous sont reprochés,

De notre activité qui est un métier de bouche, de votre poste de travail au sein de l'entreprise a savoir que vous êtes en charge de la préparation des marchandises vendues pour une consommation immédiate et en l'état, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ».

Par requête du 9 octobre 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement intervenu en période de suspension de son contrat de travail et sans qu'il ait été soumis à une visite médicale de reprise.

La société J&H a été convoquée devant le bureau de conciliation et d'orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 11 octobre 2018.

Par jugement en date du 18 septembre 2020, le Conseil de Prud'hommes a :

- Dit et jugé que le licenciement de M.[X] [L] est nul avec toutes ses conséquences ;

- Fixé le salaire mensuel moyen de M.[X] [L] à 2 773,32 euros ;

- Condamné la SAS J&H à verser à M. [L] les sommes suivantes:

37 440 euros à titre de dommages et intérêts,

4 856 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

485,60 euros de congés payés afférents,

13 648 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

2 125 euros au titre de rappel de rappel de salaire sur la période de mise à pied,

215,50 euros au titre des congés payés afférents,

1 500 euros sur fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Ordonné le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à M. [L] dans la limite de 3 mois ;

- Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire autre que celle de droit ;

- Débouté la SAS J&H de toutes ses demandes ;

- Condamné la SAS J&H aux entiers dépens de l'instance.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 8 septembre 2020, la société J&H a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 1er septembre 2020, en indiquant que l'appel était limité aux chefs de jugement expressément critiqués, soit l'intégralité des chefs du jugement expressément retranscrits dans la déclaration d'appel.

Par ordonnance du 20 mai 2021, le président chargé de la mise en état a prononcé d'office l'irrecevabilité des conclusions déposées le 2 février 2021 par l'intimé en ce qu'elles concernaient une partie étrangère au litige.

Les dernières conclusions du conseil de M. [L] remises au greffe de la cour le 19 juillet 2022, sont par conséquent irrecevables.

Le 8 juin 2021, le Tribunal de Commerce de Lyon a prononcé l'ouverture d'une procédure de

redressement judiciaire de la société J&H 'Le pain doré' et a nommé la Selarl MJ Synergie en qualité de mandataire judiciaire.

La date de cessation de paiement a été fixée au 27 avril 2021.

Le 16 mars 2022, la société J&H 'Le pain doré' a été placée en liquidation judiciaire selon un jugement du Tribunal de Commerce de Lyon lequel a désigné la Selarl MJ Synergie, en qualité de mandataire judiciaire.

A la requête de M. [L], l'Unedic, Délégation AGS CGEA de Chalon-Sur-Saône a été assignée en intervention forcée le 8 juillet 2022. Un procès-verbal de remise à personne morale a été établi à cette date.

L'Unedic Délégation AGS CGEA de Châlon-Sur- Saône n'a pas constitué avocat.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 7 décembre 2020, la société J&H demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du 18 septembre 2020 en toutes ses dispositions

Et statuer à nouveau,

A titre principal,

- Constater que le licenciement de M. [L] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- Débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- Fixer l'indemnité de licenciement de M. [L] à la somme de 13 096,23 euros ;

- Ramener à de plus justes proportions les dommages et intérêts à la charge de la société J&H pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul ;

- Fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul à la somme de

8 319,96 euros ;

En tout état de cause,

- Condamner M. [L] à payer à la société J&H la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et aux entiers dépens.

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 6 octobre 2022, la Sarl MJ Synergie demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Lyon du 18 septembre 2020 en toutes ses dispositions,

Et statuer à nouveau,

A titre principal,

- Constater que le licenciement de M. [L] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- Débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- Fixer l'indemnité de licenciement de M. [L] à la somme de 13 096,23 euros ;

- Ramener à de plus justes proportions les dommages et intérêts à la charge de la société J&H pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul ;

- Fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul à la somme de 8 319,96 euros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ; aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement, par l'employeur, pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société J&H a licencié M. [L] pour faute grave en lui reprochant :

- la qualité médiocre de ses productions et en invoquant les plaintes de clients ;

- ses manquements aux règles d'hygiène et de sécurité alimentaire ;

- ses relations conflictuelles, voire violentes, avec ses collègues de travail ;

- une absence injustifiée.

La Selarl Synergie verse aux débats un courriel de plainte adressé par le château Montchat le 8 juin 2018 libellé comme suit :

'Vous trouverez en pièce jointe deux photos éloquentes de miches livrées ce matin!!!! que fait-on''

Elle produit par ailleurs cinq attestations émanant d'une part de personnes ayant travaillé avec M. [L], soit Mme [Z] [H], ancienne apprentie et M. [S], chargé d'une fonction d'encadrement au sein de la boulangerie de la société J&H, d'autre part, de clients de la boulangerie, Mme [T] [R], M. [D] [C], Mme [B] [J].

Ainsi, Mme [Z] déclare avoir travaillé avec M. [L] pendant de nombreuses années et être en mesure de témoigner sur son incompétence tant s'agissant des normes d'hygiène que des règles. Elle donne deux exemples tels que l'utilisation de sauce tomate périmée pour les pizzas ou encore de pâte fermentée.

M. [S] déclare: '(...) Avec les nouveaux employeurs, [X] ( M. [L]) ne respectait pas les normes d'hygiène, ni les produits. Etant au premier plan de la clientèle, beaucoup de retour négatif à plusieurs reprises. Croissant cru à l'intérieur. Pâte à brioche fermentée. Mélange de pâte ancienne pour les pains. Conserve sauce pizza jamais refermée. Consigne et règle pour les produits frais pas respectés.(...)'

Les attestations des clients sont très imprécises et peu circonstanciées. Mme [R] déclare par exemple :

' Je reconnais avoir constaté pendant plusieurs mois une baisse de qualité suite à cela je ne venais plus plusieurs fois. J'ai averti le personnel m'assurant que la qualité allait s'améliorer chose faite et depuis à mon avis le changement du personnel en production.'(Sic)

L'attestation de M. [C] n'est guère plus précise. Ainsi ce dernier déclare avoir 'constaté quelques problèmes concernant le pain pendant une période. A cette période le pain était acide et sans saveur, les baguettes inmangeables(...) Actuellement, de nouveau client, je suis forcé de constater que la qualité c'est nettement améliorée, ceci reste qu'un mauvais souvenir.'.

Enfin, Mme [J] expose : ' Etant cliente depuis une dizaine d'années à la boulangerie, Pâtisserie [M], celle-ci ayant changé d'enseigne depuis 2 ans maintenant celle-ci s'appelle J&H pendant un laps de temps j'ai remarqué que mes produits habituels Baguettes et Brioches natures avaient un goût rance, j'en ai parlé au responsable de vente et que celui-ci allait en avertir la direction qui a dû renouveler son personnel de production sachant qu'à ce jour je suis pleinement satisfaite des produits que j'achète. Le pain est à nouveau de qualité, et j'apprécie à nouveau de me servir dans cette boulangerie S&H.'

Il est constant que l'exécution défectueuse d'une prestation de travail est en principe due à une inadaptation au poste ou à une insuffisance professionnelle et que l'employeur ne peut sanctionner cette insuffisance par la mise en oeuvre de son pouvoir disciplinaire que si l'exécution défectueuse est due à l'abstention volontaire du salarié ou à sa mauvaise foi délibérée.

En l'espèce, la cour observe que le salarié a été affecté au même poste pendant plus de quinze années, avec deux employeurs distincts compte tenu du transfert du contrat de travail et que la Selarl Synergie ne justifie, au cours de cette relation contractuelle, d'aucune remarque ou observation sur la qualité du travail de M. [L]. La cour observe par ailleurs qu'une seule plainte est antérieure au licenciement, soit celle du client [Adresse 9], laquelle plainte est formulée dans des termes laconiques et n'est corroborée par aucun élément objectif.

En ce qui concerne les autres plaintes de clients, aucune n'est antérieure au licenciement et ces plaintes sont, en tout état de cause, insuffisamment circonstanciées et insuffisamment précises sur la période concernée par la mauvaise qualité supposée des produits vendus.

Il en résulte que l'abstention volontaire ou la mauvaise foi délibérée de M. [L] dans l'exécution de son travail n'est pas caractérisée par les éléments du débat.

S'agissant des relations conflictuelles avec ses collègues et de son absence injustifiée, la Selarl Synergie ne rapporte pas la preuve des manquements fautifs.

La Selarl MJ Synergie conteste par ailleurs le prononcer de la nullité du jugement en soulignant que si le salarié n'a effectivement pas fait l'objet d'une visite médicale de reprise à la suite de son arrêt pour un accident du travail, il avait néanmoins repris son travail à la date du licenciement et demeurait soumis à son obligation de loyauté ainsi qu'au pouvoir disciplinaire de l'employeur.

La Selarl MJ Synergie fait valoir que l'absence de visite médicale de reprise ne saurait faire oublier les agissements déloyaux auxquels s'est adonné le salarié.

****

Au terme des débats, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Enfin, faute de visite médicale de reprise, le contrat de travail suspendu par un arrêt de travail pour cause d'accident du travail, demeure suspendu malgré la reprise du travail , en sorte qu'à défaut de faute grave justifiée et à défaut de cause réelle et sérieuse, le licenciement est nul par application des dispositions combinées des articles L. 1226-9 et 1226-13.

Le jugement est confirmé sur la nullité du licenciement.

- Sur les indemnités de rupture :

Le licenciement étant nul, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité conventionnelle de licenciement.

La Selarl MJ Synergie fait valoir à titre subsidiaire que la durée du préavis est de deux mois et que l'indemnité de licenciement s'élève à 13 096,23 euros se décomposant comme suit :

(2 773,32 euros/4) x 10 ans + ( 2 773,32 euros/3) x 6 ans + ( 2 773,32 euros/3)/12 mois x 8 mois.

La cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société J&H à payer à M. [L] la somme de 4 856 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 485 euros de congé payés afférents, valide le calcul proposé par la Selarl MJ Synergie au titre de l'indemnité de licenciement et infirme en conséquence le jugement sur ce montant. L'indemnité de licenciement est donc fixée à la somme de 13 096,23 euros au lieu de 13 648 euros.

- Sur les dommages- intérêts :

En application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail, M. [L] peut prétendre à une indemnité, à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

La Selarl MJ Synergie fait valoir que les circonstances du licenciement ne justifient pas l'octroi de l'indemnité maximale et qu'il n'est pas exclu que M. [L] ait retrouvé un travail ensuite de son licenciement compte tenu de son âge et de la nature de l'emploi.

Compte tenu des circonstances, de l'âge du salarié à la date du licenciement, soit 45 ans, de son ancienneté dans les effectifs de l'employeur, soit seize années, et du montant de son salaire moyen, soit 2 773,32 euros, la cour estime que le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation du préjudice en lui allouant la somme de 37 440 euros.

- Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la SAS J&H les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à M. [L] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l'issue du litige, la Selarl MJ Synergie est condamnée, es qualités, aux dépens d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Dans la limite de la dévolution,

CONFIRME le jugement déféré sauf sur le montant de l'indemnité de licenciement ;

Statuant à nouveau sur ce chef et y ajoutant,

FIXE l'indemnité de licenciement à la somme de 13 096,23 euros ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel ;

CONDAMNE la Selarl MJ Synergie aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 20/04810
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;20.04810 ?
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