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06/06/2024 | FRANCE | N°21/07849

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 06 juin 2024, 21/07849


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/07849 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N5DO





SASU ITM LOGISTIQUE ALIMENTAIREINTERNATIONAL



C/



[O]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 01 Octobre 2021

RG : F19/00252



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 06 JUIN 2024







APPELANTE :



SASU ITM LOGISTIQUE ALIMENTAIREINTERN

ATIONAL

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant du barreau de LYON et Me David CALVAYRAC de la SELEURL DAVID CALVAYRAC, avocat plaidant du ba...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/07849 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N5DO

SASU ITM LOGISTIQUE ALIMENTAIREINTERNATIONAL

C/

[O]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 01 Octobre 2021

RG : F19/00252

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 06 JUIN 2024

APPELANTE :

SASU ITM LOGISTIQUE ALIMENTAIREINTERNATIONAL

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant du barreau de LYON et Me David CALVAYRAC de la SELEURL DAVID CALVAYRAC, avocat plaidant du barreau de PARIS substitué par Me Nathan HUBERT, avocat du même barreau

INTIMÉ :

[M] [O]

né le 27 Janvier 1960 à [Localité 5] (Algérie)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Stéphanie BARADEL de la SELARL STEPHANIE BARADEL AVOCAT, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Mai 2024

Présidée par Françoise CARRIER, Conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

A compter du 11 novembre 1996, M. [M] [O] a été embauché selon contrat à durée déterminée en qualité de préparateur de commandes par la société ITM LAI, exerçant une activité de logistique à vocation alimentaire pour l'ensemble du groupement 'les Mousquetaires',.

La relation de travail s'est poursuivie pour une durée indéterminée et en demier lieu M. [O] occupait le même emploi, niveau 2, échelon D de la Convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et il percevait une rémunération brute mensuelle de base de l 587,48 €.

M. [O] a été placé en accident du travail à compter du 26 septembre 2017.

Par courrier du 15 novembre 2017, il s'est vu proposer un transfert de son contrat de travail au sein du nouvel établissement de [Localité 7] qu'il a refusé par un écrit daté du 22 novembre 2017.

Par courrier du 2 novembre 2018, M. [O] a été licencié pour motif économique dans les termes suivants :

' Par la présente, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour motif économique, en application du Plan de Transformation Logistique (déclinaison 2016/2017) initié au sein de notre entreprise depuis 2012.

Les motivations économiques de ce licenciement sont les suivantes :

Notre société ITM LAI a pour essentielle activité d'assurer aux enseignes « alimentaires » du Groupement des Mousquetaires (INTERMARCHE, NETTO) qui sont ses clients, l'appui fonctionnel en matière logistique / transport dont elles ont besoin.

A ce titre, ITM LAI se doit de donner à ces enseignes frontalement confrontées à une concurrence toujours plus aiguisée, les moyens et atouts de leur propre performance, condition indispensable à la pérennité de l'ensemble du dispositif de distribution du Groupement.

Or, le contexte économique actuel couplé aux nouvelles habitudes d'achat des clients, impose aux acteurs de la grande distribution alimentaire une refonte de leurs stratégies.

En tant qu'intervenant majeur sur le marché de la grande distribution, le Groupement des Mousquetaires se doit d'être continuellement pro-actif face aux évolutions imposées par ces changements de comportement et/ou les avancées de la concurrence (notamment le e-commerce/drive).

C'est pourquoi, depuis 2010, le Groupement des Mousquetaires s'est engagé dans une politique commerciale misant sur une augmentation de la fidélité du consommateur et une baisse des coûts de fonctionnement.

La déclinaison des axes stratégiques de l'enseigne INTERMARCHE (nouveaux formats, innovation, drive etc.) se traduit en particulier par une « offre produit» extrêmement diversifiée et une croissance historique du nombre de références mises à disposition des consommateurs.

Cette évolution est directement ressentie sur l'ensemble des entrepôts ITM LAI, et plus particulièrement les bases « sec » préparant les produits à plus forte rotation. Le premier impact visible dans ces entrepôts est la saturation des emplacements « picking ».

Répondre à cette croissance dans la configuration actuelle de la logistique organisée par la société ITM LAI est de nature à mettre celle-ci en très grande difficulté (saturation des entrepôts/ Solutions « palliatives » coûteuses et peu réactives), au regard des faiblesses qui sont les siennes.

Les faiblesses d'ITM LAI sont tout d'abord inhérentes à son fonctionnement.

Ses faiblesses sont économiques :

- Compte tenu d'une séparation des flux « sec/frais » inadéquate entraînant une « désoptimisation » globale du transport de distribution

- Compte tenu de l'obsolescence du Parc Logistique tant d'un point de vue technique qu'au regard des usages de la profession.

Ses faiblesses sont sociales :

- Compte tenu de l'aggravation des indicateurs sociaux tels que ceux liés à l'inaptitude ou l'absentéisme et témoignant d'une dégradation des conditions de travail.

- Compte tenu d'une population vieillissante qui, au regard des risques professionnels auxquels elle est confrontée (manutention manuelle de charges, postures pénibles, températures extrêmes etc.) et de l'aggravation de ses conditions de travail, est susceptible de voir décliner son état de santé à défaut de mesures correctives.

- Compte tenu d'un déficit d'attractivité se matérialisant par des diffi cultés de recrutement et de fidélisation de sa jeune main d''uvre.

D'autres paramètres exogènes participent à son affaiblissement.

- Un contexte réglementaire plus exigeant face à la vétusté des bases logistiques (normes de sécurité de plus en plus drastiques, d'imminentes normes environnementales etc.)

- L'inexorable augmentation du coût transport (augmentation du coût du carburant, entrée en vigueur de nouvelles taxes, évolution du marché etc.)

Il en résulte, que seule une refonte profonde et rapide de la logistique (révision du positionnement géographique des bases logistiques/ mixité des flux) est de nature à assurer la pérennité d'ITM LAI, en tant que logistique majoritairement intégrée du Groupement des Mousquetaires.

Cette refonte se matérialise par la mise en 'uvre d'un Plan de Transformation Logistique s'organisant autour de 4 axes principaux :

- la création de bases/sites mixtes

- le positionnement des bases logistiques au meilleur endroit

- la création de bases centrales

- la mise en place de nouveaux process de préparation : process de mécanisation de l'activité « frais », de reconnaissance vocale et/ou d'automatisation pour l'activité « sec ».

Les motivations économiques et financières qui ont présidé à la mise en place du Plan de Transformation Logistique, la description de ce Plan dans sa déclinaison à 3 ans (2013 2014 2015) ont été présentées au Comité Central d'Entreprise (réunions de septembre à décembre 2012) ainsi qu'aux Comités d'Etablissement et CHSCT d'ITM LAI (de septembre 2012 à janvier 2013). L'ensemble de ces éléments figure dans un document intitulé «Plan de Transformation Logistique de la société ITM LAI et ses conséquences sociales ». Ces motivations économiques et financières ont été reprises et complétées pour la déclinaison 2016-2017 et figurent dans un document intitulé «Avenant au Plan de Transformation Logistique de la société ITM LAI et ses conséquences sociales ' Document unilatéral ».

La création d'une nouvelle base mixte située à [Localité 7] résulte de la deuxième déclinaison du Plan de Transformation Logistique sur les années 2016 2017. Les motivations économiques, le contenu de la deuxième déclinaison du Plan de Transformation Logistique et ses impacts sur l'emploi ont fait l'objet :

- d'une procédure d'information - consultation du Comité Central d'Entreprise lors des réunions en date des 5 mars 2014, 3 et 4 avril et 13 mai 2014, 19 et 20 juin 2014 et 8 et 9 juillet 2014.

- d'une procédure d'information - consultation de l'instance de coordination CHSCT lors des réunions des 10 avril, 17 juin et 1& juillet 2014

- d'une procédure d'information - consultation de notre Comité d'Etablissement lors des réunions organisées les 5 mai 2014, 20 juin 2014, 18 juillet 2014, 12 janvier 2015, 23 mars 2015, 6 juin 2016, 3 juillet 2017, 11 juillet 2017

- d'une procédure d'information - consultation de notre Comité d'Hygiène, de Sécurité et des conditions de travail lors des 4 réunions de organisées les 2 juin 2014, 16 juillet 2014, 12 janvier 2015, 23 mars 2015

De plus, un plan de sauvegarde de l'emploi visant à la fois à limiter le nombre des licenciements et faciliter le reclassement des personnes impactées dont le licenciement ne pourrait être évité, a également été porté à la consultation de ces instances et a fait l'objet d'un accord partiel signé par l'ensemble des organisations syndicales représentatives.

Ce plan contribue sans nul doute à garantir pour les années à venir la sauvegarde de la compétitivité d'une Logistique majoritairement intégrée au sein du Groupement des Mousquetaires confiée à la société ITM LAI.

(') En conséquence, par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour motif économique. ['] '

M. [O] a adhéré au congé de reclassement d'une durée d'un an et a quitté les effectifs d'ITM LAI le l9 novembre 2019.

Le 25 octobre 2019, il a saisi le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse à l'effet de contester son licenciement et d'obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 1er octobre 2021, le conseil de prud'hommes a condamné la société ITM LAI à verser à M. [O] la somme de 26 195 € nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La société ITM LAI a interjeté appel.

Aux termes de conclusions notifiées le 27 janvier 2022, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [O] la somme de 26 195 €

nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédu re civile et les dépens,

- débouter M. [O] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, ramener à des plus justes proportions le montant des dommages et intérêts sollicités,

- en tout état de cause, dire que les dommages et intérêts alloués s'entendent comme des sommes brutes avant précompte de la CSG et CRDS et des éventuelles cotisations sociales,

- débouter M. [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [O] à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de conclusions notifiées le 7 mars 2022, M. [O] demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société ITM LAI aux dépens en ce compris les sommes retenues par l'huissier en cas d'exécution forcée.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé que les demandes tendant à voir "constater" ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; qu'il en est de même des demandes tendant à voir 'dire et juger" lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur le motif économique

La société ITM LAI fait valoir :

- qu'elle est le prestataire logistique des points de vente alimentaires qui sont ses uniques et exclusifs clients et avec lesquels elle n'a aucun lien capitalistique de sorte que le secteur d'activité à prendre en compte pour apprécier la nécessité d'une sauvegarde de la compétitivité est la logistique alimentaire,

- que la pérennité de la logistique intégrée est en jeu de par le fait des exigences de ses clients et de l'évolution du marché de la distribution alimentaire, le groupement 'les Mousquetaires' évoluant dans un contexte extrêmement concurrentiel,

- que la tendance des autres enseignes est à l'externalisation des activités logistiques voire à leur robotisation,

- que la dégradation du 'coût colis' qui constitue un indicateur de performance de l'entreprise n'est pas conjoncturelle mais résulte de charges d'entreposage en croissance forte,

- que son résultat d'exploitation n'a pas cessé de se dégrader malgré la restructuration

opérée, l'augmentation du nombre de références et l'accroissement des volumes ayant pour conséquence l'augmentation du 'coût colis',

- que ses faiblesses tenant notamment au vieillissement de ses bases logistiques et à la saturation de ses entrepôts rendaient nécessaire l'adoption du plan PTL (plan de transformation logistique) et de son avenant pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise,

- que l'extension du site de [Localité 6] s'étant avérée impossible au regard de la situation foncière de la métropole lyonnaise, il a été décidé de localiser la base mixte Rhône Alpes à [Localité 7].

M. [O] fait valoir :

- que le groupement 'les Mousquetaires' constitue un groupe au sens du droit du travail, la société ITM LAI n'ayant pas de chiffre d'affaires propre et les membres du groupement ayant des intérêts capitalistiques par le biais de la société holding ITM Entreprises,

- qu'en se prévalant d'une concurrence tendue, la société ITM LAI, qui n'a pas de concurrent en logistique, se place dans le périmètre des enseignes commerciales,

- que la société ITM LAI se présente elle-même dans le PTL comme la filiale logistique du groupement et comme une société interne au groupement,

- que c'est l'évolution économique du groupement 'les Mousquetaires' qui doit déterminer l'appréciation de la nécessité de la sauvegarde de compétitivité,

- que les éléments contenus dans le PTL sont obsolètes et non pertinents, que la motivation économique à l'avenant du PTL est identique à celle présentée en 2012, que la société ITM LAI ne produit aucun élément sur sa situation financière contemporain au licenciement,

- que les parts de marché du groupement 'les Mousquetaires' n'ont pas cessé de réaugmenter et que celui-ci connaît une croissance inédite, supérieure à celle de ses concurrents,

- que la preuve de menaces sur la compétitivité n'est pas rapportée, que la recherche d'une meilleure organisation dans un contexte favorable ne constitue pas un motif valable de licenciement.

Selon l'article L.1233-3 du code du travail, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Il en résulte que relèvent du même secteur au sens de ces dispositions les entreprises dont l'activité économique a le même objet, quelles que soient les différences tenant aux modes de production des biens ou de fourniture des services.

En l'espèce, la société ITM LAI est filiale à 100% de la société ITM Entreprises, société mère dont les exploitants de magasins, commerçants indépendants, sont tous adhérents ou actionnaires.

La branche d'activité logistique du groupement Intermarché est une activité dite 'intégrée' c'est à dire que les bases logistiques ont comme seuls clients les enseignes du groupement et que les magasins ont comme seuls fournisseurs les bases logistiques.

La société ITM LAI a élaboré un plan de transformation logistique dès 2013 afin de procéder à sa réorganisation. Un avenant à ce plan a été établi le 9 juillet 2014 pour les années 2016 et 2017.

Il ressort de ces documents que cette réorganisation, consistait notamment en la création de bases logistiques rassemblant les produits alimentaires secs, frais et gel et disposant d'un meilleur positionnement géographique, et qu'elle avait pour objectif d'assurer la pérennité de la société dans un contexte réglementaire plus exigeant et en raison de l'augmentation du coût du transport, de l'augmentation des produits références et de l'obsolescence du parc immobilier.

L'avenant précise que l'objectif est l'augmentation du chiffre d'affaire de la société ITM LAI et de permettre, par voie de conséquence, aux enseignes rattachées au groupement 'les Mousquetaires' de proposer des prix bas au consommateur.

Le bilan économique prévisionnel de cet avenant indique que des économies sont attendues sur le transport, le coût immobilier, les charges fixes de personnel et les frais divers. Chargée d'émettre un avis par la comité central d'entreprise de la société ITM LAI sur ce plan de transformation logistique et son avenant, la société SECAFI a notamment indiqué dans ses rapports d'avril et de septembre 2018 que ces documents avaient pour objectif la réduction du coût des transports et qu'en dépit des difficultés liées à l'augmentation du nombre de références, la performance économique de la société ITM LAI était satisfaisante.

Etant dans une relation d'exclusivité avec ses partenaires, la société ITM LAI ne souffre d'aucune concurrence propre mais seulement de la concurrence indirecte qui pèse sur les entreprises membres du groupement.

Le fait que le groupement 'les Mousquetaires' exerce son activité dans un secteur très concurrentiel n'a pas à être pris en compte dès lors qu'en application de l'article L.1233-3, le motif de la sauvegarde de la compétitivité doit être apprécié au niveau du secteur d'activité de la société ITM LAI, à savoir la logistique et non pas au niveau du groupement.

La société ITM LAI ne peut donc pas démontrer le besoin de sauvegarde de compétitivité sur le secteur d'activité de la branche logistique puisqu'elle n'exerce pas dans un contexte de concurrence.

En tout état de cause, l'existence de menaces sur la compétitivité susceptibles de justifier des licenciements économiques n'est pas démontrée.

En effet, il ressort des chiffres transmis par la société ITM LAI elle-même dans le cadre du recours hiérarchique exercé par M. [S], salarié titulaire de mandats, qu'entre 2014 et 2017, son chiffre d'affaire a progressé de 3,90%, son résultat d'exploitation de 127,91% et son excédent brut d'exploitation de 19,69%.

Il ressort également de la fiche info-greffe de l'entreprise qu'à fin 2018, son chiffre d'affaires avait progressé de 10,51% par rapport à l'exercice précédent, le résultat négatif de l'exercice s'expliquant par l'impact du PSE dont le montant était estimé au rapport SECAFI à environ 10,7 millions d'euros.

Pas plus, à supposer que ce soit le périmètre pertinent d'appréciation, il ne ressort pas de la situation du groupement 'les Mousquetaires' au cours de ces mêmes années que des menaces aient pesé sur sa compétitivité. En effet, le groupement a connu des gains de part de marché continues depuis 2016 ayant pour conséquence une augmentation des volumes et donc des besoins logistiques, les parts de marché des enseignes alimentaires Netto et Intermarché ayant progressé de 13,7% en 2012 à 14,8% en 2018, cette croissance étant supérieure à celle de ses concurrents. Le rapport SECAFI fait état d'une augmentation du chiffre d'affaires du groupe 'structurellement croissante' passé de 17 877 M € en 2012 à 19 368 M € en 2017.

Une réorganisation qui procède de la seule recherche d'une meilleure organisation ou qui intervient pour réaliser des économies dans un contexte favorable ou obéissant à une volonté de rationalisation dans une recherche d'amélioration de la rentabilité ne constitue pas un motif valable de licenciement, en l'absence de toute menace avérée sur la compétitivité.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

Au regard de son âge à la date du licenciement, des circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et des difficultés de réinsertion professionnelle rencontrées, le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation du préjudice subi par M. [M] [X] du fait de la perte de son emploi de sorte que le jugement est également confirmé, sauf à ce qu'il soit précisé que la somme allouée supportera, le cas échéant, le prélèvement des cotisations et contributions sociales.

Selon l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur les demandes accessoires

La société ITM LAI qui succombe supporte les dépens d'appel.

La Cour précise que les dispositions de l'article L.11-8 du code des procédures civiles d'exécution prévoient la répartition des frais d'exécution forcée et de recouvrement entre le créancier et le débiteur, et le recours au juge chargé de l'exécution dans certains cas.

Il n'appartient pas au juge du fond de mettre à la charge de l'un ce que la loi a prévu de mettre à la charge de l'autre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Réforme le jugement déféré en ce qu'il a dit que les dommages et intérêts alloués s'entendaient en net ;

Statuant à nouveau,

Dit que les dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s'entendent comme des sommes brutes et supporteront s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par la société ITM LAI des indemnités de chômage payées à M. [M] [O] dans la limite de trois mois en application de l'article L 1235-4 du code du travail ;

Condamne la société ITM LAI aux dépens sans y inclure les éventuels frais d'exécution, et rejette la demande formée par la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/07849
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;21.07849 ?
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