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06/06/2024 | FRANCE | N°21/07267

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 06 juin 2024, 21/07267


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/07267 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N3UJ





[P]



C/



S.A. OPTIMARK







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 13 Septembre 2021

RG : F 20/00277



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 06 JUIN 2024







APPELANT :



[C] [P]

né le 18 Mai 1987 à [Localité 5] (Algérie)
>[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Julien MICHAL de la SELARL CABINET D'AVOCATS MICHAL ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



S.A. OPTIMARK

[Adresse 3]

[Localité 2]



représentée par Me Xavier PIETRA de la SCP CABINET ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/07267 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N3UJ

[P]

C/

S.A. OPTIMARK

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 13 Septembre 2021

RG : F 20/00277

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 06 JUIN 2024

APPELANT :

[C] [P]

né le 18 Mai 1987 à [Localité 5] (Algérie)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Julien MICHAL de la SELARL CABINET D'AVOCATS MICHAL ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.A. OPTIMARK

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Xavier PIETRA de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat plaidant du barreau d'AIX-EN-PROVENCE et Me Anne CHAURAND, avocat postulant du barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Mai 2024

Présidée par Françoise CARRIER, Conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat d'intervention à durée déterminée d'animation commerciale, M. [C] [P] a été engagé par la société Optimark en qualité d'animateur promoteur du 1er février 2017 au 4 février 2017.

La rémunération horaire brute était fixée à la somme de 9,76 €. La durée de la mission était fixée à 28,50 heures.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle du personnel des Prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Par la suite, 53 contrats d'interventions à durée déterminée ont été conclus entre la société Optimark et M. [P] entre le 1er février 2017 et le 2 mai 2018.

Le terme du dernier contrat d'intervention à durée déterminée, par lequel M. [P] était engagé en qualité d'animateur commercial, était fixé au 2 mai 2018.

Le 16 mai 2018, la société Optimark a, de nouveau, engagé M. [P] selon un contrat de travail à durée déterminée, à temps complet, en qualité de chef de secteur.

Le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée était l'accroissement temporaire d'activité lié à l'exécution d'un contrat de prestation conclu avec un client.

La relation de travail a pris fin à l'échéance convenue, soit le 14 septembre 2018.

Le 18 juin 2020, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne à l'effet de voir requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée et d'obtenir le versement d'une indemnité de requalification, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 13 septembre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- fixé le salaire moyen de M. [P] à 715,26 €,

- requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2017,

- dit que la rupture du contrat de travail entraînait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Optimark à verser à M. [C] [P] les sommes suivantes :

'' 715,26 € au titre de l'indemnité de requalification,

'' 1 430,53 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 140,53 € au titre des congés payés afférents,

'' 283,12 € au titre de l'indemnité de licenciement,

'' 1 430,53 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société Optimark à verser à M. [P] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

M. [P] a interjeté appel.

Aux termes de conclusions notifiées le 29 mars 2022, il demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

'' requalifié la relation de travail en CDI à compter du 1er février 2017,

'' dit que la rupture du contrat de travail entraînait les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- réformer le jugement pour le surplus,

- condamner la société Optimark à lui payer les sommes suivantes :

'' 1 700 € à titre d'indemnité de requalification,

'' 3 400 € à titre de d'indemnité compensatrice de préavis, outre 340 € au titre des congés payés afférents,

'' 672,92 € à titre d'indemnité de licenciement,

'' 3 400 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

'' 10 000 € à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

'' 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Optimark aux dépens.

Aux termes de conclusions notifiées le 29 avril 2022, la société Optimark demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- réformer le jugement pour le surplus,

- débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [P] à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement,

- fixer le salaire moyen de M. [P] à 715,26 €,

- débouter M. [P] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive ou la réduire à de plus justes proportions,

- débouter M. [P] du surplus de ses demandes,

- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé que les demandes tendant à voir "constater" ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; qu'il en est de même des demandes tendant à voir 'dire et juger'' lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

M. [P] fait valoir :

- que la société Optimark a omis de lui proposer un contrat intermittent à durée indéterminée alors qu'il avait effectué plus de 500 heures de travail au cours de l'année 2017 ainsi que cela ressort de son bulletin de salaire du mois d'août 2017,

- que sur l'année 2018, il n'a effectué que 256,50 heures alors que si l'employeur avait exécuté son obligation conventionnelle, il aurait effectué 243,50 heures de plus de sorte qu'il a été privé d'un gain de 2 405,78 € outre les congés payés afférents,

- que sur l'année 2019, sa perte de gain a été de 4 940 € outre les congés payés afférents,

- qu'il a dû faire l'avance de ses frais de déplacement dont il n'a été remboursé qu'en fin de mois suivant ce qui lui a occasionné des difficultés de trésorerie.

La société Optimark fait valoir :

- que les conditions prévues à l'article 12 de l'avenant du 13 février 2006 relatif à l'animation commerciale n'étaient pas réunies de sorte que c'est sans faute qu'elle n'a pas proposé de contrat intermittent à durée indéterminée à M. [P],

- que les frais ont été remboursés à M. [P] conformément à l'article 11 du CDD du 16 mai 2018 prévoyant leur remboursement dans un délai maximal de deux mois sur justificatifs et que M. [P] a bénéficié d'une avance de frais de 1 600 €,

- que le salarié n'apporte pas la preuve d'un préjudice comme l'a retenu le conseil de prud'hommes.

Selon l'article 12 de l'avenant du 13 février 2006, un contrat de travail intermittent à durée indéterminée doit être proposé à tout salarié ayant effectué, de manière régulière, plusieurs interventions dans la même entreprise sous forme de contrat d'intervention d'animation commerciale à durée déterminée, si le nombre d'heures travaillées pendant les 12 derniers mois est au moins égal à 500 heures.

Aux termes de l'article 13 de ce texte, le contrat de travail intermittent à durée indéterminée ne peut pas prévoir une durée minimale annuelle inférieure à 500 heures.

En l'espèce, le bulletin de salaire du mois d'août 2017 mentionne expressément que M. [P] a effectué 513 heures de sorte qu'en application des dispositions susvisées un contrat intermittent à durée indéterminée d'une durée de 500 heures aurait dû lui être proposé au titre de l'année 2018 alors qu'il n'a effectué que 256,50 heures d'intervention au titre de cette année.

Il a néanmoins travaillé à plein temps du 16 mai au 30 septembre 2018 et effectué à cette période plus de 500 heures.

Il n'était d'autre part pas tenu d'accepter la proposition de contrat intermittent à durée indéterminée si celle-ci lui avait été faite. Il ne produit aucun élément sur sa situation d'emploi au titre de l'année 2019.

Enfin, il ne dément pas les allégations de l'employeur selon lesquelles il aurait bénéficié d'une avance de frais de 1 600 € et ne justifie pas en tout état de cause des difficultés de trésorerie qu'il aurait rencontrées en raison du remboursement tardif de ses frais de déplacement.

Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts de M. [P], faute de préjudice avéré.

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée

Selon l'article L.1242-2 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants, notamment :

« 3° Emplois [...] pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; ''.

Un CIDD peut être valablement conclu dès lors qu'il intervient dans un secteur d'activité visé par décret ou par une convention ou un accord collectif étendu.

La Convention collective des Prestataires de service du secteur tertiaire prévoit la possibilité de conclure des contrats de travail à durée déterminée d'usage successifs dans le secteur de l'animation.

La sanction du non-respect des cas de recours au contrat de travail à durée déterminée est la requalification de droit en contrat à durée indéterminée, l'article L. 1245-1 du code du travail disposant qu''est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, alinéa 1er , L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4".

Ainsi, la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est encourue lorsque la conclusion d'un contrat à durée déterminée intervient en dehors des cas de recours autorisés par la loi.

Le préambule de l'avenant du 13 février 2006 relatif à l'animation commerciale de la Convention collective des Prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire définit la prestation d'animation ou de promotion commerciale comme consistant « essentiellement dans des actions de présence publicitaire, distribution d'échantillons et/ou de promotion des ventes en grands magasins, GMS ou dans les lieux ou espaces publics d'un produit ou service ou d'un groupe de produits ou services précisément déterminé.'' avec cette précision que « toutefois, ces activités se déroulent autour d'actions limitées dans le temps et l'espace, obligeant les organisateurs, afin de répondre au besoin du client dans le respect des droits des salariés, à un aménagement et une organisation du travail dans les limites et les garanties fixées par la loi ''.

Cette définition doit s'entendre strictement, s'agissant de la définition d'une activité donnant lieu à un régime dérogatoire au droit commun du contrat de travail.

L'avenant du 13 février 2006 dispose en son article 1 que l'animateur commercial comme « celui qui participe à la réalisation d'une animation commerciale temporaire '' et en son article 2 que le contrat d`intervention à durée déterminée d'animation commerciale doit comporter « la définition précise de la prestation d'animation commerciale en raison de laquelle il est conclu '' et qu' « il ne peut être conclu qu'un contrat à durée déterminée d'intervention d'animation commerciale par animation commerciale concernée, pour pourvoir à un même poste d'animateur, sauf en cas de renouvellement non prévisible de l'animation commerciale confiée à l'employeur. ''

L'article 3 dispose également que « Les entreprises effectuant des prestations d'animation commerciale s'engagent à mettre tout en oeuvre pour que la conclusion du contrat d'intervention à durée déterminée d'animation commerciale soit proposée à I'animateur au plus tard dans un délai de 10 jours calendaires avant le début de l'exécution de l'animation commerciale. L'animateur disposera d'un délai de 3 jours calendaires courant à compter de la date de première présentation du contrat pour accepter ou refuser la conclusion de ce dernier ''.

M. [P] fait valoir :

- que les contrats conclus avec la société Optimark ne précisent pas la prestation d'animation commerciale « limitée dans le temps et dans l'espace '' pour laquelle ils ont été conclus,

- qu'il était affecté, sur des périodes de longue durée, au sein d'un même hypermarché (principalement Auchant [Localité 6]) et que sa prestation ne consistait pas en la réalisation d'une animation commerciale temporaire et « limitée dans le temps et dans l'espace '', tel que l'impose l'avenant du 13 février 2006, mais consistait en la vente d'abonnements SFR, mission qui n'est pas de nature temporaire mais correspond à l'activité normale et permanente de l'entreprise SFR laquelle avait délégué à la société Optimark l'embauche et la mise à disposition de salariés,

- qu'il a perçu des primes sur objectifs, liées aux ventes des produits (bulletins de paie mars, avril, juillet, août 2017) ce qui démontre que son activité effective ne relevait pas des dispositions dérogatoires relatives à la conclusion des CIDD,

- que la société Optimark ne justifie pas du respect, dès le début de la relation contractuelle, des dispositions de l'article 2 de l`accord du 13 février 2006, en ce qu'il apparaît que pour une même animation commerciale, il a été employé dans le cadre de plusieurs contrats datés du même jour,

- que l'employeur n'a pas non plus respecté l'article 3 de l`accord précité en ce qu'il prescrit un délai minimum de 10 jours entre la signature du contrat d'intervention à durée déterminée et le début de l'exécution de l'animation concernée,

- que le contrat à durée déterminée du 16 mai au 16 septembre 2018 avait pour motif « un accroissement temporaire d'activité lié à l'exécution d'un contrat de prestation de service conclu avec un client de la société Optimark '', avec cette précision que « ce surcroit d'activité résulte d'une opération de promotion commerciale dans le domaine de l'agroalimentaire au sein des grandes surfaces '' alors que cette mission relevait de l'activité normale de l'entreprise et que le contrat précaire était destiné à faire face à un besoin structurel de main d''uvre.

La société Optimark fait valoir :

- que les contrats conclus avec M. [P] sont des contrats spécifiques, dérogatoires au droit commun, qu'ils sont conformes à la législation, peu important leur nombre,

- que l'activité confiée à M. [P] était par nature temporaire ainsi que cela ressort du préambule et de l'article 1.2 de l'accord du 13 février 2006,

- que M. [P] n'est intervenu que pour des missions de quelques jours au sein de différents grands magasins au gré des besoins des sociétés clientes dont fait partie la société SFR,

- que M. [P] ne s'est jamais vu confier la vente de produits, SFR notamment, ses attributions s'étant limitées à de l'animation et à de la promotion des produits de cette entreprise,

- que l'existence de primes ne constitue pas un critère d'un contrat à durée indéterminée,

- qu'elle n'est pas responsable de la dénomination donnée par le client SFR de l'action d'animation/promotion attendue,

- que M. [P] ne s'est jamais tenu à la disposition permanente de l'entreprise, qu'il a occupé d'autres fonctions pour d'autres employeurs,

- qu'elle n'avait pas à proposer un contrat à durée indéterminée à M. [P] dès lors que les conditions cumulatives prévues à l'article 12 de l'accord n'étaient pas remplies, le salarié n'ayant pas travaillé 500 heures sur une période consécutive de douze mois,

- que, contrairement à ce que soutient le salarié, l'objet des missions confiées était clairement défini aux termes de chacun des CIDD et qu'un contrat par mission confiée au salarié a bien été établi,

- que le fait que plusieurs contrats aient été établis à la même date ne démontre pas la prévisibilité des renouvellements, chacun des contrats correspondant à des missions différentes, qu'en tout état de cause, les dispositions de l'article 3 ne revêtent pas de caractère impératif,

- qu'aucune sanction n'est prévue en cas de non respect du délai de 10 jours, le salarié étant libre d'accepter ou de refuser la mission proposée,

- que s'agissant du CDD du 16 mai 2018, celui-ci a été conclu en raison d'un accroissement temporaire d'activité dont elle justifie, ce en conformité avec l'article L.1242-2 du code du travail, qu'il ne s'agissait pas d'un CIDD d'animation commerciale.

L'analyse des contrats contrats d'animation commerciale versés aux débats fait apparaître :

- que du 30 janvier à fin août 2017, M. [P] a été exclusivement employé à la promotion et à la vente des produits de la société SFR au sein du magasin Auchan de [Localité 6],

- qu'il a signé le 30 janvier 2017 trois contrats l'un pour une durée de 28 heures à raison de 7 heures par jour entre le 1er et le 4 février, les deux suivants pour une durée de 35 heures à raison de 7 heures par jour sur 5 jours entre le 6 et le 11 février puis entre le 13 et le 18 février,

- qu'il a signé le 10 février un quatrième contrat pour une durée de 35 heures à raison de 7 heures par jour sur 5 jours entre le 20 et le 25 février et le 16 février un cinquième et dernier contrat pour le mois de février 2017 pour une durée de 7 heures sur la journée du 27 février,

- que les 27 février et 28 février, il a signé deux nouveaux contrats d'une durée cumulée de 28 heures entre le 1er et le 4 mars,

- qu'au cours de la période suivante et jusqu'au mois de juillet 2017 inclus, les contrats se sont espacés et M. [P] a travaillé majoritairement à un rythme hebdomadaire de 14 heures par semaine sur deux jours, les vendredis et les samedis,

- qu'il a retravaillé 35 heures sur 7 jours du 14 au 19 août 2017,

- que de nouveaux contrats ont été signés avec la société Optimark à compter du mois de février 2018, toujours pour la promotion de produits de la marque SFR mais dans le cadre de plusieurs magasins parmi lesquels le magasin Auchan [Localité 6].

Il en ressort qu'entre le 1er et le 27 février 2017, les contrats à durée déterminée se sont succédés de façon ininterrompue pour la promotion d'un même produit dans un même lieu ce qui fait apparaître que les activités confiées à M. [P] au cours de cette période n'ont été limitées ni dans le temps ni dans l'espace, contrairement à la définition de la prestation d'animation et de promotion commerciale telle qu'elle est édictée par le préambule de l'avenant du 13 février 2006.

Il en ressort également que plusieurs contrats à durée déterminée ont été établis pour une même animation commerciale contrairement aux dispositions de l'article 2 de l'avenant précité.

L'employeur ne produit aucun élément démontrant le renouvellement non prévisible de l'animation commerciale qui lui a été confiée par le client qui aurait justifié la conclusion de plusieurs contrats, le conseil de prud'hommes ayant de surcroît justement relevé que plusieurs contrats avaient été établis à la même date ce qui est exclusif de toute imprévision.

Le rythme hebdomadaire des interventions de M. [P] au magasin Auchan [Localité 6] entre le mois de mars et le mois de juillet 2017 à raison du vendredi et du samedi avec des aménagements en fonction des jours fériés et des périodes de congés fait apparaître que le salarié était en charge non pas d'une opération de promotion ponctuelle des produits SFR mais de la tenue d'un stand de vente de produits SFR.

Il ressort de ses bulletins de paie que M. [P] a perçu des primes de résultat pour ses interventions en 2017 ce qui conforte ses allégations selon lesquelles il avait en fait pour mission de vendre des abonnements SFR, peu important qu'il n'ait été qu'un intermédiaire.

C'est dès lors par une exacte analyse que le conseil de prud'hommes a retenu que dès le début de la relation contractuelle, l'employeur avait contrevenu aux dispositions protectrices de l'accord du 13 février 2006, qu'il a requalifié les contrats de travail successifs en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2017 et qu'il a dit que la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les indemnités de rupture

Selon l'article L.1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande de requalification du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Le montant minimum de l'indemnité de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est calculé selon la dernière moyenne de salaire mensuel.

Lorsqu'il fait droit à la demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le juge doit accorder au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, sans préjudice de l'application des dispositions du code du travail relatives à la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée.

En l'espèce, M. [P] fait valoir que la rémunération de base sur laquelle doivent être calculées les indemnités de rupture est celle perçue dans le cadre de son dernier CDD soit 1 700 €.

La société Optimark fait valoir :

- que la régularité du CDD conclu à compter du 16 mai 2018 n'est pas remise en cause de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir le montant du salaire perçu par M. [P] dans le cadre de ce CDD pour calculer son salaire moyen,

- que M. [P] n'a subi aucun préjudice du fait de la rupture du contrat, qu'il a été embauché directement par une société CPM à l'issue du terme du CDD du 16 mai 2018 et qu'il a attendu près de deux ans pour saisir le conseil de prud'hommes.

La requalification du CDD en CDI couvre l'entière période d'emploi de M. [P] par la société Optimark et inclut en conséquence le dernier CDD arrivé à terme le 14 septembre 2018 de sorte que le salaire de base est celui perçu dans le cadre de ce dernier CDD.

Il convient en conséquence de faire droit aux demandes d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement à hauteur des sommes réclamées par le salarié sur la base d'un salaire de 1 700 €.

Selon l'article L.1235-3 du code du travail, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

En l'espèce, M. [P] ne produit aucun élément justifiant de ses difficultés à retrouver un emploi, étant relevé qu'il était âgé de 31 ans à la date de la rupture, de sorte que le préjudice qu'il a subi du fait de la rupture du contrat de travail sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 1 700 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

La société Optimark qui succombe supporte les dépens et une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- requalifié la relation de travail en CDI à compter du 1er février 2017,

- dit que la rupture du contrat de travail entrainait les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- rejeté la demande de dommage et intérêts de M. [C] [P] pour exécution déloyale du contrat de travail,

- condamné la société Optimark à payer à M. [C] [P] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Le réforme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Condamne la société Optimark à payer à M. [C] [P] les sommes suivantes :

- 1 700 € à titre d'indemnité de requalification,

- 3 400 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 340 € au titre des congés payés afférents,

- 672,92 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 700 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [C] [P] du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Optimark aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/07267
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;21.07267 ?
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