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06/06/2024 | FRANCE | N°21/06281

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 06 juin 2024, 21/06281


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/06281 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NY7N





S.A.S.U. [9]



C/



[Z]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 10]

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE MANDATAIRES JUDICIAIRES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Saint-Etienne

du 06 Juillet 2021

RG : F 19/00356



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 06 JUIN 2024
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APPELANTE :



S.A.S.U. [9]

[Adresse 2]

[Localité 3] / France



représentée par Me Emilie MERIDJEN MAMANE de la SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉ :



[N] [Z]

né le 10 Oc...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/06281 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NY7N

S.A.S.U. [9]

C/

[Z]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 10]

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE MANDATAIRES JUDICIAIRES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Saint-Etienne

du 06 Juillet 2021

RG : F 19/00356

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 06 JUIN 2024

APPELANTE :

S.A.S.U. [9]

[Adresse 2]

[Localité 3] / France

représentée par Me Emilie MERIDJEN MAMANE de la SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

[N] [Z]

né le 10 Octobre 1988 à [Localité 12]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Pierre ROBILLARD de la SELARL PARALEX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIE INTERVENANTES :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 7]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE MANDATAIRES JUDICIAIRES es qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIETE SASU [13]

[Adresse 8]

[Localité 4]

représentée par Me Anthony SCARFOGLIERO de la SELARL SVMH, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Mai 2024

Présidée par Françoise CARRIER, Conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Ensuite d'une annonce publiée sur le site Pôle Emploi pour un poste de responsable d'établissement de restauration rapide statut agent de maîtrise, M. [N] [Z] a été embauché à compter du 7 janvier 2019 par la SASU [13] en qualité d'assistant manager, statut employé niveau II échelon B de la convention collective de la restauration rapide, d'un établissement en franchise de l'enseigne '[11]' qui devait ouvrir après travaux dans le [Adresse 14] à [Localité 15].

Du 7 janvier au 21 février 2019, date de l'ouverture du restaurant [13], M. [Z] a travaillé au sein de l'établissement [11], exploité dans un autre quartier de [Localité 15] par une société [9] dont le dirigeant, M. [G] [D], est le même que celui de la société [13].

Aucun contrat de travail écrit n'a été établi entre M. [Z] et la société [13]. Une déclaration préalable à l'embauche a été effectuée par la SASU [13] le 31 janvier 2019. La mise à disposition de M. [Z] au sein de la société [9] pour la période du 9 janvier au 21 février 2019 n'a pas non plus donné lieu à un contrat écrit de mise à disposition.

Par une lettre datée du 5 juin 2019 et remise en mains propres le 5 juillet 2019, l'employeur a informé M. [Z] de la fermeture de l'établissement [13] pour le jour même et jusqu'au 26 août, au motif que la fréquentation était trop faible pour rentabiliser le maintien de l'ouverture pendant la période estivale.

Par courriel du 31 juillet 2019, l'employeur a informé les salariés de l'établissement de ce qu'il avait déposé le bilan auprès du tribunal de commerce et de ce que l'audience de liquidation était fixée au 4 septembre.

Par jugement du 4 septembre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a prononcé la liquidation judiciaire de la société [13] et a désigné la Selarl MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire.

M. [Z] a été convoqué le 9 septembre 2019 à un entretien préalable à licenciement fixé au 16 septembre 2019 et licencié pour motif économique le 17 septembre 2019.

Il a perçu de l'AGS CGEA la somme de 5 298,10 € au titre des salaires impayés et des indemnités de rupture.

Faisant valoir que la société [9] était son véritable employeur, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne le 19 septembre 2019, à l'effet d'obtenir sa réintégration au sein de ladite société et de la voir condamner à lui verser les salaires dus depuis le 17 septembre 2019, subsidiairement à lui verser des indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sollicitait en outre le paiement de frais de déplacement et de primes d'habillage et de blanchissage ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé.

La Selarl MJ Synergie et l'AGS CGEA ont régulièrement été appelées en cause.

Par jugement de départage du 6 juillet 2021, le conseil de prud'hommes a :

- fixé le salaire de référence de M. [Z] à la somme de 1 720,95 € bruts après repositionnement de ce dernier au grade d'agent de maîtrise,

- dit que le véritable employeur de M. [Z] était la SASU [9],

- dit que le licenciement de M. [Z] pour motif économique était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la SASU [9] à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

'' 1 515,15 € à titre de rappel de salaire suite au repositionnement sur les fonctions de responsable de restaurant statut agent de maîtrise outre 151,51 € au titre des congés payés afférents,

'' 1 720,95 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'' 10 325,70 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- condamné la SASU [9] à rembourser aux AGS CGEA la somme de 5 298,10 € versée à M. [Z] dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SASU [13],

- autorisé la SASU Atis à déduire des sommes dues à M. [Z] la somme de 5 298,10 € perçue de l'AGS CGEA,

- condamné la SASU [9] à payer à M. [Z] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La SASU [9] a interjeté appel.

Aux termes de conclusions notifiées le 23 avril 2022, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] de sa demande au titre d'une prime de blanchissage, de frais de déplacement et d'une prime d'habillage et de déshabillage,

- débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à son encontre,

subsidiairement,

- dire que M. [Z] relevait du statut employé niveau 2 échelon B de la convention collective de la restauration rapide,

- débouter M. [Z] de sa demande de rappel de salaire et d'indemnité pour travail dissimulé,

subsidiairement fixer cette indemnité à 9 322,80 €, réduire l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à un plus juste montant, fixer la prime de blanchissage à 97,43 €,

en tout état de cause,

- condamner M. [Z] à lui verser la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Aux termes de conclusions notifiées le 25 janvier 2001, M. [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que son véritable employeur était la société [9] et en ce qu'il a condamné celle-ci à lui payer la somme de 10 325,70 € nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé ainsi que la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il a autorisé la société [9] à déduire des sommes qui lui étaient due la somme de 5 298,10 € perçue de l'AGS et 'sur les rappels de salaire et indemnités' (sic),

- ordonner sa réintégration au sein de la société [9] avec les rappels de salaire afférents depuis le 17 septembre 2019 ou, à défaut, condamner la société [9] à lui payer la somme de 1 720,95 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans et sérieuse,

- condamner la société [9] à lui payer les sommes suivantes :

'' 1 515,15 € bruts à titre de rappel de salaire relatif au repositionnement au statut agent de maîtrise outre 151,51 € bruts au titre des congés payés afférents,

'' 600 € nets au titre des frais de déplacement,

'' 72,45 € bruts au titre des 2 jours de congé supplémentaires pour le temps passé à l'habillage et au déshabillage,

'' 111,15 € au titre de la prime de blanchissage,

- subsidiairement, inscrire l'intégralité des sommes réclamées à l'encontre de la société [9] au passif de la liquidation judiciaire de la société [13],

- condamner la société [9] à lui verser la somme de 2 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de conclusions notifiées le 26 janvier 2022, la Sélarl MJ Synergie en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [13] demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- y ajoutant, condamner solidairement M. [Z] et la SASU [9] à rembourser aux AGS-CGEA la somme de 5 298,10 € bruts,

subsidiairement,

- dire que le licenciement économique de M. [Z] opéré par le liquidateur judiciaire a une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [Z] de ses demandes de fixation de dommages et intérêts, de rappels de salaires, primes et indemnité pour travail dissimulé au passif de la liquidation judiciaire de la société [13],

- condamner M. [Z] à verser à la procédure collective la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- en tout état de cause, débouter M. [Z] de toutes ses demandes fins et conclusions à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société [13].

Aux termes de conclusions notifiées le 27 janvier 2022, l'AGS CGEA demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré,

- débouter M. [Z] de toute demande à l'encontre de la liquidation judiciaire de la société [13] et de l'AGS,

- la mettre hors dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'existence d'un contrat de travail avec la société [9]

La société [9] fait valoir :

- que l'embauche de M. [Z] a été déclarée par la société [13], que celui-ci figurait sur le registre d'entrée et de sortie du personnel de cette dernière,

- que M. [Z] n'a effectué aucune prestation de travail pour la société [9], que s'il a travaillé pendant les six premières semaines dans les locaux de la société [9], c'était pour y être formé au sein d'un restaurant déjà opérationnel,

- que, si, postérieurement à l'ouverture de l'établissement [13], M. [Z] se rendait au sein de l'établissement de la société [9], c'était pour y préparer les volumes de marchandises propres aux besoins de la seule société [13], cette dernière ne disposant pas de laboratoire de production et cette fourniture de moyens donnant lieu à facturation,

- que, comptant environ 9 salariés en 2019, elle n'avait pas besoin des services de personnel supplémentaire pour tourner,

- qu'elle n'a jamais contrôlé l'activité de M. [Z] qui effectuait ses tâches sous la direction de M. [D], gérant de la société [13],

- qu'elle n'a jamais rémunéré M. [Z].

M. [Z] fait valoir :

- qu'il a travaillé 'la plupart du temps' pour la société [9] y compris après le 21 février 2019, date de l'ouverture du restaurant [13],

- que son inscription sur le registre du personnel de la société [9] confirme qu'il faisait partie des effectifs de cette dernière,

- qu'aucun document ne démontre qu'il ait été détaché au sein de la société [9] en vue d'une formation entre son embauche et le 21 février 2019,

- qu'il recevait des instructions d'[9].

La Selarl MJ Synergie souligne que les attestations produites par M. [Z] tendent à démontrer qu'il exécutait principalement son travail pour la société [9] et non pour la société [13].

L'AGS CGEA fait valoir qu'elle doit être mise hors de cause dès lors que M. [Z] ne demande qu'à titre subsidiaire la fixation de ses créances au passif de la liquidation judiciaire et que, dans l'hypothèse où une situation de co-emploi serait retenue, elle ne serait en tout état de cause pas tenue à garantie compte tenu du principe de subsidiarité de sa garantie.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention de sorte que la preuve de l'existence d'un contrat de travail incombe à celui qui s'en prévaut.

En l'espèce, c'est par une exacte analyse des éléments de preuve produits par le salarié et par de justes et pertinents motifs que le premier juge a retenu que, bien qu'embauché par la société [13] et ayant travaillé pour elle, M. [Z] était sous la subordination de la société [9].

Sur la demande de rappel de salaire

M. [Z] fait valoir :

- qu'il a été embauché pour prendre la direction d'un établissement et qu'il aurait dû bénéficier du statut agent de maîtrise comme le mentionnait l'annonce publiée sur Pôle Emploi,

- que les missions confiées relevaient du niveau 3 échelon C de la convention collective dans la mesure où il était seul décisionnaire lorsque le dirigeant n'était pas présent sur le site, il accueillait la clientèle, garantissait la sécurité alimentaire et la satisfaction du client, il était garant de la caisse et détenait le certificat de qualification professionnelle requis par la convention collective,

- qu'il est fondé à réclamer un rappel de salaire correspondant à son repositionnement au niveau 3 échelon C.

La société [9] fait valoir :

- que M. [Z] prétend de façon contradictoire avoir été subordonné à Mme [V], responsable du restaurant d'[9] et avoir été responsable du restaurant [13],

- que c'était M. [D] qui était en charge du fonctionnement opérationnel de [13], qu'il assurait la gestion des plannings, la définition, la mise en oeuvre de la politique commerciale, la gestion du personnel et de la trésorerie,

- que M. [Z] ne remplissait pas les critères de la convention collective pour prétendre au positionnement revendiqué.

La qualification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions qu'il exerce réellement. C'est au salarié qui revendique un repositionnement d'en rapporter la preuve. Il importe donc peu que l'annonce à la suite de laquelle M. [Z] a été embauché ait mentionné un poste de responsable d'établissement statut agent de maîtrise ou que M. [Z] ait été titulaire d'un certificat de qualification professionnelle.

La convention collective de la restauration rapide fixe dans ses annexes les grilles de classification applicables à l'activité.

Le niveau 2 échelon B (dont relevait M. [Z]) correspond à un salarié répondant aux critères suivants :

- activité variée, complexe et qualifiée comportant des opérations à combiner et des tâches différentes à organiser,

- a un pouvoir de décision concernant les adaptations nécessaires à l'organisation du travail dans plusieurs familles de tâches, notamment lorsque le fonctionnement du site lui est confié pendant sa séquence de travail,

- a la responsabilité de l'efficacité des décisions qu'il prend dans le cadre des procédures établies,

- responsable de l'accueil de la clientèle,

- assure la satisfaction du client,

- peut être amené à gérer les situations imprévues et délicates,

- peut prendre d'éventuelles décisions commerciales nécessaires.

La convention collective précise des exemples de missions du salarié relevant du niveau 2 échelon B :

- il assure la prestation commerciale et l'atteinte des objectifs de vente,

- il identifie les besoins en personnel et adapte la répartition des équipes si besoin,

- il vérifie les livraisons et réceptionne les produits,

- il contrôle les feuilles de caisse, responsable de la fabrication des produits selon les standards de l'enseigne,

- il est responsable de l'entretien du point de vente dans le respect des règles d'hygiène.

Le niveau 3 échelon C, revendiqué par M. [Z], correspond à un salarié répondant aux critères suivants :

- le fonctionnement du site lui est confié pendant sa séquence de travail,

- il a la responsabilité de l'efficacité des décisions et initiatives qu'il prend dans le cadre des procédures établies,

- il doit avoir des compétences dans d'autres domaines tels que la gestion d'une unité et/ou être titulaire du CQP de responsable opérationnel,

- il est responsable de l'accueil de la clientèle, garantit la satisfaction du client, gère les situations imprévues et délicates, doit prendre toute décision commerciale nécessaire.

La convention collective précise des exemples de missions du salarié relevant du niveau 3 échelon C :

- il saisit les inventaires et les commandes,

- il assure le respect des plannings de travail tels qu'établis par la direction et procède à des ajustements si nécessaire,

- il fait respecter l'hygiène, la sécurité alimentaire, la sécurité des biens et des personnes sur le point de vente,

- il applique la politique commerciale de l'entreprise afin de réaliser les objectifs de chiffre d'affaires dans le respect de la stratégie mise en place,

- il assure l'animation des équipes, le bon fonctionnement de l'unité pendant son service.

M. [Z] ne justifie pas s'être vu confier le fonctionnement opérationnel du restaurant [13], ni avoir effectué les tâches telles que saisie des inventaires et commandes, assuré le respect des plannings de travail, eu en charge de faire fait respecter l'hygiène et la sécurité alimentaire ou d'appliquer la politique commerciale de l'entreprise afin de réaliser les objectifs de chiffre d'affaires dans le respect de la stratégie mise en place, ni d'assurer l'animation des équipes.

Il ne justifie pas non plus avoir eu un rôle décisionnaire au sein du restaurant [13] ni avoir bénéficié de délégations de pouvoirs de l'employeur.

Il reconnaît lui-même qu'il travaillait la majeure partie de son temps de travail pour la société [9] où il assumait plusieurs fonctions sous la direction de Mme [V], responsable du restaurant [9]. Mme [L], ancienne salariée d'[9], atteste notamment que c'était [X] [V] qui effectuait les commandes des produits destinés à alimenter pour les deux sites, [9] et [13].

Il apparaît que son activité au sein de l'établissement [13] dans lequel il travaillait avec deux autres salariés se limitait à assurer l'ouverture et la fermeture de l'établissement, à réceptionner et mettre en place les marchandises préparées au sein du laboratoire de la société [9], à réaliser la production locale (pains, viennoiseries et sandwiches), assurer le service avec l'équipe, assurer l'entretien du site avec l'équipe et clôturer les caisses de sorte que ces fonctions ne correspondent pas aux critères de la classification de responsable d'établissement statut agent de maîtrise niveau 3 échelon C.

En tout état de cause, M. [Z], qui a la charge de la preuve, ne produit aucun élément démontrant qu'il aurait effectué un travail de responsable de restaurant.

Il convient en conséquence de réformer le jugement et de débouter M. [Z] de sa demande de repositionnement au niveau 3 échelon C et de sa demande de rappel de salaire à ce titre.

Sur le travail dissimulé

M. [Z] fait valoir :

- que la société [13] n'a effectué la déclaration préalable à l'embauche que le 31 janvier 2019 avec plus de trois semaines de retard,

- qu'il n'a pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche au sein de la société [9] alors qu'il y a travaillé entre le 9 janvier et le 21 février 2019 sans qu'une mise à disposition soit régularisée.

La société [9] fait valoir que la société [13] a procédé à la déclaration préalable à l'embauche de M. [Z], qu'elle n'a pas cherché à éluder ses obligations malgré son léger retard à effectuer cette formalité, qu'elle a adressé chaque mois ses bulletins de paie au salarié et qu'elle a régulièrement procédé à la déclaration sociale nominative concernant le salarié et procédé au paiement des cotisations sociales afférentes.

L'article L. 8221-5 du code du travail répute travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de s'abstenir de déclarer l'embauche d'un salarié, d'établir des bulletins de paie et de payer les cotisations sociales.

Selon l'article L. 8223-1, « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »

En l'espèce, la dissimulation d'emploi est caractérisée dès lors que M. [Z] n'a jamais été déclaré au sein de la société [9] alors qu'il a été retenu qu'il était salarié de ladite société, situation que celle-ci ne pouvait ignorer puisqu'elle l'avait elle-même organisée.

En l'absence de repositionnement du salarié, il convient réformer le jugement sur le montant de l'indemnité allouée par le conseil de prud'hommes et de faire droit à ce chef de demande sur la base du salaire contractuel soit à hauteur de la somme de 1 553,80 € x 6 = 9 322,80 €.

Sur les frais de déplacement

M. [Z] fait valoir qu'il a exposé des frais de déplacement quotidiens entre la société [9] et la société [13] ce qui justifie sa demande d'indemnité.

Ainsi que le fait justement valoir la société [9], le salarié ne fournit aucun justificatif de frais de déplacement, en particulier de ce qu'il était contraint de se déplacer avec son véhicule personnel. Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur les frais d'habillage

M. [Z] fait valoir que le port d'une tenue de travail était imposé et que l'habillage et le déshabillage se faisaient sur le lieu de travail ce qui justifiait en application de l'article 29.6 de la convention collective l'attribution de deux jours ouvrables de congés supplémentaires.

Cette disposition ne trouve à s'appliquer qu'autant que l'habillage et le déshabillage doivent s'effectuer sur les lieux de l'entreprise en dehors du temps de travail.

Toutefois, ainsi que la société [9] le fait justement valoir, le salarié n'établit pas qu'il lui était demandé d'arriver avant l'heure de sa prise de fonction ni d'attendre la fin de son service pour s'habiller et se déshabiller. Il apparaît ainsi que le temps d'habillage et de déshabillage était rémunéré comme du temps de travail de sorte qu'il ne saurait donner lieu à une contrepartie complémentaire.

Il convient en conséqence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [Z] de ce chef de demande.

Sur la prime de blanchissage

M. [Z] sollicite une indemnité de 111,15 € au motif que la convention collective prévoit le versement d'une indemnité de la part de l'employeur de 0,11 € par heure travaillée si le blanchissage des vêtements de travail est à la charge du salarié.

La société [9] fait valoir que le salarié a perçu un forfait repas qui n'était pas obligatoire et qui compensait les frais de blanchissage. Subsidiairement, elle souligne que le salarié n'a pas travaillé 1 010,44 heures comme il le prétend mais 885,77 heures ainsi que cela ressort de ses bulletins de paie.

L'article L. 4122-2 du code du travail dispose que « Les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs.»

Il en résulte que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de sonactivité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier, y compris s'agissant de l'entretien des tenues de travail.

L'employeur n'est pas fondé à invoquer le versement d'une indemnité faite à un autre titre que le blanchissage pour se dégager de son obligation.

Les bulletins de salaire faisant apparaître que M. [Z] a travaillé 885,77 heures, il convient de faire droit à sa demande à hauteur de la somme de 885,77 x 0,11 = 97,43 €.

Sur le licenciement

Au terme de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel ou professionnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le contrat de travail existant entre M. [Z] et la société [9] a été rompu verbalement et sans motif et s'analyse en conséquence en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [Z] ne fait valoir aucun moyen de fait ou de droit au soutien de sa demande de réintégration, celle-ci n'étant pas de droit et supposant une acceptation de l'autre partie. Or, la société [9] qui conteste à titre principal l'existence d'un contrat de travail, n'a formulé aucune offre en ce sens de sorte que ce chef de demande doit être rejeté.

Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

M. [Z] ayant moins d'un an d'ancienneté, le préjudice qu'il a subi du fait de la perte de son emploi est justement réparé par l'allocation de la somme de 1 553,80 € à titre de dommages et intérêts.

Sur le remboursement de la somme de 5 298,10 € versée par l'AGS CGEA à M. [Z]

Le jugement a condamné la SASU [9] à rembourser à l'AGS CGEA la somme de 5 298,10 € versée au salarié au titre des salaires impayés, indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés afférents et l'a autorisée à déduire cette somme des condamnations prononcées au profit de M. [Z].

Ayant été considérée comme employeur de M. [Z], la société [9] était débitrice des salaires impayés et des indemnités de rupture de sorte que c'est par une exacte analyse qu'elle a été condamnée à rembourser à l'AGS CGEA les sommes acquittées par celle-ci à tort dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société [13].

Par contre, M. [Z] fait justement valoir que les sommes payées par l'AGS ne couvraient que les salaires impayés et les indemnités de licenciement et de préavis, sommes qu'il ne réclame pas dans le cadre de la présente procédure, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'autoriser la société [9] à déduire la somme remboursée à l'AGS CGEA des sommes dues au salarié en vertu de la présente décision.

Il convient de réformer le jugement de ce chef.

Les droits de l'AGS sont garantis par la condamnation prononcée à l'encontre de la SASU [9], il n'y a pas lieu d'y ajouter une condamnation 'solidaire' de M. [Z]. La demande additionnelle de la Selarl MJ Synergie es qualité est en conséquence rejetée.

Sur les demandes accessoires

Selon l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

La société [9] qui succombe à titre principal supporte les dépens et une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a :

- fixé le salaire de référence de M. [Z] à la somme de 1 720,95 € bruts après repositionnement de ce dernier au grade d'agent de maîtrise,

- condamné la SASU [9] à payer à M. [N] [Z] les sommes suivantes :

''1 515,15 € à titre de rappel de salaire suite au repositionnement sur les fonctions de responsable de restaurant statut agent de maîtrise outre 151,51 € au titre des congés payés afférents,

'' 1 720,95 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

''10 325,70 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- débouté M. [Z] de sa demande de prime de blanchissage,

- autorisé la SASU [9] à déduire des sommes dues à M. [Z] la somme de 5 298,10 € perçue de l'AGS CGEA ;

Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,

Déboute M. [N] [Z] de sa demande de repositionnement ;

Condamne la SASU [9] à payer à M. [N] [Z] les sommes suivantes :

'' 1 553,80 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'' 9 322,80 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

'' 97,43 € à titre de prime de blanchissage ;

Dit que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;

Déboute M. [N] [Z] du surplus de ses demandes ;

Met hors de cause l'AGS CGEA ;

Déboute la Selarl MJ Synergie de sa demande additionnelle ;

Ordonne le remboursement par la SASU [9] des indemnités de chômage payées à M. [N] [Z] dans la limite de trois mois en application de l'article L 1235-4 du code du travail ;

Condamne la société [9] à payer à M. [N] [Z] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure :

Rejette les autres demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [9] aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/06281
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;21.06281 ?
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