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06/06/2024 | FRANCE | N°21/04763

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 06 juin 2024, 21/04763


N° RG 21/04763 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NVEZ









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 26 avril 2021



RG : 2018j01969







S.A. GRDF



C/



S.A.R.L. BPC CARROSSERIE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 06 Juin 2024







APPELANTE :



S.A. GRDF au capital de 1 800 745 000 €, RCS PARIS 444 786 511, représe

ntée par ses dirigeants légaux en exercice

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée et plaidant par Me Frédéric VACHERON de la SCP RIVA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 737



INTIMEE :



S.A.R.L. BPC CARROSSERIE au capital social de...

N° RG 21/04763 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NVEZ

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 26 avril 2021

RG : 2018j01969

S.A. GRDF

C/

S.A.R.L. BPC CARROSSERIE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 06 Juin 2024

APPELANTE :

S.A. GRDF au capital de 1 800 745 000 €, RCS PARIS 444 786 511, représentée par ses dirigeants légaux en exercice

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée et plaidant par Me Frédéric VACHERON de la SCP RIVA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 737

INTIMEE :

S.A.R.L. BPC CARROSSERIE au capital social de 107.623 €, inscrite au au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 349 101 634, où elle est représentée par son dirigeant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Thierry MONOD de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 896

Plaidant à l'audience par Me Quentin BRISSON de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 27 Septembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Avril 2024

Date de mise à disposition : 06 Juin 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL BPC Carrosserie est une société exploitant un fonds de commerce d'entretien et de réparation de véhicules légers automobiles. Elle dispose de deux locaux professionnels sis [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 6].

L'intéressée a fait réaliser des travaux de raccordement pour le gaz et l'électricité au [Adresse 2] au mois de mars 2004, le devis et les travaux étant réalisés par EDF GDF Services Lyon Métropole, avec une mise en service du poste gaz en mai 2004.

Par courrier du 31 août 2017, la société GRDF a informé la société BPC Carrosserie qu'elle n'avait pas choisi son fournisseur de gaz ni payé ses consommations de gaz du 1er janvier 2003 au 20 septembre 2017. Elle précisait qu'aucun contrat de fourniture de gaz n'avait été déclaré pour ce point de livraison.

Le 26 septembre 2017, la société GRDF a demandé à la société BPC carrosserie de lui régler les consommations dont elle avait indûment bénéficié. Le montant de l'impayé était évalué par la société GRDF à 65.861,57 euros hors taxes. La société GRDF a limité sa demande sur les cinq dernières années, réclamant le paiement de 27.255,04 euros hors taxes.

Le 17 décembre 2018, par acte d'huissier, la société GRDF a assigné la société BPC Carrosserie devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 26 avril 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

dit irrecevables l'action et les demandes formulées par la société GRDF car prescrites,

débouté la société GRDF de l'ensemble de ses demandes,

condamné la société GRDF à payer à la société BPC carrosserie la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société GRDF aux entiers dépens de l'instance.

La société GRDF a interjeté appel par déclaration du 31 mai 2021.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 31 mars 2022, la société GRDF demande à la cour, de :

réformer le jugement attaqué,

Statuant a nouveau

juger l'action engagée par la société GRDF recevable,

condamner la société BPC carrosserie à payer à la société GRDF la somme 65.861,57 euros hors taxes majorée de la taxe sur la valeur ajoutée soit 73.622,78 euros toutes charges comprises en réparation de ses préjudices et de son appauvrissement,

condamner la société BPC carrosserie à payer à la société GRDF 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 28 octobre 2021, la société BPC Carrosserie demande à la cour, au visa des articles 2224 nouveau et 132 et 1383 anciens du code civil, de l'article 122 du code de procédure civile, de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 26 avril 2021,

à titre subsidiaire,

déclarer irrecevables l'action et les demandes formulées par la société GRDF comme étant prescrites

à titre infiniment subsidiaire,

déclarer irrecevables l'action et les demandes formulées par la société GRDF comme étant prescrites pour la période antérieure au 17 décembre 2013,

débouter la société GRDF de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

en tout état de cause,

condamner la société GRDF à payer à la société BPC carrosserie la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 septembre 2022, les débats étant fixés au 11 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

La société GRDF fait valoir que :

la mise en service de l'installation ne peut constituer le point de départ de la prescription, puisque le préjudice est né des consommations de l'intimée qui se sont poursuivies jusqu'en septembre 2017,

l'intimée avait l'obligation de choisir un fournisseur de gaz depuis l'ouverture du marché à la concurrence,

l'intimée ne peut revendiquer sa bonne foi alors qu'elle a consommé du gaz pendant 14 ans sans recevoir de facture,

l'intimée a demandé la pose de deux compteurs ; en tant que distributeur de gaz, il n'appartenait pas à la concluante de s'assurer que l'intimée avait souscrit un contrat pour chacune de ses adresses,

le point de départ de la prescription n'est pas le jour de la consommation de gaz mais le jour où le créancier a connu les faits permettant d'engager son action, soit au passage du technicien le 18 août 2017 ; l'action engagée le 17 décembre 2018 était donc recevable,

il ne peut pas y avoir de limitation de durée aux 5 années précédentes pour la consommation de gaz sans fournisseur ; la limitation proposée dans le cadre de la phase amiable n'a pas à s'appliquer,

la prescription quinquennale ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclaration que le débiteur est tenu de faire,

elle ne demande pas le paiement des consommations mais la réparation de son préjudice causé par la consommation de gaz sans contrat de fourniture.

La société BPC Carrosserie fait valoir que :

au moment de la mise en service de l'installation de gaz par l'appelante, la concluante n'était pas éligible au marché de la concurrence car la société EDF/GDF avait la double qualité de fournisseur-distributeur de gaz en situation de monopole, et que la société GRDF ne peut bénéficier de plus de droits que ces prédécesseurs,

il appartenait à l'appelante de procéder au relevé des consommations sur chaque point de consommation et d'établir les factures, étant rappelé qu'elle était le fournisseur unique de la concluante,

en tout état de cause, il appartenait à l'appelante de procéder à des relevés de consommation et d'établir une facturation dans le délai de prescription de 5 ans,

le fait générateur de responsabilité est daté du 11 décembre 2003 ou à tout le moins début 2004, de sorte que les demandes de l'appelante sont prescrites,

l'appelante ne justifie pas de l'impossibilité de constater les consommations antérieurement à 2017, alors qu'elle disposait des moyens techniques de le faire,

il n'est pas démontré qu'elle ait empêché de son seul fait le relevé de compteur,

l'appelante tente de faire supporter sa propre turpitude sur la concluante,

elle a pu bénéficier du gaz en raison d'une faute de la concluante, dont cette dernière aurait dû avoir connaissance,

l'appelante aurait dû procéder aux vérifications nécessaires des consommations lors de la scission entre les activités de fourniture et de distribution du gaz,

à titre subsidiaire, les demandes de l'appelante sont soumises à la prescription quinquennale ; celle-ci l'a affirmé elle-même ; seule la période de 5 ans précédant l'assignation peut être visée,

la circonstance selon laquelle l'appelante n'aurait eu connaissance de la consommation de gaz par la concluante qu'à l'occasion de l'intervention de son technicien ne peut pour autant différer le point de départ du délai de prescription.

Sur ce,

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est constant que si les installations datent de 2003, les consommations impayées, qui constituent le préjudice, ont eu lieu de manière ininterrompue entre cette date et la date à laquelle la société GRDF a effectué le relevé du compteur par son technicien le 18 août 2017.

Toutefois, la société GRDF ne peut prétendre faire remonter ses demandes au-delà d'une durée de 5 ans à compter de la date de son assignation sauf à méconnaître les règles relatives à la prescription.

De fait, son action est recevable concernant les consommations à compter du 17 décembre 2013 jusqu'au 17 décembre 2018, date de délivrance de l'assignation.

La décision déférée sera donc infirmée dans son intégralité et il sera statué à nouveau.

Sur la faute de la société BPC Carrosserie

La société GRDF fait valoir que :

l'intimée ne pouvait ignorer que sa demande de raccordement de ses 2 sites ne constituait pas un contrat de fourniture ni que ses factures ne mentionnaient qu'un seul des 2 sites,

l'installation principale de l'intimée est celle qui n'était pas facturée ; par conséquent, l'intimée ne pouvait ignorer que la facturation ne correspondait pas à sa consommation réelle,

seule l'erreur initiale de l'intimée était vraisemblablement fortuite,

même sans intention frauduleuse, la faute et la mauvaise foi de l'intimée est manifeste dans son absence de régularisation de la situation,

elle n'a pas commis d'erreur même fortuite,

l'index du compteur du site qui était bien facturé démontre une absence de consommation de gaz ; l'intimée refuse de produire les facturations qu'elle dit avoir reçues,

l'intimée n'a pas contesté la situation lors de sa découverte, et a régularisé la situation en souscrivant un contrat de fourniture,

l'intimée ne conteste pas la consommation de gaz, mais seulement le règlement de ses consommations, de sorte qu'elle n'est pas de bonne foi,

la responsabilité délictuelle de l'appelante est engagée en raison de ses fautes d'abstention et de négligence en consommant du gaz pendant 14 sans ignorer qu'elle ne payait pas de contrepartie ; elle a ainsi bénéficié d'un service public sans droit ni titre,

la responsabilité délictuelle de l'appelante est engagée en raison de ses fautes d'abstention et de négligence en ne souscrivant pas de contrat de fourniture de gaz.

La société BPC Carrosserie fait valoir que :

lorsqu'elle a sollicité le raccordement de ses locaux, elle n'avait pas la possibilité d'opter pour un fournisseur différent que l'appelante, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de faute sur ce fondement,

de surcroît, elle avait effectivement à l'époque sollicité la société EDF GDF, devenue par la suite l'appelante et qu'elle a ensuite bien été destinataire de factures de la part de la société EDF GDF,

l'appelante ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude ; elle est responsable de l'installation et de la fourniture de gaz et a commis une erreur dans ce cadre ; en outre, il lui incombait d'exercer des missions de comptage, et elle disposait des moyens techniques pour détecter l'existence ou l'absence d'un contrat de fourniture d'énergie,

l'appelante n'allègue pas de faute intentionnelle de la part de la concluante,

aucune faute ou fraude ne peut lui être imputée,

la reconnaissance par l'appelante que 'l'erreur initiale était vraisemblablement fortuite' démontre que la fourniture de gaz est du fait de celle-ci,

il ne peut lui être reproché de ne pas avoir procédé au paiement en l'absence de facturation.

Sur ce,

L'article 1241 du code civil dispose que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Il est constant que la société BPC Carrosserie avait connaissance de ce que ses deux bâtiments étaient reliés au réseau de gaz.

Il est constant par ailleurs que la société BPC Carrosserie, lorsqu'elle a été informée le 18 août 2017 de l'absence de contrat concernant l'un de ses bâtiments, a souscrit un contrat d'alimentation en gaz auprès d'un des différents fournisseurs présents sur le marché. En outre, alors que l'intimée prétend avoir été facturée concernant le bâtiment litigieux, elle ne verse aux débats aucune facturation relative à celui-ci.

De fait, la société BPC Carrosserie a commis une négligence concernant la gestion des abonnements en gaz concernant ses deux bâtiments.

Cette négligence mène à caractériser sa responsabilité en la matière et dès lors emporte un droit à un indemnisation au profit de la société GRDF qui l'a fournie en gaz gratuitement sur la période rappelée.

Sur les sommes demandées par la société société GRDF

La société GRDF fait valoir que :

lorsqu'un consommateur consomme du gaz sans contrat de fourniture avec un fournisseur, c'est la concluante en sa qualité de distributeur qui en supporte le préjudice,

elle a subi un préjudice en finançant le gaz consommé par le client,

elle a subi un préjudice en ne percevant pas la rémunération de l'acheminement du gaz sur le réseau de distribution qui lui est normalement due par le fournisseur,

la reconnaissance de son préjudice, des principes et procédures de réparation est établie par les instances de régulation de l'énergie et l'ensemble des acteurs du secteur ; son préjudice est établi avec pour référence le prix de compensation des écarts, outre coût de l'acheminement,

l'intimée a tiré un profit substantiel bien supérieur à la non souscription d'un contrat de fourniture de gaz,

vu le volume de gaz dont il est question, le préjudice réel qu'elle a subi et doit être réparé s'élève à 65.861,57 euros HT pour la période du 1er janvier 2003 au 20 septembre 2017, majoré de la TVA.

La société BPC carrosserie réplique que :

elle n'a pas à supporter un préjudice en l'absence de faute,

le quantum du préjudice allégué se fonde sur une période qui est prescrite.

Sur ce,

Il convient de retenir la somme fixée au prorata de la période de prescription par la société GRDF qui, dans les documents versés aux débats, détaille la durée d'utilisation sans fournisseur, la quantité distribuée et la compensation nécessaire. Il est relevé que la société GRDF tient compte de la date à laquelle la société BPC Carrosserie a souscrit un abonnement.

Eu égard à ce qui précède, il convient de condamner la société BPC Carrosserie à payer à la société GRDF la somme de 23.153,65 euros TTC.

Sur les demandes accessoires

La société BPC Carrosserie échouant en ses prétentions, il convient de la condamner à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.

L'équité commande d'accorder à la société GRDF une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, la société BPC Carrosserie sera condamnée à lui verser la somme de 4.000 euros sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Infirme dans son intégralité la décision déférée,

Statuant à nouveau et y ajoutant

Déclare recevable l'action de la SA GRDF,

Condamne la SARL BPC Carrosserie à payer à la SA GRDF la somme de 23.153,65 euros TTC,

Condamne la SARL BPC Carrosserie à supporter les dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel,

Condamne la SARL BPC Carrosserie à payer à la SA GRDF la somme de 4.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/04763
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;21.04763 ?
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