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06/06/2024 | FRANCE | N°20/05518

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 06 juin 2024, 20/05518


N° RG 20/05518 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NFWV









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 10 septembre 2020



RG : 2018j01155







S.A.S. TALENTIA SOFTWARE FRANCE



C/



S.A.S. S4S PAYROLL MANAGEMENT ANCIENNEMENT DENOMMEE S4S S OLUTIONS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 06 Juin 2024







APPELANTE :



S.A.S.

TALENTIA SOFTWARE FRANCE immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous 1e numéro B 444 425 292 (numéro SIRET : 444 425 292 00091 ; code APE : 7010Z), prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette quali...

N° RG 20/05518 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NFWV

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 10 septembre 2020

RG : 2018j01155

S.A.S. TALENTIA SOFTWARE FRANCE

C/

S.A.S. S4S PAYROLL MANAGEMENT ANCIENNEMENT DENOMMEE S4S S OLUTIONS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 06 Juin 2024

APPELANTE :

S.A.S. TALENTIA SOFTWARE FRANCE immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous 1e numéro B 444 425 292 (numéro SIRET : 444 425 292 00091 ; code APE : 7010Z), prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106, postulant et par Me François-Pierre LANI de la SCP DERRIENNIC ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Plaidant à l'audience par Me DE PERTHUIS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

S.A.S. S4S PAYROLL MANAGEMENT (anciennement dénommée S4S SOLUTIONS), au capital social de 1.000 euros, immatriculée au RCS de Lyon, sous le numéro 809 338 874, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 1470, postulant et par Me alain SALGADO de la société NERIØ AVOCAT.E.S., A.A.R.P.I., avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 16 Novembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Mars 2024

Date de mise à disposition : 23 Mai 2024 prorogé au 06 Juin 2024, les parties ayant été avisées

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société S4S Payroll management dénommée précédemment S4S solutions (et ci-après société S4S Payroll) est une société spécialisée dans l'optimisation des coûts des entreprises, et notamment les charges sociales. Elle réalise des audits préalables gratuits et elle est rémunérée par pourcentage sur les économies effectivement réalisées après mise en oeuvre de ses préconisations, le client étant libre de mettre en oeuvre ou non ses préconisations, et dans ce cas, la société S4S Payroll supporte le coût de son intervention.

Le 14 avril 2017, la société Talentia software France (société Talentia), laquelle est spécialisée dans l'édition de logiciels de gestion, et la société S4S Payroll ont conclu un contrat ayant pour objet l'optimisation des charges sociales et taxes pour cinq établissements de la société Talentia.

Dans son rapport d'audit la société S4S Payroll a identifié un certain nombre d'optimisations.

Le 31 août 2017, la société Talentia a délivré 15 mandats d'études et de placement afin de faire réaliser une consultation pour son compte sur les couvertures santé et prévoyance. Le 3 octobre 2017, la société S4S Payroll t a remis le résultat de cet appel d'offre.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 octobre 2017, la société Talentia a informé la société S4S Payroll qu'elle ne donnait aucune suite aux propositions d'optimisation et qu'elle résiliait le contrat du 14 avril 2017.

Le 21 février 2018, la société S4S a mis en demeure la société Talentia de lui payer la somme de 127.081,50 euros au titre dudit contrat.

Le 18 juillet 2018, par acte d'huissier, la société S4S Payroll a assigné en paiement la société Talentia devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 10 septembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

- constaté que la société Talentia software France a commis une inexécution contractuelle au préjudice de la société S4S Payroll management,

- condamné la société Talentia software France à payer à la société S4S Payroll management la somme de 110.404,80 euros au titre de sa responsabilité contractuelle,

- débouté la société S4S payroll management de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la société Talentia software France,

- condamné la société Talentia software France à payer la société S4S Payroll management la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Talentia software France aux entiers dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

La société Talentia a interjeté appel par déclaration du 12 octobre 2020.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 28 juin 2021, la société Talentia software France demande à la cour, au visa des articles 1102, 1103, 1240, 1104 du code civil, des articles 33 et 700 du code de procédure civile, et les articles L.511-1, L.512-1 et L.514-1 du code des assurances de :

- déclarer bien fondé son appel à l'encontre du jugement rendu le 10 septembre 2020 par le tribunal de Commerce de Lyon en ce qu'il :

' constate que la société Talentia software France a commis une inexécution contractuelle au préjudice de la société S4S Payroll management,

' condamne la société Talentia software France à payer à la société S4S solutions la somme de l l0.404,80 euros au titre de sa responsabilité contractuelle,

' rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la société Talentia software France

' condamne la société Talentita software France à payer à la société S4S payroll management

la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne la société Talentia software France aux entiers dépens de l'instance.

- l'infirmer de ces chefs et le confirmer pour le surplus.

En conséquence :

A titre principal ;

- juger que l'optimisation des contrats de prévoyance de société Talentia software France n'entrait pas dans le périmètre du contrat et dans l'assiette de rémunération,

- juger que société Talentia software France n'a pas manqué à ses obligations contractuelles, y compris celles prévues aux articles 4.4 et 6 du contrat,

- juger que le tribunal a fait une interprétation erronée de la clause de rémunération et que la société S4S Payroll management n'a subi aucun préjudice résultant de l'exécution du contrat,

- débouter la société S4S Payroll management de toutes ses demandes, fins et prétentions.

' titre subsidiaire ; si par impossible la cour confirmait le principe de sa condamnation, limiter à la somme maximale de 37.344,72 euros, débouter la société S4S Payroll management du surplus de ses demandes,

En tout état de cause

- débouter la société S4S Payroll management de son appel incident,

- confirmer le jugement en ce qu'il déboute la société S4S Payroll management de sa demande dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner la société S4S Payroll management au paiement de 20.000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société S4S Payroll management à lui verser une somme de 24.084.550 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec droit de recouvrement.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 6 avril 2021, la société S4S Payroll management demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1 et 1240 du code civil et les articles 11 et 700 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 20 septembre 2020 en ce qu'il a :

' constaté que la société Talentia software France a commis une inexécution contractuelle au préjudice de la société S4S payroll management,

' condamné la société Talentia software France à payer à la société S4S Payroll management la somme de 110.404,80 euros,

' rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la société Talentia software France,

' condamné la société Talentia software France à payer à la société S4S Payroll management la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la société Talentia software France aux entiers dépens de l'instance,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

' débouté la société S4S Payroll management de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Statuant à nouveau :

- condamner la société Talentia software France à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- débouter la société Talentia software France de l'ensemble de ses demandes dirigées contre elle,

- condamner la société Talentia software France à lui verser, au titre de la procédure d'appel, la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 novembre 2021, les débats étant fixés au 27 mars 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'inexécution contractuelle

La société Talentia fait valoir que :

- l'optimisation de ses contrats de prévoyance ne figurait pas parmi les missions contractuelles,

et elle n'avait aucun intérêt à donner mission à l'intimée pour cela puisqu'elle était déjà en négociations avec son prestataire historique sur ce point,

- le contrat stipule expressément que 'toute modification ultérieure du champs de la mission sera sans incidence sur la rémunération' ; celle sollicitée pour une mission qui n'a pas été confiée par le contrat est sans objet ; la demande de communication par l'intimée postérieure à la signature du contrat et la communication effective par la concluante sont donc indifférentes,

- la remise du rapport d'audit par l'intimée n'a pas modifié le périmètre du contrat et le premier rapport d'audit ne mentionne pas l'optimisation des contrats de prévoyance dans le périmètre de la mission,

- elle n'a pas suivi les préconisations du rapport ; or, la mise en oeuvre des préconisations est la condition contractuelle de la rémunération, de sorte que cette dernière n'est pas due,

- les mandats donnés par elle à la société GCA Entreprises, courtier indépendant et tiers au contrat litigieux, sont indifférents ; ils n'entraînent aucune modification du périmètre contractuel ou de l'assiette de rémunération,

- sa poursuite de sa relation contractuelle avec la société Gan et son refus de s'engager avec les prestataires proposés par le courtier ne constituent donc pas une violation du contrat,

- en tout état de cause, même si la cour considérait que l'optimisation des contrats de prévoyance avait été confiée à l'intimée au titre du contrat, elle n'aurait néanmoins pas commis de faute contractuelle puisqu'elle a respecté le délai contractuel indicatif de notification de sa décision de ne pas mettre en oeuvre les préconisations de l'intimée,

- en tout état de cause, la notification au 31 octobre 2017 n'a causé aucun grief à l'intimée,

- elle n'a pas violé la clause d'exclusivité contractuelle, ne missionnant aucune autre société durant la durée du contrat ; le mandat confié à son courtier et le contrat la liant à la société Gan étaient en effet antérieurs à la conclusion du contrat litigieux ; en tout état de cause, les missions confiées à ceux-ci n'ont pas le même objet que les missions confiées à l'intimée.

La société S4S Payroll management réplique que :

- l'appelante lui a confié un audit de ses charges sociales, protection sociale expressément inclue et les frais de santé, afin d'en réduire le coût et elle y a participé activement en lui confiant l'ensemble des pièces nécessaires pour mener à bien cette mission ; la concluante a réalisé l'audit et remis un rapport comprenant des préconisations,

- l'appelante ne lui a pas notifié son refus de mettre en oeuvre les recommandations de l'audit dans le délai de 15 jours prévu par le contrat ; son refus n'a été notifié que tardivement et l'absence de notification de refus dans le délai de 15 jours vaut confirmation de la mise en oeuvre des préconisations,

- l'appelante lui a demandé de lancer un appel d'offre sur la question de la protection sociale, pour lequel elle a reçu un rapport comparatif des offres ; elle a commis un manquement contractuel en confiant la mise en oeuvre des recommandations formulées par la concluante à ses prestataires historiques ; elle a même demandé une mise en concurrence des éventuels gestionnaires alors qu'elle avait déjà missionné son ancien courtier,

- l'appelante a bien mis en oeuvre les préconisations de la concluante et en tentant d'échapper au paiement tout en bénéficiant du travail, elle fait preuve de déloyauté contractuelle.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1103 du code de procédure civile, 'les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits' et l'article 1104 précisent qu'ils doivent être exécutés de bonne foi.

Selon l'article 1231-1 du même code, 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution s'il ne justifie pas que l'exécution ait été empêchée par la force majeure'.

Le périmètre de l'intervention de la société S4S Payroll découle du contrat d'optimisation des charges sociales du 14 avril 2017 et il ressort en substance des termes du contrat que :

- le contrat a pour objectif d'optimiser les charges sociales et taxes assises sur les salaires du client. La société S4S a pour mission d'analyser les documents mis à disposition par le client, de proposer des leviers d'optimisation sur la base d'estimations chiffrées et de les mettre en oeuvre pour le compte du client après son accord,

- L'annexe II du contrat mentionne les pièces nécessaires à l'exécution de la mission. Doivent ainsi être adressées les données et règles d'entreprise et notamment les conventions collectives et accords applicables, (notamment prévoyance, maladie, mobilité, réduction du temps de travail, intéressement),

- cette annexe II mentionne également dans une rubrique 'retraite et prévoyance', la remise des bulletins de paie des salariés ayant perçu des indemnités de prévoyance (longue maladie) et le montant perçu des organismes de prévoyance au titre de l'assurance,

- selon l'article 4.1, le client a la possibilité d'exclure du champ de la mission stipulée par le contrat et donc de la rémunération de la société Sas un ou plusieurs postes d'autonomie clairement identifiés par courrier recommandé avec avis de réception envoyé avant la phase 'transmission des informations' et toute modification ultérieure du champ de la mission sera sans incidence sur l'assiette de rémunération, de sorte que le choix d'une exclusion doit être fait avant le travail d'audit (donc avant transmission des documents par le client),

- si elle décide de ne pas mettre en oeuvre les préconisation de S4S, la société Talentia doit transmettre sa décision dans le délai de 15 jours à compter de la remise du rapport,

- dans le cas contraire, la société S4S procède aux démarches et appels d'offres nécessaires pour réaliser les économies envisagées avec l'assistance obligatoire de certains prestataires, courtiers pour les frais de santé et prévoyance, le résultat des appels d'offres est ensuite présenté,

- l'article 4.4 stipule que 'le client s'engage à ne pas mettre en oeuvre ces leviers durant 36 mois à compter de la remise du rapport, sauf à rémunérer S4S selon les dispositions de l'article 5 du présent contrat...' la durée prévue correspondant à celle de l'intéressement,

- l'article 6 du contrat stipule enfin que 'de son côté, le client d'engage à ne pas missionner une tierce société sur le même objet que S4S durant toute la durée du contrat. A ce titre, toutes les préconisations présentées par S4S seront présumées relever de son intervention'.

C'est à juste titre, de manière liminaire, que le tribunal de commerce a retenu que le contrat portait sur l'optimisation des coûts RH, c'est à dire les taxes sociales et les taxes assises sur les salaires en ce compris la protection sociale obligatoire (prévoyance et frais de santé) et les conventionnelles.

Ceci résulte en effet du contrat et de son annexe II dont les termes sont rappelés supra. Ceci avait été également été rappelé expressément dans un courriel de l'intimée du 3 février 2017. Il n'existe donc aucune ambiguïté sur le fait que la prévoyance et la santé étaient inclus. Le volet prévoyance santé a d'ailleurs été évoqué à nouveau dans des échanges de courriels d'août et septembre 2017 sans que l'appelante n'émette le moindre doute.

La société Talentia a d'ailleurs remis tous les documents sollicités, a eu connaissance des conclusions de l'audit sur ces frais sans protester et elle a signé des mandats pour interroger divers organismes dans le cadre de l'appel d'offres de sorte qu'elle se prévaut vainement de ce que le contrat ne viserait que les charges patronales et salariales et non les sommes versées par l'employeur au titre de la prévoyance et des frais de santé qui seraient selon elle des dispositifs d'assurances optionnels. Outre que ceci ne résulte donc pas des éléments susvisés, le tribunal de commerce a justement relevé que le régime de la prévoyance était devenu une charge obligatoire de même que la mutuelle pour frais de santé.

L'appelante n'a donc pu avoir de doutes, au vu de ce qui précède, sur le fait qu'elle était amenée à payer ces prestations sauf mise en oeuvre des clauses contractuelles lui permettant de s'en libérer en respectant les échéances fixées. La demande de pièces supplémentaires du 20 avril 2017 qu'elle invoque par ailleurs vainement vise seulement à obtenir des éléments chiffrés et ne peut nullement être assimilé à une extension de mission opérée par l'intimée.

Enfin, le fait que le courtier en assurances de l'appelante ait pu lui proposer des conditions nouvelles de renouvellement des contrats le 15 mai 2017 (p1) ne prouve pas le contraire de ce qui précède mais établit la déloyauté de l'appelante qui continuait à négocier avec la société Gan au mépris du présent contrat alors qu'elle avait par ailleurs signifié la fin prochaine du contrat en cours avec la société Gan.

Ensuite, il n'est pas justifié par l'appelante de l'envoi d'un courrier tel que prévu par l'article 4.1 restreignant le champ de la mission de S4S Payroll, dans le délai stipulé par cet article.

La société S4S Payroll a donc remis un audit à la cliente le 14 juin 2017, ce document proposant des pistes d'économies. Il indiquait notamment au titre de la prévoyance et des frais de santé, une possibilité d'économie de 118.330 euros (pages 23 et suivantes de l'audit). Le 31 août 2017, la société Talentia a délivré 15 mandats d'étude et placements pour interroger divers assureurs dont la société Gan sur la couverture santé et prévoyance.

Le 3 octobre 2017, la société S4S Payroll a présenté à Talentia un document se rapportant aux dispositifs de protection sociale complémentaire dénommé 'restitution de l'appel d'offres'. Il ne s'agit donc pas d'un nouvel audit mais du résultat des appels d'offres prévus dans l'audit et révélant que la meilleure proposition émanait de la société Malakoff. La société Talentia est donc mal fondée à se prévaloir de ce qu'un nouveau délai aurait commencé à courir à compter de cette date en se prévalant de sa pièce 17, le choix définitif visé par ce document étant celui de l'offre sélectionnée suite à l'appel d'offre et non le choix de mettre en oeuvre ou pas les préconisations (étant relevé à titre surabondant que le délai de 15 jours aurait été en tout état de cause expiré).

C'est seulement par courrier recommandé avec avis de réception du 31 octobre 2017 que la société Talentia a finalement informé son cocontractant qu'elle ne donnait pas suite à la proposition d'économies en matière de frais de santé et de prévoyance. Or, ce courrier ne respecte pas les délais de l'article 4.4 susvisé et est inopérant. Il en découle que la société Talentia ne pouvait plus à cette date renoncer à la mise en oeuvre des préconisations.

Par ailleurs, il a été vu supra que la société Talentia a renégocié parallèlement avec la société Gan, son prestataire habituel, et obtenu de nouveaux tarifs plus avantageux (p14 appels de cotisations prévoyance et santé), ce qu'elle n'a pu faire qu'avec le travail de l'intimée et ce qui constitue de fait une mise en oeuvre des recommandations préconisées par l'intimée. Il en ressort que l'appelante a renégocié ses contrats avec la société Gan en utilisant le travail de l'intimée dans le cadre de l'audit puis de l'appel d'offres.

Il découle de tout ce qui précède que la société Talentia n'a pas respecté les termes du contrat la liant avec la société S4S Payroll, qu'elle a faussement prétendu que la prévoyance et la couverture santé étaient exclues de la mission, qu'elle n'a pas non plus respecté les clauses du contrat pour s'en libérer et qu'elle a au surplus négocié parallèlement avec son assureur en tirant profit du travail de l'intimée.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu l'inexécution contractuelle de la société Talentia au préjudice de son adversaire.

Sur le préjudice subi

La société Talentia fait valoir que :

- l'intimée n'a subi aucun préjudice et le jugement a fait une application erronée de la clause de rémunération qui subordonne le paiement à la réalisation de trois conditions cumulatives,

- elle n'a jamais mis en oeuvre de préconisation formulée dans le rapport d'audit, vu l'antériorité des économies proposées par la société Gan à la mission confiée à l'intimée ; par conséquent, la première des trois conditions fait défaut,

- compte tenu de la chronologie de la mission litigieuse et des négociations avec la société Gan, la seule rémunération à laquelle pourrait prétendre l'intimée serait de 30% des économies effectivement réalisées sur la tranche C de la prévoyance, soit 664.5 euros car la réalisation effective d'économies futures n'est pas démontrée ; par conséquent, la deuxième des trois conditions contractuelles fait défaut,

- si par extraordinaire la cour considérait que les économies réalisées ont pour origine les préconisations de l'intimée et sont éligibles à rémunération, elles ne peuvent être calculées en multipliant par trois les économies réalisées entre N-1 et l'année N qui sera nécessairement supérieure aux écarts des années suivantes ; la rémunération de l'intimée ne saurait excéder 30% économies effectivement réalisées entre 2017 et 2018, soit un maximum de 37.344,72 euros.

La société S4S Payroll réplique que :

- l'article 5 du contrat prévoit que lorsque les données de la paie d'une année concernée par une économie ne sont pas encore connues, on se réfère aux données de la paie de l'année précédente, avant d'appliquer le taux de 30% sur les économies réalisées pendant 36 mois,

- sur la base des documents transmis par l'appelante en exécution du jugement du 18 juillet 2019, l'économie effectivement réalisée au titre de la prévoyance et des frais de santé s'élève à 122.672 euros pour une année,

- en application de l'article 5 du contrat, la rémunération qui lui est due pour une période de trois ans est donc de 110.404,80 euros HT.

Sur ce,

L'article 5 du contrat prévoit une rémunération comme suit 'à compter de la date de mise en oeuvre des recommandations, les honoraires de S4S seront de 30% des régularisations obtenues et des économies futures effectivement réalisées par le client sur une durée de 36 mois'. Il est ajouté que dans la mesure où les données de la paie d'une année concernée par une économie ne sont pas encore connues, les factures seront émises annuellement à titre provisionnel sur la base des données de la paie de l'année précédente.

Le tribunal de commerce a constaté qu'en l'absence d'un enregistrement des économies réalisées en 2019 et 2020, l'économie réalisée en 2018 devait être multipliée par trois.

L'intimée a justement effectué initialement les calculs par référence à l'année précédente dans l'ignorance des économies effectivement réalisées, ce sur une période de 36 mois, mais la société Talentia a fini par transmettre des documents ayant permis de calculer l'économie réalisée en 2018.

C'est vainement que l'appelante se prévaut de ce que l'économie a été réalisée grâce aux négociation avec la société Gan et non en raison de la mise en oeuvre des préconisations de S4S pour se libérer de son obligation, ne pouvant comme vu supra se prévaloir de son non respect des clauses du contrat. Elle ne peut non plus contester le calcul opéré sur trois années alors qu'elle ne donne pas les éléments nécessaires au calcul des économies sur une durée de 36 mois prévue contractuellement.

Le jugement est en conséquence confirmé sur la condamnation principale à paiement.

Sur la procédure abusive

La société Talentia fait valoir que :

- elle a contracté de bonne foi mais que l'intimée a toujours eu une attitude déloyale en ne précisant pas, à dessein, le cadre de son intervention, qu'elle a été trompée par la demande de communication intégrale des documents, pour que l'intimée crée artificiellement des revenus supplémentaires en s'attribuant à elle-même une mission hors du périmètre contractuel,

- elle a subi un préjudice important résultant de l'entrave subie dans ses négociations avec son courtier et la société Gan, que l'intimée a délibérément engagé une action en paiement de commissions qu'elle savait non dues, avec une procédure longue émaillée de plusieurs incidents.

La société S4S Payroll management réplique qu'une amende civile ne peut être ordonnée que de la propre initiative de la cour, qu'en tout état de cause, elle est fondée à agir contre l'appelante pour le paiement d'honoraires qui lui sont dus et elle a régulièrement saisi la juridiction compétente en application de la clause attributive de juridiction, qu'elle n'a été à l'origine que d'un seul incident de procédure, lequel était justifié.

Sur ce,

Il est demandé paiement de dommages intérêts et non d'une amende civile de sorte que la demande apparaît recevable mais il est relevé qu'eu égard à ce qui a été jugé supra, aucune faute découlant du caractère abusif de la procédure ne peut être retenue à l'encontre de l'intimée qui était fondée à agir en paiement contre son adversaire de sorte qu'aucune demande de dommages intérêts ne peut prospérer.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts de la société Talentia.

Sur la résistance abusive

La société S4S Payroll soutient que la mauvaise foi de l'appelante est démontrée, qu'elle a fait preuve de résistance abusive en s'opposant au paiement du travail fourni par la concluante pendant plusieurs mois, alors qu'elle en avait bénéficié et qu'elle doit indemniser la perte de temps et d'énergie que la concluante a dû consacrer à la rémunération de son travail, qu'il a fallu plus de deux ans de procédure pour que l'appelante règle enfin ses honoraires.

La société Talentia réplique que c'est une demande excentrique, que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a considéré qu'elle n'est fondée sur aucun moyen de droit et que l'intimée ne justifie pas par ses pièces du montant demandé, que cette demande est contraire au principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.

Sur ce,

L'article 1240 du code civil dispose que 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'

De manière liminaire, une demande de dommages intérêts pour résistance abusive peut toujours être présentée sur ce fondement, peu important que la demande principale repose sur l'exécution du contrat. Aucune règle de non-cumul ne rend donc la présente demande irrecevable et c'est vainement que l'appelante entend s'en prévaloir.

Par contre, la preuve concrète d'un préjudice découlant de la résistance abusive de l'appelante et distinct de celui indemnisable par les intérêts moratoires n'est pas établie, l'intimée ne se prévalant d'aucune pièce en ce sens, de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande de dommages intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Talentia qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens d'appel, ceux de première instance recevant confirmation.

Elle versera également à son adversaire la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, la condamnation de première instance à ce titre étant également confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré sur toutes ses dispositions critiquées.

Y ajoutant,

Condamne la Sas Talentia software France à payer à la Sas S4S Payroll management une indemnité de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne la Sas Talentia software France aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/05518
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;20.05518 ?
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