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03/06/2024 | FRANCE | N°24/04280

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 03 juin 2024, 24/04280


COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 03 Juin 2024

statuant en matière de soins psychiatriques





N° RG 24/04280 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PVX3



Appel contre une décision rendue le 22 mai 2024 par le Juge des libertés et de la détention de LYON.



APPELANTE :



Mme [L] [Z] épouse [C]

née le 04 Août 1975



Actuellement hospitalisée au centre hospitalier de [Localité 2]



comparante, assistée de Maître Hadrien DURIF, avocat

au barreau de LYON, commis d'office





INTIMEE :



CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 2]



non comparant, régulièrement avisé, non représenté



L...

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 03 Juin 2024

statuant en matière de soins psychiatriques

N° RG 24/04280 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PVX3

Appel contre une décision rendue le 22 mai 2024 par le Juge des libertés et de la détention de LYON.

APPELANTE :

Mme [L] [Z] épouse [C]

née le 04 Août 1975

Actuellement hospitalisée au centre hospitalier de [Localité 2]

comparante, assistée de Maître Hadrien DURIF, avocat au barreau de LYON, commis d'office

INTIMEE :

CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparant, régulièrement avisé, non représenté

Le dossier a été préalablement communiqué au Ministère Public qui a fait valoir ses observations écrites.

*********

Nous, Isabelle OUDOT, Conseillère à la cour d'appel de Lyon, désignée par ordonnance de madame la première présidente de la cour d'appel de Lyon du 4 janvier 2024 pour statuer à l'occasion des procédures ouvertes en application des articles L.3211-12 et suivants du code de la santé publique, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Assistée de Charlotte COMBAL, Greffière, pendant les débats tenus en audience publique, et de Manon CHINCHOLE, Greffière, lors de la mise à disposition,

Ordonnance prononcée le 03 Juin 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signée par Isabelle OUDOT, Conseillère, et par Manon CHINCHOLE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********************

FAITS ET PROCÉDURE

Vu les pièces utiles et décisions motivées prévues à l'article R. 3211-12 du Code de la santé publique,

Vu la décision d'admission en soins psychiatriques en hospitalisation complète du 18 novembre 2023 concernant Mme [Z], prise par le directeur du centre hospitalier [Localité 2] à raison d'un péril imminent.

Par ordonnance rendue le 29 novembre 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a autorisé le maintien en hospitalisation complète sans son consentement de Mme [Z] pour lui prodiguer des soins psychiatriques, au-delà d'une durée de 12 jours.

Vu les décisions du directeur du Centre hospitalier de [Localité 2] des 19 décembre 2023, 17 janvier 2024, 19 février 2024, 18 mars 2024 et 19 avril 2024.

Par requête du 07 mai 2024, le directeur du centre hospitalier De [Localité 2] a saisi le juge des libertés et de la détention afin qu'il soit statué sur la poursuite de l'hospitalisation complète en fin de premier semestre.

Par ordonnance rendue le 22 mai 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a autorisé le maintien en hospitalisation complète sans son consentement de Mme [Z] pour lui prodiguer des soins psychiatriques, au-delà d'une durée de 6 mois.

Par courrier du 23 mai 2024, reçu au greffe de la cour d'appel le 24 mai 2024, Mme [Z] a relevé appel de cette décision en motivant ainsi son recours : « Cela fait 7 mois que je suis hospitalisée. Je trouve illégal pour une identité de prolonger encore mon maintien. Je n'ai pas que une fille de 26 ans. J'ai aussi une fille deuxième de 11 ans qui vit actuellement en Saône et Loire et qui a besoin de moi. Je dois reprendre mon quotidien. Nom d'usage est [C] mais je ne suis plus épouse depuis 2004 pour votre information. Je fais appel à la levée et poursuivre librement ma vie en dehors de [Localité 2]. Je suis une adulte libre qui a toujours été libre et consciencieuse. J'assume mes responsabilités, rien m'oblige à vire dans le Rhône. »

Le conseil de Mme [Z] a déposé des conclusions dans lesquelles il soulève l'irrégularité de la mesure pour absence de notification des décisions au patient et défaut d'information de la commission départementale des soins psychiatriques. Il sollicite la main levée de la mesure et la condamnation du centre hospitalier à lui payer la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ses conclusions déposées le 30 mai 2024 et régulièrement communiquées aux parties, le ministère public demande qu'il soit dit la procédure régulière et conclut à la confirmation de la décision. A cet effet elle fait valoir que les certificats médicaux présents au dossier et chacune des décisions de maintien en hospitalisation complète prises par le directeur du Centre hospitalier de [Localité 2] indiquent que la patiente a reçu les informations susmentionnées prévues à l'article L. 3211-3. Sur l'information de la commission départementale des soins psychiatriques au patient, le conseil d'[L] [Z] n'indique pas quelle atteinte aux droits de cette dernière le défaut d'information de la commission départementale a entraîné, étant rappelé que [L] [Z] indique avoir pu exercer son droit de recours contre le maintien de son hospitalisation. L'erreur commise dans la notification de la décision ne suffit pas à établir que la patiente n'en a pas eu notification et ce d'autant qu'elle a fait appel le lendemain. Sur le bien-fondé de la mesure de soins psychiatriques sans consentement, [L] [Z] souffre d'une pathologie psychiatrique chronique et la décision doit être confirmée.

Vu le certificat médical établi le 30 mai 2024 par le docteur [M].

L'affaire a été évoquée lors de l'audience du 30 mai 2024 à 13 heures 30.

À cette audience, Mme [Z] a comparu en personne, assistée de son conseil.

Mme [Z] et son avocat ont indiqué avoir eu connaissance du certificat médical de situation établi par le Dr [M] et des réquisitions du ministère public.

Lors de l'audience, Mme [Z] a déclaré qu'elle se sent incomprise à l'hôpital et qu'elle en a assez des médicaments alors qu'elle a seulement une autre identité qui lui a été révélée un soir avant d'être emmenée quelque temps plus tard à l'hôpital. Elle voudrait le RSA et ne comprend pas pourquoi le centre hospitalier lui demande faire un dossier AAH.

Le conseil de Mme [Z] a été entendue en ses explications. Il reprend les termes de sa requête d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

Attendu qu'aux termes de l'article R. 3211-18 du Code de la santé publique, l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président dans un délai de 10 jours à compter de sa notification.

Que le recours formé dans le délai du texte est déclaré recevable ;

Sur la régularité de la procédure

Attendu qu'aux termes de l'article L. 3216-1 du Code de la santé publique, « La régularité des décisions administratives d'hospitalisation sous contrainte peut être contestée devant le juge des libertés et de la détention, et en cas d'irrégularité, celle-ci n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en a résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ».

Attendu que le conseil de Mme [Z] soutient que la procédure est irrégulière pour défaut de notification de la décision au patient, défaut d'information après chaque décision de renouvellement et défaut de démonstration du fait que la commission départementale des soins psychiatriques a bien été informée de l'admission de Mme [Z] en soins sous contrainte et des décisions de renouvellement ;

Attendu que l'article L 3211-3 du code de la santé publique dispose qu'avant chaque décision prononçant le maintien des soins ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état ; Que l'article prévoit également que le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa de l'article susvisé, ainsi que des raisons qui les motivent ; Que dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes ;

Attendu qu'il est versé en procédure les décisions prises par le directeur du centre hospitalier de [Localité 2] les 19 décembre 2023, 17 janvier 2024, 19 février 2024, 18 mars 2024 et 19 avril 2024 ainsi que tous les certificats médicaux établis à échéance mensuelle dont le directeur s'est approprié les termes ; Que dans chaque décision il est mentionné que Mme [Z] a reçu dans le service de soins les informations prévues à l'article L 3211-3 du code de la santé publique ; Que la mention des voies de recours figure sur la décision prise et qu'il est rappelé les coordonnées de la commission départementale des soins psychiatriques qui peut être saisie ; Que les certificats médicaux établissent également que les médecins psychiatres ont donné information à Mme [Z], une mention particulière figurant au bas de chaque certificat ;

Que ces pièces établissent que Mme [Z] a été informée par le psychiatre du projet visant à maintenir les soins et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état et qu'elle aussi été informée, le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission prise par le directeur d'établissement, ainsi que de chacune des décisions de maintien et des raisons qui les motivent ;

Que l'argumentation contraire ne peut pas prospérer utilement ; Que le fait que les décisions ne sont pas horodatées au moment exact où l'information est délivrée est sans incidence sur le fait que cette information a été faite ce que ne conteste pas Mme [Z] dans les propos tenus tant devant le juge des libertés et de la détention qu'à l'audience de ce jour puisqu'elle maintient n'avoir jamais été d'accord avec le diagnostic qui était posé sur elle et les raisons de son maintien en hospitalisation sans son consentement ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 3223-1 la commission départementale des soins psychiatriques est informée de toute décision d'admission en soins psychiatriques, de tout renouvellement de cette décision et de toute décision mettant fin à ces soins et reçoit les réclamations des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques ;

Attendu qu'il est constant que si le défaut d'information de ladite commission peut porter atteinte aux droits de la personne concernée, cette attente doit pour autant être démontrée pour entraîner la levée de la mesure ; Que le conseil de Mme [Z] soutient que ceci lui fait nécessairement grief puisque ce la prive de la possibilité que la commission se saisisse ;

Attendu qu'au cas d'espèce s'il n'est pas acquis que la commission a été informée, il n'en reste pas moins que Mme [Z] dans chaque décision de renouvellement a eu connaissance des coordonnées exactes de la commission qu'elle pouvait saisir ; Que de surcroît Mme [Z] ne caractérise aucun grief particulier à ce sujet ; Qu'en effet un grief doit être avéré et non hypothétique, et que ce n'est pas le risque d'atteinte qui est sanctionné, mais l'atteinte constituée donc dûment caractérisée par les circonstances de l'espèce ; que le conseil de Mme [Z] ne caractérise pas de grief causé par l'irrégularité qu'il soulève ;

Attendu que la décision du juge des libertés et de la détention a été notifiée à Mme [Z] par le centre hospitalier le 22 mai 2024 ainsi qu'il ressort du bordereau de notification versé au dossier ; Que ce bordereau permet de lire le nom des membres de l'équipe soignante en cas d'impossibilité ou de refus de signer ; Qu'au cas d'espèce si les noms des deux infirmières diplômes d'Etat figurent sur le bordereau, la case correspondant soit au refus de la patiente soit à son impossibilité d'obtenir sa signature ne sont effectivement pas cochées ;

Que pour autant Mme [Z] explique qu'il lui a en a été donné connaissance, qu'elle a eu l'ordonnance qu'elle a remis elle-même à son avocat et qu'elle a fait appel dés le lendemain ; Qu'il ne peut donc pas être valablement soutenu que la décision ne lui a pas été notifiée ;

Attendu que la procédure est régulière et que les moyens ne peuvent pas être accueillis ;

Sur le maintien de l'hospitalisation sans consentement

Attendu qu'aux termes de l'article L. 3211-3 du Code de la santé publique, le juge judiciaire doit s'assurer que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles du patient sont adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en oeuvre du traitement requis, cet examen étant à réaliser par l'examen des certificats médicaux produits à l'appui de la requête et ensuite communiqués.

Que s'il appartient au juge judiciaire de contrôler que les certificats médicaux sont motivés de manière précise s'agissant du patient, il ne doit en aucun cas substituer son avis personnel à l'avis médical versé au dossier ; Que de la même façon, l'appréciation du consentement ou du non-consentement aux soins est une évaluation médicale qui ne peut être faite que par le seul médecin ; que le juge n'a en effet ni la qualité, ni les compétences requises pour juger des troubles qui affectent le patient, et juger de son consentement ou non aux soins mis en place.

Que dans son recours et dans ses déclarations recueillies lors de l'audience, Mme [Z] s'oppose à son maintien en hospitalisation sans consentement en affirmant qu'il lui est reproché d'avoir eu la révélation de sa nouvelle identité puisqu'elle ne s'appelle pas [L] [Z] mais en réalité [W] [D] [I] et que depuis qu'elle revit ce souvenir elle est plus heureuse mais que les psychiatres ne veulent pas la croire ;

Que le certificat médical d'avant audience devant le juge des libertés et de la détention du 17 mai 2024 décrit une patient souriante et de bon contact avec persistance d'un noyau délirant, la patiente bénéficiant d'un traitement psychotrope qui semble bénéfique sauf à déplorer que l'intéressée ne porte aucune critique sur ses troubles psychique et que l'adhésion à un programme de soins n'est pas acquise ;

Que le certificat de situation du Dr [M] du 30 mai 2024 établit que Mme [Z] est toujours très productive avec participation affective forte et qu'il n'existe aucun signe même minime d'abrasion du délire qui prend toujours une place énorme dans les échanges avec la patiente, que les soins restent nécessaires et que les troubles mentaux rendent impossible le consentement de la patiente ;

Attendu qu'il ressort de ces différentes évaluations faites par les médecins qui ont examiné Mme [Z] que ses troubles en lien avec une pathologie psychiatrique importante, nécessitent manifestement la poursuite d'examens et de soins auxquels elle n'est pas en mesure de consentir pleinement dans le cadre d'une alliance thérapeutique ; Que le maintien de Mme [Z] dans le dispositif de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète est justifié, cette mesure s'avérant en outre proportionnée à son état mental au sens de l'article L. 3211-3 du Code de la santé publique.

Que la décision entreprise doit dès lors être confirmée ;

Sur l'article 700 et les dépens

Attendu qu'il n'y pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il convient de laisser les dépens à la charge du Trésor public ;

PAR CES MOTIFS

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

Le greffier, Le conseiller délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 24/04280
Date de la décision : 03/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-03;24.04280 ?
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