N° RG 23/03206 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O5OZ
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
CH 9 CAB 09 G
du 08 mars 2023
RG : 20/00517
ch n°9
LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON
LA PROCUREURE GENERALE
C/
[M] ([I])
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
2ème Chambre B
ARRET DU 30 Mai 2024
APPELANTS :
M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON
TJ de Lyon [Adresse 5]
[Localité 6]
Mme LA PROCUREURE GENERALE
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Mme Laurence CHRISTOPHLE, substitut général
INTIMEE :
Mme [O] [S] [M]
née le 19 Mai 1999 à [Localité 13] (CAMEROUN)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Lucie BOYER, avocat au barreau de LYON, toque : 2173
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 19 Mars 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Avril 2024
Date de mise à disposition : 30 Mai 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Sophie DUMURGIER, président
- Carole BATAILLARD, conseiller
- Françoise BARRIER, conseiller
assistés pendant les débats de Priscillia CANU, greffier
en présence de Philippine de MONTGOLFIER, greffière stagiaire
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Sophie DUMURGIER, président, et par Priscillia CANU, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [O] [S] [M], se disant née le 19 mai 1999 à [Localité 13] (Cameroun), de [V] [M], né le 22 juin 1958 à [Localité 10] (Rhône), et de [J] [L], née le 11 février 1965 à [Localité 13] (Cameroun), a obtenu du directeur des services des greffes judiciaires du tribunal d'instance de Lyon la délivrance d'un certificat de nationalité française le 12 août 2008, sur le fondement de l'article 18 du code civil, son père [V] [M] étant français pour être né en France de parents qui y sont eux-même nés, par application de l'article 23 du code de la nationalité française.
Le 13 juin 2014, elle s'est vu délivrer un passeport français.
Par jugement réputé contradictoire du 10 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Lyon, sur saisine du procureur de la République de Lyon, a annulé les reconnaissances concernant les sept enfants de Mme [J] [L], tant celles effectuées le 21 avril 2004 par [A] [T] que celles effectuées le 4 novembre 2004 par [V] [M], concernant [X] [M], [G] [M], [O] [S] [M] et [P] [M], estimant ces reconnaissances peu vraissemblables et destinées à avoir des effets migratoires et non à fonder une famille, ces deux hommes ayant reconnu des enfants théoriquement nés de la même mère mais nés à quelques jours d'écart seulement pour certains d'entre eux, ce qui rend impossible qu'ils soient nés de la même mère, et une enfant, [P], ayant même été reconnue par les deux hommes successivement.
Par jugement réputé contradictoire du 9 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Lyon, sur saisine du procureur de la République de Lyon, a constaté l'extranéité de Mme [O] [S] [M], née le 19 mai 1999 à [Localité 13] (Cameroun), et de M. [G] [M], né le 20 juin 1995 à [Localité 13] (Cameroun), enfants mineurs représentés par leur mère Mme [J] [L], qui n'a toutefois pas constitué avocat.
Ce jugement a été signifié le 8 octobre 2015 conformément à l'article 659 du code de procédure civile et sa mention a été transcrite sur l'acte de naissance de Mme [O] [S] [M] le 26 janvier 2016 et apparaît sur la copie de l'acte de naissance qui lui a été délivré le 31 mai 2017.
Par requête déposée le 31 août 2017, le conseil de M. [G] [M] a demandé au tribunal de rectifier une erreur matérielle affectant le jugement du 9 juillet 2015 et de rétracter sa décision, son client n'étant selon lui pas concerné par cette procédure, mais seulement sa soeur.
Par jugement du 16 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a rejeté la requête en rectification et en rétractation de M. [G] [M].
Le 28 mai 2019, Mme [O] [S] [M] a souscrit une déclaration de nationalité française sur le fondement des dispositions de l'article 21-13 du code civil.
Par décision du 25 juin 2019, notifiée par courrier recommandé le 26 juin 2019, le directeur des services des greffes judiciaires du tribunal d'instance de Lyon a refusé d'enregistrer cette déclaration de nationalité française au motif qu'elle n'a pas été souscrite dans un délai raisonnable, le jugement qui a constaté son extranéité ayant été rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 9 juillet 2015 et étant mentionné sur son acte de naissance, ce dont elle a eu forcément connaissance en juin 2017, quand elle a réclamé la copie de son acte de naissance.
Par acte d'huissier délivré le 24 décembre 2019, Mme [O] [S] [M] a fait assigner le procureur de la République de Lyon aux fins d'annulation de la décision de refus d'enregistrement de sa déclaration de nationalité souscrite le 28 mai 2019 et pour se voir reconnaître de nationalité française sur le fondement de l'article 21-13 du code civil.
Par jugement contradictoire du 8 mars 2023, auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,
- dit que Mme [O] [S] [M] a acquis la nationalité française par possession d'état sur le fondement de l'article 21-13 du code civil,
- ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil,
- débouté Mme [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge du Trésor public.
Par déclaration reçue au greffe le 17 avril 2023, le procureur de la République près du tribunal judiciaire de Lyon a interjeté appel de cette décision, en limitant sa critique aux chefs de jugement ainsi énoncés :
- dit que Mme [O] [S] [M], née le 19 mai 1999 à [Localité 13] (Cameroun), a acquis la nationalité française par possession d'état sur le fondement de l'article 21-13 du code civil,
- ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil,
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses dernières conclusions notifiées le 28 février 2024, Mme la procureure générale près la cour d'appel de Lyon demande à la cour de dire que la procédure est régulière au regard de l'article 1040 du code de procédure civile et d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 8 mars 2023, et, statuant à nouveau, de :
- débouter Mme [O] [S] [M] de l'ensemble de ses demandes,
- dire que Mme [O] [S] [M], née le 19 mai 1999 à [Localité 13] (Cameroun), n'est pas de nationalité française,
- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil,
- la condamner aux dépens.
Selon ses premières et dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2023, Mme [M] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter Mme la procureure générale de l'intégralité de ses demandes,
- condamner l'État à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 19 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le tribunal a relevé qu'il est reproché à Mme [M] de ne pas fournir d'éléments suffisants pour caractériser la possession d'état sur la période du 28 mai 2009 au 28 mai 2019, alors qu'elle a déposé sa déclaration de nationalité à l'âge de 19 ans, et que, s'agissant d'une personne mineure pendant la quasi-totalité du délai de dix ans précédant la déclaration, il y a lieu de considérer que ces éléments, survenus de façon échelonnée, sont sérieux et suffisants pour caractériser une possession d'état de français au sens de l'article 21-13 du code civil.
Il a jugé que cette déclaration ne peut pas être considérée comme ayant été souscrite tardivement puisque, si la reconnaissance de paternité a été annulée par jugement du 10 janvier 2013 et l'extranéité de Mme [O] [S] [M] constatée par jugement du 9 juillet 2015, ces jugements n'ont pas été signifiés à personne, comme en témoignent l'assignation délivrée au [Adresse 8] à [Localité 11], dans le cadre de l'instance relative à la contestation de paternité, et le procès-verbal de recherches infructueuses s'agissant du contentieux relatif à la nationalité de Mme [M], alors qu'il est démontré que la famille résidait au [Adresse 3] à [Localité 12] de sorte que ces procédures ont été engagées par le ministère public sans que celui-ci ne fasse rechercher les personnes bien que disposant de prérogatives de puissance publique, et alors que l'huissier n'a pas pu retrouver Mme [M] qui a passé son brevet des collèges à [Localité 9] en 2013 et a été scolarisée dans cette ville jusqu'en 2016.
Le tribunal a en conséquence retenu que Mme [M] n'a pu prendre connaissance de son extranéité qu'en mai 2017, lors du contrôle de police concernant son frère, M. [G] [M], et à la suite de la délivrance de son acte de naissance le 31 mai de la même année, et estimé que sa déclaration déposée en 2019, année durant laquelle le tribunal a statué sur la requête en rétractation déposée par l'avocat de M. [G] [M], a été souscrite dans un délai raisonnable, dès lors que, si cette requête a été déposée exclusivement au nom de M. [G] [M], Mme [M] soutient avoir mandaté son avocat pour qu'il exerce son recours en leur deux noms, ce qu'elle avait intérêt à faire, leurs situations étant similaires.
Il a estimé que la demanderesse, qui avait tout juste 18 ans, pouvait légitimement faire confiance à l'avocat mandaté, professionnel du droit, pour exercer le recours en rétractation en son nom et qu'il est dès lors indifférent que ce recours ait été exercé à tort puisque l'erreur ne peut être imputée à la requérante qui n'est pas juriste.
Mme le procureure générale fait valoir que ce dossier s'inscrit sein d'une vaste fraude à la nationalité française et se fonde sur l'article 21-13 du code civil, qui suppose la démonstration de la jouissance de façon constante de la possession d'état de Français, pendant les dix années précédant la déclaration, condition de recevabilité de la déclaration, laquelle doit être constante, continue, non équivoque et ne pas avoir été constituée ou maintenue par fraude, la possession d'état étant caractérisée par un faisceau d'éléments échelonnés dans le temps pendant cette période de dix ans et la déclaration devant être souscrite dans un délai raisonnable suivant la connaissance, par l'intéressé, de son extranéité.
Elle estime, qu'en l'espèce, la requérante n'a pas déposé sa déclaration dans un délai raisonnable, le jugement réputé contradictoire du tribunal de grande instance de Lyon du 9 juillet 2015 ayant été régulièrement signifié le 8 octobre 2015, conformément à l'article 659 du code de procédure civile, à la dernière adresse connue de l'intéressée, [Adresse 8] [Localité 11], et l'huissier ayant mentionné dans son procès-verbal qu'il a rencontré des voisins présents qui lui ont indiqué ne pas la connaître et qu'il a effectué des recherches sur l'annuaire téléphonique, en vain, avant de dresser un procès-verbal de recherches infructueuses, ne pouvant faire d'autres recherches puisque n'ayant pas connaissance d'un employeur et ne pouvant pas interroger les services administratifs en raison de l'absence de mandat d'exécution.
Elle considère ces diligences utiles et suffisantes pour que le jugement ait été régulièrement signifié et signale qu'aucun appel n'ayant été régularisé, le jugement d'extranéité est devenu définitif le 8 novembre 2015.
Elle souligne que, dans son assignation, Mme [M] a reconnu avoir eu connaissance de son extranéité lors du contrôle de police concernant M. [G] [M], effectué en mai 2017, et lors de la délivrance de la copie de son acte de naissance le 31 mai 2017, portant mention du jugement du 9 juillet 2015, mais qu'elle a toutefois attendu le 28 mai 2019, soit deux ans, pour souscrire sa déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-13 du code civil.
Mme le procureur général soutient que Mme [O] [S] [M] ne justifie pas d'une possession d'état de Français constante, continue et non équivoque pendant au moins dix années précédant la déclaration, soit en l'espèce entre le 28 mai 2009 et le 28 mai 2019, ce qui est une condition de recevabilité de sa manifestation de volonté, puisque le seul élément
communiqué est la copie de son passeport délivré le 13 juin 2014, les conditions de l'article 21-13 du code civil n'étant dès lors pas réunies.
Elle évoque enfin l'arrêt définitif rendu par la présente cour le 24 novembre 2022, qui a infirmé le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 8 septembre 2021 et rejeté la demande de M. [G] [M] d'acquisition de la nationalité française sur le fondement du même texte, avant de dire qu'il n'est pas de nationalité française.
Mme [M] estime quant à elle que sa déclaration de nationalité a été souscrite dans un délai raisonnable et prétend être de nationalité française par possession d'état conformément aux dispositions de l'article 21-13 du code civil.
Elle dit n'avoir appris qu'elle n'était plus française qu'à la suite du contrôle de police de son frère, M. [G] [M], en mai 2017, puis à la réception de la copie intégrale de son acte de naissance le 31 mai 2017, portant mention de son extranéité, n'ayant pas eu connaissance auparavant du jugement du tribunal de Lyon du 10 janvier 2013, qui n'a été transcrit sur son acte de naissance que le 26 janvier 2016, précisant qu'elle était alors mineure et que sa mère, qui ne sait ni lire ni écrire, ne lui en a jamais parlé.
Elle déplore que le jugement réputé contradictoire du 9 juillet 2015 constatant son extranéité n'ait pas été signifié à la personne de sa mère, l'assignation ayant été délivrée à une mauvaise adresse ([Adresse 8] [Localité 11] au lieu de [Adresse 3], [Localité 12]), ce qui a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de recherches infructueuses, et que le procureur de la République n'ait fait procéder à aucune recherche.
Elle ajoute qu'il en a été de même pour la signification du jugement du 9 juillet 2015 constatant son extranéité, l'huissier ayant dressé un procès-verbal de recherches infructueuses le 8 octobre 2015 en reprenant les mêmes mentions que précédemment, ce qui permet de douter de la réalité de ses recherches concernant l'adresse.
Elle estime dès lors les significations des deux jugements irrégulières de sorte que sa déclaration de nationalité ne peut être considérée comme tardive en se référant à la date du jugement du 9 juillet 2015, et ce d'autant moins que, dès le 3 août 2017, soit moins de 3 mois après qu'elle a eu connaissance de son extranéité, une requête en rectification et rétractation du jugement du 9 juillet 2015 a été déposée par le conseil de M. [G] [M] devant le tribunal de grande instance de Lyon, et qu'elle a pu légitimement croire que l'avocat qu'elle et son frère avaient mandaté avait exercé en leurs deux noms le recours qui visait à la réformation du jugement du 16 janvier 2019, s'agissant d'une requête en rectification et en rétractation.
Elle signale qu'elle était majeure depuis quelques jours seulement lorsqu'elle a appris son extranéité et souligne que le délai pour souscrire une déclaration de nationalité au titre de l'article 21-13 du code civil est suspendu pendant la durée des démarches par lesquelles le requérant conteste la décision de refus de sa nationalité.
Elle indique ensuite que la fraude relative à la reconnaissance de paternité de [V] [M] ne peut pas lui être opposée puisqu'elle n'avait à l'époque que cinq ans et qu'elle n'a pu dès lors participer à la reconnaissance mensongère, ajoutant, qu'à compter de cette reconnaissance le 4 novembre 2004, elle a été considérée par tous, y compris les autorités publiques, comme française, jusqu'au jugement du 9 juillet 2015, transcrit sur les registres d'état civil le 26 janvier 2016, ayant de ce fait joui, de bonne foi, de façon constante, de la possession d'état de français pendant plus de 10 ans, soit du 4 novembre 2004 au 26 janvier 2016, ce qui a permis qu'elle entre en France en mars 2005, porteuse d'un laisser-passer du consulat général de France de [Localité 13] au Cameroun, puis que lui soit délivré un certificat de nationalité française le 12 août 2008 et un passeport français le 13 juin 2014, avant qu'elle n'obtienne le brevet des collèges puis un CAP coiffure sous cette identité.
**************
Il n'est pas contesté que Mme [O] [S] [M] n'a eu connaissance des jugements du 10 janvier 2013 et du 9 juillet 2015 qu'en mai 2017, postérieurement au contrôle de police dont M. [G] [M] a été l'objet, au cours duquel il a dû rendre son passeport, et au plus tard le 31 mai 2017, date à laquelle elle a demandé une copie de son acte de naissance sur lequel figure une mention concernant le dernier jugement, cet acte constituant sa pièce 9.
Or elle n'a souscrit sa déclaration de nationalité fondée sur les dispositions de l'article 21-13 du code civil que le 28 mai 2019, près de deux ans après cette date, ce qui ne peut être considéré comme étant un délai raisonnable.
Mme [O] [S] [M], suivie en cela par le tribunal, évoque la requête en rectification d'erreur matérielle déposée par son frère, avec l'aide de son conseil de l'époque, le 3 août 2017, M. [G] [M] ayant ensuite demandé dans le cadre de ses conclusions la rétractation du jugement du 9 juillet 2015, demandes qui ont été rejetées par jugement du 19 janvier 2019, pour prétendre que ces démarches ont suspendu le délai sur cette période, soit du 3 août 2017 au 19 janvier 2019, et que la souscription de sa déclaration de nationalité française effectuée le 28 mai 2019 a été déposée dans un délai raisonnable.
Or, cette requête a été déposée au seul nom de M. [G] [M] et Mme [O] [S] [M] ne justifie nullement s'être, à l'époque, associée aux démarches de celui qu'elle présente comme son frère, même si elle produit, en pièces 10 et 11, des copies de la requête dont elle fait état et du jugement de rejet qui a suivi, rendu seulement à l'encontre de M. [G] [M], sans qu'elle ne soit mentionnée ni dans l'en-tête du jugement, ni dans son dispositif. De plus, cette requête en rectification d'erreur matérielle, suivie de conclusions en vue de la rétractation du jugement du 9 juillet 2015, ne peut être assimilée à l'exercice d'une voie de recours, et n'est donc pas de nature à suspendre le délai.
Au surplus, pour pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 21-13 du code civil, elle doit justifier d'une possession d'état constante, continue, non équivoque et qui ne doit pas avoir été constituée ou maintenue par fraude ou de mauvaise foi, pendant les dix ans qui précédent la déclaration, soit en l'espèce sur la période du 28 mai 2009 au 28 mai 2019.
Or, si, sur cette période, elle s'est vu délivrer un passeport français le 13 juin 2014 (la délivrance du certificat de nationalité française le 12 août 2008 ayant eu lieu en dehors de la période considérée), ce qui constitue un élément de la possession d'état, les jugements des 10 janvier 2013 et 9 juillet 2015 ont été transcrits en marge de son acte de naissance le 26 janvier 2016, ce qui a mis fin à compter de cette date au caractère constant et non équivoque de la possession d'état qu'elle revendique, et elle ne justifie de ce fait pas d'une possession d'état continue et suffisante d'une durée de dix ans, mais tout au plus d'une durée de six ans et demi, soit du 28 mai 2009 au 26 janvier 2016.
De plus, il n'est pas contesté que cette possession d'état a été obtenue par suite d'une reconnaissance frauduleuse et elle ne peut dès lors pas en bénéficier, bien qu'elle ne soit pas à l'origine de la fraude et qu'elle était mineure à la date de la reconnaissance.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé, Mme [O] [S] [M], qui n'a pas souscrit sa déclaration de nationalité française dans un délai raisonnable, ne justifiant pas au surplus d'une possession d'état de la qualité de français suffisante, et il convient de déclarer que l'intimée n'est pas de nationalité française.
Elle sera condamnée à supporter la totalité des dépens de première instance et d'appel et déboutée sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,
Infirme le jugement du 8 mars 2023 du tribunal judiciaire de Lyon en toutes ses dispositions frappées d'appel,
Statuant à nouveau,
Rejette la demande de Mme [O] [S] [M] d'acquisition de la nationalité française par possession d'état sur le fondement de l'article 21-13 du code civil,
Dit que Mme [O] [S] [M], née le 19 mai 1999 à [Localité 13] (Cameroun), n'est pas de nationalité française,
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,
Condamne Mme [O] [S] [M] à supporter la totalité des dépens de première instance et d'appel,
Déboute Mme [O] [S] [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Sophie DUMURGIER, président, et par Priscillia CANU, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président