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30/05/2024 | FRANCE | N°23/01363

France | France, Cour d'appel de Lyon, 2ème chambre b, 30 mai 2024, 23/01363


N° RG 23/01363 - N° Portalis DBVX-V-B7H-OZPR









Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lyon

ch 9 cab 09 F

du 09 novembre 2022



RG : 20/08732

ch n°





[H]



C/



LA PROCUREURE GENERALE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



2ème Chambre B



ARRET DU 30 Mai 2024







APPELANTE :



Mme [K] [H] épouse [D]r>
née le 31 Décembre 1970 à [Localité 5] (COMORES)

[Adresse 2]

[Localité 4]





Représentée par Me Sophie TENA, avocat au barreau de LYON, toque : 930

Assistée par Me Didier BESSON, avocat au barreau de CHAMBERY









INTIMEE :



Mme LA PROCUREURE GENERALE

[A...

N° RG 23/01363 - N° Portalis DBVX-V-B7H-OZPR

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lyon

ch 9 cab 09 F

du 09 novembre 2022

RG : 20/08732

ch n°

[H]

C/

LA PROCUREURE GENERALE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

2ème Chambre B

ARRET DU 30 Mai 2024

APPELANTE :

Mme [K] [H] épouse [D]

née le 31 Décembre 1970 à [Localité 5] (COMORES)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie TENA, avocat au barreau de LYON, toque : 930

Assistée par Me Didier BESSON, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Mme Laurence CHRISTOPHLE, substitut général

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 19 Mars 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Avril 2024

Date de mise à disposition : 30 Mai 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, président

- Carole BATAILLARD, conseiller

- Françoise BARRIER, conseiller

assistés pendant les débats de Priscillia CANU, greffier

en présence de Philippine de MONTGOLFIER, greffière stagiaire

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Sophie DUMURGIER, président, et par Priscillia CANU, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [K] [H], née le 31 décembre 1970 à [Localité 5] (Comores), de nationalité comorienne, s'est mariée avec M. [G] [D], né le 31 décembre 1966 à [Localité 5] (Comores), de nationalité française, le 15 janvier 2005 devant l'officier d'état civil de [Localité 5] (Comores).

Le 16 avril 2018, Mme [H] a souscrit une déclaration d'acquisition de la nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, qui a été enregistrée le 7 mai 2018.

Par acte d'huissier du 4 décembre 2020, le procureur de la République a saisi le tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir annuler l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par Mme [H], estimant frauduleuse cette souscription en raison d'un précédent mariage contracté par l'intéressée avec M. [V] [Z], qui n'était pas dissous au jour de la souscription de la déclaration de nationalité française.

Par jugement contradictoire du 9 novembre 2022, auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le tribunal judiciaire de Lyon, a :

- constaté l'extranéité de Mme [K] [H], née le 31 décembre 1970 à [Localité 5] (Comores),

- ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil,

- condamné Mme [H] aux entiers dépens.

Ce jugement a été signifié à Mme [H] par acte du 25 janvier 2023.

Par déclaration reçue au greffe le 20 février 2023, Mme [H] a interjeté appel de cette décision, portant sur l'ensemble des chefs de jugement expressément critiqués.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 22-2 et 26-4 du code civil et de l'article 47 du code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement rendu le 9 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon sous le n°RG 20/8732,

- rejeter comme prescrite l'action du ministère public,

- dire et juger que le ministère public ne rapporte pas la preuve d'une souscription d'acquisition de nationalité française frauduleuse de Mme [K] [H],

En conséquence,

- dire et juger qu'elle est de nationalité française,

- condamner le ministère public aux entiers dépens,

- condamner le ministère public à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 13 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, Mme la procureure générale près la présente cour demande à la cour de :

- déclarer la caducité de la déclaration d'appel,

- confirmer le jugement de première instance,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

La clôture de la procédure a été prononcée le 19 mars 2024.

SUR CE

Sur l'étendue de la saisine de la cour

L'article 562 du code de procédure civile prévoit que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

L'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que la cour n'est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties.

Par l'effet dévolutif de l'appel, la cour connaît des faits survenus au cours de l'instance d'appel, postérieurement à la décision déférée, et statue au vu de tous les éléments justifiés même s'ils n'ont été portés à la connaissance de l'adversaire qu'au cours de l'instance d'appel.

Selon les termes de la déclaration d'appel et du dispositif des dernières écritures des parties, l'appel porte sur la prescription de la demande d'annulation de la déclaration de nationalité française de Mme [H], sur l'extranéité de Mme [H] et sa condamnation aux dépens.

L'intimée conclut pour sa part, à titre principal, à la caducité de la déclaration d'appel.

Sur la caducité de la déclaration d'appel de Mme [H]

Mme la procureure générale excipe de la caducité de la déclaration d'appel au motif que cet acte de procédure n'a pas été dénoncé au ministre de la justice conformément à l'article 1040 du code de procédure civile.

L'appelante ne répond pas à ce moyen de défense.

Selon l'article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation, ou, le cas échéant, une copie des conclusions soulevant la contestation sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récepissé. Le dépôt des pièces peut être remplacé par l'envoi de ces pièces par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

La juridiction civile ne peut statuer sur la nationalité avant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la délivrance du récepissé ou de l'avis de réception.

Toutefois ce délai est de dix jours lorsque la contestation sur la nationalité a fait l'objet d'une question préjudicielle devant une juridiction statuant en matière électorale.

L'assignation est caduque, les conclusions soulevant une question de nationalité irrecevables s'il n'est pas justifié des diligences prévues aux alinéas qui précèdent.

Il est admis que ces dispositions légales sont applicables aux voies de recours et que la formalité prévue par l'article 1043 est requise à peine de caducité de la déclaration d'appel.

A la date de notification des conclusions de l'intimée, l'appelante n'avait pas déposé sa déclaration d'appel au ministère de la justice.

Cependant, il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 31 octobre 2023 par le ministère de la justice.

La déclaration d'appel n'est donc pas caduque.

Sur la prescription de l'action du ministère public

L'appelante rappelle que le ministère public disposait, en application des dispositions des articles 22-2 et 26-4 du code civil, d'un délai de deux ans pour contester l'enregistrement de la déclaration de nationalité française, ce délai ne commençant à courir, en cas de mensonge ou de fraude, qu'à compter de leur découverte.

Elle fait valoir que la déclaration de nationalité française a été enregistrée le 7 mai 2018 et que ce n'est que le 4 décembre 2020 qu'elle a été assignée devant le tribunal judiciaire de Lyon en annulation de l'enregistrement de la déclaration et elle en déduit que l'action était prescrite à cette date, sans pour autant conclure à l'irrecevabilité de la demande d'annulation du procureur de la République.

En réponse au ministère public qui se prévaut d'un bordereau d'envoi du 24 novembre 2020, elle soutient que ce raisonnement ne résiste pas à l'analyse car il permet à l'administration et au procureur de la République de reculer indéfiniment le délai de deux ans.

L'intimée réplique que c'est par fraude, portée à la connaissance du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon, territorialement compétent, le 24 novembre 2020, que la déclaration souscrite par Mme [H] a été enregistrée.

Il résulte des éléments du dossier que c'est un courrier émanant du Bureau de la nationalité du ministère de la justice en date du 24 novembre 2020, auquel étaient jointes six pièces, qui a porté à la connaissance du procureur de la République du tribunal judiciaire de Lyon des éléments laissant supposer la fraude ou le mensonge lui permettant d'agir contre Mme [H], la pièce n°6 étant constituée d'un extrait d'acte de mariage de Mme [K] [H] avec M. [V] [Z], célébré le 18 novembre 1990 à [Localité 5] (Comores), établissant une situation de bigamie.

Le délai de deux ans n'était donc pas expiré lorsque le ministère public a agi en annulation de l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par Mme [H], par acte du 4 décembre 2020, et cette action est donc recevable.

Sur la contestation de l'enregistrement de la déclaration de nationalité française de Mme [H]

Selon l'article 21-2 du code civil, l'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition, qu'à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.

L'article 26-4 alinéa 3 du même code prévoit que l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude.

La déclaration de nationalité française, souscrite par Mme [H] le 16 avril 2018, a été enregistrée le 7 mai 2018, alors qu'elle était mariée depuis le 15 janvier 2005 avec M. [G] [D].

Cependant, le ministère public produit un extrait d'acte de mariage qui révèle que Mme [H] s'est mariée le 18 novembre 1990 à [Localité 5] (Comores) avec M. [V] [Z], né le 30 septembre 1962, dont elle a eu une enfant, [R] [V] [Z], née le 3 août 1992 à [Localité 5], et que cette union n'était pas dissoute à la date de souscription de sa déclaration de nationalité française.

Or, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation le 4 novembre 2020 et que l'a retenu le tribunal, la situation de bigamie d'un des époux à la date de la souscription de la déclaration, qui est exclusive de toute communauté de vie affective, fait obstacle à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger.

Au soutien de son appel, Mme [H] conteste fermement avoir été mariée le 18 novembre 1990 avec M. [V] [Z] et prétend que les documents produits par le ministère public n'ont aucune force probante au sens de l'article 47 du code civil, s'agissant de photocopies d'extrait d'acte de mariage et d'extraits d'acte de naissance.

Elle estime en conséquence que, sans la production de documents originaux dûment légalisés par les autorités comoriennes et authentifiés par l'ambassade de France aux Comores, la demande d'annulation de l'enregistrement de sa déclaration de nationalité française doit être rejetée.

Elle ajoute que [R] [D], née le 3 août 1992 aux Comores, n'est pas la fille d'une précédente union mais l'enfant de M. [G] [D], né le 31 décembre 1966 aux Comores.

Selon l'article 47 du code civil, 'tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française'.

Si l'appelante conteste avoir été mariée avec M. [V] [Z], il ressort des pièces versées aux débats par l'intimée que la copie intégrale d'acte de naissance que Mme [K] [H] a produit au soutien de sa déclaration de nationalité française et l'extrait de mariage établi le 24 novembre 1990 par l'officier d'état civil de la Préfecture du centre de la république islamique des Comores, faisant état du mariage à [Localité 5], le 18 novembre 1990 entre M. [V] [Z], né le 30 septembre 1962 à [Localité 6], et Mme [K] [H], née vers 1970 à [Localité 5], coïncident dans leurs mentions concernant la date et le lieu de naissance de l'intéressée et l'identité de ses parents et ces documents apportent la preuve de son mariage avec M. [V] [Z] antérieurement à celui contracté avec M. [G] [D], faute par l'appelante de renverser la présomption de l'article 47 susvisé en démontrant qu'ils sont irréguliers.

Il sera relevé que Mme [H] ne produit aucune pièce au soutien de son appel, alors que, par ailleurs, l'extrait d'acte de naissance établi le 17 novembre 1992 par l'officier d'état civil de la Préfecture du centre de la république islamique des Comores révèle qu'elle a donné naissance, le 3 août 1992, à l'enfant [R] [V] [Z], issue de son union avec M. [V] [Z], et que cette pièce n'est contredite par aucun acte de naissance qui viendrait confirmer la paternité de M. [G] [D] sur cette enfant, invoquée par l'appelante.

C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu que la situation de bigamie ainsi établie de Mme [K] [H], à la date de la souscription de sa déclaration de nationalité française, était exclusive de toute communauté de vie et que les conditions de l'article 21-2 du code civil n'étaient pas réunies et le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Mme [H] qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et il ne sera pas fait application à son profit des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Dans la limite de sa saisine,

Constate que le récépissé prévu à l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Lyon,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Y ajoutant,

Condamne Mme [H] aux dépens de la procédure d'appel et la déboute de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Sophie DUMURGIER, président, et par Priscillia CANU, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre b
Numéro d'arrêt : 23/01363
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.01363 ?
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