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30/05/2024 | FRANCE | N°20/07203

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 30 mai 2024, 20/07203


N° RG 20/07203 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJSZ









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 24 septembre 2020



RG : 2019j1673







[G]



C/



S.A. CRÉDIT LYONNAIS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 30 Mai 2024







APPELANTE :



Mme [V] [G]

née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 6] (ALGERIE)
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[Localité 5]



Représentée par Me Géraldine DUSSERRE-ALLUIS, avocat au barreau de LYON, toque : 955, postulant et par Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI



INTIMEE :



S.A. CRÉDIT LYONNAIS représentée par son ...

N° RG 20/07203 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJSZ

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 24 septembre 2020

RG : 2019j1673

[G]

C/

S.A. CRÉDIT LYONNAIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 30 Mai 2024

APPELANTE :

Mme [V] [G]

née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 6] (ALGERIE)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Géraldine DUSSERRE-ALLUIS, avocat au barreau de LYON, toque : 955, postulant et par Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

INTIMEE :

S.A. CRÉDIT LYONNAIS représentée par son directeur général en exercice

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Pierre BUISSON, avocat au barreau de LYON, toque : 140

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 20 Décembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Avril 2024

Date de mise à disposition : 30 Mai 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 6 mars 2013, la société Crédit Lyonnais a proposé une offre de prêt immobilier à Mme [V] [G] d'un montant de 71.843 euros sur 288 mois. Le 19 mars 2013, Mme [G] a accepté l'offre. Ce prêt présentait les caractéristiques suivantes : un taux d'intérêt fixe de 3,75 %, un taux de période de 0,36 % et un taux effectif global de 4,37 %.

De plus l'offre renfermait également une seconde ligne de prêt immobilier d'un montant de 38.000 euros sur 180 mois. Cette seconde ligne de prêt présentait les caractéristiques suivantes : un taux d'intérêt fixe de 3,00 %, un taux de période de 0,34 %, et un taux effectif global de 4,10 %.

Les 30 novembre 2016 et 17 janvier 2017, deux avenants de ces prêts ont été conclus.

Mme [G] dit avoir découvert, suivant expertise du 23 juillet 2019, que ces offres de prêts étaient entachées de plusieurs irrégularités ou anomalies portant sur la base de calcul des intérêts conventionnels à la suite d'une analyse mathématique.

Le 12 août 2019, par acte d'huissier, Mme [G] a assigné la société Crédit Lyonnais devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 24 septembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

dit que le point de départ de la prescription est le 19 mars 2013,

dit que l'action est prescrite depuis le 19 mars 2018,

En conséquence,

dit que les demandes de Mme [G] sont irrecevables,

écarté tous autres fins, moyens et conclusions, incluant en cela la demande d'exécution provisoire.

condamné Mme [G] à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Mme [G] aux dépens.

Mme [G] a interjeté appel par déclaration du 18 décembre 2020.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 19 novembre 2021, Mme [G] demande à la cour, au visa de l'article 1907 du code civil et des articles L.313-1 et suivants et R.313-1 et suivants du code de la consommation, de :

déclarer l'appel formé par Mme [G] recevable,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit que le point de départ de la prescription est le 19 mars 2013,

dit que l'action est prescrite depuis le 19 mars 2018.

En conséquence,

dit que les demandes de Mme [G] sont irrecevables,

écarté tous autres fins, moyens et conclusions, incluant en cela la demande d'exécution provisoire,

condamné Mme [G] à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Mme [G] aux dépens.

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

déclarer les demandes de Mme [G] recevables et bien fondées,

constater que les intérêts périodiques du prêt n°40033312U7WA11EH ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile,

constater que les intérêts périodiques du prêt n°40033312U7WA12EH ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile,

constater que les intérêts périodiques du prêt n° 40033312U7WA12EH suivant l'offre d'avenant en date du 30 novembre 2016 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile,

constater que les intérêts périodiques du prêt n°40033312U7WA11EH suivant l'offre d'avenant en date du 17 janvier 2017 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile,

ordonner en conséquence la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial souscrit par Mme [G],

enjoindre à la société Crédit Lyonnais d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre,

condamner la société Crédit Lyonnais à restituer à Mme [G] le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel du prêt n°40033312U7WA11EH et du prêt 40033312U7WA12EH et leurs avenants et les intérêts au taux légal, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

ordonner que les sommes correspondant à cet écart devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la société Crédit Lyonnais, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de souscription du contrat.

Subsidiairement, si par impossible la substitution des intérêts légaux aux intérêts conventionnels devait être écartée :

prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt 40033312U7WA11EH souscrit auprès de la société Crédit Lyonnais par Mme [G],

prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt 40033312U7WA12EH souscrit auprès de la société Crédit Lyonnais par Mme [G],

prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels de l'avenant au prêt 40033312U7WA12EH conclu suivant offre en date du 30 novembre 2016 auprès de la société Crédit Lyonnais par Mme [G],

prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels de l'avenant au prêt 40033312U7WA11EH conclu suivant offre en date du 17 janvier 2017 auprès de la société Crédit Lyonnais par Mme [E].

En tout état de cause,

condamner la société Crédit Lyonnais à rembourser à Mme [G] la part d'intérêts indûment prélevée par le jeu de la pratique du diviseur 360 au titre des échéances rompues,

condamner la société Crédit Lyonnais à payer à Mme [G] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle,

condamner la société Crédit Lyonnais à payer à Mme [G] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la société Crédit Lyonnais,

condamner la société Crédit Lyonnais aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 22 octobre 2021, la société Crédit Lyonnais demande à la cour, au visa des articles 1304 ancien et 1907 du code civil, des articles 9 et 122 du code de procédure civile, de l'article L.110-4 du code de commerce, et des articles L.313-1 et R. 313-1 du code de la consommation, de :

confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [G], soit par adoption de motifs en jugeant l'action prescrite, soit par substitution de motifs en la jugeant mal fondée,

confirmer aussi le jugement attaqué quant à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et à la condamnation aux dépens,

débouter Mme [G] de toutes ses demandes,

la condamner à payer au Crédit Lyonnais 5.000 euros supplémentaires au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens d'appel avec application de l'article 699 du même code,

subsidiairement, limiter la restitution d'intérêts mise à la charge du Crédit Lyonnais à 7,88 euros ou à une somme forfaitaire symbolique,

plus subsidiairement, dire que le taux d'intérêt légal substitué au taux conventionnel est sujet aux variations que la loi lui apporte.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 20 décembre 2021, les débats étant fixés au 3 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de Mme [G]

Mme [G] fait valoir que :

son action n'est pas prescrite eu égard au principe d'effectivité puisqu'il convient de retenir comme point de départ de la prescription le jour où elle a eu connaissance du vice affectant la clause de calcul des intérêts,

il convient de protéger l'effectivité des droits des consommateurs, ce qu'elle est, en choisissant le point de départ de prescription qui leur est le plus favorable, sans quoi aucune sanction ne pourrait intervenir,

la Cour de Justice de l'Union Européenne a estimé qu'il convenait de prévenir le risque que le consommateur soit privé de la possibilité de faire valoir ses droits en raison des modalités de prescription, ce qui nécessite d'écarter un régime de prescription basé sur la présomption,

elle n'a eu effectivement connaissance du caractère erroné du calcul des intérêts que suite à la mission d'expertise qu'elle a diligentée,

le droit à l'égalité des armes et au procès équitable en vertu de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être respecté, d'autant plus que la banque bénéficie d'un nouveau point de report de la prescription à chaque impayé, alors que ce n'est pas le cas du consommateur même si des irrégularités sont commises,

l'exécution du contrat de prêt, en cours, fait obstacle à la prescription et démontre que la situation n'est pas passée mais relève du présent, le délai butoir de 20 ans ne lui étant pas applicable non plus étant rappelé que le prêt est toujours en cours d'exécution.

La société Crédit Lyonnais fait valoir que :

l'action de Mme [G] se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé, sachant que les deux offres de prêts ont été signées par l'appelante le 19 mars 2013 soit une prescription au 19 mars 2018, alors que l'assignation a été délivrée en date du 19 août 2019,

l'offre faisait apparaître de manière claire le mode de calcul des intérêts à l'article 2 alinéa 3 des conditions générales, ce qui démontre l'absence de dissimulation ou de fraude,

les avenants signés les 30 novembre 2016 et 17 janvier 2017 n'ont pas entraîné novation puisqu'ils ont repris les caractéristiques des prêts dont les mentions relatives au taux d'intérêts conventionnels et n'ont eu pour finalité que l'aménagement du prêt,

la clause concernant le calcul des intérêts n'est pas abusive,

il n'existe pas de droit européen définissant les modalités de calcul des taux d'intérêts, et il n'existe aucune atteinte à l'égalité des armes,

Mme [G] avait connaissance dès la signature des offres de prêts des modalités de calcul des intérêts et ne peut donc prétendre les avoir ignorées jusqu'à la remise d'une expertise amiable unilatérale.

Sur ce,

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 1304 alinéa 1 du code civil, dans sa version applicable au litige dispose que dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Eu égard aux textes susvisés, il convient de rappeler que la prescription est fixée en son point de départ à la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé, ou à défaut, à la date à laquelle le tableau d'amortissement définitif est remis.

Dans la présente instance, il est relevé que les deux offres de prêt remises à Mme [G] ont été signées le 19 mars 2013, et que ces deux offres précisent les modalités de calcul des intérêts dans leur article 2 alinéa 3 des conditions générales, ce, de manière claire qui ne nécessite pas d'avoir recours à un tiers pour obtenir des explications.

Dès lors, le délai de prescription a commencé à courir à compter du 19 mars 2013 pour se terminer le 19 mars 2018, soit avant la délivrance de l'assignation le 19 août 2019.

Mme [G] entend faire valoir que des novations sont intervenues concernant les deux prêts en raison des avenants signés les 30 novembre 2016 et 17 janvier 2017.

Or, la novation est un effet contractuel qui modifie les conditions d'exécution d'un contrat, et affecte l'existence même d'une obligation qui est remplacée par une autre. Elle ne se présume pas et doit résulter sans ambiguïté des faits et actes intervenus entre les parties conformément aux dispositions de l'article 1237 du code civil dans sa version applicable au litige.

En l'espèce, Mme [G] ne peut valablement prétendre que les avenants au contrat, qui portaient uniquement sur des éléments annexes aux obligations, ont porté novation, les obligations principales du contrat à savoir l'obligation de prêt d'argent contre une obligation de remboursement n'ayant été nullement modifiées, seul un aménagement des montants du remboursement ayant été opéré en raison de la modification du taux d'intérêt.

Dès lors, ce moyen ne saurait prospérer.

Enfin, s'agissant du droit à l'égalité des armes et du droit au procès équitable en application de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et au fait que la banque pourrait bénéficier d'un report de prescription à chaque impayé, alors que les droits des appelants sont limités en cas de difficultés liées à la conclusion même du contrat, Mme [G] entend comparer deux droits sans rapport, ayant chacun un régime propre, de même qu'une prescription propre.

L'appelante ne justifie d'aucune rupture dans son accès au droit ou bien du non-respect du droit fondamental au procès équitable.

Enfin, il est rappelé que le régime de la prescription, propre à chaque droit, permet d'assurer la stabilité juridique de la situation de chaque partie.

Ce moyen ne pourra qu'être rejeté, n'étant pas de nature à modifier la date d'acquisition de la prescription.

Eu égard à ce qui précède, les demandes présentées sont irrecevables et de il convient de confirmer la décision déférée dans son intégralité.

Sur les demandes accessoires

Mme [G] échouant en ses prétentions, elle sera condamnée à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande d'accorder à la société Crédit Lyonnais une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, Mme [G] sera condamnée à payer à la société Crédit Lyonnais, la somme de 2.500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Confirme la décision déférée dans son intégralité,

Y ajoutant

Condamne Mme [V] [G] à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,

Condamne Mme [V] [G] à payer à la SA Crédit Lyonnais la somme de 2.500 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/07203
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;20.07203 ?
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