La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2024 | FRANCE | N°20/05224

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 23 mai 2024, 20/05224


N° RG 20/05224 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NFA5









Décision du Tribunal de Commerce de Villefranche-Tarare du 10 septembre 2020



RG : 2019j62







[J]



C/



E.U.R.L. MERCURE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 23 Mai 2024







APPELANT :



M. [I] [J]

Chef d'entreprise

né le 09 Novembre 1973 à [Loca

lité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté et plaidant par Me Valérie NICOD de la SELARL SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722



INTIMEE :



E.U.R.L. MERCURE représenté par son gérant, M. [E] [V], demeurant en cette qualité audit siège

[...

N° RG 20/05224 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NFA5

Décision du Tribunal de Commerce de Villefranche-Tarare du 10 septembre 2020

RG : 2019j62

[J]

C/

E.U.R.L. MERCURE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 23 Mai 2024

APPELANT :

M. [I] [J]

Chef d'entreprise

né le 09 Novembre 1973 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté et plaidant par Me Valérie NICOD de la SELARL SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, toque : 722

INTIMEE :

E.U.R.L. MERCURE représenté par son gérant, M. [E] [V], demeurant en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Luc PERRIER de la SELARL PERRIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 139, postulant et par Me Laurent DEVAUX, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 16 Novembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Mars 2024

Date de mise à disposition : 23 Mai 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Mercure a pour activité la mise en relation et l'accompagnement de cessionnaires et acquéreurs de sociétés.

M. [I] [J], envisageant l'acquisition de la société Sarra développement, s'est rapproché de cette société.

Le 6 juin 2018, la société Mercure et M. [J] ont signé une lettre de mission fixant la mission et la rémunération de la société Mercure avec un honoraire de lancement réglé par M. [J] et un honoraire de succès en cas de cession totale ou partielle au profit de la société Mercure.

Le projet d'acquisition de la société Sarra developpement n'a finalement pas abouti et une autre cible d'acquisition a été déterminée, la société Stephan métallerie. M. [J] et la société Mercure ont poursuivi leur collaboration sans nouveau contrat écrit mais ont décidé d'une remise sur ce dossier de 15.000 euros par rapport au contrat initial, le contrat étant en conséquence de 35.000 euros hors taxe. La cession a pris effet à compter du 1er janvier 2019.

Le 20 décembre 2018, la société Mercure a adressé une facture, concernant les honoraires de succès, d'un montant de 35.000 euros hors taxes soit 42.000 euros toutes charges comprises à M. [J].

Le 28 janvier 2019, par lettre recommandée avec accusé de réception, M. [J] a contesté la prestation de la société Mercure et a refusé de payer.

Le 20 mars 2020, par acte d'huissier de justice, la société Mercure a assigné M. [J] devant le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare.

Par jugement contradictoire du 10 septembre 2020, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a :

- condamné M. [J] à payer à la société Mercure, la somme en principal de quarante-deux mille euros toutes charges comprises (42.000,00 euros),

- condamné en outre M. [J] à payer à la société Mercure :

' la somme de trois mille euros (3.000,00 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' les entiers dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

M. [J] a interjeté appel par déclaration du 29 septembre 2020.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 25 octobre 2021, M. [J] demande à la cour, au visa des articles 1217, 1219, 1228 et 1353 du code civil, de :

- infirmer le jugement du 10 septembre 2020 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- constater que la société Mercure ne rapporte pas la preuve qu'elle a réalisé les prestations objet de la lettre de mission et objet de la facture réclamée de 35.000 euros hors taxes soit 42.000 euros toutes charges comprises,

- dire et juger qu'il est bien fondé à opposer l'exception d'inexécution à la société Mercure,

- prononcer la résolution de la lettre de mission conclue entre lui-même et la société Mercure,

- condamner la société Mercure à lui rembourser la somme de 6.000 euros toutes charges comprises en restitution des sommes perçues au titre de l'honoraire de lancement de mission, avec intérêt au taux légal à compter du 3 septembre 2019,

À titre subsidiaire :

- dire et juger qu'il était bien fondé à refuser d'honorer la facture réclamée par la société Mercure en raison de l'inexécution des missions stipulées à la charge de cette dernière dans la lettre de mission,

- débouter la société Mercure de sa demande de règlement de la facture de 35.000 euros hors charges soit 42.000 euros toutes charges comprises,

- dire et juger que la rémunération due au titre de la prestation réalisée par la société Mercure est fixée à 6.000 euros déjà perçue à titre d'acompte,

En tout état de cause :

- débouter la société Mercure de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Mercure à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Mercure aux entiers dépens.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 septembre 2021, la société Mercure demande à la cour de :

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses prétentions,

En conséquence, confirmer la décision entreprise,

Y ajoutant :

- condamner M. [J] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 novembre 2021, les débats étant fixés au 27 mars 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est précisé que le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016.

Sur la demande en paiement

M. [J] fait valoir que :

-la réception silencieuse de la facture sans contestation immédiate ne vaut pas reconnaissance des prestations réalisées ; la facture était prématurée et injustifiée car émise avant même l'acquisition des parts ; il en a expressément et sans équivoque refusé le paiement par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 2019,

- le tribunal a inversé la charge de la preuve ; c'est à l'intimée de démontrer la réalisation des prestations décrites à l'article 1 de la lettre de mission,

- nul ne peut se constituer de preuve à soit-même ; une facture ne suffit pas à établir les prestations réalisées et l'intimée ne démontre pas son intervention au stade de l'analyse, de la négociation ou du financement ; il a acquis les parts grâce à l'aide d'autres professionnels, avocat et expert-comptable, sans l'aide de l'intimée, laquelle a seulement rédigé un projet de lettre d'intention, sans suivi ni autre démarche ; elle a donc failli à son obligation contractuelle et la facture correspond à une rémunération sans contrepartie ; il était donc fondé à opposer l'exception d'inexécution,

- subsidiairement, en l'absence d'exécution par l'intimée de l'intégralité des obligations stipulées dans la lettre de mission, il était bien fondé à opposer une exception d'inexécution et la somme de 6.000 euros déjà versée est suffisante.

La société Mercure réplique que :

- il n'est pas contestable qu'un contrat a été conclu entre les parties, lequel a fixé les conditions financières qui ont évolué d'un commun accord à la baisse en faveur de l'appelant,

- l'appelant n'a fait aucune observation ou demande au cours de l'exécution du contrat, tant sur la réalité que sur la qualité du travail fourni y compris après envoi de la facture, il n'est pas resté silencieux à réception de la facture :mais a sollicité l'émission sur un autre exercice comptable à l'ordre d'une personne morale assujettie à la TVA,

- l'appelant a laissé entendre qu'il n'existait aucune difficulté de règlement et n'a invoqué l'inexécution de la concluante que lorsque la facture est devenue exigible pour obtenir sa diminution ; sa position a varié selon ses intérêts,

- en toute hypothèse, sa prestation était conforme à ce qui était prévu tout au long des négociations pour le rachat de la société Sarra Developpement puis pour le rachat de la société Stephan Métallerie, (accompagnement, conseil, obtention d'un financement bancaire),

- l'appelant a sollicité son intervention pour un second projet car il avait été satisfait de son intervention dans le premier projet, il s'est contenté de modifications mineures sur la lettre d'intention,

- il est normal que l'appelant ait lui-même travaillé sur le projet d'acquisition avec l'assistance d'un expert-comptable et d'un cabinet d'avocat ; cela n'empêche pas la réalité de la collaboration de la concluante qui a été en contact par mail avec l'expert-comptable, dont l'attestation est surprenante.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1103 du code civil, 'les contrats légalement formés tienent lieu de loi à ceux qui les ont faits'. Ils doivent être exécutés de bonne foi selon l'article 1104.

Par ailleurs, l'article 1217 du code civil dispose que 'La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter'.

L'article 1219 précise que 'Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave' et l'article 1228 que 'Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts'.

En l'espèce, l'intimée demande paiement d'une facture de 35.000 euros HT soit 42.000 euros TTC du 20 décembre 2018.

Il est constant qu'un contrat avait été signé par les parties le 6 juin 2018, et stipulait notamment un honoraire de 5.000 euros HT au lancement de la mission (honoraire incluant de repartir sur une autre cible sans payer à nouveau et effectivement réglé), des honoraires de succès en cas de cession totale ou partielle par le client des sociétés sur la base de 3% HT du prix de la cession avec un minimum de 50.000 euros HT, cette rémunération étant due au conseil quelle que soit la forme ou la qualification de la transaction.

Par courriel du 20 juillet 2018, la société Mercure a accepté une remise de 15.000 euros sur le montant initial, soit le plafonnement le montant de ses honoraires de résultat à 35.000 euros HT, ce qui n'a amené aucune contestation du client. Un nouveau montant de rémunération a donc été fixé suite à la modification de la cible.

La pièce 5 de l'intimée établit son intervention dans l'établissement de la lettre d'intention et sa transmission à M. [J] et la pièce 12 révèle les modifications mineures souhaitées par le client ; les pièces 7 et 8 confirment l'intervention de la société Mercure dans le financement du projet auprès de la banque Société Générale, peu important que M. [J] ait pu démarcher d'autres banques.

M. [J] n'a ensuite émis aucune objection sur les prestations de la société Mercure durant toute la phase d'exécution du projet. Par courriel du 27 octobre 2018, il a seulement estimé que les honoraires de la société Mercure ne devaient pas être portés dans le protocole d'acquisition de la société Mercure en rappelant l'existence de la lettre de mission liant les parties.

Suite à l'envoi de la facture du 20 décembre 2018, due, selon le courriel de la société Mercure, 'uniquement le jour du closing', le client devant préciser s'il était besoin de l'établir sur une autre structure juridique pour réalisation des correction s nécessaires, M. [J], le 21 décembre 2018, a seulement indiqué qu'il 'faudra établir la facture à l'ordre d'une entité qui collecte de la TVA', indiquant ne pas savoir encore laquelle. Il a demandé que la facture soit datée de 2019, qu'elle que soit cette entité (holding ou Stéphan Métallerie).

L'argumentation de M. [J] sur les incidences d'une absence de réponse à la réception d'une facture est donc inopérante puisqu'il n'est nullement resté silencieux à réception de la facture litigieuse et il n'importe pas par ailleurs que l'acquisition des parts n'ait pas encore été réalisée à cette date.

Il en résulte que M. [J] n'a nullement contesté le principe ni le montant de la facture mais seulement sollicité des modifications à porter sur celle-ci. Ce n'est que tardivement, que le paiement a été ensuite refusé, manifestement pour les besoins de la cause, l'appelant considérant alors que seule la somme de 11.500 euros pourrait être due.

Par ailleurs, M. [J] ne rapporte aucune preuve d'absence de prestations en invoquant l'intervention d'un expert-comptable et d'un avocat à ses côtés, ce qui n'est nullement exclusif de l'intervention de la société de conseil en investissements financiers, chacun intervenant dans son domaine. L'attestation de l'expert-comptable indiquant avoir travaillé sur le projet sans être en contact avec la société Mercure est dès lors inopérante et par ailleurs démentie par des courriels échangés notamment un entre la société Mercure et l'expert-comptable.

Ainsi, la prestation facturée par la société Marcure n'est pas contestable au regard des éléments susvisés, la facture impayée étant confirmée dans son principe et son montant par d'autres éléments de fait et l'appelant ne peut sérieusement soutenir son inexistence. C'est donc à juste titre que le tribunal de commerce a estimé qu'il n'existait pas de doute sur la réalisation de la prestation.

Il appartient ensuite à M. [J], sur son subsidiaire, de prouver une exception d'inexécution de son adversaire, pour se prétendre libéré de cette obligation. Mais il ne procède que par affirmations et ne justifie d'aucune exception d'inexécution.

Le jugement est en conséquence confirmé dans sa totalité.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [J] qui succombe en appel sur ses prétentions supportera les dépens d'appel et versera à son adversaire la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré.

Y ajoutant,

Condamne M. [I] [J] à verser à l'Eurl Mercure une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [I] [J] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/05224
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;20.05224 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award