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23/05/2024 | FRANCE | N°20/03552

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 23 mai 2024, 20/03552


N° RG 20/03552 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NA6G









Décision du TJ de [Localité 14]

Au fond du 02 juin 2020





RG : 19/00661







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 23 MAI 2024







APPELANTS :



M. [N] [H]

né le 28 Novembre 1974 à [Localité 15] (RHONE)

[Adresse 6]

[Localité 11]



Représenté par la SELA

RL DUREZ AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1787





Mme [K] [R]

née le 02 Mars 1971 à [Localité 17]

[Adresse 12]

[Localité 10]



Représentée par la SELARL DUREZ AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1787



INTIMES :



M. [U] [L]

né...

N° RG 20/03552 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NA6G

Décision du TJ de [Localité 14]

Au fond du 02 juin 2020

RG : 19/00661

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 23 MAI 2024

APPELANTS :

M. [N] [H]

né le 28 Novembre 1974 à [Localité 15] (RHONE)

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représenté par la SELARL DUREZ AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1787

Mme [K] [R]

née le 02 Mars 1971 à [Localité 17]

[Adresse 12]

[Localité 10]

Représentée par la SELARL DUREZ AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1787

INTIMES :

M. [U] [L]

né le 12 Novembre 1937 à [Localité 16]

[Adresse 9]

[Localité 13]

Représenté par la SELAS LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 502

Et ayant comme avocat plaidant Me Jean-christophe MICHEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, toque : 56

Mme [X] [O] épouse [L]

née le 06 Janvier 1940 à [Localité 18]

[Adresse 9]

[Localité 13]

Représentée par la SELAS LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 502

Et ayant comme avocat plaidant Me Jean-christophe MICHEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, toque : 56

S.A.R.L. AS IMMOBILIER

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Benoit CONTENT, avocat au barreau D'AIN, avocat postulant,

Et ayant comme avocat plaidant Me Manuel RAISON, avocat au barreau de PARIS, toque : C2444

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 27 Avril 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Novembre 2023

Date de mise à disposition : 7 mars 2024 prorogée au 11 avril 2024 et 23 Mai 2024, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Julien SEITZ, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Selon acte authentique reçu le 28 septembre 2017, M. [U] [L] et Mme [X] [O] épouse [L] ont vendu à M. [N] [H] et Mme [K] [R], une parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 1], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], constituée d'une maison d'habitation située [Adresse 7], ainsi qu'une parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 2] à usage de jardin, pour un prix de 157.000 euros.

Cette vente a été conclue par l'intermédiaire de la société AS Immobilier, exerçant sous l'enseigne Arthurimmo, mandatée par les époux [L].

Par courrier recommandé du 13 novembre 2017, les consorts [H] [R] ont reproché à leurs vendeurs de les avoir trompés sur l'état du bien acquis, décrit comme insalubre et peu tranquille, compte tenu de l'élevage de chien pratiqué sur la propriété voisine, en réclamant indemnisation de leur préjudice.

Par courrier du 06 décembre 2017, les époux [L] ont rejeté la demande, en se prévalant de la clause selon laquelle les acquéreurs acceptaient de prendre le bien en son état au jour de leur entrée en jouissance.

Par courrier d'avocat du 27 février 2018, les consorts [H] [R] ont demandé la résolution de la vente.

Par actes d'huissier des 21 et 25 février 2019, les consorts [H] [R] ont assigné les époux [L] et la société AS Immobilier devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, en résolution de la vente et réparation de leurs préjudices.

Par jugement du 02 juin 2020, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :

- débouté M. [H] et Mme [R] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné in solidum M. [H] et Mme [R] aux dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit de Me [Z] [I] et Me [M] [Y], ainsi qu'à payer la somme de 1.200 euros aux époux [L] ainsi qu'une somme identique à la société AS Immobilier, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- dit n'y avoir lieu d'assortir sa décision de l'exécution provisoire.

M. [H] et Mme [R] ont relevé appel de cette décision selon déclaration enregistrée le 07 juillet 2020.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives, déposées le 28 septembre 2020, M. [H] et Mme [R] demandent à la cour, au visa des articles 1137, 1130, 1641, 1644,1645 et 1112-1 du code civil, de :

- infirmer le jugement prononcé le 2 juin 2020 par le tribunal Judiciaire de Bourg-en-Bresse dans toutes ses dispositions,

- dire et juger que les époux [L] ont commis un dol,

en conséquence :

- condamner M. et Mme [L] à leur verser la somme de 50.000 euros au titre de l'excès de prix payé et des préjudices connexes au dol,

à titre subsidiaire :

- dire et juger que la vente est entachée d'un vice caché,

- condamner M. et Mme [L] à leur verser la somme de 50.000 euros au titre de l'action estimatoire et des préjudices afférents,

à titre infiniment subsidiaire :

- dire et juger que M. et Mme [L] sont responsables contractuellement des préjudices subis par M. [H] et Mme [R],

- condamner M. et Mme [L] à leur verser la somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral et financier subi,

en toute hypothèse :

- condamner l'agence AS Immobilier à leur verser la somme de 25.000 euros au titre de la perte de chance de ne pas avoir acquis le bien à des conditions plus avantageuses,

- condamner in solidum M. et Mme [L] et l'agence AS Immobilier à leur verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance, y compris ceux découlant des articles 10 à 12 du décret du 12 décembre 1996 en cas d'exécution forcée, distraits au profit de Me Durez, avocat, sur son affirmation de droit.

M. [H] et Mme [R] font valoir que les époux [L] leur ont intentionnellement caché l'état d'insalubrité de la demeure et la présence adjacente d'un élevage de chiens.

S'agissant de l'insalubrité, ils expliquent que celle-ci s'est révélée dès leur prise de possession, sous la forme de traces d'humidité et de moisissure sur les murs, une fois les parements en lambris déposés. Ils ajoutent que les éléments de preuve versés au dossier permettent d'écarter l'hypothèse retenue par le tribunal, d'une humidité provoquée par un défaut de chauffage entre septembre 2017 et décembre 2018.

Les appelants précisent que l'immeuble est dépourvu de ventilation et que les lambris posés par les époux [L] pour dissimuler les stigmates de l'humidité ont aggravé le phénomène de condensation. Ils font observer que le tribunal a eu tort de retenir la réalisation de travaux d'isolation par les époux [L] comme un élément tendant à prouver l'absence d'humidité à la date de la cession, alors que de tels travaux accroissent la condensation lorsque l'immeuble se trouve dépourvu de ventilation.

Ils précisent également que l'atelier servant de garage est dépourvu de fondation et menace de s'effondrer.

S'agissant de l'élevage de chiens, M. [H] et Mme [R] font valoir que les éléments aux débats démontrent que les 8 bergers suisses élevés sur la propriété voisine aboient au moindre passage de piéton ou de véhicule. Ils ajoutent que l'intention dolosive des époux [L] résulte suffisamment du fait qu'ils ont demandé à la voisine de rentrer ses chiens lors des visites. Ils précisent que l'annonce relative au bien insistait sur le calme régnant aux alentours et que cette caractéristique doit être regardée comme un élément essentiel de leur consentement à l'achat, M. [H] souffrant de dépression.

M. [H] et Mme [R] se plaignent également de l'inexactitude des métrés portés sur la fiche de renseignement du bien.

Ils s'estiment en conséquence victimes de dol et fondés à ce titre à obtenir réparation de leurs préjudices, dont ils indiquent qu'ils s'entendent :

- de l'excès de prix versé, au regard du prix au mètre carré pratiqué sur la commune pour une maison ne nécessitant pas, à l'inverse du bien litigieux, de travaux substantiels,

- de la nécessité de prolonger leur bail d'habitation 11 mois compte tenu de l'insalubrité du bien,

- de la séparation de leur couple en raison des tracas générés par l'acquisition d'un bien vicié,

- de la location d'un garde-meuble,

- des frais de réparation et de chauffage du bien,

- de l'impossibilité pour M. [H] d'installer son activité professionnelle dans les lieux en l'absence de connexion internet par fibre.

M. [H] et Mme [R] ajoutent qu'ils se trouvent fondés à agir subsidiairement sur le terrain du vice caché. Ils affirment en effet que les éléments au dossier établissent que l'insalubrité et l'élevage voisin de chiens constituent des vices non apparents, présents à la date de la cession, de nature rédhibitoire.

Ils estiment que leurs vendeurs avaient connaissance des vices, de par leur nature même, en indiquant que la pose de lambris, destinée à cacher les dégâts causés par l'humidité, et la demande adressée à la voisine de rentrer ses chiens, démontrent leur mauvaise foi.

M. [H] et Mme [R] se fondent très subsidiairement sur le défaut d'information précontractuelle adéquate, en reprochant aux époux [L] de leur avoir dissimulé des informations essentielles sur les qualités de l'immeuble vendu.

Ils concluent en dernier lieu sur la responsabilité de la société AS Immobilier, dont ils soutiennent qu'elle se trouvait tenue d'une obligation d'information et de conseil à leur égard, impliquant qu'elle se renseigne sur tous les points d'une certaine importance et vérifie la pertinence des déclarations des vendeurs. Ils expliquent avoir informé l'agence de leur volonté d'acquérir une demeure calme et lui reprochent de n'avoir pas vérifié ce qu'il en était du bien litigieux, ainsi partant que de ne pas les avoir informé de l'existence de l'élevage de chiens.

Ils lui reprochent également de leur avoir laissé croire que le raccordement internet par fibre, dont elle savait qu'il était indispensable à leur activité professionnelle, allait être installée au mois de septembre 2017, alors que cette installation n'était aucunement prévue.

Ils lui reprochent également de ne pas s'être assurée de la bonne réalisation des travaux mentionnés sur la fiche de renseignement relative à l'immeuble et de ne pas leur avoir transmis les factures correspondantes, malgré leurs demandes.

Ils lui reprochent encore de ne pas les avoir informés de l'importance des travaux à réaliser compte tenu de l'état général de l'immeuble.

Ils lui reprochent enfin de ne pas avoir vérifié les mesures inexactes portées sur la fiche de renseignement quant à la superficie des différentes pièces.

Ils estiment que ces différents manquements les ont exposés à une perte de chance de ne pas contracter à des conditions plus avantageuses.

Par conclusions récapitulatives déposées le 23 décembre 2020, M. et Mme [L] demandent à la cour de :

- débouter purement et simplement M. [H] et Mme [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- les condamner au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de Me Stéphane Bonnet, Legacité, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

M. et Mme [L] font valoir qu'ils ont acquis le bien en 2004 et qu'ils y ont fait effectuer les travaux nécessaires à son entretien et son amélioration, en le laissant en bon état, ainsi qu'en témoignent les différentes attestations produites par leurs soins.

Ils ajoutent que M. [H] a entrepris, ensuite de l'acquisition, des travaux de grande ampleur qu'il a laissé inachevés, avant de se séparer de Mme [R]. Ils font observer que les appelants ne justifient pas avoir chauffé et aéré le bien entre leur achat et la date du constat d'huissier faisant état de l'humidité des locaux, et supposent que cela pourrait constituer la cause de l'humidité constatée par l'huissier de justice.

Ils contestent que la maison vendue ait été affectée d'un vice tenant à son insalubrité, ou que les aboiements des chiens de l'élevage voisin aient été à ce point fréquents qu'ils aient troublé la tranquillité des occupants. Ils contestent également avoir adopté le moindre comportement dolosif ou trompeur.

Ils relèvent en dernier lieu que le préjudice tiré de l'achat à un prix supérieur à celui du marché n'a aucun sens, dès lors qu'ils se trouvaient en droit de vendre leur immeuble à un autre prix que celui habituellement consenti pour les transactions dans le secteur.

Par conclusions récapitulatives déposées le 10 décembre 2020, la société AS Immobilier demande à la cour, au visa des articles 1240 et 1353 du code civil, ainsi que de l'article 9 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement entrepris,

- constater que les appelants ne démontrent pas l'existence d'un vice antérieur à la vente,

- constater que les appelants ne démontrent pas la réalité des griefs formulés à son encontre,

- les débouter de l'ensemble des demandes dirigées à son endroit,

à titre subsidiaire :

- constater qu'elle n'a commis aucune faute,

- constater l'absence de lien causal entre sa mission et les dommages allégués,

- constater l'absence de préjudice indemnisable pouvant lui être imputé,

- en déduire que sa responsabilité ne peut être engagée,

- débouter les consorts [H] [R] de l'ensemble des demandes dirigées à son endroit,

en toute hypothèse :

- condamner les consorts [H] [R] ou tout succombant, au besoin in solidum, à lui verser la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me [M] [Y].

La société AS Immobilier fait valoir que les appelants ne démontrent pas que le vice tenant à l'humidité des lieux ait été présent à la date de la vente, en faisant observer que les acquéreurs se fondent sur un constat d'huissier établi en décembre 2018 et une attestation de la société Nombret, de nature non-contradictoire, largement postérieurs à l'achat du bien et émanant de professionnels rémunérés par les consorts [H] [R]. Elle ajoute que les courriels émanant des acquéreurs sont également postérieurs à la vente et ne permettent pas de déterminer la date d'apparition du désordre.

Elle indique qu'il résulte au contraire du diagnostic immobilier annexé à l'acte de vente et des photographies prises lors des visites que le bien était en bon état à la date de la cession.

Elle soutient également que le désordre, à le considérer antérieur à la vente, ne revêtait pas de caractère apparent à son égard.

Elle approuve en conséquence le tribunal en ce qu'il a retenu que la preuve n'était pas rapportée de l'existence et du caractère apparent des désordres à la date de la vente ou à celle de l'intervention de l'agence immobilière.

La société AS Immobilier conclut en deuxième lieu à l'absence de démonstration des griefs articulés à son encontre. Elle affirme en effet que la preuve n'est pas rapportée de ce que les appelants auraient insisté sur la nécessité de disposer d'une maison calme ou d'un accès internet par fibre optique, non plus que celle de l'inexactitude des surfaces portées sur la fiche de renseignement.

Elle ajoute que le devoir d'information et de conseil d'une agence ne porte que sur les caractéristiques essentielles du bien, desquelles ne participent pas la connexion internet par fibre ou l'existence d'un élevage de chiens à proximité.

Elle fait observer que la preuve du caractère non simplement épisodique mais gênant des aboiements n'est pas rapportée.

Concluant en troisième lieu sur l'engagement de sa responsabilité à l'égard des appelants, elle soutient qu'il ne saurait procéder que de sa responsabilité quasi-délictuelle, sous condition de la démonstration d'une faute en relation causale avec un préjudice. Elle conteste que ces conditions soient réunies en l'espèce, par des motifs identiques, à tout le moins apparentés à ceux développés précédemment.

Elle ajoute que :

- la seule demande de production des factures de travaux réalisés dans l'immeuble est postérieure à la vente,

- la surface du bien, à la considérer même erronée, n'est jamais entrée dans le champ des spécifications contractuelles de l'immeuble vendu,

- les préjudices allégués n'entretiennent aucun relation causale avec son intervention, dès lors que le litige découle des travaux entrepris par les consorts [H] [R] eux-mêmes ainsi que de l'éventuel déficit d'information imputable aux époux [L], à supposer les désordres antérieurs à la vente,

- le préjudice tiré de la perte de chance de contracter à des conditions plus avantageuse n'est démontré ni dans son principe, ni dans son quantum.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 27 avril 2021 et l'affaire a été appelée à l'audience du 23 novembre 2023, à laquelle elle a été mise en délibéré au 07 mars 2024. Le délibéré a été prorogé au 23 mai 2024.

MOTIFS

Sur les mérites de l'action indemnitaire en tant que fondée sur le dol :

Vu les articles 1130 et 1137 du code civil ;

Conformément à l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

En vertu de l'article 1137 du même code, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Il résulte du constat d'huissier dressé le 13 décembre 2018 que l'immeuble acquis par les appelants se situe en face d'une maison dont la propriétaire pratique l'élevage canin. L'officier public a personnellement constaté que différents bergers blancs suisses se mettaient à aboyer au passage d'un piéton ou d'un véhicule et que leurs aboiements étaient nettement audibles depuis l'intérieur de la demeure de M. [H] et Mme [R].

Aux terme de son attestation, relatant le déroulement d'une visite chez M. [H] et Mme [R] en octobre 2017, M. [D] [A] indique : « Dès notre arrivée, de nombreux gros chiens blancs se sont mis à aboyer en se dressant sur le mur de leur propriétaire. Malgré les ordres de leur maîtresse, ils continuaient sans cesse. Il a fallu qu'elle les rentre dans sa maison pour que cela s'arrête ».

Ces constats et attestation donnent foi aux déclarations des appelants selon lesquelles les chiens troublent leur tranquillité dès que Mme [T], leur voisine, laisse sortir ses chiens, durant les pauses méridiennes, en soirée ou pendant les fins de semaine.

Mme [G] [T] atteste de la réalité de l'élevage et précise détenir 8 chiens. Elle indique que Mme [L] lui a demandé à deux reprises, avant la venue d'acheteurs potentiels, de bien vouloir rentrer ses chiens durant la visite.

Cette attestation confirme la réalité du trouble causé par les aboiements des chiens, dans la mesure où les intimés n'auraient pas tenté d'en occulter l'existence s'il n'avait été réel et significatif. Elle démontre également que M. et Mme [L] étaient parfaitement conscients du caractère défavorable de l'élevage sur l'attractivité et la valeur de leur immeuble, présenté comme une « maison de 90 m2 habitable environ, au calme » dans l'annonce publiée par leur mandataire As immobilier, sur la base de la description qu'ils en avaient donnée.

Or, les intimés ne justifient pas avoir informé M. [H] et Mme [R] de la présence de cet élevage et des désagréments sonores qu'il génère.

Cette omission, dont le caractère intentionnel résulte suffisamment de l'attestation de Mme [T], a porté sur un élément dont les époux [L] connaissaient l'importance pour tout acquéreur potentiel.

Un agent immobilier, mandaté par les appelants à une époque contemporaine de la vente, atteste avoir été informé par ceux-ci de l'importance particulière attachée à la quiétude des lieux. Le témoin précise que les intéressés ont refusé l'ensemble de ses propositions, en se plaignant de l'absence de tranquillité ou d'un excès de vis à vis. Cette circonstance révèle l'importance déterminante que revêtait ce critère aux yeux des acquéreurs et fait présumer qu'ils ont informé les époux [L].

Le dol se trouve en conséquence caractérisé du chef de l'omission intentionnelle d'informer les consorts [H] [R] de l'existence de l'élevage canin sur le fonds voisin.

Les appelants se prévalent en second lieu d'une inexactitude dans la surface annoncée de l'immeuble. Ils ne produisent cependant aucun document de nature à établir la réalité de cette assertion, non plus partant que le dol allégué de ce chef.

Ils invoquent en troisième lieu des désordres constructifs dont ils affirment qu'ils leurs auraient été cachés.

Il ressort de l'attestation établie par le gérant de la société Nombret que l'atelier servant de garage est dépourvu de fondations et qu'il présente un caractère instable et dangereux. Le simple fait que la société Nombret ait été rémunérée par M. [H] et Mme [R] ne suffit à remettre en cause la sincérité et la pertinence des déclarations de son gérant.

Cependant, aucun élément ne démontre que les époux [L] aient eu connaissance de l'absence de fondations de l'atelier et le dol ne peut être retenu de ce chef.

Il ressort par ailleurs du constat d'huissier dressé le 18 décembre 2018 que les lieux sont empreints d'une forte odeur d'humidité et que les murs de la cuisine et de la salle de bain présentent des traces d'humidité et de moisissure. Les zones affectées sont celles qui se trouvaient recouvertes de lambris lors de la vente.

L'attestation du gérant de la société Nombret permet de comprendre les causes de l'humidité affectant les lieux. Selon ce professionnel :

- les murs de salle de bain ont été recouverts de placoplâtre non hydrofuge, sur lequel des linteaux en bois ont été posés afin d'accueillir du lambris,

- en l'absence de système de ventilation efficace dans la demeure, l'emploi inapproprié de ces matériaux dans la cuisine et la salle de bain a conduit à une accumulation d'humidité et de moisissure, ayant provoqué la détérioration des murs.

La cour ajoute que l'installation de fenêtres en double-vitrage en 2008 et les travaux d'isolation réalisés par les époux [L] ont sans doute aggravé le vice, en faisant obstacle à la bonne aération du logis.

Le désordre ayant été provoqué par des travaux réalisés entre 2008 et 2010, il préexiste nécessairement à la vente réitérée le 28 septembre 2017 en la forme authentique. M. [H] a d'ailleurs entrepris de retirer les lambris dans les jours ayant suivi sa prise de possession, et les photographies transmises le 05 octobre 2017 au notaire témoignent de ce que les traces d'humidité évoquées par l'huissier étaient déjà présentes.

Il ressort toutefois des multiples attestations produites par les époux [L] que le bien ne sentait pas l'humidité à l'époque de leur occupation et qu'il se trouvait en bon état d'entretien. Les appelants ne contestent d'ailleurs pas n'avoir relevé aucune odeur d'humidité lors de leurs visites.

Ces éléments tendent à établir que l'odeur et les traces d'humidité se trouvaient masquées par le parement en lambris et qu'elles ne sont devenues apparentes qu'après l'arrachage effectué par M . [H] début octobre 2017. Ce dernier a d'ailleurs évoqué l'odeur et les traces d'humidité pour la première fois dans les suites immédiates de ces travaux.

Or, aucun élément ne permet d'affirmer que les lambris ont été posés en prélude à la vente plutôt qu'à l'époque des travaux de rénovation de la salle de bain.

La preuve de la connaissance du vice par les vendeurs n'est donc pas apportée, non plus que celle de man'uvres dolosives ayant consisté à poser du lambris à dessein de dissimuler les traces et l'odeur d'humidité.

Le dol est en conséquence établi du seul chef de la dissimulation de l'existence d'un élevage de chiens en face de l'immeuble.

Sur l'action en tant que fondée sur la garantie des vices cachés et l'obligation pré-contractuelle d'information :

Vu l'article 1643 du code civil ;

Vu les articles 1112 et 1112-1du même code ;

En l'absence de preuve de l'erreur affectant les métrés et de la connaissance qu'avaient les époux [L] de l'humidité sous-jacente des murs ou de l'absence de fondations de l'atelier, aucune indemnisation ne peut intervenir à ces différents titres sur le fondement de la garantie des vices cachés, compte tenu de la clause de non-garantie stipulée au contrat, ni sur celui de l'obligation pré-contractuelle d'information.

La réparation doit par conséquent se limiter aux conséquences du dol tiré de la dissimulation de l'existence d'un élevage de chiens en face de l'immeuble.

Sur l'indemnisation du dol :

Vu l'article 1137 du code civil ;

L'acquéreur victime de dol peut valablement renoncer à l'annulation de la vente et solliciter l'indemnisation des dommages qu'il lui a causé, laquelle peut notamment prendre la forme d'une restitution de l'excès de prix qu'il a été conduit à payer.

Le dol n'est caractérisé que du chef de la présence d'un élevage de chien à proximité immédiate de l'immeuble et le dommage enduré à ce titre ne se confond point avec le coût des travaux de rénovation exigés par les désordres immobiliers.

En outre, l'excès de prix payé à raison de l'élément dissimulé par dol n'équivaut pas la différence entre le prix de vente et le prix du marché dans la zone de situation de l'immeuble. Au regard du prix payé par les acquéreurs, la cour estime cet excès de prix au montant de 15.000 euros.

Le préjudice enduré s'entend également du préjudice moral né du fait d'avoir été trompé sur l'un des critères déterminants de la vente, dont la cour arrête la réparation à la somme de 3.000 euros.

Il n'est pas démontré en revanche que la séparation de M. et Mme [R] soit en lien avec le dol retenu, non plus que la dépression alléguée de M. [H] et l'échec de son projet professionnel. Il n'y a donc pas lieu d'abonder la réparation du préjudice moral de ces chefs.

La cour retient pour finir que l'impossibilité d'habiter la maison découle des désordres constructifs, pour lesquels les moyens tirés du dol, de la garantie des vices cachés et de l'obligation pré-contractuelle d'information sont inopérants. Il s'ensuit que les frais et pertes engendrés par cette impossibilité ne peuvent donner lieu à indemnisation.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande dirigée contre M. et Mme [L] et de condamner les intéressés à payer à M. [H] et Mme [R], ensemble, la somme de 18.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur la demande indemnitaire dirigée contre la société AS Immobilier :

Vu l'article 1382 du code civil ;

L'agent immobilier mandaté par le vendeur est tenu, envers l'acquéreur, d'un devoir d'information et de conseil l'obligeant à vérifier la pertinence des informations communiquées par ses mandants, à signaler les vices de construction apparents et à vérifier les indications de surface portées aux annonces qu'il publie.

Tout manquement à ce devoir d'information et de conseil engage sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard de l'acquéreur auquel il aura causé préjudice.

En l'espèce, aucun élément ne donne foi à l'affirmation des appelants selon laquelle les surfaces portées à l'annonce de la société AS immobilier seraient inexactes.

Il n'est pas démontré par ailleurs que les vices constructifs tenant à l'absence de fondation de l'atelier et à l'humidité provoquée par l'emploi de placoplâtre non hydrofuge et le déficit de ventilation aient revêtu un caractère apparent pour toute personne ne possédant pas de compétence particulière dans le domaine de la construction. Il a été précédemment retenu au contraire que le vice tenant à la présence d'humidité en sous-face des lambris ne revêtait pas de caractère apparent.

De même, la réalité du vice affectant la toiture n'est pas établie, non plus que son caractère apparent.

Les consorts [H] [R] ne rapportent pas la preuve de ce qu'ils ont informé la société AS immobilier de l'importance attachée au raccordement par fibre et de ce qu'ils lui ont demandé, en amont de la vente, de leur transmettre les factures correspondant aux travaux réalisés dans l'immeuble.

Il n'est pas démontré, enfin que la société AS immobilier ait visité l'immeuble alors que la voisine était présente à son domicile et que les chiens évoluaient en liberté dans sa cour, ni qu'elle ait eu conscience, de ce fait, des nuisances sonores générées par l'élevage.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté la demande dirigée contre la société AS immobilier.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile ;

Vu les articles R. 444-53, R. 444-55 et A. 444-32 du code de commerce ;

M. [H] et Mme [R] obtiennent satisfaction en cause d'appel et il y a lieu d'infirmer les dispositions du jugement entrepris les ayant condamnés aux dépens de première instance, ainsi qu'à payer une indemnité au titre des frais irrépétibles à la société AS immobilier.

Statuant à nouveau et y ajoutant, il convient de condamner M. et Mme [L] in solidum aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de l'avocat des appelants et de celui de la société AS Immobilier.

Le droit proportionnel dégressif prévu aux articles 10 et 12 du décret du 12 décembre 1996 a été remplacé par l'émolument prévu à l'article A 444-32 du code de commerce, dont l'article R. 444-55 du même code dispose qu'il est à la charge du créancier, sauf en matière de contrefaçon.

Ce droit ne saurait en conséquence être transféré à la charge du débiteur sous couvert d'une condamnation aux dépens.

En outre, l'application combinée des articles R. 444-55 et R. 444-53 du code de commerce conduit à retenir que ce droit n'est pas dû lorsque le recouvrement est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire.

Il convient en conséquence de rejeter la demande correspondante.

L'équité commande de condamner M. et Mme [L] in solidum à payer à M. [H] et Mme [R], ensemble, la somme de 3.000 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles.

Elle commande également de rejeter le surplus des demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,

- Infirme le jugement prononcé le 02 juin 2020 entre les parties par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, en ce qu'il a débouté M. [H] et Mme [R] de leur demande indemnitaire dirigée contre M. et Mme [L] et les a condamnés in solidum aux dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit de Me [Z] [I] et Me [M] [Y], ainsi qu'à payer la somme de 1.200 euros aux époux [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés et y ajoutant :

- Juge que M. [U] [L] et Mme [X] [L] se sont rendus coupables de dol à l'occasion de la vente conclue avec M. [N] [H] et Mme [K] [R]

- Condamne M. [U] [L] et Mme [X] [L] à payer à M. [N] [H] et Mme [K] [R], ensemble, la somme de 18.000 euros à titre de dommages-intérêts en ce comprise la somme de 3.000 euros au titre de leur préjudice moral ;

- Condamne M. [U] [L] et Mme [X] [L] in solidum aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Damien Durez et Me Benoît Content, avocats, sur leurs affirmations de droit ;

- Condamne M. [U] [L] et Mme [X] [L] in solidum à payer à M. [N] [H] et Mme [K] [R] la somme globale de 3.000 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles;

- Rejette le surplus des demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette la demande visant à ce que le droit prévu aux articles 10 et 12 du décret du 12 décembre 1996 soit mis à la charge de M. et Mme [L].

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 20/03552
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;20.03552 ?
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