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16/05/2024 | FRANCE | N°20/06652

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 16 mai 2024, 20/06652


N° RG 20/06652 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NIIV









Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 05 novembre 2020

RG : 2018j00527





S.A. AVENIR TELECOM

S.C.P. JP. LOUIS & A. LAGEAT



C/



S.A.R.L. AB PACKAGING





S.A. DELTA SECURITY SOLUTIONS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 16 Mai 2024





APPELANTES :



S.A. AV

ENIR TELECOM immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Marseille sous le numéro B 351 980 925, prise en la personne de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité...

N° RG 20/06652 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NIIV

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 05 novembre 2020

RG : 2018j00527

S.A. AVENIR TELECOM

S.C.P. JP. LOUIS & A. LAGEAT

C/

S.A.R.L. AB PACKAGING

S.A. DELTA SECURITY SOLUTIONS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 16 Mai 2024

APPELANTES :

S.A. AVENIR TELECOM immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Marseille sous le numéro B 351 980 925, prise en la personne de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

S.C.P. JP. LOUIS & A. LAGEAT es qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société AVENIR TELECOM

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentées par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102, postulant et par Me Corinne MIMRAN, avocat au barreau de PARIS

Plaidant à l'audience par Me Bastien SANTAMARIA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE :

S.A.R.L. AB PACKAGING au capital de 2 505 700€, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de SAINT ETIENNE sous le numéro 400 311 072, représentée par son gérant en exercice

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106, postulant et ayant pour avocat plaidant Me POIRIEUX de la SELARL POIRIEUX MANTIONE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIE INTERVENANTE FORCEE :

S.A. DELTA SECURITY SOLUTIONS au capital social de 1 133 484,11 €, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon sous le numéro 973 510 019, agissant par son représentant légal domicilié es qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Achille VIANO, avocat au barreau de LYON, toque : 1949, postulant et par Me Denis DUBURCH, avocat au barreau de BORDEAUX

Plaidant à l'audience par Me VINCENT, avocat au barreau de BORDEAUX

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 16 Novembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Mars 2024

Date de mise à disposition : 16 Mai 2024

Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Avenir Telecom a pour activité la distribution de produits et services liés à la téléphonie mobile. La société AB Packaging a pour activité le conditionnement.

En 2017, la société Avenir Telecom a envoyé à la société AB Packaging des articles de téléphonie afin de les mettre sous blister et d'y apposer des étiquettes puis de les renvoyer au fournisseur.

Dans la nuit du 26 au 27 mai 2017, un vol a été commis dans les locaux de la société AB Packaging et des articles de la société Avenir Telecom ont été dérobés.

Le 10 juillet 2017, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé le redressement judiciaire de la société Avenir Telecom. La SCP JP. Louis & A. Lageat a été nommée en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement.

Les 21 décembre 2017 et 22 mars 2018, la société Avenir Telecom a demandé à la société AB Packaging de l'indemniser de son préjudice, ce que celle-ci a refusé au motif que, selon ses conditions générales, il appartenait à la société Avenir Telecom d'assurer sa marchandise.

Le 7 mai 2018, la société Avenir Telecom et la société JP. Louis & A. Lageat, ès-qualités, ont assigné la société AB Packaging devant le tribunal de commerce de Saint-''tienne, en responsabilité contractuelle et indemnisation du préjudice.

Le 28 mars 2019, la société AB Packaging a assigné en intervention forcée la société Delta Security Solutions à qui elle avait confié la mise en sécurité et la surveillance de son site.

Par jugement contradictoire 5 novembre 2020, le tribunal de commerce de Saint-''tienne a :

- débouté la société Avenir Telecom et la société JP. Louis & A. Lageat, ès-qualités, de toutes leurs demandes,

- débouté la société AB Packaging de sa demande tendant à condamner la société Delta Security Solutions à la relever et la garantir de toutes condamnations à son encontre,

- débouté les parties de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à 158,80 euros, sont à la charge de la société Avenir Telecom et la société JP. Louis & A. Lageat, ès qualités,

- débouté la société Avenir Telecom et la société JP. Louis & A. Lageat, ès-qualités, de leur demande de prononcer l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 27 novembre 2020, la société Avenir Telecom et la société JP. Louis & A. Lageat, ès qualités, ont interjeté appel de cette décision, à l'encontre de la société AB Packaging.

Par acte d'huissier du 19 mars 2021, la société AB Packaging a assigné en intervention forcée la société Delta Security Solutions.

***

Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 19 octobre 2021, la société Avenir Telecom demande à la cour, au visa des articles 1119, 1217 et suivants, 1231 et suivants et 1927 et suivants du code civil, de :

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Étienne du 5 novembre 2020 en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

- la recevoir en ses demandes,

- débouter la société AB Packaging de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société AB Packaging, ou à défaut tout autre succombante, à lui payer, en réparation de son préjudice matériel :

' la somme de 100.761,34 euros HT en principal,

' les intérêts légaux à compter de la première mise en demeure en date du 21 décembre 2017 et jusqu'à parfait paiement,

- ordonner la capitalisation des intérêts, en vertu de l'article 1343-2 du code civil, celle-ci étant tout à fait compatible avec la nature de l'affaire,

- condamner la société AB Packaging, ou à défaut tout autre succombante, à lui payer la somme de 4.000,00 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 5.000,00 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société AB Packaging, ou à défaut tout autre succombante, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 15 mars 2021, la société AB Packaging demande à la cour, au visa des articles 1915 et suivants et 1217 du code civil, de :

- débouter la Sa Avenir Telecom et la Scp JP. Louis & A.Lageat, es-qualités, de leur appel comme infondé,

- confirmer le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Saint-''tienne et en conséquence,

- rejeter l'intégralité des demandes de la société Avenir Telecom et la Scp JP. Louis & A. Lageat, ès-qualités, comme infondées,

à titre subsidiaire,

- déclarer bien fondé son appel provoqué à l'encontre de la SA Delta security solutions,

- infirmer le jugement susvisé en ce qu'elle a été déboutée de sa demande tendant à être relevée et garantie,

dès lors,

- condamner la société Delta Security Solutions à la relever et garantir de toutes condamnations éventuellement prononcées contre elle,

y ajoutant, en tout état de cause,

- condamner la société Avenir Telecom et la Scp JP. Louis & A. Lageat, ès-qualités, ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens avec recouvrement direct au profit de Me Poirieux, avocat, sur son affirmation de droit.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 septembre 2021, la société Delta Security Solutions demande à la cour, au visa des articles 1231 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la société AB Packaging de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre,

- dire et juger irrecevable vis-à-vis d'elle-même qui n'a pas été intimée dans la déclaration d'appel, la demande de condamnation formée par Avenir Telecom contre toute succombante,

- déclarer en tout état de cause celle-ci mal fondée et l'en débouter,

- condamner la société AB Packaging à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

***

La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 novembre 2021, les débats étant fixés au 14 mars 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action de la société Avenir Telecom contre la société AB Packaging

La société Avenir Telecom fait valoir que :

- la charge de la preuve de l'absence de faute incombe au seul dépositaire sur qui pèse l'obligation de restitution ; la société AB Packaging, qui s'est vue remettre des articles de téléphonie dans l'exécution d'un contrat de conditionnement, avait la garde des articles déposés et devait les lui restituer après les avoir conditionnés ; l'absence de restitution constitue une manquement contractuel ;

- le vol commis dans les locaux de l'intimée ne peut pas caractériser la force majeure ; il était prévisible puisqu'un vol identique dans les mêmes locaux avait eu lieu un mois plus tôt, et que ces vols sont habituels pour ce type d'activité ; il n'était pas irrésistible car des mesures de sécurité auraient pu le prévenir ; le vol est la conséquence des négligences de la société AB Packaging en matière de sécurité ; cette dernière ne démontre pas avoir satisfait à son obligation légale de moyens renforcée de garde pour prévenir le vol ; ainsi, de nouvelles mesures de sécurité ont été prises après le second cambriolage, alors qu'elles auraient dû être mises en place dès le premier cambriolage ;

- les conditions générales de vente de la société AB Packaging ne lui sont pas opposables car elle ne les a jamais acceptées, paraphées et signées au titre de la prestation litigieuse ; sa qualité de professionnelle est indifférente ; la brièveté de la relation entre les parties ne permet pas de caractériser son acceptation tacite des conditions générales ; la société AB Packaging ne peut donc pas invoquer la clause des conditions générales lui imposant d'assurer son matériel contre le vol.

Au titre de son préjudice, la société Avenir Telecom ajoute que :

- faute pour la société AB Packaging de pouvoir restituer les articles confiés en nature, celle-ci lui doit réparation par équivalent sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

- elle produit l'inventaire des produits volés établi par la société AB Packaging, de sorte qu'il s'agit d'une pièce contradictoire ; elle produit également les preuves d'achat des matériels volés, qui émanent de fournisseurs et sont probantes,

- la société AB Packaging ou toute autre succombante doit lui verser en réparation une somme correspondant au montant total des articles volés qui n'ont pas été retrouvés par la police et restitués, soit 100.761,34 euros, outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 21 décembre 2017.

La société AB Packaging réplique que :

- elle a pris toutes les dispositions utiles au regard de la sécurité qu'elle devait assurer ;

- les auteurs des vols ont rendu la vidéosurveillance inaccessible en coupant la ligne téléphonique/internet et en brouillant les ondes GSM ; elle a été victime de ces même malfaiteurs en mars 2017 ;

- l'absence d'améliorations apportées au système de télésurveillance entre les deux cambriolages s'explique par la différence de mode opératoire des voleurs ; ni les forces de l'ordre ni la société Delta Security Solutions ne l'ont avertie que son système pouvait être rendu inopérationnel par l'usage simultané d'un brouilleur et d'une coupure de la ligne fixe ; suite à la visite des experts de la gendarmerie, elle a réalisé différentes actions pour prévenir les vols ; elle n'a pas manqué à son obligation de moyens ;

- ses conditions générales de vente sont opposables à l'appelante, à qui elles ont été transmises par e-mail le 8 janvier 2016 ; en l'absence de signature des CGV, leur opposabilité est issue de l'ancienneté de la relation entre les parties ; l'acceptation des conditions générales par l'appelante peut être tacite et résulter de son absence d'opposition à celles-ci ; les CGV imposaient à la société Avenir Telecom d'assurer ses téléphones contre le vol, de sorte que celle-ci doit être indemnisée par son assureur.

Sur ce,

Selon l'article 1927 du code civil, le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent.

Selon l'article 1928 du même code, la disposition de l'article précédent doit être appliquée avec plus de rigueur :

1° si le dépositaire s'est offert lui-même pour recevoir le dépôt ;

2° s'il a stipulé un salaire pour la garde du dépôt ;

3° si le dépôt a été fait uniquement pour l'intérêt du dépositaire ;

4° s'il a été convenu expressément que le dépositaire répondrait de toute espèce de faute.

L'article 1929 prévoit que le dépositaire n'est tenu, en aucun cas, des accidents de force majeure, à moins qu'il n'ait été mis en demeure de restituer la chose déposée.

Et l'article 1932 dispose que le dépositaire doit rendre identiquement la chose même qu'il a reçue. Ainsi, le dépôt des sommes monnayées doit être rendu dans les mêmes espèces qu'il a été fait, soit dans le cas d'augmentation, soit dans le cas de diminution de leur valeur.

Enfin, l'article 1218 du même code énonce qu'il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.

Il résulte de ces textes que le dépositaire, tenu d'une obligation de moyens, doit, en cas de perte ou de vol de la chose déposée, rapporter la preuve qu'il y est étranger en établissant qu'il lui a donné les mêmes soins que ceux qu'il aurait apportés à la garde des choses qui lui appartiennent ou en démontrant que cette perte ou détérioration est due à la force majeure.

S'agissant plus particulièrement de la perte de la chose en raison d'un vol, le dépositaire ne peut échapper à sa responsabilité que s'il démontre qu'il avait pris les précautions nécessaires pour l'éviter, rendant ainsi irrésistible un tel événement.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal d'audition du directeur général de la société AB Packaging par les services de gendarmerie, en date du 27 mai 2017, que le vol des articles de téléphonie est survenu dans la nuit du vendredi 26 au samedi 27 mai 2017, aux environs de 2 heures 00. Le directeur général indiquait que la société avait déjà été victime d'un cambriolage le 17 mars précédent et qu'il supposait que, comme la première fois, les individus avaient utilisé un brouilleur GSM car dès qu'ils étaient partis, il y avait eu un flot d'informations vers la télésurveillance.

Le rapport d'expertise établi à la demande de l'assureur d'un autre déposant dont la marchandise a également été dérobée, mentionne par ailleurs, que 'les produits en cours de conditionnement ont été laissés sur les tables de travail et les colis contenant les matériels devant encore être conditionnés ou étant déjà conditionnés n'ont pas été rangés sur rack pour le week-end, alors qu'un premier vol est déjà survenu le 17.03.17'.

Ce rapport d'expertise, établi au contradictoire de la société AB Packaging, précise, au vu des séquences filmées, qu'un premier individu a enjambé le portail d'entrée de la société AB Packaging, que cinq individus ont arraché un pilier du grillage, que deux véhicules sont entrés sur le parking de la société, et que les individus sont entrés dans les locaux 'après effraction de la porte de quai'. Il était précisé que 'le site AB Packaging est clos mais il n'y a pas de gardien à demeure durant les heures de fermeture'.

L'expert concluait ainsi : 'AB Packaging est victime de vols successifs. Il n'apparaît pas que le risque ait été appréhendé avec rigueur puisqu'après un premier vol survenu le 17.03.17, un nouveau vol est commis le 27.05.17. Dans les deux cas, les lignes GSM reliant le système de surveillance installé en extérieur et à l'intérieur des locaux à la société de surveillance ont été mis en défaut, interdisant la transmission des paquets d'information et d'images. (...) Les factures justificatives de travaux de protection décidés après la survenance du premier vol devaient nous être transmises, de manière à vérifier l'authenticité des mesures prises et la date de mise en place. Ces documents ne nous ont pas été transmis'.

La société AB Packaging admet, dans ses conclusions devant la cour, que, 'sur la période entre les 2 vols (mars et mai 2017), il n'a pas été réalisé d'améliorations sur le système de télésurveillance' et que 'ce n'est effectivement qu'après le vol du 27/05/2017 qu'il a été compris qu'il fallait faire évoluer le système d'alarme'. Il s'avère en effet, que ce n'est que le 15 juin 2017, que la société Delta Security Solutions a proposé de nouvelles mesures de mise en sécurité du site pour une activité d'emballage de matériels smartphones, étant observé que le précédent contrat signé des deux parties, en date du 20 novembre 2015, mentionnait une activité de fabrication d'emballages en matières plastiques (la proposition de contrat en date du 14 juin 2016 également produite aux débats n'est pas signée par la société AB Packaging).

Elle admet encore, que 'compte tenu de l'importance du stock des téléphones confiés, la société assurée aurait eu de la difficulté à entreposer l'intégralité des palettes sur rack en hauteur.'

Or, il résulte du rapport d'expertise précédemment mentionné, que 'depuis le second vol, les fenêtres de l'entrepôt ont été protégées par des grilles internes en acier et les marchandises conditionnées sont désormais placées en troisième assise des racks de stockage', ce qui établit que des améliorations auraient pu être réalisées par la société AB Packaging dès le premier cambriolage.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société AB Packaging n'a pas pris toutes les précautions nécessaires pour éviter le vol, laissant pour tout un week-end une importante quantité de téléphones mobiles facilement accessibles à l'intérieur de ses locaux et n'assurant pas une meilleure sécurité des lieux après un premier cambriolage deux mois auparavant. La société AB Packaging ne justifie pas avoir pris des mesures après le vol de mars 2017, telles que du gardiennage ou un renforcement de la sécurisation du bâtiment pour empêcher la pénétration dans ses locaux, alors que deux mois plus tard, elle stockait une importante quantité de matériels de téléphonie mobile, marchandise dont elle connaissait la valeur dès lors qu'elle en assurait le conditionnement.

Ainsi, il n'est pas établi que le vol du 27 mai 2017 ait eu un caractère irrésistible, de sorte que la société AB Packaging ne peut valablement invoquer la force majeure pour s'exonérer de sa responsabilité de dépositaire.

La société AB Packaging oppose ses conditions générales de vente, aux termes desquelles l'article 11, intitulé 'Assurance', prévoit :

'AB Packaging / ECP Packaging n'étant pas propriétaire des marchandises confiées, il est du devoir du client s'assurer ses marchandises confiées durant toute la période de dépôt en nos entrepôts. Pendant toute cette période, le client a l'obligation de souscrire et de maintenir en vigueur auprès d'une compagnie d'assurance notoirement solvable une police d'assurance garantissant les biens entreposés contre tous risques dont notamment les risques d'incendie, d'explosion, de vol, de dégât des eaux et contre les risques inhérents à l'occupation des locaux mis à disposition. Sur simple demande le client devra communiquer, à la société AB Packaging / ECP Packaging une attestation de son assureur justifiant de la couverture des risques ci-dessus et mentionnant une clause de renonciation à tout recours contre AB Packaging / ECP Packaging de même que les assureurs et clients de la société AB Packaging / ECP Packaging. A tous moments, le client devra prouver le maintien de sa couverture d'assurance sur simple demande. La société s'engage à entretenir ses locaux, clôtures et systèmes de protection en état afin d'assurer une sécurité optimale de ses bâtiments.'

Or, le fait que les biens soient déjà assurés par le déposant est sans effet sur l'obligation essentielle de restitution qui pèse sur le dépositaire. Aucune clause ne saurait d'ailleurs exonérer le dépositaire de sa responsabilité résultant d'une violation de cette obligation, dès lors qu'une telle clause porterait atteinte à l'essence même du dépôt.

Il est donc inopérant de statuer sur la question de l'opposabilité des conditions générales de vente à la société Avenir Telecom, dont débattent les parties, car la société AB Packaging n'en demeure pas moins tenue de son obligation à restitution des biens confiés et, à défaut, d'une obligation d'indemnisation, la force majeure étant par ailleurs écartée.

De même, il est inopérant de soutenir que la société Avenir Telecom devait assurer sa propre marchandise et réclamer l'indemnisation à son assureur, dès lors que la prise en charge du sinistre par son assureur n'aurait pas exonéré la société AB Packaging de son obligation d'indemniser ce dernier, alors subrogé dans les droits de son assuré pour réclamer au dépositaire l'indemnisation du défaut de restitution.

En conséquence, la société AB Packaging est tenue d'indemniser la société Avenir Telecom pour l'absence de restitution des biens confiés.

S'agissant du montant de l'indemnisation, la société AB Packaging a elle-même établi une liste des biens volés produite par la société Avenir Telecom qui justifie que mille sept-cent quatorze pièces lui ont été dérobées pour une valeur totale de 100.761,34 euros.

Dès lors, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il déboute la société Avenir Telecom de ses demandes, et de condamner la société AB Packaging à payer à cette dernière, à titre d'indemnisation, la somme de 100.761,34 euros HT outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur l'appel en garantie formé par la société AB Packaging contre la société Delta Security Solutions

La société AB Packaging fait valoir qu'elle a confié la mise en sécurité de son site et sa surveillance à la société Delta Security Solutions, par contrat du 14 juin 2016 ; qu'elle n'a d'autre solution que d'appeler dans la présente instance, en cause d'appel, la société Delta Security Solutions pour que cette dernière explique dans quelles conditions elle a été amenée à proposer une solution sur mesure pour éviter les vols ; qu'elle demande à être relevée et garantie par cette dernière des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au titre de l'inexécution contractuelle sur le fondement de l'article 1217 du code civil.

La société Delta Security Solutions réplique que :

- il appartient à la société AB Packaging d'établir qu'elle a commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles pour engager sa responsabilité, ce qu'elle ne fait pas ;

- elle était soumise à une obligation de moyens selon ses conditions générales de vente, ce que reconnaît la société AB Packaging ;

- elle n'a commis aucun manquement contractuel ; l'absence de transmission des alarmes lors du vol est insuffisante pour engager sa responsabilité ; le système était fonctionnel et conforme aux règles techniques, ce que la société AB Packaging n'a jamais contesté, il était parfaitement opérationnel ; elle-même n'a pas été mise en cause dans le cadre du premier sinistre par la société AB Packaging qui ne l'a pas sollicitée pour un renforcement du système de détection d'intrusion ;

- le mode opératoire des voleurs était sophistiqué et novateur, empêchant la transmission des alarmes par une coupure des voies de Telecommunication y compris de secours, de sorte que la responsabilité de la concluante n'est pas engagée ;

- les articles 5.5 et 7.1 de ses conditions générales contiennent une clause d'exclusion de responsabilité en cas de destruction de l'installation, ce qui a été le cas en l'espèce par la rupture des communications via la ligne fixe ; l'application de cette clause écarte sa responsabilité ;

- la société AB Packaging a omis de souscrire une police d'assurance contre le vol et cherche aujourd'hui à pallier cette imprévoyance de façon infondée, elle a commis des fautes de sorte qu'à titre subsidiaire, la concluante ne peut être condamnée à la relever indemne,

- la société AB Packaging ne justifie pas de son préjudice alors qu'elle s'est constituée partie civile contre les malfaiteurs et a pu obtenir leur condamnation à l'indemniser intégralement, en particulier alors qu'ils sont solvables par la revente des marchandises volées, et par leur parents pour les auteurs mineurs ; il appartient à l'intimée de communiquer le jugement correctionnel ; à titre infiniment subsidiaire, le préjudice de la société Avenir Telecom n'est pas établi.

Sur ce,

La société AB Packaging n'indique aucunement quelle inexécution contractuelle serait imputable à la société Delta Security Solutions pouvant justifier la condamnation de celle-ci à la relever et garantir. Elle n'allègue aucune faute de la société chargée de la sécurité du site.

Elle se borne à produire la proposition de contrat de mise en sécurité de juin 2016 qu'elle n'a pas signée, et à soutenir qu'elle n'a d'autre solution que d'appeler en la cause la société Delta Security Solutions afin que cette dernière 'explique dans quelles conditions elle a été amenée à proposer une solution sur mesure pour éviter les vols'.

A supposer que, par cette formulation, elle soutienne que la société Delta Security Solutions aurait manqué à son devoir de conseil en ne proposant pas une solution adéquate pour éviter les vols, elle ne démontre pas la réalité de ce grief.

De plus, le rapport d'expertise amiable ne fait pas état d'un dysfonctionnement du système d'alarme et de mise en sécurité installé par la société Delta Security Solutions. Il s'avère que l'absence de transmission de l'alarme à la société Delta Security Solutions était due à la coupure de la ligne GSM, vraisemblablement par l'usage d'un brouilleur, et à la rupture des communications par la ligne fixe, les cambrioleurs ayant coupé les câbles du boîtier France Telecom.

De surcroît, il convient de souligner que le système mis en place par la société Delta Security Solutions portait sur une alarme et une vidéosurveillance, et permettait donc seulement d'informer et d'alerter. Il n'est pas soutenu que cette société était également en charge des mesures de protection des bâtiments contre les effractions et les tentatives d'intrusion.

La demande de la société AB Packaging tendant à être relevée et garantie par la société Delta Security Solutions ne saurait donc prospérer.

Au surplus, il sera relevé qu'aux termes de l'article 7.1 des conditions générales du contrat de mise en sécurité daté du 20 novembre 2015, signé des deux parties, il est prévu que 'la responsabilité du prestataire ne pourra être engagée du fait des dommages pouvant résulter directement ou indirectement des événements suivants : (...) Destruction partielle ou totale de l'installation'. Or, les câbles ont été coupés par les cambrioleurs qui ont également utilisé un brouilleur GSM.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il déboute la société AB Packaging de sa demande de condamnation de la société Delta Security Solutions à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société AB Packaging succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société AB Packaging est condamnée à payer à la société Avenir Telecom la somme de 3.000 euros et les autres demandes formées à ce titre sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement déféré, mais seulement en ce qu'il déboute la société AB Packaging de sa demande de condamnation de la société Delta Security Solutions à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société AB Packaging à payer à la société Avenir Telecom, à titre d'indemnisation, la somme de cent mille sept cent soixante et un euros et trente quatre centimes (100.761,34 euros), outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision et capitalisation de ceux-ci conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société AB Packaging aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société AB Packaging à payer à la société Avenir Telecom la somme de trois mille euros (3.000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/06652
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;20.06652 ?
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