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13/05/2024 | FRANCE | N°24/03846

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 13 mai 2024, 24/03846


COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 13 MAI 2024

statuant en matière de soins psychiatriques





N° RG 24/03846 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PUYZ



Appel contre une décision rendue le 26 avril 2024 par le Juge des libertés et de la détention de LYON.



APPELANT :



M. [Z] [N]

né le 07 Avril 1988 à [Localité 3]

de nationalité française



Actuellement hospitalisé au Centre hospitalier le Vinatier sous la forme d'un programme de soinsr>


comparant assisté de Maître Lourdes SULEIMAN, avocat au barreau de LYON, commis d'office



INTIME :



CENTRE HOSPITALIER DU VINATIER

[Adresse 2]

[Localité 1]



N...

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 13 MAI 2024

statuant en matière de soins psychiatriques

N° RG 24/03846 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PUYZ

Appel contre une décision rendue le 26 avril 2024 par le Juge des libertés et de la détention de LYON.

APPELANT :

M. [Z] [N]

né le 07 Avril 1988 à [Localité 3]

de nationalité française

Actuellement hospitalisé au Centre hospitalier le Vinatier sous la forme d'un programme de soins

comparant assisté de Maître Lourdes SULEIMAN, avocat au barreau de LYON, commis d'office

INTIME :

CENTRE HOSPITALIER DU VINATIER

[Adresse 2]

[Localité 1]

Non comparant, régulièrement avisé, non représenté

AUTRE PARTIE :

[I] [N] en qualité de tiers demandeur à la mesure a été régulièrement avisé. A l'audience, il est non comparant, non représenté.

Le dossier a été préalablement communiqué au Ministère Public qui a fait valoir ses observations écrites.

*********

Nous, Marianne LA MESTA, Conseillère à la cour d'appel de Lyon, désignée par ordonnance de madame la première présidente de la cour d'appel de Lyon du 4 janvier 2024 pour statuer à l'occasion des procédures ouvertes en application des articles L.3211-12 et suivants du code de la santé publique, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Assistée de Charlotte COMBAL, Greffière, pendant les débats tenus en audience publique,

Ordonnance prononcée le 13 Mai 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signée par Marianne LA MESTA, Conseillère, et par Charlotte COMBAL, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********************

FAITS ET PROCEDURE

Par décision du 15 décembre 2023, le directeur du Centre Hospitalier Le Vinatier a ordonné la réintégration de M. [Z] [N] sous le régime de l'hospitalisation complète sans consentement sur demande d'un tiers, le juge des libertés et de la détention ayant autorisé le maintien de cette mesure par ordonnance en date du 26 décembre 2023.

Suivant décisions des 22 janvier 2024 et 22 février 2024, le directeur du Centre Hospitalier Le Vinatier a ordonné la prolongation de la mesure de soins sans consentement en hospitalisation complète de M. [Z] [N] pour des durées maximales successives d'un mois.

Par décision du 12 mars 2024, le directeur du Centre Hospitalier Le Vinatier a ordonné la modification de la forme de la prise en charge de M. [Z] [N] en décidant qu'à compter du 14 mars 2024, celui-ci bénéficiera d'une mesure de soins ambulatoires sans consentement avec un programme de soins qui comprend en l'état un taritement médicamenteux dont une injection, outre des consultations au CMP de secteur et une prise en charge par le PAPV.

Par décision du 22 mars 2024, le directeur du Centre Hospitalier Le Vinatier a ordonné la prolongation de la mesure de soins sans consentement de M. [Z] [N] sous le régime d'un programme de soins pour une durée maximale d'un mois.

Par requête du 16 avril 2024, enregistrée le jour-même par le greffe, M. [Z] [N] a présenté une demande de mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement.

Suivant décision du 22 avril 2024, le directeur du Centre Hospitalier Le Vinatier a ordonné la prolongation de la mesure de soins sans consentement de M. [Z] [N] sous le régime d'un programme de soins pour une nouvelle durée maximale d'un mois, au vu de l'avis mensuel établi à la même date par le Docteur [P] [K].

Le 26 avril 2024, le juge des libertés et de la détention de Lyon a rendu une ordonnance rejetant la requête en mainlevée de M. [N].

Par déclaration formée au greffe de la cour d'appel le 6 mai 2024, M. [N] a interjeté appel de cette ordonnance, en demandant que sa situation soit réexaminée car il envisage de partir au Maroc dans un appartement acheté par sa défunte mère pour se ressourcer et se rééquilibrer. Il fait également valoir, d'une part que son suivi n'est pas correctement assuré par le CMP en raison d'un manque de communication qui nuit à sa réhabilitation psycho-sociale, d'autre part que le traitement par injection retard est à l'origine d'une asthénie et d'une perte d'élan vital qui l'empêchent de prendre soin de lui au quotidien, tant en ce qui concerne l'accomplissement des tâches ménagères que la pratique d'une activité physique.

Le ministère public, par conclusions écrites du 13 mai 2024, a requis la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, en observant que M. [N] n'a invoqué aucune irrégularité procédurale devant le premier juge et ne le fait pas plus en cause d'appel. Il relève par ailleurs qu'il ressort des éléments du dossier que celui-ci souffre d'une pathologie psychiatrique chronique avec des idées de persécution qui restent majeures et un déni persistant de ses troubles. Il souligne encore que les différents certificats médicaux du médecin traitant dont il se prévaut ne font que rapporter ses propos, sans remettre en cause la poursuite des soins psychiatriques sans consentement.

L'affaire a été évoquée lors de l'audience du 13 mai 2024 à 13 heures 30.

M. [Z] [N] a comparu, assisté de son conseil.

Maître Lourdes Suleiman, conseil de M. [N], a déposé des conclusions écrites en début d'audience qu'elle a soutenues oralement.

A titre principal, elle sollicite la mainlevée de la mesure de contrainte en ce qu'elle n'apparaît pas nécessaire, dans la mesure où M. [N] ne remet pas en cause la nécessité de suivre des soins et souhaite simplement poursuivre son traitement en dehors d'un cadre imposé. Subsidiairement, elle demande à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier du Vinatier de prescrire un traitement par voie orale à M.[N] dont le médecin généraliste a constaté qu'il présente un état d'asthénie et un manque d'élan vital depuis qu'il est traité par injection. Et à titre infiniment subsidiaire, elle réclame qu'il soit sursis à statuer dans l'attente des résultats d'une expertise médicale qu'il convient d'ordonner afin d'apprécier la pertinence de la mesure de soins dans un contexte où les soignants peinent à se prononcer sur la réalité et l'ampleur de la pathologie de M. [N] ainsi que sur le traitement adapté à ce dernier.

M. [Z] [N], qui a eu la parole en dernier, expose qu'il n'est pas contre les soins et qu'il est d'ailleurs d'accord pour aller aux rendez-vous du CMP, mais qu'il ne veut pas que cela lui soit imposéde force. Il veut en outre reprendre un traitement par voie orale avec passage d'un infirmier à domicile, comme il l'a toujours fait, affirmant que les médecins mentent lorsqu'ils indiquent qu'il a déjà eu des injections retard en 2020, qu'il ne prend pas ses médicaments ou encore qu'il est violent, alors qu'il s'est fait casser le nez. Il indique que l'injection de retard a des effets secondaires trop importants, dont une fatigue extrême et une prise de poids conséquente, à cause desquelles il ne peut plus travailler, ni même mener une vie normale. Son projet de voyage pour le Maroc n'est d'aillleurs plus d'actualité.

L'affaire a été mise en délibéré au 13 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

La décision ayant été notifée le 29 avril 2024 et le recours de M. [Z] [N] enregistré le 6 mai 2024 au greffe de la cour d'appel, son appel est recevable pour avoir été interjeté dans le délai prévu par l'article R.3211-18 du code de la santé publique.

Sur la demande de mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement

Selon l'article L.3212-1 I du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.

Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article L.3211-3 du code de la santé publique, il appartient au juge judiciaire de s'assurer que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles du patient sont adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et la mise en oeuvre du traitement requis.

S'il incombe dans ce cadre au juge judiciaire de contrôler que les certificats médicaux sont motivés de manière précise s'agissant du patient, il ne doit en aucun cas substituer son avis personnel à l'avis médical versé au dossier. De la même façon, l'appréciation du consentement ou du non-consentement aux soins est une évaluation médicale qui ne peut être faite que par le professionnel de santé. Le juge n'a en effet ni la qualité, ni les compétences requises pour diagnostiquer les troubles qui affectent le patient et juger de son adhésion ou non aux soins mis en place.

En l'espèce, l'examen des pièces du dossier, et notamment du dernier certificat médical mensuel établi le 22 avril 2024 par le Docteur [P] [K], fait apparaître qu'après une nouvelle hospitalisation du 14 décembre 2023 au 14 mars 2024, M. [N], qui est suivi en psychiatrie depuis janvier 2020 pour une pathologie psychiatrique chronique (trouble schizo-affectif), bénéficie depuis lors d'un accueil hebdomadaire à l'hôpital de jour du PAPV. Les dernières observations consignées dans son dossier médical mettent en évidence que si son comportement n'est pas problématique et qu'il a bien reçu son traitement injectable le 8 avril 2024, il ne reconnaît toujours pas le caractère pathologique de ses troubles, alors que ses idées de persécution, qui se manifestent par un vécu paranoïaque revendicateur, restent majeures.

Il résulte de ces observations que les troubles mentaux de M. [N] nécessitent toujours des soins, mais que celui-ci n'est pas en capacité d'y consentir, ce qui conduit à la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en ce qu'elle a rejeté la demande de mainlevée formée par M. [N].

Ses demandes subsidiaires ne seront pas non plus favorablement accueillies.

Il sera ainsi observé que sauf à excéder ses pouvoirs, le juge judiciaire n'est pas habilité à déterminer le traitement médicamenteux devant être administré au patient. Une telle décision relève en effet du seul domaine médical, de sorte qu'il ne peut être fait une quelconque injonction au centre hospitalier de modifier les prescritions médicamenteuses de M. [N].

Par ailleurs, s'agissant de la demande d'expertise, il ne peut qu'être constaté que M. [N] ne produit aucun élément objectif de nature à remettre en cause le tableau clinique dressé par les psychiatres ou encore les modalités de sa prise en charge médicale, dont notamment le traitement par injection retard qui lui est imposé dans le cadre du programme de soins.

En effet, comme le souligne à juste titre le ministère public, les certificats médicaux établis les 2 avril, 8 avril, 15 avril et 23 avril 2024 par le médecin traitant de M. [N] ne font que relayer les doléances de ce dernier quant aux effets secondaires dont il estime souffrir en raison de ce traitement par injection retard ainsi que le souhait de ce dernier d'effectuer un séjour au Maroc. Ce médecin ne porte en revanche aucune appréciation sur la pathologie psychiatrique de M. [N], sur la mesure de soins à laquelle il est soumis, ni même sur son protocole médicamentaux, puisqu'il se borne uniquement à interroger le psychiatre sur la possibilité éventuelle d'une diminution du dosage ou d'une autre molécule sans autre précision.

Les autres attestations fournies par M. [N] sont tout aussi inopérantes, en ce qu'elles émanent d'amis qui se contentent de rappeler son refus réitéré depuis 2020 d'un traitement par injection ou reviennent sur des événements qui se sont déroulés préalablement à la décision initiale de réadmission en hospitalisation complète prise le 15 décembre 2023, sans évoquer son état de santé actuel.

A défaut d'autre grief soulevé, l'ordonnance sera donc confirmée dans son intégralité.

Sur les dépens

Compte tenu de la nature de l'affaire, il convient de laisser les dépens à la charge du Trésor public.

PAR CES MOTIFS

Déclarons l'appel recevable en la forme,

Confirmons la décision déférée dans son intégralité,

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Le greffier, Le conseiller délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 24/03846
Date de la décision : 13/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-13;24.03846 ?
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