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10/05/2024 | FRANCE | N°21/07657

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 10 mai 2024, 21/07657


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/07657 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N4TZ





S.A.R.L. TRANS JURA CARS



C/



[S]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX

du 20 Septembre 2021

RG : 19/00100



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 10 MAI 2024







APPELANTE :



S.A.R.L. TRANS JURA CARS

[Adresse 2]

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représentée par Me Claire DUPONT GUERINOT de la SELAS CELEV CONSEIL AVOCATS ASSOCIES, avocat plaidant du barreau d'AIN substituée par Me Matthieu PROUSTEAU, avocat au barreau de LYON et Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NO...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/07657 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N4TZ

S.A.R.L. TRANS JURA CARS

C/

[S]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX

du 20 Septembre 2021

RG : 19/00100

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 10 MAI 2024

APPELANTE :

S.A.R.L. TRANS JURA CARS

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Claire DUPONT GUERINOT de la SELAS CELEV CONSEIL AVOCATS ASSOCIES, avocat plaidant du barreau d'AIN substituée par Me Matthieu PROUSTEAU, avocat au barreau de LYON et Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant du barreau de LYON

INTIMÉ :

[T] [S]

né le 21 Juillet 1951 à [Localité 10] (ITALIE)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Laurent CORDIER de la SELARL SERFATY CAMACHO & CORDIER, avocat au barreau d'AIN

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Février 2024

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Nabila BOUCHENTOUF, conseiller

- Françoise CARRIER, conseiller honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 Mai 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nabila BOUCHENTOUF, conseiller pour Etienne RIGAL, Président empêché et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

La Société Trans Jura Cars est spécialisée dans le transport de voyageurs en autocars sur des lignes régulières, dans le cadre de transports scolaires, sportifs, associatifs, culturels et l'organisation de séjours.

Cette société a embauché M. [S] au poste de conducteur de cars, catégorie Ouvrier, coefficient 138, selon contrat à durée déterminée courant du 25 avril 2016 au 30 juin 2016.

M. [S] a ensuite été embauché par la même société, selon contrat à durée indéterminée en date du 30 août 2016 au poste de conducteur en période scolaire, coefficient 137 V de la convention collective applicable.

Le 29 novembre 2018, la société Trans Jura Cars a licencié M. [S] pour faute grave en ces termes :

" Je fais suite à l'entretien auquel vous étiez convoqué le 20 novembre dernier, par LRAR (que vous n'avez pas toutefois jugé utile de réceptionner) et vous notifie par la présente, votre licenciement pour faute grave.

Ma décision est fondée sur les faits inacceptables qui se sont déroulés le 9 novembre dernier, date à laquelle vous avez, alors que vous aviez en charge un car scolaire, adopté une conduite dangereuse (trottoirs chevauchés, croisement franchi sans respecter le feu rouge, heurt d'un panneau lors du franchissement d'un rond-point, déposé les enfants hors de leur arrêt habituel) et vous vous êtes avéré incapable de parquer correctement le véhicule, au mépris des règles de circulation.

Votre comportement, à cette occasion, constaté par plusieurs témoins, m'a contraint à me déplacer sur le champ pour récupérer le car et assurer le service que vous étiez incapable de prendre en charge.

Au-delà des risques intolérables induits par votre attitude, celle-ci a causé à notre entreprise un préjudice commercial et d'image considérable, notamment auprès de nos donneurs d'ordres.

Vous comprendrez en conséquence que la dangerosité de votre comportement, aggravé par la nature de vos fonctions, ne permet pas de poursuivre notre collaboration.

Celle-ci prend en conséquence fin dès l'envoi de la présente'."

Le 10 janvier 2019, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes d'Oyonnax en contestation de son licenciement, et en paiement des sommes subséquentes outre un rappel de salaires.

Par jugement du 20 septembre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- Jugé que le licenciement de Monsieur [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- Condamné la Société Trans Jura Cars à verser à Monsieur [S] les sommes suivantes :

* 5 006,57 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 519,80 euros à titre de rappel de salaire,

* 732 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 3 336,74 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 333 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la Société Trans Jura Cars de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la Société Trans Jura Cars aux entiers dépens.

Le 19 octobre 2021, la société Trans Jura Cars a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées électroniquement le 13 juillet 2022, elle demande à la cour de :

A titre principal :

- Infirmer le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Oyonnax en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [S] les sommes de :

- Rappel de salaires (13 ème mois -11/12 e ) : 1 519,80 euros

- Indemnité de licenciement : 732,00 euros

- Indemnité compensatrice de préavis : 3 336,74 euros

- Congés payés sur préavis: 333,00 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 5 006,57 euros

- Article 700 du code de procédure civile : 1 500,00 euros

Statuant à nouveau,

- Juger que le licenciement pour faute grave de M. [S] est justifié,

- Débouter M. [S] de l'ensemble de ses prétentions,

A titre subsidiaire, en cas de rejet de la faute grave :

- Juger que le licenciement de M. [S] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [S] les sommes de :

- Rappel de salaires (13 ème mois -11/12 e ) : 1 519,80 euros,

- Indemnité de licenciement : 732,00 euros,

- Indemnité compensatrice de préavis : 3 336,74 euros,

- Congés payés sur préavis: 333,00 euros,

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 5 006,57 euros,

- Article 700 du code de procédure civile : 1 500,00 euros,

Statuant à nouveau,

- Débouter M. [S] de sa demande de rappel de treizième mois.

- Constater que M. [S] qui percevait un salaire moyen de 1 543 euros ne peut pas prétendre à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant supérieur à la somme de 3 086 euros ni à des congés payés afférents de plus de 308,60 euros,

- Débouter M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

A titre superfétatoire :

- Limiter le montant des dommages et intérêts à la somme de 4 629 euros correspondant au minimum du barème de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017,

- Débouter M. [S] de l'ensemble de ses autres demandes.

A titre reconventionnel

- Condamner M. [S] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner le même aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées électroniquement le 16 avril 2022, M. [S] demande à la cour de:

- Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

- Condamner la société Trans Jura Cars à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LE BIEN FONDE DU LICENCIEMENT

Poursuivant l'infirmation du jugement, la société Trans Jura Cars affirme que la faute grave résulte de la conduite dangereuse adoptée par M. [S] qui a non seulement brûlé un feu rouge, [Adresse 9], en direction de l'[Adresse 7], franchi l'îlot central au milieu de cette impasse pour se retrouver en sens inverse de la circulation, sur la voie de gauche de l'[Adresse 7], stationné devant les grilles du Stade des [6] et fait descendre les collégiens, et ce, à 300 mètres de l'arrêt sécurisé sans prendre aucune mesure pour leur sécurité.

Elle expose que cette conduite a eu des répercussions d'ordre psychologique pour les collégiens choqués par le balancement anormal du car puis par le trajet effectué pour rejoindre à pied, leur établissement, qu'ils auraient pu avoir des conséquences dramatiques et entraîner une atteinte à leur intégrité corporelle, et que ces faits étaient de nature à gravement entacher la réputation de l'entreprise, chargée d'une desserte scolaire précisément organisée dans l'intérêt supérieur de la sécurité des élèves.

M. [S] soutient que les faits à l'origine du licenciement ne sont pas conformes à la réalité, en ce qu'ils sont décrits d'une part par l'employeur lui-même qui n'était pas présent au moment des faits litigieux, et d'autre part, par le frère de l'employeur, lui-même salarié et associé de l'entreprise. S'agissant de cette seconde attestation, il relève le caractère peu précis des déclarations formulées.

Il souligne également que Mme [L] [X], dont l'attestation a été établie deux ans après les faits, rapporte les propos du proviseur de l'établissement scolaire, en reprenant un discours similaire à celui de M. [J] [N].

Il soutient qu'en réalité, alors qu'il était au volant de son véhicule, il a été pris d'un malaise lié à son diabète, ce qui l'a à heurter légèrement un lampadaire et à endommager le rétroviseur, et par mesure de sécurité pour les occupants, à stationner le véhicule à quelques mètres de l'entrée du collège, les collégiens empruntant alors un trottoir jusqu'à l'entrée de l'établissement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d'une importance telle qu'ils rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Le licenciement pour faute grave implique néanmoins une réaction immédiate de l'employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement devant intervenir rapidement.

La cour rappelle que la preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l'employeur et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d'une gravité suffisante pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.

Les juges ont l'obligation de vérifier la cause exacte du licenciement. Dans ce cadre, ils peuvent être amenés à restituer leur exacte qualification aux faits invoqués par l'employeur : ils ne sont pas liés par la qualification donnée au licenciement.

L'employeur se fonde ici, essentiellement sur l'attestation de [J] [N], associé et frère du gérant de l'entreprise, qui relate que le 9 novembre 2018 à 7h30, alors qu'il assurant le service scolaire de la ligne G501, il a vu "le car de la société Trans Jura Cars qui était devant moi, conduit par M. [S], griller le feu rouge en tournant sur la droite en direction des collèges [5] et [8] par la [Adresse 9], et avec stupéfaction, en arrivant au carrefour de l'[Adresse 7], j'ai vu le car conduit par M. [S] traverser l'îlot central et se retrouver sur la voie de gauche dans un balancement important, les passagers étant secoués anormalement. (...) Au lieu de tourner autour du giratoire pour aller déposer les élèves, le car s'est immobilisé le long des barrières du stade en dehors de la chaussée. Le conducteur, M. [S] a alors ouvert les portes du véhicule en restant au volant de son car ; les élèves sont descendus sur la chaussée pour rejoindre l'entrée du collège située à environ 100 mètres (..)"

[R] [N], le gérant de l'entreprise, explique avoir été informé par téléphone de cet incident, et s'être alors rendu sur place. Il indique "lorsque j'arrive au rond-point de chez Peugeot, M. [S] est sur le trottoir et regarde d'un air perplexe son véhicule qu'il a laissé en travers du rond-point avec le rétroviseur cassé. (...) Le surveillant du collège est venu me voir pour me demander pourquoi il y avait un car au milieu du rond-point. (...)"

M. [S] remet en cause la relation des faits ainsi présentée, contestant avoir grillé un feu rouge, et avoir mis la sécurité des usagers en danger. Il insiste aussi et surtout sur l'absence de force probante des attestations émanant du gérant de l'entreprise et de son frère.

La cour observe qu'alors que les faits ont eu lieu à une heure à laquelle la circulation des véhicules, et notamment des véhicules scolaires, comme le souligne M. [S], est particulièrement dense, et que de nombreux témoins auraient été en mesure d'attester du déroulement des faits, l'employeur se contente de deux attestations, l'une dont il est l'auteur et l'autre émanant de son frère.

Or, nul ne peut se constituer une preuve à lui-même, étant observé d'ailleurs que l'employeur n'était pas présent lors des faits reprochés, et les déclarations du frère de l'employeur sont en raison de sa qualité, sujettes à caution d'autant qu'elles sont contestées par le salarié qui reconnaît seulement du fait d'un malaise, un accrochage avec un lampadaire, ce qui a eu effet de casser un des rétroviseurs du car, avant de mettre le véhicule à l'arrêt près d'un trottoir permettant aux collégiens de descendre et de se rendre vers leur établissement en toute sécurité.

L'employeur rapporte également aux termes de son attestation, les propos d'un surveillant de l'établissement, et produit l'attestation de Mme [L] [X], comptable de l'entreprise qui affirme avoir reçu un appel téléphonique du surveillant de l'établissement, lequel lui avait expliqué que "les enfants avaient dû marcher à leurs risques et périls sur la chaussée. (...)", et que les élèves "avaient été secoués et effrayés". Toutefois, la cour s'étonne qu'au regard des manquements aux règles de prudence et de sécurité et en matière de transport collectif d'enfants, ainsi décrits, et "des répercussions d'ordre psychologique pour les collégiens", et alors que selon l'employeur, le car de M. [S] a circulé à contresens, puis s'est stationné "au milieu du rond point", seuls son frère et une salariée et lui-même aient attesté, sans qu'aucune pièce, ni aucun élément objectif ne puisse corroborer leurs temoignages et ne permette ainsi d'établir que le salarié a effectivement enfreint les règles de sécurité, ni que la sécurité des élèves ait effectivement été mise en péril du fait du salarié dont la conduite n'a jamais donné lieu jusqu'alors, à la moindre réclamation.

Mme [L] [X] souligne également que l'entreprise met en place régulièrement des réunions au cours desquelles sont rappelées les consignes de sécurité, ce que rappellent d'autres salariés conducteurs, et précise que "lorsque les conducteurs ne respectent pas un arrêt ou le circuit officiel, l'autorité organisatrice nous informe et nous demande des explications avant de nous appliquer des pénalités (...). Or, il n'est pas justifié l'application de pénalités, pas plus que d'une réclamation de parents d'élève, de l'établissement scolaire.

Dans ces conditions, l'explication fournie par le salarié quant au malaise dont il a été victime, corroboré par le certificat médical produit qui évoque, -sans que l'erreur de date du 7 novembre figurant au dit certificat (au lieu du 9 novembre) soit rédhibitoire-, "un malaise en contexte d'un syndrome vestibulaire" est suffisante pour retenir que les faits qui lui sont imputés ne présentent pas un caractère fautif.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

SUR LES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES DU LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE

S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, l'employeur conteste le montant alloué par le conseil de prud'hommes considérant que le salaire moyen du salarié sur les douze derniers mois s'élevait à 1 543 euros.

Or, l'indemnité due au salarié pendant la durée du préavis est égale au salaire brut que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé. Cette somme s'élève à 1 668,37 euros comme l'ont justement retenu les premiers juges.

L'indemnité compensatrice de préavis ainsi allouée à concurrence de 3 376,74 euros outre 333 euros au titre des congés payés y afférents, sera par conséquent confirmée en son principe et en son montant.

Le montant de l'indemnité de licenciement n'est pas critiqué dans son quantum à titre subsidiaire de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.

S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : En application de l'article 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur entre les montants minimaux et maximaux fixés par la loi, soit pour un salarié ayant plus de 2 ans d'ancienneté une indemnité comprise entre 3 mois et 3,5 mois de salaire mensuel brut.

Au regard des circonstances de la rupture, de son âge (67 ans), de son ancienneté, de ce qu'il a retrouvé un emploi de conducteur en périodes scolaires, la cour considère que les premiers juges ont correctement évalué l'indemnité à 5 005,11 euros, sauf à corriger l'erreur matérielle du montant (5 006,57 euros) figurant au dispositif de la décision.

SUR LA DEMANDE AU TITRE DU TREIZIÈME MOIS

Poursuivant l'infirmation du jugement, la société Trans Jura Cars soutient contrairement à ce prétend le salarié, suivi sur ce point par le conseil de prud'hommes qui a fait droit à cette demande, qu'en l'absence de preuve d'un usage applicable au sein de l'entreprise, M. [S] qui a quitté l'entreprise, quelle qu'en soit la cause, avant le 31 décembre, ne peut prétendre au versement de la prime de 13e mois, soutenant par ailleurs, que son versement au prorata temporis tel que prévu par l'accord du 18 avril 2002, ne vise que les salariés qui, bien que présents au 31 décembre, ne peuvent justifier d'une année complète de travail effectif.

Aux termes de l'article 26 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport : "Dans les entreprises de transport routier de voyageurs, il est garanti à tous les salariés visés par le présent article un taux horaire conventionnel. Celui-ci inclut les éventuelles indemnités différentielles instituées dans le cadre des lois sur la réduction du temps de travail.

Par ailleurs, il est créé, pour les salariés ayant au moins 1 an d'ancienneté dans l'entreprise au 31 décembre de chaque année, un 13e mois conventionnel.

Ce 13e mois est calculé pro rata temporis pour les bénéficiaires ne justifiant pas d'une année civile complète de travail effectif, tel qu'il est défini par les dispositions légales.

Il s'entend sur la base de 35 heures de travail hebdomadaires dans le cadre d'une activité à temps complet et pro rata temporis dans les autres cas. Le taux horaire pris en compte est celui du mois de novembre de l'année considérée (...)'.

Le versement de cette prime est donc conditionné à la présence du salarié dans l'entreprise au 31 décembre de l'année considérée.

L'employeur rappelle à bon droit la jurisprudence constante de la cour de cassation selon laquelle "le droit au paiement prorata temporis d'une somme dite de « treizième mois » à un salarié ayant quitté l'entreprise, quel qu'en soit le motif, avant la date de son versement, ne peut résulter que d'une convention ou d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve".

Toutefois, ainsi que l'a très justement retenu le conseil de prud'hommes, la condition de présence de M. [S] au 31 décembre 2018 est réputée accomplie puisqu'en retenant la faute grave au soutien du licenciement, l'employeur en a empêché l'accomplissement.

Le licenciement étant ici dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'expiration du délai de préavis conduisait à la présence du salarié dans l'entreprise au 31 décembre, le rendant ainsi éligible à la prime.

M. [S] est bien fondé en sa demande de rappel de salaire à ce titre à hauteur de la somme de 1 519,80 euros, conformément aux dispositions conventionnelles précitées, qui lui a été octroyée par les premiers juges.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Les dispositions de première instance au titre des dépens et des frais irrépétibles, seront confirmées.

Succombant, la société Trans Jura Cars sera condamnée à verser à M. [S] en application de l'article 700 du code de procédure civile une somme que l'équité commande de fixer à 2 000 euros pour la procédure d'appel. Elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

Partie perdante, la société Trans Jura Cars sera condamnée aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 5 006,57 euros,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société Trans Jura Cars à payer à M. [S] la somme de 5 005,11 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Trans Jura Cars à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Trans Jura Cars aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/07657
Date de la décision : 10/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-10;21.07657 ?
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