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26/04/2024 | FRANCE | N°21/03610

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 26 avril 2024, 21/03610


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/03610 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NSVC





S.A.R.L. L INSTANT BOULANGER



C/

[S]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 12 Avril 2021

RG : F 18/03874











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 26 AVRIL 2024







APPELANTE :



Société L'INSTANT BOULANGER

[Ad

resse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Thierry MONOD de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



[U] [S]

née le 06 Décembre 1986 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par Me Denis WERQUIN de la SAS TW & ASS...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/03610 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NSVC

S.A.R.L. L INSTANT BOULANGER

C/

[S]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 12 Avril 2021

RG : F 18/03874

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 26 AVRIL 2024

APPELANTE :

Société L'INSTANT BOULANGER

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Thierry MONOD de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[U] [S]

née le 06 Décembre 1986 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Mars 2024

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, Présidente

- Catherine CHANEZ, Conseillère

- Régis DEVAUX, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

La société L'Instant Boulanger (ci-après la société), exerce une activité de boulangerie-pâtisserie. Elle exploite notamment un établissement situé à [Localité 5].

Elle a embauché Mme [U] [S] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er juin 2017, en qualité d'employée polyvalente.

La convention collective applicable est celle de la restauration rapide.

Par courrier du 6 juillet 2018, Mme [S] a alerté la société sur la dégradation de ses conditions de travail.

Par lettre recommandée du 17 juillet 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement et s'est vu notifier une mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandé du 30 juillet 2018, la société a notifié à Mme [S] son licenciement pour faute grave, dans les termes suivants :

« (') Je fais suite à l'entretien préalable pour lequel vous étiez convoqué ce mardi 24 juillet 2018, au cours duquel je vous ai fait part des différents motifs qui me conduise à envisager votre licenciement pour faute grave à savoir :

Votre refus de suivre et respecter les consignes.

En effet, j'ai pu constater à plusieurs reprises que vous ne respectez pas les horaires qui vous sont donnés.

Ainsi, vous êtes régulièrement partie avant 14h, et vous vous êtes permis de quitter l'établissement de manière intempestive et non autorisée.

De même, vous ne suivez pas les mesures d'hygiène de l'établissement.

Ainsi, par deus fois, vous n'avez pas mis un plat de lasagnes au frais, le rendant invendable.

Ensuite, vous avez à plusieurs reprises neutralisé le système vidéo sans aucune raison.

Enfin, vous refusez systématiquement d'échanger et de discuter avec votre supérieur hiérarchique.

Votre attitude agressive et inappropriée

J'ai pu noter que vous avez émis des propos insultants, irrespectueux voire agressifs vis-à-vis de vos collègues.

Ainsi, vous avez insulté vos collègues de « cas social », de « gamine » voire formulé des propos discriminatoires : « je ne parle pas avec les animaux ».

Vous avez également exercé des pressions et établi un climat délétère vis-à-vis de vos collègues, qui se sont plaint auprès de la Direction de faits susceptibles d'être qualifiés d'harcèlement moral.

Bien mieux, vous avez dégradé l'image de l'établissement en faisant preuve d'impatience et d'irritation vis-à-vis de clients, notamment lorsqu'ils prenaient du temps pour choisir leur produit, voire de crier devant des clients. (')

Le 30 octobre 2018, Mme [S] a adressé un courrier à la société aux fins de résolution amiable.

Par requête du 20 décembre 2018, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon afin de contester son licenciement.

Par jugement du 12 avril 2021, le conseil de prud'hommes a notamment :

Condamné la société à verser à Mme [S] les sommes suivantes :

3 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

541,47 euros d'indemnité de licenciement ;

2 005,46 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 200,54 euros de congés payés afférents ;

700 euros de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire, outre 70 euros de congés payés afférents ;

1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné la société aux dépens.

Par déclaration du 3 mai 2021, la société a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses uniques conclusions déposées le 29 juillet 2021, elle demande à la cour d'infirmer sinon réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

Débouter Mme [S] de ses demandes ;

Condamner Mme [S] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [S] aux dépens.

Dans ses uniques conclusions déposées le 28 octobre 2021, Mme [S] demande pour sa part à la cour de :

Confirmer que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Réformer le jugement entrepris et ajoutant,

Condamner la société à lui verser :

12 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

6 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

Condamner la société aux intérêts légaux ;

Condamner la société à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société aux dépens, avec recouvrement direct au profit de son conseil.

La clôture de la procédure a été prononcée le 23 janvier 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

1-Sur le licenciement

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.

En application de l'article L.1232-6 du même code, la lettre de licenciement, éventuellement complétée en application de l'article R.1232-13, fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Ils doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et de les qualifier, puis de dire s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L.1232-1 du code du travail, l'employeur devant fournir au juge les éléments lui permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

Le code du travail en son article L.1332-4, prévoit « qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ».

Il est toutefois loisible à l'employeur de sanctionner un fait fautif qu'il connaît depuis plus de deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou réitéré dans ce délai et qu'il s'agit de faits de même nature. Il le peut également lorsqu'il n'avait pas, au moment où il a pris connaissance des faits, une connaissance exacte de leur réalité, de leur nature et de leur ampleur.

En l'espèce, la lettre de licenciement fait état de deux séries de griefs : le refus de suivre et respecter les consignes et l'attitude agressive et inadaptée adoptée par la salariée.

Si le premier grief n'est pas étayé par l'employeur, qui échoue à rapporter la preuve des manquements qu'il dénonce, il ressort en revanche des attestations de salariées qu'il verse aux débats que Mme [S] se montrait régulièrement agressive, voire insultante et insultante envers ses collègues de travail (Mme [P], [E], [K]), qu'il lui est arrivé de les comparer à des animaux (Mme [E]), que certaines salariées envisageaient de démissionner pour ne plus subir une telle situation (Mme [K]) ou décrivent leur malaise et les répercussions dans leur vie personnelle (Mmes [M] et [P]). Mme [M], ancienne employée de ménage, atteste que Mme [S] dénigrait ses collègues et qu'elle sabotait son travail, en salissant alors qu'elle venait de nettoyer.

Une cliente, Mme [Y], indique avoir remarqué son attitude agressive et impatiente envers les clients et témoigne avoir assisté à un incident en mai 2018 au cours duquel des clients se sont fait violemment invectivés pour avoir garé leur camion devant la boulangerie.

Mme [S] elle-même, a reconnu lors de l'entretien préalable avoir un jour suivi hors du magasin la responsable de site, Mme [P], afin de la « retenir » pour la « raisonner » alors qu'elle était « en pleine crise d'hystérie ».

Il apparaît que ces faits sont récurrents, même si certains se sont produits plus de 2 mois avant la mise en 'uvre de la procédure de licenciement.

Le licenciement de Mme [S] était donc justifié, nonobstant les attestations qu'elle verse aux débats afin d'établir qu'elle était appréciée de certains clients, et la gravité de ses agissements à l'égard de ses collègues et des clients ne permettait pas la poursuite de la relation de travail.

Le jugement sera en conséquence réformé et Mme [S] sera déboutée de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail.

2-Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de Mme [S].

L'équité commande de la condamner à verser à la société la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [U] [S] de ses demandes ;

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de Mme [U] [S] ;

Condamne Mme [U] [S] à verser à la société L'Instant Boulanger la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 21/03610
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;21.03610 ?
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