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26/04/2024 | FRANCE | N°21/01101

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 26 avril 2024, 21/01101


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/01101 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NM3R





Association ADAPEI DE L'AIN



C/

[N]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Oyonnax

du 25 Janvier 2021

RG : 17/00076











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 26 AVRIL 2024







APPELANTE :



Association ADAPEI DE L'AIN

[Adr

esse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Olivier BARRAUT de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[O] [N]

né le ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/01101 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NM3R

Association ADAPEI DE L'AIN

C/

[N]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Oyonnax

du 25 Janvier 2021

RG : 17/00076

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 26 AVRIL 2024

APPELANTE :

Association ADAPEI DE L'AIN

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Olivier BARRAUT de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[O] [N]

né le 05 Novembre 1955 à [Localité 5] (01)

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Jean Marc BERNARDIN, avocat au barreau d'AIN

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Février 2024

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, Présidente

- Catherine CHANEZ, Conseillère

- Régis DEVAUX, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

L'association ADAPEI de l'Ain (ci-après, l'association) applique la convention collective nationale du travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et l'accord de branche sanitaire et social et médico-social à but non lucratif du 1er avril 1999.

Elle a engagé M. [O] [N] à compter du 27 mars 1989 en qualité d'éducateur spécialisé en internat.

Le 1er janvier 2017, M. [N], qui travaillait au sein du foyer pour personnes handicapées « [4] », a pris sa retraite.

Le 7 août 2017, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Oyonnax de plusieurs demandes à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement du 25 janvier 2021, le conseil de prud'hommes a notamment :

' Condamné l'association à verser à M. [N] les sommes suivantes :

3 404,80 euros bruts de rappel de salaire pour les années 2014-2015, outre 340 euros bruts de congés payés afférents ;

2 503,02 euros bruts de rappel de salaire pour les années 2015-2016, outre 250 euros bruts de congés payés afférents ;

1 093, 93 euros au titre de la retenue injustifiée sur le salaire de décembre 2016, outre 109 euros au titre des congés payés afférents ;

14 700 euros d'indemnité pour travail dissimulé ;

3 000 euros de dommages et intérêts pour accusation injustifiée de maltraitance ;

4 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice lié à l'inorganisation de sa vie personnelle ;

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Déclaré irrecevables les demandes présentées par l'association ;

' Condamné l'association aux dépens de 1'instance.

Par déclaration du 15 février 2021, l'association a interjeté appel de ce jugement dans sa totalité.

Dans ses uniques conclusions déposées le 11 mai 2021, elle demande à la cour de :

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner M. [N] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [N] aux dépens.

Dans ses uniques conclusions déposées le 4 août 2021, M. [N] demande pour sa part à la cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Condamner l'ADAPEI à lui payer les sommes suivantes :

3 404, 80 euros de rappel de salaire sur les années 2014 et 2015, outre 340 euros de congés payés ;

2 503,02 euros de rappel de salaire sur les années 2015 et 2016 ;

1 093,93 euros, outre 109 euros de congés payés, à titre de retenue sur salaire injustifiée sur son salaire de décembre 2016 ;

14 700 euros d'indemnité pour travail dissimulé ;

3 000 euros de dommages et intérêts pour accusation injustifiée de maltraitance ;

4 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice lié à l'inorganisation de sa vie personnelle ;

1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et 3 000 euros sur le même fondement pour les frais engagés en cause d'appel ;

Condamner l'ADAPEI aux dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 12 décembre 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

1 - Sur le rappel d'heures supplémentaires sur les périodes de modulation 2014-2015 et 2015-2016

Il résulte des dispositions de l'article L3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, il est constant que M. [N] travaillait sur la base d'une modulation horaire annuelle, du 1er juin au 31 mai de l'année suivante et qu'il devait effectuer 1456 heures sur cette période, comprenant les congés payés, les congés trimestriels (18 jours) et le jour de solidarité, sachant que son ancienneté lui permettait en outre de bénéficier de 5 jours de congés supplémentaires.

Les plannings prévisionnels pouvaient être modifiés par l'employeur à condition de respecter un délai de prévenance de 7 jours. Les plannings individuels étaient signés quotidiennement par le salarié, remis à son chef de service et lui revenaient pour validation en cas de modification. Une copie du tableau définitif lui était donnée, laquelle devait comporter sa signature en cas de désaccord.

M. [N] soutient avoir accompli des heures supplémentaires non rémunérées. Il communique des tableaux récapitulatifs des heures réalisées mois par mois sur les périodes de modulation 2014-2015 et 2015-2016.

Ce faisant, il verse aux débats des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Ce dernier conteste ne pas avoir réglé l'intégralité des heures supplémentaires effectuées, mais ne produit qu'une partie des plannings signés par le salarié, outre des plannings prévisionnels et des bulletins de salaire.

A la lecture des diverses pièces échangées, la cour a la conviction que le salarié a accompli les heures supplémentaires dont il se prévaut. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné l'association à lui verser les sommes respectives de 3 404,80 euros et 2 503,02 euros, outre les congés payés afférents, sur les périodes de modulation 2014-2015 et 2015-2016.

2 - Sur la retenue opérée sur le salaire de décembre 2016

L'article 11-8 de l'avenant n°1 à l'accord de branche du 1er avril 1999 dispose :

« Il est convenu que la rémunération de chaque salarié concerné par la modulation sera lissée et calculée sur la base de 151,67 heures mensuelles, de façon à assurer une rémunération régulière, indépendante de l'horaire réel pendant toute la période de modulation.

Les absences rémunérées de toute nature sont payées sur la base du salaire mensuel lissé.
Les absences non rémunérées de toute nature sont retenues proportionnellement au nombre d'heures d'absence constatées par rapport au nombre d'heures réel du mois considéré et par rapport à la rémunération mensuelle lissée.

Lorsqu'un salarié, du fait d'une embauche ou d'une rupture du contrat, n'a pas accompli la totalité de la période de modulation, une régularisation est effectuée en fin de période de modulation ou à la date de la rupture du contrat, selon les modalités suivantes :

' s'il apparaît qu'un salarié a accompli une durée de travail supérieure à la durée correspondant au salaire lissé, il est accordé au salarié un complément de rémunération équivalant à la différence de rémunération entre celle correspondant aux heures réellement effectuées et celles rémunérées ;

' si les sommes versées sont supérieures à celles correspondant au nombre d'heures réellement accomplies, une régularisation est faite entre les sommes dues par l'employeur et cet excédent, soit avec la dernière paie en cas de rupture, soit le premier mois suivant l'échéance de la période de modulation en cas d'embauche en cours d'année ;

' en cas de rupture du contrat de travail, pour motif économique ou licenciement pour cause réelle et sérieuse, à l'exception des licenciements disciplinaires, aucune retenue n'est effectuée ;

' lorsque les éventuels repos compensateurs acquis dans ces conditions ne pourront être pris avant l'expiration du contrat, le salarié recevra, dans tous les cas de rupture, une indemnité en espèces correspondant à ses droits acquis ».

Il est constant que M. [N] n'a pas effectué toutes les heures dues au titre de la modulation et il ne conteste pas le nombre d'heures indument payées. L'employeur était alors en droit de procéder à la retenue correspondante sur son dernier salaire.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef et M. [N] sera débouté de sa demande visant au remboursement de cette retenue.

3 - Sur l'indemnité de travail dissimulé 

L'article L.8223-1 du code du travail, relatif aux droits des salariés en cas de recours par l'employeur au travail dissimulé, dispose qu' « en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ».

Au sens de l'article L.8221-5 du code du travail, « est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ».

En l'espèce, le nombre d'heures supplémentaires impayées ne permet pas de caractériser une intention frauduleuse de la part de l'employeur.

M. [N] sera débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, en infirmation du jugement.

4 - Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des plannings

Il est constant que les plannings prévisionnels supportaient diverses modifications, dont M. [N] ne soutient toutefois pas qu'elles ne lui étaient pas notifiées dans le respect du délai de prévenance prévu par l'accord de branche et l'accord d'entreprise.

Le salarié n'établit pas avoir subi un quelconque préjudice causé par ces variations entre plannings prévisionnels et plannings effectivement réalisés et sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts, en infirmation du jugement.

5 - Sur la demande de dommages et intérêts pour accusation injustifiée de maltraitance

M. [N] prétend avoir subi un préjudice du fait d'un rappel que l'employeur lui a fait le 26 octobre 2016 sur le principe de la liberté d'aller et venir, après qu'il a empêché une résidente de quitter le foyer au motif qu'elle était en arrêt de maladie.

Le salarié ne conteste pas les faits et l'employeur a fait un usage tout à fait légitime de son pouvoir de direction en lui rappelant le principe constitutionnel auquel il était soumis. 

Le jugement sera infirmé de ce chef et M. [N] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

6 - Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de l'association.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en appel, la somme allouée en première instance étant confirmée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris, sauf sur le rappel d'heures supplémentaires sur les périodes de modulation 2014-2015 et 2015-2016, sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [O] [N] de ses demandes de remboursement de la retenue opérée sur son salaire de décembre 2016, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour accusation infondée de maltraitance et en réparation de l'inorganisation de sa vie personnelle ;

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de l'association ADAPEI de l'Ain ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 21/01101
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;21.01101 ?
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