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26/04/2024 | FRANCE | N°20/07080

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 26 avril 2024, 20/07080


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 20/07080 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJKF





S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE

S.A.S. BIVOUAC TEAM SERVICES



C/

[H]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 30 Novembre 2020

RG : 18/02655











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 26 AVRIL 2024













APPELANTES :r>


S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE - mandataire judiciaire de la SAS BIVOUAC TEAM SERVICES

PARTIE INTERVENANTE FORCEE

[Adresse 1]

[Localité 4]



non représentée



Société BIVOUAC TEAM SERVICES

[Adresse 9]

[Localité 5]



représentée par Me Florence DRAPIER-FAURE ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/07080 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJKF

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE

S.A.S. BIVOUAC TEAM SERVICES

C/

[H]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 30 Novembre 2020

RG : 18/02655

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 26 AVRIL 2024

APPELANTES :

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE - mandataire judiciaire de la SAS BIVOUAC TEAM SERVICES

PARTIE INTERVENANTE FORCEE

[Adresse 1]

[Localité 4]

non représentée

Société BIVOUAC TEAM SERVICES

[Adresse 9]

[Localité 5]

représentée par Me Florence DRAPIER-FAURE de la SELARL LEXCASE SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Marina CHASSANY, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[F] [H]

né le 26 Juillet 1986 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Raphaël DE PRAT de la SELARL INCEPTO AVOCATS CONTENTIEUX, avocat au barreau de LYON

PARTIE INTERVENANTEE :

Association AGS - CGEA DE CHALON-SUR-SAONE

PARTIE INTERVENANTE FORCEE

[Adresse 3]

[Localité 7]

non représentée

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Béatrice REGNIER, Présidente

Catherine CHANEZ, Conseillère

Régis DEVAUX, Conseiller

Assistés pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Avril 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

La société Bivouac Team Services a pour activité la restauration événementielle dite « catering ». Elle applique la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants (IDCC 1979).

M. [F] [H] a été embauché à compter du 13 mai 2013 par la société Bivouac en qualité de cuisinier, statut employé, niveau 3, échelon 2, suivant contrat à durée déterminée dont le terme était fixé au 24 juillet 2013.

A compter du 25 juillet 2013, les parties ont poursuivi la relation contractuelle dans les mêmes conditions, suivant contrat à durée indéterminée.

M. [H] a été placé en arrêt de travail sur la période allant du 13 septembre 2014 au 17 mai 2015.

A compter du 18 mai 2015, il a fait l'objet d'un mi-temps thérapeutique.

Il a été de nouveau placé en arrêt maladie du 8 juin 2015 au 10 janvier 2016.

Il a été victime d'un accident du travail le 21 juin 2017. Il a donc été placé en arrêt maladie à compter de cette date et ce, jusqu'au 17 juillet 2017. Il a été de nouveau placé en arrêt de travail à compter du 25 juin 2021.

Par courrier daté du 31 juillet 2018, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête reçue au greffe le 5 septembre 2018, il a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de solliciter la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, la condamnation de la société Bivouac Team Services au paiement de diverses indemnités à ce titre.

Par jugement contradictoire en date du 30 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- condamné la société Bivouac Team Services à verser à M. [H] les sommes suivantes :

14 268 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

9 512 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 951,20 euros de congés payés afférents,

4 756 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

21 840,84 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2016, outre 2 184,08 euros de congés payés afférents,

25 009,10 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2017, outre 2 500,91 euros de congés payés afférents,

10 605,43 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2018, outre 1 060,54 euros de congés payés afférents,

22 854,73 euros au titre de la contrepartie en repos pour les heures supplémentaires au-delà du contingent outre 2 285,47 euros de congés payés afférents,

1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [H] du surplus de ses demandes ;

- condamné M. [H] au remboursement des jours de repos sur forfait à hauteur de 5 782 euros ;

- débouté la société Bivouac Team Services du surplus de ses demandes ;

- condamné la société Bivouac Team Services aux dépens de la présente instance.

Par déclaration du 15 décembre 2020, la société Bivouac Team Services a interjeté appel de cette décision.

Par jugement du 22 décembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a placé la société Bivouac Team Services sous sauvegarde de justice.

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 2 mars 2021 par la société Bivouac Team Services ;

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 23 juin 2023 par M. [H] ;

Vu les assignations délivrées le 1er juin 2021 à la SELARL MJ Synergie en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Bivouac Team Services et à l'Unedic délégation AGS CGEA de Chalon sur Saône ;

Vu l'absence de constitution de la SELARL MJ Synergie ès qualités et de l'Unedic délégation AGS CGEA de Chalon sur Saône ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 9 janvier 2024 ;

Pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère expressément au jugement déféré et aux écritures susvisées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE :

- Sur le rappel de salaire :

Attendu que M. [H] soutient à ce titre que la convention de forfait jours figurant à son contrat de travail signé le 2 mai 2013 est nulle et sans effet et qu'il a accompli des heures supplémentaires dont la société Bivouac Team Services lui est dès lors redevable ;

Attendu, sur le premier point, qu'aux termes de l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 : 'La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.' ;

Attendu que M. [H] soutient qu'aucun accord d'entreprise ne prévoyait, à la date de la conclusion du contrat de travail, la possibilité de conclure une convention individuelle de forfait en jours ; que, si la société Bivouac Team Services affirme le contraire, elle se borne à invoquer et produire un accord d'entreprise en date du 14 février 2017 ; que toutefois cet accord n'a pu avoir pour effet de valider rétroactivement la convention individuelle de forfait litigieuse ; que celle-ci est donc nulle ; que la cour retient dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui de sa contestation concernant la validité et l'opposabilité de la convention de forfait jours, que M. [H] est fondé à invoquer un décompte en heures de sa durée du travail ;

Attendu, sur le second point, qu'aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ;

Que, selon l'article L. 3171-3 du même code dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail - le texte antérieur visant quant à lui l'inspecteur ou du contrôleur du travail - les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; que la nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminés par voie réglementaire ;

Qu'enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ;

Qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires susvisées ;

Qu'enfin le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ;

Attendu qu'en l'espèce M. [H] soutient avoir réalisé des heures supplémentaires en 2016, 2017 et 2018 dans la mesure où, lorsqu'il était en mission, ses journées de travail étaient très longues et où ses temps de déplacement constituent du temps de travail effectif dès lors qu'il était salarié itinérant, que ses différents lieux de travail étaient éloignés de son domicile et qu'un accord d'entreprise mentionne que les journées comprenant de l'aérien international sont comptabilisées à 50% en Europe et 100 % Outre-Mer ; qu'il produit :

- un décompte des heures supplémentaires réalisées entre 2015 et 2018, avec mention du nombre d'heures travaillées quotidiennement et des missions sur lesquelles il était affecté ;

- les témoignages de trois collègues de travail, qui attestent de l'ampleur des journées de travail en raison de la particularité de l'activité de la société Bivouac Team Services ( fourniture des repas lors d'évènements importants, tels des courses automobile ou cycliste);

- l'attestation de M. [X] [V], cuisinier indépendant, qui déclare avoir travaillé aux mêmes horaires que M. [H] sur certains évènements expressément cités ;

- le témoignage de M. [Z] [B], associé fondateur de la société Bivouac Team Services, qui déclare que les journées de travail de M. [H] étaient très longes (entre 16 et 18 heures par jour pendant les missions) et que les missions duraient également longtemps (par exemple 30 jours pour le Tour de France) ;

- l'accord d'entreprise de janvier 2020 qui prévoit que le départ pour toute mission est situé au siège de l'entreprise, que les équipes participent au montage et au démontage et nettoyage des structures et cuisines et qu'à chaque retour de mission les équipes doivente participer à la remise en état des matériels confiés ; que l'accord mentionne également que les journées comprenant de l'aérien international sont comptabilisées à 50% en Europe et 100 % Outre-Mer ;

- un courriel de l'employeur concernant l'organisation du dépôt de [C] rappelant qu'au retour des missions les camions sont vidés et nettoyés avec l'aide d'au moins un membre de l'équipe ayant effectué la prestation et qu'au départ la chargement du matériel est réalisé par l'équipe en charge de la prestation ;

- deux fiches missions le concernantprévoyant un départ de [C] et un retour à [C] avec le camion ;

Attendu que le salarié produit ainsi des éléments suffisamment précis permettant à l'employeur d'y répondre ;

Attendu que la société Bivouac Team Services conteste la réalisation d'heures supplémentaires et fait valoir qu'elle n'a jamais demandé au salarié d'en réaliser, que les temps de travail journaliers sont surévalués et que les temps de trajet sur les lieux des évènements ne sont pas du travail effectif ; qu'elle verse aux débats :

- un tableau des heures de travail accomplies par M. [H] , qu'elle indique avoir élaboré au vu des relevés mensuels de déclaration des jours travaillés et non travaillés signés et remis par le salarié ainsi que de diverses pièces justificatives (billets de travail et d'avion, notes de frais, programme des évènements) ;

- les relevés mensuels de déclaration des jours travaillés et non travaillés signés et remis par le salarié et diverses pièces justificatives dont il a été fait état ci-dessus ;

Attendu que la société Bivouac Team Services ne produit aucun décompte des heures de travail de M. [H] signé du salarié ; qu'elle ne justifie donc pas avoir satisfait à ses obligations en la matière ; que par ailleurs elle ne peut valablement soutenir que l'absence de toute demande d'heures supplémentaires de sa part prive le salarié de toute possibilité de réclamer le paiement des heures accomplies, alors même que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ;

Que toutefois elle remarque à juste titre que, ainsi qu'en dispose l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement pour se rendre du domicile du salarié au lieu de l'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif , alors même que M. [H] ne peut être considéré comme étant un salarié itinérant faute pour lui d'établir que, pendant les temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et le lieu d'exercice des missions, il devait se tenir à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ; qu'en effet soit il passait par le dépôt prendre le camion et dans cette hypothèse le temps de déplacement entre le dépôt et le lieu de la mission constitue du temps de travail effectif - à l'exclusion du temps de trajet entre son somicile et le dépôt, soit il se rendait sur le lieu de la mission directement de son domicile en train ou en avion et dans cette hypothèse il ne démontre pas qu'il était à la disposition de son employeur durant le trajet - sauf à tenir compte des dispositions de l'entreprise d'entreprise de janvier 2020 dont il a été fait état ci-dessus ;

Que par ailleurs, si le tableau que la société Bivouac Team Services a établi postérieurement à la relation contractuelle ne constitue pas un document permettant de comptabiliser le temps de travail au sens de l'article L. 3171-3 du code du travail, il est un élément à prendre en compte tout comme les pièces justificatives fournies à son appui ;

Qu'également la société est bien fondée à soutenir que la majoration des jours de travail supplémentaires pour les salariés soumis au forfait jours prévue conventionnellement n'a pas à s'appliquer en l'espèce puisque la convention de forfait jours est déclarée comme étant nulle ;

Attendu qu'au vu des éléments produits de part et d'autre la cour a la conviction au sens du texte précité que M. [H] a effectué des heures supplémentaires et qu'il lui est dû à ce titre la somme de 28 000 euros, outre celle de 2 800 euros de congés payés ;

- Sur la contrepartie obligatoire en repos :

Attendu que, s'agissant de la période antérieure au 10 août 2016, il résulte des articles L.3121-11 et L.3121-22 du code du travail dans leur rédaction applicable qu'en plus des majorations prévues en contrepartie des heures supplémentaires, les salariés ont droit à une contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ;

Que, selon l'article 18 IV de la loi 2008-789 du 20 août 2008 dont sont issus les deux textes susvisés, la contrepartie obligatoire en repos, qui remplace le repos compensateur obligatoire, due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent prévu aux deux derniers alinéas de l'article L. 3121-11 du code du travail est fixée à 50 % pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés ;

Que, s'agissant de la période postérieure au 10 août 2016, l'article L. 3121-30 dispose que : 'Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. / Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au delà de la durée légale. / Les heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur équivalent mentionné à l'article L. 3121-28 et celles accomplies dans les cas de travaux urgents énumérés à l'article L. 3132-4 ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires.' ;

Que l'article L. 3121-33 prévoit quant à lui que la contrepartie obligatoire ne peut être inférieure à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné audit article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés ;

Que le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi laquelle comporte le montant d'une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos auquel s'ajoute le montant de l'indemnité de congés payés afférent ;

Attendu qu'en l'espèce le contingent annuel fixé par la convention collective des hôtels, cafés, restaurants est de 360 heures par an ;

Attendu que, compte tenu du nombre d'heures supplémentaires accomplies annuellement par M. [H] en 2016 et 2017 au-delà du contingent de 360 heures par an sans que l'intéressé ne soit informé de son droit à contrepartie obligatoire en repos et ne prenne effectivement ce repos, il est dû au salarié la somme de 4 300 euros ; que pour 2018 le contingent n'a en revanche pas été dépassé et qu'aucune somme n'est donc due ;

- Sur le remboursement des jours de réduction du temps de travail :

- Sur la recevabilité :

Attendu qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1471-1 du code du travail : 'Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.' ;

Attendu qu'en l'espèce, la société Bivouac Team Services n'ayant eu connaissance de la demande de M. [H] tendant au paiement d'heures supplémentaires consécutivement sur la base de la nullité de la convention de forfait jours que le 17 septembre 2018 - date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation, sa réclamation tendant au remboursement des jours de RTT pour les années 2016 à 2018, présentée pour la première fois le 5 février 2020, n'est pas prescrite et est recevable ;

- Sur le fond :

Attendu qu'aux termes de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ;

Attendu qu'en l'espèce, la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis étant nulle, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention est devenu indu ; que la société Bivouac Team Services est dès lors bien fondée à réclamer, à titre reconventionnel, la condamnation de M. [H] au paiement de la somme de 5 782 euros exactement calculée au vu du nombre de jours de réduction du temps de travail dont a bénéficié M. [H] et de sa rémunération ;

- Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail : ' Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; / 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli (version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) [2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli (version postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) ] (...)' et qu'aux termes de l'article L. 8223-1 du même code : ' En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.' ;

Attendu que la volonté délibérée de la société Bivouac Team Services de dissimuler sur les bulletins de paie les heures réellement accomplies par le salarié n'est pas suffisamment caractérisée, la cour rappelant que le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite ; que la demande d'indemnité pour travail dissimulé est donc rejetée ;

- Sur le non-respect des durées maximales de travail et temps de repos :

Attendu qu'il appartient à l'employeur de démontrer le respect des durées maximales de travail et temps de repos ;

Attendu qu'en l'espèce une telle preuve n'est pas rapportée en l'absence de décompte fiable des horaires de travail du salarié ; que la cour retient dès lors que les dispositions légales et conventionnelles selon lesquelles la durées maximale journalière pour un cuisinier est de 11 heures, la durée maximale hebdomadaire sur une période quelconque de 12 semaines consécutives est de 46 heures et la durée maximale hebdomadaire absolue est de 48 heures et le temps de repos entre deux jours de travail est de 11 heures consécutives et 12 heures consécutives pour les jeunes de moins de 18 ans ont été méconnues ; qu'elle alloue à M. [H] deux sommes de 1 000 euros en réparation des préjudices subis à ces deux titres ;

- Sur la violation de l'obligation de sécurité :

Attendu que, selon l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction en vigeur, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ;

Attendu qu'en l'espèce M. [H] soutient que la société Bivouac Team Services n'a pas respecté les préconisations du médecin du travail entre le 18 mai 2015 - date sa reprise en mi-temps thérapeutique - et le 8 juin 2015 - date de son nouvel arrêt de travail ; qu'en application des règles susvisées, sa demande, introduite le 5 septembre 2018, est prescrite ; qu'elle est par voie de conséquence, non rejetée, mais déclarée irrecevable - la cour analysant la demande de débouter de cette réclamation telle que formulée au dispositif comme tendant tant à son rejet qu'à son irrecevabilité ;

- Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :

Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;

Attendu qu'en l'espèce, en s'abstenant de régler les heures supplémentaires, en privant le salarié de sa contrepartie obligatoire en repos et en méconnaissant mes règles afférentes aux durées maximales de travail et au temps de repos, la société Bivouac Team Services a gravement manqué à ses obligations; que ces manquements persistants empêchaient la poursuite du contrat de travail ; que la prise d'acte, en date du 31 juillet 2018, produit donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que les parties s'accordent à reconnaître que, compte tenu des périodes d'arrêt de travail pour maladie de M. [H], son ancienneté doit être fixée à 4 ans ;

Que sa rémunération mensuelle brute est quant à elle de 2 900 euros compte tenu des heures supplémentaires que la cour a retenu comme ayant été effectuées ;

Attendu que M. [H] a droit, en application de l'article 30 de la convention collective applicable, à une indemnité compensatrice de préavis de 5 800 euros, outre 580 euros de congés payés, correspondant à deux mois de salaire ainsi que, conformément à l'article R. 1234-1 du code du travail, à une indemnité de licenciement de 2 900 euros calculée comme suit (l'indemnité conventionnellement prévue étant moins avantageuse): 2 900 x 1/4 x 4 ;

Qu'il peut également prétendre, compte tenu de son ancienneté et de l'effectif de la société Bivouac Team Services - supérieur à 10 salariés, et en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité comprise entre 3 et 5 mois salaire ; qu'il justifie n'avoir déclaré que 22 321 euros de salaire pour l'année 2019 et 9193 euros poru l'année 2020 ; que son préjudice est évalué à la somme de 14 500 euros ;

Attendu qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail il y lieu d'ordonner le remboursement par la société Bivouac Team Services des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi à M. [H] postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois ;

- Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité d'allouer à M. [H] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel, les dispositions du jugement relatives aux frais exposés en remière instance étant quant à elles confirmées ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déclare recevable la demande reconventionnelle de la société Bivouac Team Services tendant au remboursement des jours de réduction du temps de travail,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [F] [H] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

- condamné M. [F] [H] à rembourser à la société Bivouac Team Services la somme de 5 782 euros au titre des jours de réduction du temps de travail,

- condamné la société Bivouac Team Services à payer à M. [F] [H] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Bivouac Team Services aux dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

Condamne la société Bivouac Team Services à payer à M. [F] [H] les sommes de :

- 28 000 euros, outre 2 800 euros de congés payés, à titre de rappel de salaire pour les années 2016 à 2018,

- 4 300 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour les années 2016 et 2017,

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail,

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit à repos,

- 5 800 euros, outre 580 euros de congés payés, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 900 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 14 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

Ordonne le remboursement par la société Bivouac Team Services des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi à M. [F] [H] postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois,

Condamne la société Bivouac Team Services aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 20/07080
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;20.07080 ?
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