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26/04/2024 | FRANCE | N°18/00144

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 26 avril 2024, 18/00144


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 18/00144 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LOP3





[H]



C/

SASU GSF MERCURE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 21 Décembre 2017

RG : F 14/00060











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 26 AVRIL 2024







APPELANTE :



[V] [H]

née le 17 Novembre 1961 à [

Localité 5] (ALGERIE) (69427)

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Pascale DRAI-ATTAL, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Société GSF MERCURE

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Florence CALLIES de la SELARL BERARD - CALLIES ET A...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 18/00144 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LOP3

[H]

C/

SASU GSF MERCURE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 21 Décembre 2017

RG : F 14/00060

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 26 AVRIL 2024

APPELANTE :

[V] [H]

née le 17 Novembre 1961 à [Localité 5] (ALGERIE) (69427)

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Pascale DRAI-ATTAL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société GSF MERCURE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Florence CALLIES de la SELARL BERARD - CALLIES ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Février 2024

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, Présidente

- Catherine CHANEZ, Conseillère

- Régis DEVAUX, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

La société GSF Mercure (ci-après, la société) fait de la prestation de services dans le nettoyage industriel.

Elle applique la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés et employait au moins 11 salariés lors du licenciement.

Mme [V] [H] a été embauchée par la société à compter du 9 décembre 2011 en qualité d'agent de service dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à terme imprécis, au motif du remplacement d'un salarié absent, à raison de 136,50 heures mensuelles.

Par avenant du 2 janvier 2013, Mme [H] est passée à temps plein et a été affectée sur divers chantiers à [Localité 3].

Le 20 juin 2013, Mme [H] a été victime d'un accident. Elle a été placée en arrêt de travail du 22 juin au 24 juillet 2013. Par courrier du 3 septembre 2013, la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

Mme [H] a déclaré un accident du travail survenu le 6 novembre 2013. Par courrier du 9 janvier 2014, la CPAM a informé l'employeur de son refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle.

Par requête reçue au greffe le 8 janvier 2014, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et de le voir condamné à ce titre au paiement de diverses sommes.

Lors de la seconde visite de reprise du 23 janvier 2014, le médecin du travail a déclaré Mme [H] inapte à tout poste dans l'entreprise.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 avril 2014, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 22 avril 2014.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 6 mai 2014, la société lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement en ces termes :

« (') Cette décision repose sur les motifs suivants :

Suite aux avis qui ont été rendus par le médecin du travail dans le cadre de vos deux visites de reprise les 810112014 et 2310112014 indiquant que vous étiez :

- 08/11/2014 « Inapte temporaire jusqu'au 2310112014. Cette inaptitude est déclarée dans le cadre de l'article R4624-31 du Code du travail »

- 23/01/2014 « Inapte à tout poste dans l'entreprise ».

Compte tenu de ces conclusions, suite à votre inaptitude à votre poste de travail actuel, nous avons conformément à notre obligation de reclassement effectué des recherches et vous avons adressé un questionnaire de reclassement. Vous n'avez pas souhaité répondre au questionnaire de reclassement.

Nous avons, quand même, poursuivi notre recherche de postes de reclassement. Nous vous avons proposé ainsi un poste de travail le 19 mars 2014, après en avoir avisé et informé nos délégués du personnel au cours de la réunion du 18 mars 2014.

Puis par un courrier du 02 Avril 2014, nous vous avons proposé un second poste de reclassement.

Ces postes de travail étaient en stricte conformité avec vos aptitudes résiduelles telles qu'elles nous ont été indiquées par le médecin du travail que nous avions interrogé expressément.

En effet, ces postes de travail présentaient les caractéristiques suivantes :

Vider des corbeilles à papier et les poubelles (1heure /jour)

Dépoussiérer des meubles (1heure/jour)

Essuyer des bureaux (1heure par jour)

Travail nécessitant des déplacements à pieds (4heures/jour)

Monter ou descendre des escaliers (1heure/jour)

Effectuer des mouvements de flexions du buste (1heure/jour)

Station assise ou debout de manière prolongée (4heures/jours)

Par courrier en date des 23 Mars 2014 (reçu le 28/04/2014) et 07 Avril 2014 (reçu le 08/04/2014),vous nous avez indiqué refuser les postes proposés pour des motifs que nous considérons discutables.

Aussi, dans vos courriers de réponse à ces propositions vous souligniez être victime de pression et d'harcèlement à votre égard.

Comme nous vous l'avions précisé dans nos courriers précédents, nous contestons formellement être responsable de quelconque pression ou harcèlement à votre égard et nous considérons qu'il s'agit d'allégations mensongères portées à notre encontre.

En résumé :

- vous avez été déclarée inapte à votre poste par le médecin du travail avec des aptitudes résiduelles ;

- compte tenu de cet avis médical nous avons recherché des postes de reclassement et vous avons proposé deux postes ;

- chaque poste de reclassement proposé respectait strictement les prescriptions du médecin du travail ;

- chaque poste de reclassement proposé n'emportait aucune modification de votre contrat de travail ;

- les délégués du personnel qui ont été consultés à ce sujet considèrent qu'il n'y a aucune modification de votre contrat de travail et que les prestations ont été changées et allégées.

Nous considérons donc que vous avez refusé catégoriquement et définitivement les postes de reclassement proposés suite à votre inaptitude déclarée.

Nous vous indiquons que malgré une recherche sur l'ensemble du Groupe GSF nous ne disposons pas d'autres postes de travail respectant les restrictions médicales indiquées par le médecin.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et compte tenu de votre refus d'acceptation des postes de reclassement proposés, nous sommes dans l'impossibilité de procéder à votre reclassement.

En conséquence, et comme précédemment indiqué nous vous notifions par la présente votre licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. (') »

Par jugement du 21 décembre 2017, le conseil des prud'hommes de Lyon a débouté Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [H] aux dépens.

Par déclaration du 9 janvier 2018, Mme [H] a interjeté appel de cette décision en critiquant l'intégralité des chefs du jugement déféré.

Par arrêt du 29 janvier 2021, la cour a notamment :

- infirmé le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Statuant à nouveau,

- condamné la société à payer à Mme [H] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, assortis d'intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

- ordonné la réouverture des débats ;

- invité les parties à faire valoir leurs observations sur les conséquences du moyen relevé d'office par la cour tiré de l'application des dispositions des articles L. 1243-1 et suivants du code du travail ;

- réservé l'examen du surplus des demandes.

Par arrêt du 12 janvier 2024, la cour, constatant que Mme [H] n'avait pas conclu sur la nature du contrat de travail, a notamment sursis à statuer sur les demandes, prononcé la révocation de l'ordonnance de clôture, ordonné la réouverture des débats et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 21 février 2024.

Par ses dernières conclusions déposées le 8 février 2024, Mme [H] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

A titre principal, condamner la société à lui payer la somme de 19 547,88 euros au titre de la rupture anticipée de son contrat de travail ;

A titre subsidiaire, condamner la société à lui payer la somme de 19 547,88 euros au titre du non-respect de l'obligation de reclassement ;

En tout état de cause,

Condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société aux dépens.

Par ses conclusions déposées le 11 juin 2021, la société demande à la cour de :

A titre principal, rejeter les demandes de Mme [H] et subsidiairement les limiter en leur quantum ;

En tout état de cause,

- condamner Mme [H] à lui régler la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [H] aux dépens de première instance et d'appel.

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 13 février 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1-Sur la nature du contrat de travail liant les parties

En application de l'article L.1242-7 du code du travail, le contrat à durée déterminée peut être conclu sans terme précis notamment pour remplacer un salarié absent de son poste ou dont le contrat est suspendu même si la durée de l'absence est connue précisément.

Il a pour terme la fin de l'absence du salarié remplacé, dont la cessation définitive du contrat entraîne de plein droit celle du contrat de travail à durée déterminée de remplacement, dès lors privé d'objet, sans que l'employeur ne soit tenu de procéder à une notification formelle.

En l'espèce, Mme [H] avait été recrutée sous contrat de travail à durée déterminée à terme imprécis pour remplacer Mme [E], laquelle a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude le 11 mai 2012.

A compter de cette date, la relation de travail s'étant poursuivie alors que le contrat de travail à durée déterminée était arrivé à son terme du fait du licenciement de la salariée remplacée, les parties se sont trouvées liées par un contrat de travail à durée indéterminée, et ce même si la salariée n'en a pas été avisée par l'employeur.

2-Sur la rupture du contrat de travail

La cour relève que Mme [H] ne demande plus la résiliation judiciaire du contrat de travail.

2-1-Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée

Les parties étant, au moment du licenciement, liées par un contrat de travail à durée indéterminée, la demande de dommages et intérêts fondée sur les articles L.1243-1 et L.1243-4 du code du travail ne saurait être accueillie favorablement, ces dispositions n'ayant vocation à s'appliquer qu'en matière de rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée.

2-2-Sur l'obligation de reclassement

A titre subsidiaire, Mme [H] entend se fonder sur l'article L.1226-2 du code du travail pour solliciter des dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de reclassement. Il convient d'analyser cette demande comme tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif du non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement.

Cet article disposait, dans sa version applicable à l'espèce :

« Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. » 

L'avis du médecin du travail concluant à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement.

Il incombe à ce dernier de justifier des recherches de reclassement qu'il a effectuées et de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de reclasser le salarié.

Les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment doivent s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

La recherche de reclassement doit être mise en 'uvre de façon loyale et personnalisée.

En l'espèce, même si elle verse aux débats plusieurs courriels habiles à démontrer qu'elle a effectué des recherches afin de reclasser Mme [H], la société ne rapporte pas la preuve que celles-ci ont été exhaustives et qu'elle a consulté l'ensemble des sociétés du groupe dont elle fait partie.

Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse et Mme [H] a droit à des dommages et intérêts.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'article L.1226-15 du code du travail n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, l'inaptitude ne faisant pas suite à une maladie professionnelle ou à un accident du travail.

En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (52 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture (2 ans), des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de condamner la société à lui verser la somme de 6 000 euros à ce titre, en vertu de l'article L 1235-5 du code du travail dans sa version alors applicable.

3-Sur le remboursement des allocations chômage

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du même code qui l'imposent et sont donc dans le débat, d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de six mois d'indemnités.

4-Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de la société.

L'équité commande de la condamner à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et l'instance d'appel

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après réouverture des débats ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [V] [H] aux dépens et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Constate que Mme [V] [H] ne sollicite plus ni la résiliation judiciaire du contrat de travail, ni la condamnation de la société GSF Mercure à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement nul et une indemnité compensatrice de préavis ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société GSF Mercure à verser à Mme [V] [H] la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à la société GSF Mercure de rembourser le cas échéant à France Travail les indemnités de chômage versées à Mme [V] [H], dans la limite de six mois d'indemnités ;

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société GSF Mercure ;

Condamne la société GSF Mercure à payer à Mme [V] [H] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et la procédure d'appel .

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 18/00144
Date de la décision : 26/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-26;18.00144 ?
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