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25/04/2024 | FRANCE | N°24/00265

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 avril 2024, 24/00265


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 24/00265 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PM3N





[G]



C/



S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 6]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 14 Septembre 2021

RG : F 20/00171











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024



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APPELANTE :



[U] [G]

née le 13 Février 1979 à [Localité 4] (69)

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Catherine GAROUX de la SELARL C & G LAW STOULS & SULLY AVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉES :



S.E.L.A.R.L. MJ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 24/00265 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PM3N

[G]

C/

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 6]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 14 Septembre 2021

RG : F 20/00171

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

APPELANTE :

[U] [G]

née le 13 Février 1979 à [Localité 4] (69)

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Catherine GAROUX de la SELARL C & G LAW STOULS & SULLY AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Mélodie MORICONI, avocat au barreau de LYON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 6] représentée par sa Directrice nationale, Madame [W] [R],

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée par Me Pascal FOREST de la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST, avocat au barreau d'AIN

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Janvier 2024

Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Françoise CARRIER, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nabila BOUCHENTOUF, conseillère pour Etienne RIGAL, Président empêché et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 mars 2017, la société Hands Up spécialisée dans la conception, la réalisation et la vente de prothèses et implants dédiés au pouce, a été créée. Mme [U] [G] en est une des actionnaires.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er mars 2017, Madame [U] [G] a occupé au sein de cette société, les fonctions de « VP Recherches et Développement », statut cadre, position 3B indice 180 de la classification de la convention collective de la métallurgie ingénieurs et cadres.

Le 10 avril 2019, La société Hands Up faisait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire.

Aux termes de cette décision, la Selarl MJ Synergie était désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Par lettre recommandée du 24 avril 2019, Maître [E] en sa qualité de liquidateur notifiait à Mme [G] son licenciement pour motif économique '' Sous réserve de la réalité de votre contrat de travail et de l'appréciation souveraine des tribunaux''.

Le 13 mai 2019, Maître [E] informait par écrit Mme [G] que la délégation UNEDIC AGS avait rejeté sa qualité de salarié.

Par acte du 4 août 2020, Madame [G] a saisi le Conseil de prud'hommes de Bourg en Bresse des demandes suivantes :

- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Hands Up :

' Salaire du 1er au 25 avril 2019 : 5 277,77 € brut,

' Indemnité compensatrice de préavis : 18 999 € brut,

' Congés payés afférents : 1 899,99 € brut,

' Indemnité compensatrice de congés payés (33 jours ouvrés) : 7 857,92 €,

' Indemnité de licenciement : 3 799,00 €

' Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 38 000 €

- Ordonner à la société MJ Synergie, ès qualité de liquidateur de la société Hands Up, de

remettre sous astreinte de 200 € par jour de retard les documents suivants :

' Bulletin de paie avril 2019,

' Certificat de travail,

' Attestation Pôle emploi,

' Solde de tout compte.

- Condamner solidairement la société MJ Synergie et l'Unedic Délégation AGS-CGEA, à lui verser la somme de 30 873 € à titre de dommages et intérêts pour non-transmission des documents afférents à la rupture et notamment de l'attestation Pôle Emploi,

- Ordonner l'exécution de la décision à intervenir,

- Condamner solidairement la défenderesse à lui verser la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 14 septembre 2021, le Conseil de prud'hommes de Bourg en Bresse a

- constaté l'absence de lien de subordination entre Madame [G] et la société Hands Up ;

En conséquence :

- rejeté l'intégralité des demandes de Madame [G],

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 13 octobre 2021, Madame [G] a interjeté appel de cette décision

Par jugement en date du 8 décembre 2021, le Tribunal de commerce de Bourg en Bresse a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la Société Hands Up.

A cette occasion, la Selarl MJ Synergie a été désignée ès qualités de mandataire avec entre autres missions, de poursuivre les instances en cours.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2024, Mme [G] demande à la cour de :

- REFORMER le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- constaté l'absence de lien de subordination entre Madame [G] et la société Hands Up.

En conséquence :

- rejeté l'intégralité de ses demandes.

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

- JUGER qu'elle est recevable et bien fondée en son appel et ses demandes.

- JUGER qu'elle était titulaire d'un contrat de travail a durée indéterminée écrit conclu avec la Société Hands Up.

Et statuant à nouveau

- FIXER les créances à son bénéfice, au passif de la Société Hands Up, lesquelles seront garanties par les AGS-CGEA, comme suit :

- Salaire du 1er au 25 avril 2019 : 5 277,77 euros bruts

- Indemnité compensatrice de préavis : 18 999,00 euros bruts

- Congés payés afférents : 1 899,99 euros bruts

- Indemnité compensatrice de congés payés : (26 jours ouvrables) : 7 587,92 euros bruts

- indemnité de licenciement : 3 799,00 euros

- Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 38 000,00 euros

- CONDAMNER la Société MJ Synergie, es qualité de mandataire de la Société Hands Up à lui remettre les documents suivants :

- attestation Pôle Emploi,

- bulletin de paye d'avril 2019 et solde de tout compte intégrant I'indemnité compensatrice de préavis, I'indemnité compensatrice de congés payés et I'indemnité de licenciement,

- certificat de travail,

conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision.

- CONDAMNER solidairement la Société MJ Synergie ès-qualité et l'UNEDlC Délégation AGS-CGEA à lui verser la somme de 30 873 euros à titre de dommages et intérêts pour non-transmission des documents afférents à la rupture, et notamment de l'attestation Pôle Emploi et fixer cette somme au passif de la liquidation de la Société Hands Up,

- CONDAMNER la Société MJ Synergie, es qualité de mandataire de la Société Hands Up à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour d'appel.

- CONDAMNER la Société MJ Synergie, ès-qualité aux entiers dépens de I'instance et de ses suites,

- DÉCLARER I'arrêt commun et opposable a la Société MJ Synergie, ès-qualité,

- DÉCLARER I'arrêt commun et opposable a I'AGS-CGEA,

- ORDONNER la garantie de toutes les condamnations par I'AGS

- ORDONNER à la Société MJ Synergie, ès-qualité, d'établir les relevés de créances correspondant aux condamnations, de recouvrer et encaisser les fonds de I'AGS, de reverser les fonds correspondants aux créances fixées à Madame [U] [G] ainsi qu'aux caisses sociales pour les cotisations afférentes, d'établir et lui remettre tout document afférent aux condamnations.

- SE RÉSERVER la liquidation de toute astreinte prononcée.

Par conclusions notifiées le 15 novembre 2023, la Selarl MJ Synergie demande à la cour de :

In limine litis :

- JUGER recevable l'intervention volontaire de la Société MJ Synergie, ès qualités de Mandataire de la Société HANDS UP, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de BOURG EN BRESSE du 8 décembre 2021.

A titre principal :

- CONFIRMER le jugement rendu en ce qu'il a jugé :

- constate l'absence de lien de subordination entre Mme [G] et la Société Hands Up ;

En conséquence :

- rejette l'intégralité des demandes de Mme [G] ;

- INFIRMER le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause :

- CONSTATER l'absence de lien de subordination entre Mme [G] et la société Hands Up ;

- REJETER l'intégralité des demandes de Mme [G] ;

- CONDAMNER Mme [G] à payer à la société MJ Synergie la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais exposés pour la première instance et 4 000 euros au titre de l'article 700 du même code s'agissant des frais exposés devant la Cour.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour devait entrer en voie de condamnation :

- JUGER que seule une fixation de créance peut intervenir à l'encontre de la société Hands Up placée en liquidation judiciaire ;

- JUGER que la décision à intervenir est opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 6] ;

- REJETER le montant des dommages-intérêts réclamés par Mme [G].

A titre infiniment subsidiaire :

- JUGER que seule une fixation de créance peut intervenir à l'encontre de la société Hands Up placée en liquidation judiciaire ;

- JUGER que la décision à intervenir est opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 6] ;

- DIMINUER FORTEMENT le montant des dommages-intérêts réclamés par Mme [G].

Par conclusions d'intervention volontaire notifiées électroniquement le 28 février 2022, l'Unedic Délégation AGS CGEA d'[Localité 6], demande à la cour de :

- CONFIRMER le jugement,

- DIRE ET JUGER qu'en l'absence de lien de subordination, Mme [G] ne saurait par voie de conséquence, solliciter sa garantie telle que définie par les articles L 3253-6 et L 3253-8 du code du travail,

- DÉBOUTER par voie de conséquence, Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- LA METTRE hors de cause,

A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la juridiction statuerait différemment,

- DIRE ET JUGER que la décision à intervenir serait uniquement opposable à l'AGS CGEA d'[Localité 6] dans ses limites de plafond et de garanties telles que définies par les articles L 3253-6 et L 3253-8 et suivants du code du travail,

En tout état de cause et dans l'hypothèse où la qualité de salariée serait retenue,

- DIRE ET JUGER que sa garantie ne pourrait intervenir que dans le cadre juridique tel que défini par les articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,

- DIRE ET JUGER qu'en tout état de cause, aucune condamnation n'est possible contre l'AGS

dans le cadre de l'article L 625-1 du code de commerce,

- DÉBOUTER Mme [G] de sa demande indemnitaire formée au titre du travail dissimulé comme n'étant pas fondée, ni dans son principe, ni dans son quantum, au même titre que la demande indemnitaire qu'elle forme pour non-transmission des documents afférents à la rupture,

- DIRE ET JUGER que les demandes formées par Mme [G] au titre des dépens, de la production de pièces et des astreintes lui sont absolument inopposables, comme n'entrant pas dans son champ de garantie tel que défini par les articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du Code du Travail.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour observe à titre préliminaire que compte-tenu de la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation, la Selarl MJ Synergie représentée par Maître [E], intervient volontairement à la procédure ès qualités de mandataire de la société Hands Up.

SUR LA QUALITÉ DE SALARIÉE DE MME [G]

Mme [G] poursuit l'infirmation du jugement, soutenant que le Conseil des prud'hommes a renversé la charge de la preuve en présence d'un contrat de travail apparent. Elle soutient avoir été engagée par la société Hands Up à compter du 1er mars 2017 en qualité de responsable recherches et développement pour un salaire annuel brut de 75 996 euros (6 333 euros/mois) et qu'un licenciement économique lui a été notifié le 24 avril 2019.

Elle souligne qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui le conteste d'en rapporter la preuve, laquelle s'apprécie à la date du licenciement.

A l'appui de ses allégations, elle produit :

- un contrat de travail à durée indéterminée signé le 27 avril 2018 prenant effet le 1er mars 2017, par lequel la société Hands Up représentée par son président M. [P] l'a embauchée en qualité de 'VP Recherches et Développement',

- des bulletins de salaire émis par la société Hands Up au profit de Mme [G] pour les mois de mars 2017 à mars 2019, ces bulletins mentionnant une embauche à compter du 1er mars 2017 en qualité de 'VP Recherche et Dvpmt',

- un organigramme (non daté) de la société la faisant apparaître en qualité de 'VP, R&D', au même plan que M. [B] désigné 'VP, Ventes & Marketing', sous l'autorité de M. [P], Président,

- une fiche de poste de la fonction 'responsable R&D',

- une convocation à une visite médicale initiale du 6 juillet 2017, attestant de son affiliation auprès de la médecine du travail,

- un courrier du 10 avril 2019 par lequel le liquidateur judiciaire de la société l'a convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement pour motif économique, et le courrier du 24 avril 2019 du même liquidateur judiciaire lui notifiant son licenciement pour motif économique.

Il résulte de ces éléments et particulièrement d'un contrat de travail écrit et de fiches de paie délivrées par la société, l'existence d'un contrat de travail apparent à durée indéterminée entre la société Hands Up et Mme [G], ce contrat prenant effet le 1er mars 2017 et s'achevant à la date du licenciement économique.

En présence d'un contrat de travail apparent, comme en l'espèce, il appartient à celui qui en conteste l'existence de démontrer son caractère fictif. (Soc. 16 novembre 2022, n° 21-13.48).

La cour rappelle également que la qualité d'associé minoritaire au sein de l'entreprise ne vaut pas présomption de gérance et n'est pas en soi incompatible avec le statut de salarié.

Il appartient donc ici, à l'AGS, contrairement à ce qu'elle soutient, et au mandataire de la société de justifier du caractère fictif de ce contrat de travail.

la société MJ Synergie et l'AGS considèrent que Mme [G] agissait en réalité comme un dirigeant de la société, cette gestion de fait étant exclusive de tout lien de subordination, et font valoir essentiellement :

- que selon l'organigramme de la société, elle faisait ainsi partie de la direction constituée avec MM. [B] et [P], lesquels détenaient à eux trois 90 % du capital ; que le président, M. [P] était soumis aux décisions du conseil de direction dont Mme [G] faisait partie;

- que Mme [G] disposait d'une procuration sur les comptes bancaires de la société et disposait d'une des rémunérations les plus élevées de la société ;

- que le Conseil des prud'hommes saisi de la reconnaissance de la qualité de salarié de M. [B], a débouté ce dernier de toutes ses demandes.

Il résulte du pacte d'associés de la société Hands Up que celle-ci a été créée par trois associés majoritaires, à savoir [J] [P], [U] [G] et [F] [B] et deux associés minoritaires, [D] [N] et [Z] [S]. Le capital social était composé de 5 000 actions, les associés majoritaires étant titulaires de 1 500 actions chacun (soit 30 % du capital), et les associés minoritaires détenant 250 actions chacun (soit 5 % du capital). M. [P] y est désigné président de la société, assurant la gestion courante. Le pacte prévoit également que la signature de Mme [G] est nécessaire pour toute commande dont le montant unitaire est supérieur à 10 Keuros.

Il est également prévu un conseil de direction composé des trois associés majoritaires, réuni au moins une fois par mois dont l'avis préalable est nécessaire notamment pour la modification des budgets, le recrutement ou le licenciement d'un salarié, l'engagement de dépense, la modification de la rémunération de l'un des associés fondateurs.

L'AGS a motivé son refus de reconnaître la qualité de salariée à Mme [G] (mais aussi à M. [B]) notamment par la détention entre les trois associés majoritaires de 60 % du capital social, d'une procuration bancaire générale et par la fixation à leur profit de rémunérations importantes dès la création de l'entreprise.

La cour rappelle toutefois, que cette situation d'actionnariat majoritaire a cessé lors de la cession d'actions réalisée le 30 janvier 2018, au profit de la société de droit italien BP Investments, les trois associés détenant alors 11,87 % du capital social de Hands Up.

Il est constant que Mme [G] ne disposait d'aucun mandat social au sein de la société.

Le contrat de travail litigieux fait état des missions principales suivantes pour ses fonctions de 'VP Recherches et Développement' :

- manager le service R&D (budget, ressources),

- piloter le processus conception et développement,

- planifier et piloter en tant que chef de projet les projets de conception et développement en conformité avec la réglementation et le système de management de la qualité jusqu'à la validation du projet,

- assurer la veille technologique,

- piloter la gestion et l'analyse de risque (conception et développement),

- assurer le support technique aux autres services (informations, expertise).

Le contrat prévoit également que la salariée devra 'régulièrement rendre compte de la réalisation de sa mission, [au président de la société ou à] toute personne qui lui se serait substituée, et devra tenir informée la société des échanges écrits et oraux intervenus avec les clients et partenaires de cette dernière'.

Le contrat comporte bien d'une part l'énoncé d'un principe de subordination du salarié au président de la société et, d'autre part, la définition de ces missions, lesquelles ont par ailleurs, été complétées d'une fiche descriptive de poste.

Par ailleurs, l'appelante verse aux débats, un tableau synthétique et récapitulatif de l'ensemble de ses activités et du temps consacré pour chacune (exprimé en jours) pour l'année 2018.

Il n'est au demeurant, ni justifié ni même prétendu que Mme [G] n'aurait pas exercé de façon effective les tâches précédemment décrites au sein de la société Hands Up depuis sa création et en tout cas jusqu'à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

Pour appuyer leur démonstration de la gérance de fait de Mme [G], les intimées insistent sur le rôle par elle joué lors de la création de l'entreprise. Il est ainsi produit des pièces relatives à une demande d'aide à la création d'entreprise au nom de Mme [G] (pièce 10), l'octroi d'un prêt d'honneur à la société (pièce 8), sa consultation pour la création du logo ou du storytelling de l'entreprise (pièces 13,14 et 17) ; pour autant, il ressort suffisamment des pièces produites par les parties, que du fait de son expérience et de son expertise et de celles de M. [B], Mme [G] a souhaité initier avec d'anciens collègues de travail, un projet dans le domaine de l'orthopédie, forts de la création d'une prothèse de pouce qu'ils ont fait breveter.

La Selarl MJ Synergie verse aux débats les comptes-rendus des réunions du comité de direction des 23 janvier et 24 février 2017, soit antérieurement à l'immatriculation de la société (au 2 mars 2017), et à la prise d'effet de la relation salariée, au cours desquelles les 3 futurs associés majoritaires ont élaboré les modalités de la création d'entreprise (démarches pour le dépôt du brevet, calendrier de la constitution de la société, élaboration des règles du pacte d'associés et dispositions relatives aux salaires des 5 associés), ses interventions relevant dans ce cadre, de sa seule qualité d'associé sans aucun lien avec l'activité salariée.

S'il est également produit des courriels (pièces intimée 18 et 19) échangés entre les associés en février 2019, ils traduisent la participation active de Mme [G] toujours en sa qualité d'associée, pour la recherche de nouveaux financements

Les intimées se prévalent également des dispositions du pacte d'associé -étant observé qu'elles ne produisent pas les statuts de la société- qui prévoient que le conseil de direction dont Mme [G] est membre, avec les deux autres associés majoritaires, assure la gouvernance de la société, ses compétences portant notamment sur la gestion des ressources humaines, la prise de participation et les orientations stratégiques de la société.

Pour autant, il n'est pas rapporté la preuve que Mme [G] exerçait un pouvoir décisionnaire concernant les domaines engageant particulièrement la société vis à vis des tiers tels que le recrutement de salariés.

De surcroît, la cession d'actions intervenue le 31 janvier 2018 a eu pour effet de remettre en cause les termes mêmes du pacte d'associés initialement conclu par les 5 associés fondateurs.

Il n'est pas démenti que Mme [G] disposait d'une procuration sur tous les comptes bancaires de l'entreprise, cette situation n'étant pas incompatible en elle-même avec l'existence d'un contrat de travail puisqu'elle résulte de sa qualité d'associé, étant d'ailleurs observé qu'il n'est pas démontré que Mme [G] ait effectivement engagé par cette procuration, la société autrement qu'à travers l'exercice quotidien de ces fonctions qui selon sa fiche de poste, portaient aussi sur la 'participation à l'achat et à l'entretien des équipements et des locaux', sa participation à l'attribution du budget (pièce 40 de la salariée). La cour observe par ailleurs, que Mme [G] ne bénéficiait pas d'une délégation de signature ou de pouvoir.

De son côté, Mme [G] produit l'attestation de M. [N] qui soutient que sa collègue et coassociée devait au quotidien 'reporter au président ses activités au travers de réunions hebdomadaires ou entretiens annuels, ou faire valider ses notes de frais, devis et demandes de congés'.

Elle verse également aux débats les contrats signés avec les tiers, et portant la signature de M. [P], seul, en sa qualité de président de la société Hands Up (pièce 24), ainsi que différents engagements pris par cette société (institution d'une mutuelle complémentaire, mise en oeuvre d'un système de management de la qualité, certification de produits et enregistrement auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament) auprès des tiers, par la signature de M. [P].

Contrairement à ce qu'allèguent les intimées, la qualité de dirigeant de fait de Mme [G] n'est absolument pas démontrée, et par voie de conséquence, la Selarl MJ Synergie prise en la personne de Me [E] et l'UNEDIC délégation AGS-CGEA ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail fictif.

Il y a donc lieu de dire, par voie d'infirmation du jugement, que Mme [G] était liée par un contrat de travail à la société Hands Up.

SUR LES DEMANDES PÉCUNIAIRES SUBSÉQUENTES

Dès lors que la qualité de salarié lui est reconnue, Mme [G] est fondée à formuler des demandes pécuniaires au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

* sur le rappel de salaire d'avril 2019

Mme [G] sollicite un rappel de salaire sur la période du 1er au 25 avril 2019.

Eu égard au montant du salaire de référence (6 333 euros), de la date du licenciement (24 avril 2019) et de l'absence de toute observation formulée de ce chef par les intimées, la cour retient que Mme [G] est bien fondée en sa demande limitée à la somme de 5 066,40 euros, outre 506,64 euros au titre des congés payés afférents.

* sur l'indemnité compensatrice de préavis

Conformément aux dispositions de la convention collective applicable, l'appelante est également fondée à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire, soit la somme de 18 999 euros, outre l'indemnité de congés payés afférente d'un montant de 1 899,90 euros.

* sur l'indemnité de licenciement

Selon l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, ''Il est alloué à l'ingénieur ou cadre, licencié sans avoir commis une faute grave, une indemnité de licenciement distincte du préavis. Le taux de cette indemnité de licenciement est fixé comme suit, en fonction de la durée de l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise : pour la tranche de 1 à 7 ans d'ancienneté : 1/5 de mois par année d'ancienneté (...)'.

Il précise également que 'Pour le calcul de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté et, le cas échéant, les conditions d'âge de l'ingénieur ou cadre sont appréciées à la date de fin du préavis, exécuté ou non. Toutefois, la première année d'ancienneté, qui ouvre le droit à l'indemnité de licenciement, est appréciée à la date d'envoi de la lettre de notification du licenciement.'

Il s'ensuit qu'à la date de prise d'effet de la rupture, Mme [G] bénéficiait d'une ancienneté de 2 ans et 4 mois, et peut en conséquence prétendre à une somme de 2 955,40 euros ((6 333 X 1/5 X2) + (6 333 X 1/5 X 4/12)).

* sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Aux termes de l'article L.3141-28 du code du travail, lorsque le contrat de travail est résilié avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il doit recevoir, pour la fraction de congé qu'il n'a pas pu prendre, une indemnité compensatrice.

Il résulte des pièces versées aux débats, et notamment du bulletin de salaire de mars 2019, que Madame [G] bénéficiait de 23,83 jours de congés acquis et non pris (3 sur N-1 et 20,83 sur N) au 31 mars 2019. Sa créance à ce titre sera fixée à la somme de 5 804,43 euros ( 6 333 *20,83/26).

Ce faisant, il n'y a pas lieu ici d'ajouter les congés payés sur le rappel de salaire d'avril 2019 et la période de préavis, dès lors que les rappels afférents ont été accordés dans les développements précédents.

SUR LE TRAVAIL DISSIMULE

Mme [G] fait valoir que la liquidation s'est soustraite intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie pour la rémunération du mois d'avril 2019, du préavis et au versement de l'indemnité de congés payés, tout comme elle s'est soustraite intentionnellement à ses obligations de déclarations auprès des organismes de recouvrement et de l'administration fiscale, ce comportement étant constitutif d'un travail dissimulé justifiant l'octroi de l'indemnité forfaitaire de 6 mois.

Toutefois, ainsi que l'indique à juste titre le mandataire judiciaire de la société Hands Up, le défaut de règlement du salaire d'avril 2019 et des indemnités subséquentes au licenciement résulte uniquement de la contestation élevée quant à l'existence du statut de salarié de Mme [G], laquelle ne saurait caractériser une intention de dissimulation d'un travail.

Faute pour Mme [G] de démontrer autrement la dissimulation de travail et a fortiori son caractère intentionnel, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande d'indemnité forfaitaire.

SUR L'INDEMNISATION DU DÉFAUT DE REMISE DES DOCUMENTS AFFÉRENTS A LA RUPTURE

La salariée prétend qu'elle n'a pas bénéficié du bulletin de salaire d'avril 2018, ni de l'attestation Pôle emploi, ni ne s'est vu remettre de certificat de travail et qu'elle n'a pas reçu de prestation chômage jusqu'en juin 2019, date à laquelle elle a repris une activité salariée de sorte qu'elle a subi un préjudice. Elle réclame ainsi une indemnisation correspondant à ses droits résultant du contrat de sécurisation professionnelle.

La Selarl MJ Synergie, ès-qualité, objecte que Mme [G] ne rapporte pas la preuve de son préjudice, et qu'en tout état de cause, elle a retrouvé un emploi dès le mois de mai 2019, ce qui justifie de réduire fortement le quantum sollicité.

L'article R. 1234-9 du code du travail dispose que l'employeur est tenu de délivrer au salarié, au moment de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations d'assurance chômage et transmettre sans délai ces mêmes attestations à pôle emploi.

Il est de jurisprudence constante que le défaut de remise ou la remise tardive de bulletins de paie ou du certificat de travail ne cause pas nécessairement un préjudice dont l'existence doit être prouvée par le salarié.

Or, ici, Mme [G] n'apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité du préjudice allégué et doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

En revanche, le liquidateur ès qualités, devra remettre à l'appelante une attestation pour Pôle Emploi ainsi qu'un solde de tout compte conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte. Cette dernière demande est rejetée.

SUR LA GARANTIE DE L'AGS

L'AGS-CGEA d'[Localité 6] étant partie à la procédure, la demande de Mme [G] et de la Selarl MJ Synergie ès-qualité, visant à ce que l'arrêt à intervenir lui soit déclaré commun et opposable est sans objet et sera donc rejetée.

La cour rappelle en outre, qu'elle devra sa garantie dont les limites sont déterminées par la loi et notamment les articles L. 3253-8 à L. 3253-13, L. 3253-17, R. 3253-5 et L. 3253-19 à L. 3253-23 du code du travail.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Les dispositions du jugement de première instance relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont infirmées.

La Selarl MJ Synergie, ès-qualité, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bourg en Bresse en date du 8 décembre 2021,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que Mme [G] a eu la qualité de salarié au sein de la société Hands Up,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Hands Up les créances suivantes de Mme [G] :

- 5 066,40 euros à titre de rappel de salaire du mois d'avril 2019,

- 18 999 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 899,90 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 955,40 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 5 804,43 euros à titre de rappel de congés payés,

Rejette la demande de Mme [G] et de la Selarl MJ Synergie ès-qualité, visant à ce que le présent arrêt soit commun et opposable à l'AGS-CGEA d'[Localité 6],

Rejette la demande d'indemnité forfaitaire formée par Mme [G] au titre du travail dissimulé,

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par Mme [G] pour défaut de remise des documents de fin de contrat,

Condamne la Selarl MJ Synergie, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Hands Up à remettre à Mme [G] :

* le bulletin de salaire d'avril 2019,

* un certificat de travail,

* une attestation Pôle Emploi,

* un solde de tout compte,

établis conformément au présent arrêt,

Rejette la demande d'astreinte,

Rappelle que cette créance est garantie par l'AGS CGEA d'[Localité 6] selon les dispositions ci-dessus rappelées et dans la limite des plafonds légaux,

Rejette la demande de Mme [G] au titre de l'article 700 code de procédure civile,

Condamne la Selarl MJ Synergie, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Hands Up, aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 24/00265
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;24.00265 ?
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