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25/04/2024 | FRANCE | N°21/07512

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 avril 2024, 21/07512


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/07512 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N4II





[W]



C/



Association ARTS ET MUSIQUES EN LOIRE FOREZ







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 14 Septembre 2021

RG : F 21/00031





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024











APPELANT :



[S] [W]

n

é le 18 Octobre 1969 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Nicolas POIRIEUX de la SELARL POIRIEUX-MANTIONE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



Association ARTS ET MUSIQUES EN LOIRE FOREZ

[Adresse 1]

[Localité 4]


...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/07512 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N4II

[W]

C/

Association ARTS ET MUSIQUES EN LOIRE FOREZ

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 14 Septembre 2021

RG : F 21/00031

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

APPELANT :

[S] [W]

né le 18 Octobre 1969 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Nicolas POIRIEUX de la SELARL POIRIEUX-MANTIONE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

Association ARTS ET MUSIQUES EN LOIRE FOREZ

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Willy VILLE de la SELAFA SEDOS CONSEIL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Janvier 2024

Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Françoise CARRIER, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nabila BOUCHENTOUF, conseillère pour Etienne RIGAL, Président empêché et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée en date du 1er octobre 1998, [S] [W] a été engagé en qualité de professeur de piano par l'association GAMM (aux droits de laquelle vient aujourd'hui Arts et Musique En Loire Forez, ensuite d'un regroupement de deux écoles de musique), pour une durée de travail initialement fixé à 20 h par semaine.

Au cours de la relation contractuelle, plusieurs avenants ont modifié les horaires de travail, le dernier avenant signé le 1er octobre 2019 fixant la durée hebdomadaire à 2,5 heures.

Par courrier en date du 25 août 2020, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, alléguant une dégradation de ses conditions de travail, et notamment une réduction irrégulière de ses horaires de travail.

Par requête du 11 mars 2021, M. [W] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Montbrison pour obtenir la requalification de sa prise d'acte en licenciement abusif et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 14 septembre 2021, le conseil des prud'hommes a :

- dit et jugé que la prise d'acte aux torts de l'employeur a produit les effets d'une démission,

- En conséquence, débouté Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté l'association Arts et Musique En Loire Forez de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamné Monsieur [W] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration en date du 12 octobre 2021, le salarié a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées électroniquement le 20 mai 2022, M. [W] demande à la cour de :

- INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement,

En conséquence :

- CONDAMNER l'association Arts et Musiques En Loire Forez à lui payer les sommes suivantes :

- Rappel de salaires : 39 518,28 € bruts

- Préavis : 2 644,92 € bruts

- Indemnités de licenciement : 8595.99 € nette

- Dommages et intérêts pour rupture abusive : 13 224,60 €

- article 700 du code de procédure civile : 3 000 €

- LA CONDAMNER aux entiers dépens de l'instance.

En réponse, par conclusions récapitulatives notifiées le 16 mai 2022, L'association Arts et Musiques En Loire Forez demande à la cour de :

- DÉCLARER mal fondé l'appel interjeté par Monsieur [W],

- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement attaqué,

Et en conséquence,

- REQUALIFIER la prise d'acte de la rupture en date du 25 août 2020 de Monsieur [W] en démission,

- DÉBOUTER Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes,

- CONDAMNER Monsieur [W] à verser à l'Association Arts et Musiques En Loire Forez la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNER Monsieur [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA DEMANDE DE RAPPELS DE SALAIRES

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de rappels de salaires correspondant, dans la limite de la prescription, aux salaires dus sur la base du volume horaire initialement fixé en 1998, M. [W] affirme qu'il ne peut être tenu compte des avenants signés au cours de la relation contractuelle, puisque ceux-ci sont irréguliers, l'employeur n'ayant pas respecté la procédure de proposition prévue à l'article L 1222-6 du code du travail.

Il précise à cet égard, que l'employeur s'est abstenu de toute notification de proposition de modification des ses horaires de travail, et qu'en réalité, les élèves inscrits en début d'année étaient régulièrement confiés à un autre professeur de musique dont les amplitudes horaires étaient plus importantes, considérant qu'il a ainsi, comme d'autres professeurs de musique, eté mis à l'écart par son employeur.

L'association de son côté, rappelle les nombreux avenants signés à chaque rentrée scolaire par le salarié, compte tenu de la spécificité de l'activité et en fonction du nombre d'élèves inscrits aux cours de piano, sans aucune contestation formulée durant les 20 ans d'exécution du contrat, et en déduit que la modification des horaires résultant d'un commun accord, il n'y avait pas lieu d'appliquer la procédure de proposition.

Elle explique la diminution progressive des heures de cours, tout d'abord, par les retards fréquents du salarié, qui lui ont valu un avertissement en 2014, et aussi du fait des agissements inappropriés qui lui ont été rapportés, cette désinvolture ayant conduit à une diminution d'inscription des élèves sur les cours du salarié, et également par la réduction progressive des créneaux proposés par M. [W] lui-même.

Elle souligne qu'en réalité, M. [W] ne souhaitait pas rester en son sein, puisqu'il avait une activité annexe de voyance, et souhaitait développer une activité indépendante d'enseignement du piano.

Il ressort des pièces versées aux débats, que le contrat de travail signé le 1er octobre 1998 qu'en 'fonction des effectifs d'élèves sur l'année suivante, l'association pourrait être amenée à modifier les horaires du contrat de travail et en cas de modification de la répartition des heures de travail convenue au présent contrat, M. [W] devra être informée au moins 7 jours avant' (article 8).

Quinze avenants ont été ensuite régularisés entre les parties : le premier avenant du 9 février 2006 prévoyant que M. [W] 'est engagé pour assurer une durée de 16 heures de travail par semaine. Ce nombre d'heures est lié au nombre d'élèves et réactualisé au 1er octobre ou en cours d'année par avenant au contrat. (...) Les avenants successifs ont ainsi porté la durée hebdomadaire de travail à 13,50 heures (à compter du 1er octobre 2006), 14 heures (à compter du 1er décembre 2007), 15 heures (à compter du 1er février 2008), 11 heures (à compter du 1er octobre 2008), 9 heures (à compter du 1er octobre 2009), 9,5 heures (à compter du 1er janvier 2010), 8 heures (à compter du 1er octobre 2010), 8,5 heures (à compter du 1er décembre 2011), 6 heures (à compter du 1er octobre 2012), 3 heures (à compter du 1er octobre 2014), 6 heures (à compter du 1er octobre 2015), 3,5 heures (à compter du 1er octobre 2016).

L'avenant signé le 18 novembre 2018 précise que 'compte tenu du nombre d'élèves inscrits en cours individuel pour l'année scolaire à venir, l'association est en mesure de proposer à M. [W], un nombre d'heures de cours de 2 h. (...) M. [W] a accepté la proposition faite par l'association'. Le dernier avenant signé le 18 novembre 2019 a relevé cette durée hebdomadaire à 2,5 heures.

Il est de jurisprudence constante que lorsque la modification de la durée du travail a un impact sur la rémunération, elle doit s'analyser en une modification du contrat de travail, de sorte que l'employeur doit obtenir l'accord exprès du salarié pour y procéder.

En outre, lorsque cette modification intervient pour motif économique, l'employeur doit respecter la procédure prévue par l'article L 1222-6 du code du travail à savoir, informer chaque salarié individuellement du projet de modification, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en lui indiquant qu'il dispose d'un mois à compter de la réception de la lettre pour faire connaître son refus. À défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé accepter la modification proposée. Faute de respecter cette procédure, l'employeur ne peut se prévaloir ni d'un refus, ni d'une acceptation du salarié.

Les dispositions de cette procédure spécifique de proposition s'appliquent aux modifications pour un des motifs économiques visés par l'article L 1233-3 du code du travail qui les définit comme ' des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés, des mutations technologiques ; une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; la cessation d'activité de l'entreprise.'

Il incombe ainsi à l'appelant de démontrer que les propositions d'avenants de son employeur étaient fondées sur l'allégation de difficultés économiques.

Or, force est de constater que M. [W] ne justifie ni même n'allègue la réalité de difficultés économiques au sens du texte précité, qui auraient imposé à l'employeur de respecter la procédure prévue à l'article L. 1222-6 du code du travail, les modifications d'horaires étant au contraire, inhérentes et spécifiques au fonctionnement des écoles de musique.

En effet, et surabondamment, la cour constate qu'il est amplement justifié par l'association, notamment au travers des attestations de Mme [B], directrice, et des mails de deux professeurs de musique en activité, que ce sont bien les enseignants qui transmettent dans un premier temps, leurs créneaux hebdomadaires en vue de la rentrée suivante, et qu'ensuite de l'organisation de portes ouvertes, les familles font leur choix en présence des professeurs, en fonction des 'disponibilités de chacun et des propositions de projets d'enseignements', ce qu'explique d'ailleurs M. [W] lui-même, l'enseignement reposant sur 'une relation de confiance', et 'sur des affinités entre le professeur et l'élève qui perdurent ou non.'

Il est ainsi indéniable par la nature même de l'activité, soumise aux fluctuations du nombre d'inscrits chaque année d'une part, et des disponibilités de chaque enseignant d'autre part, que les horaires de travail sont amenés à être modifiés, sans qu'ils soient liés de facto à des considérations économiques.

Dans ces conditions, l'employeur n'était pas tenu de respecter la procédure prévue par l'article L 1222-6 du code du travail, la régularisation et l'acceptation des différents avenants successifs étant suffisantes pour caractériser l'accord exprès du salarié à cette modification substantielle du contrat de travail.

Le jugement sera par conséquent, confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de rappels de salaires.

SUR LA PRISE D'ACTE DE LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Dans sa lettre de prise d'acte de la rupture datée du 25 août 2020, Monsieur [W] reproche à son employeur 'une dégradation de [ses] conditions de travail, expliquant avoir 'eu l'occasion à de nombreuses reprises de vous en alerter et dernièrement vous avez refusé une rupture conventionnelle qui me paraissait pourtant la solution la mieux adaptée pour rompre notre contrat.'

Le salarié sollicite que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail soit requalifiée en licenciement abusif en raison des manquements de l'employeur consistant notamment à lui imposer des conditions de travail en contravention avec la loi et sans son consentement, ce qui a entraîné la précarisation de son emploi.

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Au cas présent, M. [W] se contente d'alléguer la réduction de la durée de travail à laquelle il a régulièrement consenti au cours de la relation de travail, sans jamais émettre la moindre réclamation.

S'il évoque en filigrane sa mise à l'écart et un turn-over important au sein de l'association, il ne décrit toutefois, aucun fait précis ou circonstancié qui aurait été de nature à réduire progressivement son volume horaire, ni même des pressions auprès d'autres salariés, l'attestation de Mme [H], elle-même en conflit prud'homal avec l'employeur, se bornant à évoquer une dégradation de l'ambiance de travail et une réduction de ses heures de travail, sans étayer ses déclarations de faits précis.

A l'inverse, l'employeur démontre qu'au cours de la relation de travail, M. [W] s'est montré moins investi, ainsi qu'en témoigne l'avertissement qui lui a été délivré en raison de retards répétés, et que selon une analyse à laquelle il a procédé, il a été constaté une importante désaffection des élèves auprès du salarié dès la première année, comparativement à deux autres professeurs de piano.

Le conseil a aussi pertinemment relevé que la lettre de prise d'acte avait été adressée à la fin de l'année scolaire, soit 10 mois après la signature du dernier avenant.

La cour retient par conséquent, que le salarié ne démontre aucun manquement grave de la part de l'employeur justifiant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'une démission et a débouté le salarié de ses demandes liées à la rupture (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, dommages et intérêts pour rupture abusive).

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.

M. [W] qui succombe en toutes ses prétentions, sera condamné aux dépens d'appel, et à verser à l'association une somme de 800 euros au titre des frais non compris dans les dépens à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [W] à payer à l'association Arts et Musique En Loire Forez la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [W] aux entiers dépens.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/07512
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;21.07512 ?
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