La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2024 | FRANCE | N°17/08951

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 avril 2024, 17/08951


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR











N° RG 17/08951 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LNPD



[O]



C/



Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]









APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 21 Novembre 2017

RG : 15/02485







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRET DU 25 Avril 2024







APPELANT :r>


[B] [O]

né le 24 Septembre 1971 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me François DUMOULIN de la SELARL DUMOULIN-PIERI, avocat au barreau de LYON







INTIMEE :



Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 4...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 17/08951 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LNPD

[O]

C/

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 21 Novembre 2017

RG : 15/02485

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 25 Avril 2024

APPELANT :

[B] [O]

né le 24 Septembre 1971 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me François DUMOULIN de la SELARL DUMOULIN-PIERI, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

INTERVENANTE :

SELARLU [C] représentée par maître [Z] [C], ès qualités de mandataire liquidateur de la société DWA

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée par Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Janvier 2024

Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, conseiller et Françoise CARRIER, conseiller honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Nabila BOUCHENTOUF, conseiller

- Françoise CARRIER, conseiller honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 25 Avril 2024 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Nabila BOUCHENTOUF, conseiller pour Etienne RIGAL, président empêché, et par Fernand CHAPPRON, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS ET PROCEDURE

M. [B] [O] a été embauché par la Sarl DWA à compter du 22 août 2013 en qualité de dessinateur-projeteur niveau 1 position 3 coefficient 240 de la convention collective nationale des entreprises d'architecture dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, avec une rémunération mensuelle de 2 600 € bruts.

Par courrier du 15 septembre 2014, le salarié a été convoqué à un entretien fixé au 29 septembre 2014, préalable à un éventuel licenciement pour motif économique.

Par courrier recommandé avec accusé réception du 9 octobre 2014, l'employeur lui a notifié son licenciement dans les termes suivants :

" (') Comme il l'a été exposé lors de la réunion du personnel du 8 septembre 2014, au regard d'importantes difficultés de recouvrement de ses honoraires, qui tiennent particulièrement à l'allongement des délais de paiement, la situation financière de la Société s'avère lourdement obérée.

C'est ainsi que par rapport à l'exercice précédent, la clôture de l'exercice 2013 mettait en lumière une très forte hausse des encours clients.

A ce titre, quand bien même ils se portaient d'ores et déjà en 2012 à 885.636 €, ceux-ci représentaient pas moins de 1.293.793 € un an plus tard, soit une augmentation de près de 50% supérieure à 400.000 €.

Dans ce contexte, l'entreprise enregistre un niveau d'endettement record qui ne cesse de s'accroître.

A cet égard, lors de l'exercice 2011, les dettes accumulées par cette dernière auprès du Trésor Public et de l'ensemble des organismes de sécurité sociale atteignaient 434.874 €.

Par comparaison, lors de l'exercice suivant, celles-ci s'étaient accrues de près de 140.000 € et pesaient 572.550 €, montant déjà sans précédent.

Au terme de l'exercice 2013, soit un an plus tard, ces mêmes dettes s'élevaient à 768.716 € et connaissaient une progression de plus de 34%.

Au total, c'est donc près de 350.000 € de passif fiscal et social supplémentaire qui a été accumulé par la Société en à peine 2 ans.

Cette situation n'est pas sans comporter de lourdes conséquences.

Outre les différents plans de règlement qui ont dû être négociés et les pénalités de retard qui leur sont attachées, des avis à tiers détenteurs ont également été émis par le Trésor Public auprès de plusieurs de nos débiteurs, ce qui grève davantage encore les recettes de l'entreprise.

Parallèlement, pour continuer à assurer son fonctionnement, l'entreprise a dû massivement recourir à l'emprunt.

Elle a été conduite à cet effet à solliciter au total plus de 400.000 € de concours bancaires au cours de l'année 2013.

Dans ce cadre, au 31 décembre 2013, le montant total des dettes de la Société s'établissait à 1.742.632 € et bondissait de plus de 57% par rapport à 2012.

Cette situation, déjà explosive, s'inscrit par ailleurs dans un contexte marqué par un très net ralentissement du nombre de nouveaux projets qui lui sont confiés, dont la valeur, concomitamment, décroît, ce qui a mécaniquement pour effet d'accentuer les difficultés de l'entreprise à honorer ses dettes.

En ce sens, le chiffre d'affaires réalisé depuis le début de l'année 2014 s'avère en net recul par rapport à l'année précédente.

C'est ainsi qu'au cours de la période comprise entre le 1er janvier et le 31 aout dernier, le chiffre d'affaires mensuel moyen enregistré par l'entreprise s'établit à 127.308,47 € contre 172.374,33 € en 2012, soit une chute de plus de 45.000 € équivalente à 35% du CA.

Aussi, loin de se résorber, les dettes de l'entreprise se creusent davantage chaque jour.

A cet égard, pour exemple, au 31 décembre 2013, les dettes de la Société vis-à-vis des organismes de sécurité sociale atteignaient 196.809 €.

Arrêtées au 18 septembre dernier, soit quelques mois à peine plus tard, leur montant avait quasiment doublé pour atteindre 376.233,45 €.

C'est dans ce contexte, qu'au mois d'août dernier, des ordres de virement et des chèques bancaires destinés au règlement des salaires du personnel ont été rejetés, occasionnant d'importants retards de paiement.

La Société BLOUZARD, quant à elle, qui relève du même secteur d'activité, connaît des difficultés similaires marquées notamment, par une forte augmentation des encours clients et une explosion de l'endettement.

Une telle situation, totalement intenable, ne saurait perdurer davantage sans exposer la Société à un fort risque de défaut de paiement et partant, menacer directement et à court terme sa pérennité et plus généralement, celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

Une réorganisation de la Société s'avère donc indispensable pour prévenir la survenance de très graves difficultés économiques et sauvegarder la compétitivité au niveau du secteur d'activité du groupe.

Par conséquent, nous sommes conduits à supprimer votre poste de travail de dessinateur-projeteur.

De surcroît, malgré les recherches que nous avons menées au sein du groupe d'appartenance de l'entreprise, aucune solution de reclassement n'a pu être identifiée. (')"

Le salarié ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle proposé au cours de l'entretien préalable, le contrat de travail a été rompu à effet du 17 octobre 2014.

Par requête reçue au greffe le 26 juin 2015, M. [B] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon à l'effet de contester son licenciement et d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires, d'une indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour irrégularité de la réponse à sa demande de transmission des critères retenues pour l'ordre des licenciements, et pour défaut de délivrance de l'attestation chômage.

La Sarl DWA a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 8 avril 2015, lequel a adopté un plan de redressement le 5 avril 2016, la SELARL [R] [N] étant désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Cette dernière est intervenue volontairement dans la procédure.

Par jugement de départage en date du 21 novembre 2017, le conseil des prud'hommes a :

- dit que le licenciement pour motif économique de M. [O] était fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- fixé le montant de la créance de M. [O] au passif du redressement judiciaire de la Sarl DWA aux sommes suivantes :

' 1 200 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de communiquer au salarié qui en fait la demande des critères d'ordre des licenciements,

' 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' 932,33 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 93,33 € au titre des congés payés afférents,,

- déclaré sa décision opposable à l'AGS CGEA de [Localité 6],

- ordonné à la Sarl DWA de remettre à M. [O] l'attestation Pôle Emploi ainsi que les bulletins de paie rectifiés avec mention des heures supplémentaires,

- débouté M. [O] du surplus de ses demandes,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 600 €,

- débouté la Sarl DWA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl DWA aux dépens.

M. [B] [O] a interjeté appel le 22 décembre 2017.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 26 mai 2021, le plan de redressement de la Sarl DWA a été résolu et la société DWA placée en liquidation judiciaire, la Selarlu [C] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte du 7 février 2022, M. [O] a fait appeler en cause la Selarlu [C] es qualité.

L'AGS CGEA de [Localité 6] est régulièrement intervenue à l'instance.

Aux termes de conclusions notifiées le 20 janvier 2022, M. [O] demande à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a dit que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société DWA au sommes suivantes :

' 31 200 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 2 600 € à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la réponse de l'employeur à la demande des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements,

' 2 600 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de délivrance de l'attestation assurance-chômage,

' 15 600 € nets à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

' 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixer en tant que de besoin au passif de la liduiation judiciaire de la société DWA les créances fixées par le conseil de prud'hommes au passif du redressement judiciaire,

- déclarer la décision opposable à la Selarlu [C] es qualité ainsi qu'à l'AGS/CGEA,

- ordonner à la Selarlu [C] es qualité de lui remettre sous astreinte de 50 € par jour de retard, l'attestation d'assurance chômage.

Aux termes de conclusions notifiées le 4 mars 2022, la Selarlu [C] en qualité de liquidateur judiciaire de la société DWA demande à la cour de :

- d'infirmer le jugement :

en ce qu'il a fixé le montant de la créance de M. [O] au passif du redressement judiciaires aux sommes de :

' 1 200 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de communiquer au salarié qui en fait la demande des critères d'ordre des licenciements,

' 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' 932,33 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 93,33 € au titre des congés payés afférents,

en ce qu'il a débouté la société DWA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens (sic),

- débouter M. [O] de ses demandes :

' d'indemnité au titre de l'irrégularité de la réponse à la demande des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements,

' de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [O] à lui payer es qualité la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

- confirmer le jugement

° dit et jugé bien fondé le licencement pour motif économique de M. [O] et que la société DWA a engagé des recherches de reclassement et satisfait à son obligation en la matière

° débouté M. [O] de sa demande d'indemnité au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de celle au titre du non respect par la société des critères d'ordre des licenciements, de celle au titre de l'absence de transmission de l'attestation POLE EMPLOI et de sa demnande relative au travail dissimulé.

Aux termes de conclusions notifiées le 6 mai 2022, l'AGS CGEA de [Localité 6] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [O] était fondé et en ce qu'il a débouté ce dernier de ses demandes,

- subsidiairement, ramener à de plus justes proportions sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que ses demandes indemnitaires afférentes au non-respect des critères d'ordre des licenciements,

- la mettre hors dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est rappelé que les demandes tendant à voir "constater" ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; qu'il en est de même des demandes tendant à voir "dire et juger" lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Il convient de mettre hors de cause la Sarl [N] qui n'a plus de mandat suite à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la Sarl DWA.

Sur les heures supplémentaires

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties.

Si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [O] fait valoir :

- que l'entreprise avait opté pour l'attribution de repos compensateur en remplacement du paiement des heures supplémentaires,

- qu'il a réalisé 117,51 heures supplémentaires dont seulement 74 ont été récupérées,

- que les journées de récupération des 5, 6 et 7 mai ont finalement été travaillées et qu'elles ne peuvent être considérées comme récupérées.

L'employeur fait valoir :

- que M. [O] a demandé à organiser son rythme de travail en alternant les semaines hautes et les semaines basses et a ainsi bénéficié d'un horaire individuel alors que son contrat de travail prévoyait l'horaire hebdomadaire régulier de l'entreprise,

- qu'étant quotidiennement en déplacement, il a fait droit sans contrôle aux demandes de récupération formulées par le salarié,

- que M. [O] n'a jamais sollicité la récupération des heures litigieuses.

L'AGS CGEA s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur ce chef de demande.

C'est par une exacte analyse des tableaux produits par le salarié et de justes et pertinents motifs adoptés par la cour que le conseil de prud'hommes a fait droit à la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et au titre des congés payés afférents à hauteur des sommes réclamées.

Il convient néanmoins de réformer le jugement en ce qu'il a fixé ces sommes au passif du redressement judiciaire de la société DWA alors que celle-ci était à nouveau in bonis par l'effet de l'adoption de son plan de redressement.

Les sommes en cause doivent dorénavant être fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société DWA.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

L'article L. 8221-5 du code du travail répute travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Selon l'article L. 8223-1, « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d'emploi n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de salaire un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué.

M. [O] fait valoir que l'employeur avait connaissance des heures supplémentaires effectuées ainsi que cela ressort des documents à en-tête de l'entreprise sur lequel apparaissent le temps de travail de chaque journée et le cumul du nombre d'heures réalisées et que c'est délibérément que celui-ci s'est abstenu de les faire récupérer ou de les rémunérer.

L'employeur fait valoir qu'il s'agit d'un simple oubli comptable ainsi qu'en atteste le fait qu'il a régulièrement signé les documents officiels de demande de congés de récupération.

L'AGS CGEA fait valoir que M. [O] n'établit pas l'intention de l'employeur de se soustraire à quelque obligation que ce soit.

Les relevés d'horaires individuels de travail et les demandes de congés de récupération versés aux débats font apparaître que le salarié disposait d'une grande latitude dans l'organisation de son temps de travail et de ses congés de récupération qui ont été systématiquement acceptés.

Il s'ensuit que la détermination des heures supplémentaires non récupérées nécessitait un suivi comptable particulièrement attentif et que la récupération se faisant à la demande, l'employeur a pu ne pas avoir l'attention attirée sur le fait que le salarié n'avait pas récupéré la totalité de ses heures supplémentaires, le salarié n'ayant formulé aucune demande à cette fin avant le licenciement.

Ainsi si l'employeur n'ignorait pas l'exécution d'heures supplémentaires par le salarié, il n'est pas établi que l'omission de mentionner les heures non récupérées sur les bulletins de paie ait été intentionnelle de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de ce chef de demande.

Sur le licenciement

M. [O] fait valoir en premier lieu :

- que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'article IV-2-2 de la convention collective des entreprises d'architecture prévoyant, en l'absence de représentants du personnel, le recueil de l'avis de l'ensemble du personnel, les pièces produites pour en justifier n'étant pas probantes,

- que cette disposition institue une garantie de fond au profit des salariés ce qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur répond :

- qu'il a convoqué l'ensemble du personnel à une première réunion d'information-consultation le 1er septembre 2014 à 10 heures, réunion à laquelle assisté Monsieur [H], puis à une seconde réunion le 8 septembre 2014,

- qu'il a également informé en parallèle le personnel des difficultés économiques ayant conduit au projet de licenciement économique,

- que ces réunions ont eu pour objet de recueillir l'avis du personnel sur le projet de licenciement économique envisagé et qu'il a donc respecté ses obligations conventionnelles.

L'AGS CGEA ne fait valoir aucun moyen sur ce point.

Selon l'article IV-2-2 des architectes: avant tout licenciement pour motif économique, et sans préjudice de la législation en vigueur, l'employeur :

1° Procédera à une information de l'ensemble des salariés sur l'analyse de la situation et de la gestion de l'entreprise ayant conduit à cette décision de licenciement.

2° Recueillera l'avis des représentants du personnel ou, en leur absence de l'ensemble du personnel, sur les mesures permettant de maintenir le personnel en activité (...).

Cette disposition instaure des garanties de fond dont la violation prive de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé.

Pour rapporter la preuve de ce qu'il a respecté ses obligations conventionnelles en matière d'information et de recueil de l'avis des salariés, l'employeur verse aux débats les pièces suivantes :

- une feuille d'émargement établie le 1er septembre 2014 comportant les noms et prénoms de 24 salariés, dont celui de [B] [O], intitulée "réunion générale d'information du lundi 1er septembre 2014 à 10 heures"

- une feuille d'émargement établie le 1er septembre 2020 également intitulée "réunion du lundi 8 septembre 2014 à 11 heures" sur laquelle il est précisé qu' "A l'issue de la réunion du 1er septembre 2014, l'ensemble des salariés sont informés de la date de la prochaine réunion qui aura lieu le lundi 8 septembre 2014 à 11 heures. Ces derniers confirment leur présence en signant la fiche d'émargement ci-dessous".

- un courrier du 1er septembre 2014 adressé à "l'ensemble de Personnel DWA" intitulé: "réunion d'information- consultation du personnel", libellé comme suit :Nous vous convoquons par la présente à une réunion d'information ' consultation de l'ensemble du personnel sur l'analyse de la situation économique de la société et de sa gestion. Cette réunion se déroulera le lundi 8 septembre 2014 à 11 heures dans la salle de réunion de DWA située [Adresse 1].

- un courrier du 8 septembre 2014, non signé et ne comportant pas de destinataire intitulé "Réunion d'agence", "Motif: situation financière lourdement obérée liée à l'encours qui augmente et délais de paiement qui s'allongent" détaillant les explications, les conséquences de la dégradation de la situation économique de l'entreprise ainsi que les perspectives.

Or en l'absence de compte- rendu permettant de connaître le contenu des réunions qui se sont tenues, ces pièces sont insuffisantes à rapporter la preuve de ce que l'employeur a recueilli l'avis de l'ensemble du personnel sur les mesures permettant de maintenir le personnel en activité et respecté les dispositions conventionnelles de consultation du personnel de sorte que le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens invoqués par les parties

Le jugement déféré est en conséquence infirmé sur ce point.

Aux termes de l'article L 1235-5 du code du travail dans sa version alors applicable, le salarié ayant une ancienneté inférieure à deux ans, peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi.

Au regard de l'âge du salarié à la date du licenciement à savoir 43 ans, des circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et des difficultés de réinsertion professionnelles prévisibles, le préjudice subi par M. [O] du fait de son licenciement injustifié sera réparé par l'allocation d'une somme de 7 800 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la réponse de l'employeur à la demande sur les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements

Aux termes des articles L.1233-17 et L.1233-43 du code du travail, sur demande écrite du salarié, l'employeur indique par écrit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements.

M. [O] fait valoir :

- qu'il a sollicité par courrier recommandé du 21 octobre 2014 la communication de ces critères et que dans sa réponse du 3 novembre 2014,

- que l'employeur s'est contenté de lui énumérer les critères légaux prévus par le code du travail sans lui indiquer les barèmes appliqués pour chaque critères ainsi que les points obtenus ayant conduit à la rupture de son contrat de travail,

- que la carence de l'employeur lui a nécessairement causé un préjudice dans la mesure où il n'a pas été mis à même de vérifier la correcte application des critères d'ordre.

L'employeur fait valoir :

- que M. [O] n'a formulé aucune demande de précision complémentaire suite à la réception de sa réponse, laquelle était conforme aux dispositions légales,

- qu'en tout état de cause, le salarié ne rapporte pas la preuve d'un préjudice.

Celui qui invoque une faute lui ayant causé un préjudice doit notamment rapporter la preuve du préjudice que lui a causé la faute alléguée.

Or ce n'est qu'à titre subsidiaire que, dans le cadre du présent litige, M. [O] se prévaut du non respect des critères d'ordre ce qui fait apparaître que l'absence d'information reprochée à l'employeur n'a pas été déterminante de sa décision de contester le licenciement. Il n'est donc pas établi qu'il ait subi un préjudice du fait de la réponse inadaptée de l'employeur.

Il convient en conséquence de réformer le jugement et de débouter le salarié de ce chef de demande

Sur la non délivrance de l'attestation Pôle Emploi

M. [O] fait valoir que la société DWA ne lui a pas transmis l'attestation Pôle Emploi ce que ne conteste pas l'employeur qui indique l'avoir transmise directement à Pôle Emploi.

Le conseil de prud'hommes a justement retenu que M. [O], qui a été régulièrement pris en charge par Pôle Emploi, ne justifiait pas que la carence de l'employeur lui avait causé un préjudice et en conséquence débouté ce dernier de ce chef de demande de sorte que le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

La Selarlu [C] qui succombe es qualité supporte la charge des dépens d'appel.

M. [O] a dû pour la présente instance exposer, tant en première instance qu'en appel, des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Met hors de cause Maître [N] ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- ordonné à la Sarl DWA de remettre à M. [O] l'attestation Pôle Emploi ainsi que les bulletins de paie rectifiés avec mention des heures supplémentaires, sans prononcer d'astreinte,

- débouté M. [O] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour non remise de l'attestation Pôle Emploi,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 600 €,

- débouté la Sarl DWA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl DWA aux dépens.

Le réforme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [B] [O] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de communiquer au salarié qui en fait la demande les critères d'ordre des licenciements,

Dit que le licenciement de M. [B] [O] est sans cause réelle et sérieuse ;

Fixe la créance de M. [B] [O] au passif de la liquidation judiciaire de la société DWA aux sommes suivantes :

' 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

' 932,33 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 93,33 € au titre des congés payés afférents,

' 7 800 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA de [Localité 6] ;

Condamne la Selarlu [C] es qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl DWA aux dépens d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 17/08951
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;17.08951 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award