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19/04/2024 | FRANCE | N°24/03311

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 19 avril 2024, 24/03311


N° RG 24/03311 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PTTH



Nom du ressortissant :

[S] [T]



PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

C/

[T]

PREFET DE L'ISÈRE





COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 19 AVRIL 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers





Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date

du 15 avril 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en Fra...

N° RG 24/03311 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PTTH

Nom du ressortissant :

[S] [T]

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

C/

[T]

PREFET DE L'ISÈRE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 19 AVRIL 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 15 avril 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Charlotte COMBAL, greffier,

En présence du ministère public, représenté par Jean- Daniel REGNAULD, Avocat général, près la cour d'appel de Lyon,

En audience publique du 19 Avril 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de judiciaire de Lyon

représenté par le parquet général de Lyon

ET

INTIMES :

M. [S] [T] en réalité [G] [W]

né le 05 Décembre 2005 à [Localité 4]

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [3]

comparant assisté de Maitre Romain DUSSUEL, avocat au barreau de LYON, commis d'office et avec le concours de Madame [Z] [B], interpréte en langue arabe, liste CESEDA, ayant prêté serment à l'audience

PREFET DE L'ISÈRE

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître AUGOYARD Marc, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,

Avons mis l'affaire en délibéré au 19 Avril 2024 à 14 heures 30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 2 février 2024, prise à l'issue d'une mesure de garde à vue pour des faits de tentative de vol, le préfet de l'Isère a ordonné le placement en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire de X se disant [S] [T], alias [M] [K], alias [H] [J], en réalité [G] [W], ci-après uniquement dénommé [G] [W], afin de permettre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour pour une durée d'un an prise et notifiée le 21 juin 2023 par l'autorité préfectorale à l'intéressé.

Par ordonnance du 04 février 2024, confirmée en appel le 05 février 2024 et par ordonnance du 03 mars 2024,confirmée en appel le 05 mars 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [G] [W] alias [S] [T] pour des durées successives de vingt-huit, trente et quinze jours.

Par ordonnance du 02 avril 2024, confirmée en appel le 04 avril 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [G] [W] alias [S] [T] pour une durée de quinze jours.

Suivant requête du 16 avril 2024, le préfet de l'Isère a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.

Dans son ordonnance du 17 avril 2024 à 14 heures 30, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a dit n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de [G] [W] alias [S] [T].

Le 17 avril 2024 à 17 heures 17 le ministère public a formé appel avec demande d'effet suspensif. Il fait valoir que c'est de façon erronée que le premier juge a retenu que la menace pour l'ordre public devait être caractérisée dans les 15 derniers jours et qu'au cas d'espèce la préfecture de l'Isère caractérise que [S] [T] qui fait usage de diverses identités et a été condamné ainsi qu'il ressort de sa fiche pénale représente une menace pour l'ordre public.

Par ordonnance en date du 18 avril 2024 à 10 heures 30, le délégataire du premier président a déclaré l'appel recevable et suspensif.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 19 avril 2024 à 10 heures 00.

[G] [W] alias [S] [T] a comparu assisté d'un interprète et de son avocat.

M. l'Avocat Général sollicite l'infirmation de l'ordonnance et reprend les termes des réquisitions du Procureur de la République de Lyon. Il soutient que la lecture des dispositions de l'article L 742-5 du CESEDA doit se comprendre en ce que la menace pour l'ordre public caractérisée lors de la troisième prolongation perdure quinze jours plus tard et ne disparaît pas et doit être prise en considération pour permettre l'exécution de la mesure d'éloignement. Il doit être fait droit à la requête de la préfecture.

Le préfet du Rhône, représenté par son conseil, s'associe aux réquisitions du Parquet Général et soutient que le juge des libertés et de la détention ne pouvait pas retenir que la menace pour l'ordre public devait apparaître dans les 15 derniers jours sauf à vider de son sens les dispositions de l'article L 742-5 du CESEDA. Les condamnations de l'intéressé qui sont justifiées caractérisent la menace pour l'ordre public qu'il représente.

Le conseil de [G] [W] alias [S] [T] a été entendu en sa plaidoirie pour solliciter la confirmation de l'ordonnance déférée. Il explique que la motivation du premier juge doit être retenue. En tout état de cause les éléments du dossier établissent que les perspectives d'éloignement sont quasi nulles et que les condamnations ne suffisent pas à caractériser la menace pour l'ordre public.

[G] [W] alias [S] [T] a eu la parole en dernier. Il explique que sa véritable identité est bien [G] [W] et qu'il est algérien. Il voudrait une chance pour quitter le centre de rétention et exprime sa lassitude.

MOTIVATION

Sur la procédure et la recevabilité de l'appel

Attendu que l'appel de [G] [W] alias [S] [T] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; 

Sur le bien-fondé de la requête

Attendu que l'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet ;

Attendu que l'article L. 742-5 du même code dispose que « A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

(...)

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.» 

Attendu que le premier juge a retenu que l'article L. 742-5 in fine doit s'entendre comme la recherche d'une menace pour l'ordre public commise dans les 15 derniers jours de la rétention ;

Attendu que la menace pour l'ordre public visée dans le texte susvisé n'est pas susceptible de correspondre par nature au seul comportement de la personne destinée à l'éloignement dans les 15 derniers jours sauf à isoler artificiellement celui qui serait manifesté par l'intéressé alors qu'il se trouve retenu dans un centre de rétention administrative ;

Qu'en outre le fait d'exiger que cette menace pour l'ordre public doive résulter d'un seul comportement survenu dans les 15 derniers jours dénaturerait la notion même de menace pour l'ordre public et conduirait à vider de sa substance et à priver d'effet le texte qui édicte la possibilité d'une quatrième prolongation exceptionnelle de la rétention administrative dans ce cas ; Qu'enfin si le critère de la menace pour l'ordre public peut être caractérisé lors de la troisième prolongation de la rétention, il serait tout aussi artificiel de relever que cette menace a disparu quinze jours après au seul motif qu'elle n'est pas intervenue dans les 15 derniers jours de la rétention administrative de la personne retenue ;

Attendu que cette interprétation est contraire à la lettre même de ce texte qui n'exige pas que la circonstance prévue par son septième alinéa corresponde à des faits commis dans la période précédente de la rétention administrative alors que la concrétisation de la menace pour l'ordre public peut être révélée par les éléments antérieurs mis en avant par l'autorité administrative ;

Attendu que l'autorité administrative fait valoir dans sa requête que :

- en dépit de relances opérées les 16 février, 23 février, 1er, 7, 15, 26 mars 2024,et les 02 et 10 avril 2024 l'autorité administrative reste dans l'attente d'une réponse de la part du consulat,

- le comportement de [G] [W] alias [S] [T] représente une menace pour l'ordre public pour avoir été condamné le 24 juillet 2023 à une peine de 8 mois d'emprisonnement dont 3 mois ferme pour des faits de vol aggravé notamment ;

Attendu que la préfecture justifie de l'identification SCCOPOL de [G] [W] alias [S] [T] et du fait que le consulat d'Algérie dispose de tous les éléments nécessaires pour la délivrance d'un laissez-passer consulaire ;

Que les diligences justifiées par la préfecture suffisent à établir qu'il demeure une perspective raisonnable d'éloignement ;

Attendu que suivant arrêt de la cour d'appel de Grenoble et sous son identité de [M] [K] il a été condamné à une peine d'emprisonnement de 8 mois d'emprisonnement dont 5 assortis d'un sursis probatoire ; Que le 02 février 2024 et suite à une garde à vue au cours de laquelle il s'est présenté comme [S] [T] il s'est vu notifier une convocation par officier de police pour répondre de l'infraction de tentative de vol à la roulotte devant le tribunal judiciaire de Grenoble du 18 décembre 2024 ;

Attendu que [G] [W] est connu et signalisé sous de nombreux alias qui sont de nature à tromper les autorités policières et judiciaires et que seule l'identification SCCOPOL a permis de connaître sa véritable identité ; Que s'il manifeste des regrets quant aux identités fantaisistes fournies, il n'en reste pas moins que cette réalité ne peut pas être occultée ; Que la répétition des méfaits alors qu'il avait déjà fait l'objet d'un avertissement récent prodigué par l'institution judiciaire articulée avec les identités fantaisistes fournies au gré de ses interlocuteurs caractérise un comportement qui représente une menace pour l'ordre public au stade de la rétention de l'intéressé dont l'éloignement reste une perspective raisonnable au vu des diligences justifiées ;

Attendu que les conditions d'une 4ème prolongation de la rétention sont réunies et que la décision querellée est infirmée ;

PAR CES MOTIFS

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,

Infirmons l'ordonnance déférée,

et Statuant à nouveau,

Ordonnons la prolongation de la rétention administrative de [G] [W] alias [S] [T] pour une durée de 15 jours.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Charlotte COMBAL Isabelle OUDOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/03311
Date de la décision : 19/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-19;24.03311 ?
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