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11/04/2024 | FRANCE | N°20/07375

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 11 avril 2024, 20/07375


N° RG 20/07375 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJ7U















Décision du Tribunal Judiciaire de BOURG EN BRESSE

Au fond du 17 septembre 2020

( chambre civile)



RG : 19/00954

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 11 Avril 2024







APPELANTES :



Mme [M] [X] veuve [Z]

née le 14 M

ai 1949 à [Localité 13] (SOMME)

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON,avocat postulant, toque : 938

Et ayant pour avocat plaidant Me Elise BONNAMOUR, avocat au barreau D'AIN



(bénéficie d'une aide juridictionnelle T...

N° RG 20/07375 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJ7U

Décision du Tribunal Judiciaire de BOURG EN BRESSE

Au fond du 17 septembre 2020

( chambre civile)

RG : 19/00954

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 11 Avril 2024

APPELANTES :

Mme [M] [X] veuve [Z]

née le 14 Mai 1949 à [Localité 13] (SOMME)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON,avocat postulant, toque : 938

Et ayant pour avocat plaidant Me Elise BONNAMOUR, avocat au barreau D'AIN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/1330 du 18/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

L'ATMP DE L'AIN es qualité de représentante de Mme [Y] [Z],

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON,avocat postulant, toque : 938

Et ayant pour avocat plaidant Me Elise BONNAMOUR, avocat au barreau D'AIN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/2211 du 11/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIMEES :

S.C.P. BECHERET THIERRY SENECHAL GORRIAS es qualité de liquidateur judiciaire de la société SERVICE RENOV HABITAT

[Adresse 5]

[Localité 8]

Non constituée

S.A. CA CONSUMER FINANCE

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée par la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : 713

S.A. FRANFINANCE

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentée par la SCP CATHERINE - DUTHEL, avocat au barreau de LYON, toque : 785

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 12 Octobre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Décembre 2023

Date de mise à disposition : 21 mars 2024 prorogée au 11 Avril 2024 , les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience présidée par Thierry GAUTHIER, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président

- Julien SEITZ, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

Arrêt Réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Entre le 29 août 2014 et le 18 février 2015, [V] [Z] et Mme [M] [X], son épouse (M. et Mme [Z]) ont conclu cinq contrats avec la société Service Renov Habitat pour réaliser des travaux de réparation de la toiture de la maison qu'ils occupent aux Neyrolles (Ain), pour un montant total de 63 700 euros.

Durant la même période, et pour le financement de ces travaux, M. et Mme [Z] ont conclu tout d'abord le 29 août 2014 un contrat de crédit (n° 10114423766) auprès de la société Franfinance, pour un montant de 7 800 euros.

Le 25 novembre 2014, ils ont souscrit un contrat de crédit (n° 43369720449003) auprès de la société Cetelem, aux droits de laquelle est venue la société BNP Paribas Personal Finance, d'un montant de 8 500 euros.

Le 18 février 2015, ils ont souscrit auprès de la même société un crédit (n° 43369720449003) d'un montant de 20 600 euros.

Le 25 novembre 2014, ils ont souscrit auprès de la société Sofinco, aux droits de laquelle est venue la société CA Consumer Finance, un prêt de 10 200 euros (n° 81474267838).

Le 18 février 2015, ils ont souscrit auprès du même organisme un prêt de 16 600 euros (n° 81477441423).

Par exploits des 22, 23 et 28 septembre 2015 et 6 janvier 2016, M. et Mme [Z] ont assigné la société Service Renov Habitat ainsi que les trois organismes de crédit en annulation des contrats souscrits.

Le 24 novembre 2016, la société Service Renov Habitat a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.

Le 24 mars 2017, M. et Mme [Z] ont fait délivrer à la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, ès qualités de liquidatrice de la société Service Renov Habitat, une assignation en reprise d'instance.

[V] [Z] est décédé le 6 mars 2018.

Mme [M] [Z] a appelé à la cause leur fille, Mme [Y] [Z]. Celle-ci étant placée sous le régime de la tutelle, l'ATMP de l'Ain est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 17 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :

- constaté que Mme [M] [X] et l'ATMP de l'AIN, ès qualités, se désistent de leur action et de l'instance contre la société BNP Paribas Personal Finance et que celle-ci se désiste de son action et de l'instance contre elles ;

- débouté Mme [X] et l'ATMP de l'Ain, ès qualités, de leurs demandes en nullité des contrats (marchés de travaux et crédits affectés) souscrits par [V] [Z] et Mme [M] [X] ;

- condamné solidairement Mme [M] [X], veuve [Z], et Mme [Y] [Z], représentée par l'ATMP de l'Ain en qualité de tutrice, à payer à la société CA Consumer Finance les sommes suivantes :

- 11 484 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 5,4 % au titre du contrat de crédit n° 81474267838 :

- 18 270 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 5,4 %, au titre du contrat de crédit n° 81477441423 ;

- condamné la société CA Consumer Finance à payer à Mme [M] [X], veuve [Z], et l'ATMP de l'AIN, ès qualités, la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts compensatoires ;

- débouté Mme [M] [X], veuve [Z], et l'ATMP de l'Ain, ès qualités, de leur demande en paiement dirigée contre la société Franfinance ;

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement ;

- condamné la société CA Consumer Finance à payer à Mme [M] [X], veuve [Z], et l'ATMP de l'Ain, ès qualités, la somme globale de 1 200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les autres demandes au titre des frais de procédure ;

- condamné la société CA Consumer Finance aux dépens et admis la SELARL Cabinet [N], société d'avocats, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration transmise au greffe le 24 décembre 2020, Mme [M] [X] et l'ATMP de l'Ain, ès qualités, ont relevé appel de cette décision.

Avisées par le greffe, le 5 mars 2021, de ce que la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, ès qualités, n'avait pas constitué avocat, les appelantes lui ont fait signifier la déclaration d'appel, le 11 mars 2021, par procès-verbal de remise à personne morale.

Dans leurs conclusions déposées le 13 septembre 2021, Mme [M] [X], veuve [Z], et l'ATMP de l'Ain, en qualité de tutrice de Mme [Y] [Z], demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- les a déboutées de leurs demandes en nullité des contrats (marchés de travaux et crédits affectés) souscrits par [V] [Z] et Mme [M] [X] ;

- les a condamnées solidairement à payer à la société CA Consumer Finance les sommes suivantes :

- 11 484 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 5,4 % au titre du contrat de crédit n° 81474267838 :

- 18 270 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 5,4 %, au titre du contrat de crédit n° 81477441423 ;

- a condamné la société CA Consumer Finance à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts compensatoires ;

- les a déboutées de leur demande en paiement dirigée contre la société Franfinance;

-statuant à nouveau :

(À titre principal)

- annuler les contrats de vente souscrits avec la société Service Renov Habitat ;

- annuler les contrats de crédit suivants :

- crédit Franfinance n°10114423766 du 29 août 2014 d'un montant de 7 800 euros ;

- crédit Sofinco n°81474267838 du 25 novembre 2014 d'un montant de 10 200 euros ;

- crédit Sofinco n°81477441423 du 18 février 2015 d'un montant de 16 600 euros ;

- dire qu'elles ne devront rembourser que le capital prêté ;

- condamner la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, en qualité de liquidatrice de la société Service Renov Habitat, à payer cette somme aux organismes de crédit ;

- condamner la même, ès qualités, à garantir l'ATMP, ès qualités, et Mme [Z] pour toutes les sommes payées ou dues aux organismes de crédit ;

À titre subsidiaire, à défaut d'annulation des contrats de vente :

- rejeter les demandes des sociétés CA Consumer Finance et Franfinance ;

- condamner solidairement ces sociétés à leur verser la somme de 70 000 euros à titre de dommages-intérêts pour leur défaut de conseil ;

- condamner solidairement la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, ès qualités et les sociétés Sofinco CA Consumer Finance et Franfinance à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens, en ce compris le constat de Me [D], huissier de justice, distraits au profit de Me [N], avocat sur son affirmation de droit.

Ces conclusions ont été signifiées à la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, ès qualités, le 29 mars 2021.

Dans ses conclusions déposées le 17 juin 2021, la société CA Consumer Finance demande à la cour de :

- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il l'a condamné à payer aux appelantes une indemnité de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts compensatoires ;

- l'infirmer de ce chef ;

- en toutes hypothèses, débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- y ajoutant :

- condamner les appelantes à lui verser la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens avec distraction au profit de la SELARL Levy Roche Sarda.

Dans ses conclusions déposées le 14 juin 2021, la société Franfinance demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'elle a rejeté les demandes de nullité des contrats de vente souscrits auprès de la société Service Renov Habitat et des contrats de prêts subséquents;

- rejeter l'ensemble des demandes des appelantes ;

- condamner les appelantes à lui payer la somme de 7 133,31 euros, outre intérêt au taux contractuel de 6,69 % l'an, à compter du 28 juin 2016 ;

- condamner in solidum les appelantes à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

L'instruction a été clôturée par ordonnance le 12 octobre 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Préalablement, il a y a lieu de relever que, le liquidateur judiciaire de la société Service Renov Habitat étant défaillant, mais que la déclaration d'appel lui ayant été signifiée par procès-verbal de remise à personne morale, le présent arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Sur l'annulation des contrats conclus avec la société Renov Habitat Service et des contrats de crédits souscrits auprès des sociétés Franfinance et Sofinco (devenu CA Consumer Finance)

À titre infirmatif, les appelantes contestent l'acte par lequel [V] [Z] aurait réceptionné, le 20 septembre 2014, les premiers travaux ayant fait l'objet d'un devis le 29 août 2014, puisqu'il était à cette date hospitalisé. Ils indiquent que, le lendemain de cette hospitalisation, le 30 septembre 2014, un second devis a été établi. Ils indiquent que, au total, cinq devis ont été établis, pour un total de 63 700 euros et que pour le dernier, [V] [Z] a souscrit un contrat de crédit le 18 février 2015, pour 16 600 euros, alors qu'il a été hospitalisé sept jours plus tard.

Elles font valoir qu'[V] [Z] était alors retraité et invalide, avait subi un AVC en 1984, souffrait d'une hémiplégie droite complète et avait été amputé d'une jambe en 2013.

Elles estiment justifier qu'[V] [Z] souffrait de troubles de la mémoire, de la concentration et des capacités de jugement, par certificat médical du 28 mai 2015.

Elle indiquent que Mme [Z], retraitée, qui devait s'occuper de son mari et de sa fille, elle-même handicapée, souffrait elle-même d'une pathologie inflammatoire d'un membre supérieur et a été opérée de la cataracte.

Elles considèrent que le vendeur, qui a établi plusieurs factures, avait tout à fait connaissance des problèmes de santé du couple et a fait souscrire plusieurs crédits, au regard de leurs moyens modestes.

Elles estiment que le vendeur a abusé de la faiblesse du couple, qui n'était pas propriétaire de son logement, lieux des travaux, en usant de manoeuvres frauduleuses consistant à faire signer divers devis et contrats de crédit, pour minimiser le coût total de l'opération, pour le montant duquel le couple n'aurait pas souscrit ces contrats.

Elles contestent, en fonction de l'âge et de l'état de santé des signataires, et de leur situation, que ceux-ci aient pu avoir une vision d'ensemble de l'opération.

Elles invoquent l'abus de faiblesse, prévu par l'article L 121-8 du code de la consommation, sanctionné par la nullité des engagements, en application de l'article L. 132-13 du code de la consommation.

Elles indiquent que les travaux n'ont été que partiellement réalisés, comme l'établit le constat d'huissier du 8 juillet 2015.

Elles précisent qu'une instruction pénale est en cours, qui concerne de très nombreuses victimes.

Elles se prévalent de l'article L. 311-32 du code de la consommation pour demander l'annulation des contrats de crédit, du fait de l'annulation des contrats de vente.

Elles estiment qu'en raison de la faute de la société Service Renov Habitat, son liquidateur doit les relever et garantir du remboursement de ce prêt.

À titre confirmatif, la société CA Consumer Finance soutient qu'il n'est pas rapporté la preuve d'un quelconque vice du consentement.

Elle souligne que Mme [Z] a signé le bon de commande du 18 février 2015, avant l'hospitalisation de son époux et que le handicap physique de son mari ne l'a pas empêchée de constater l'achèvement des travaux.

Elle écarte la démonstration d'un abus de faiblesse commis sur le couple, estimant que les bons de commande ont été passés dans un intervalle relativement court leur permettant de disposer d'une vision d'ensemble. Elle considère que les circonstances invoquées par les appelantes relèvent d'une action en responsabilité et non en nullité.

À titre confirmatif, la société Franfinance estime que la situation de faiblesse du souscripteur n'est pas démontrée, relevant qu'il ne faisait l'objet d'aucune mesure de protection. Elle considère qu'il n'est pas établi que le souscripteur n'était pas en mesure d'apprécier la portée de ses actes.

Elle écarte toute force probatoire au constat d'huissier produit par les appelantes, qui n'est pas contradictoire.

Sur ce,

Il sera noté que, pour solliciter la nullité des contrats de prestations conclus avec la société Service Renov Habitat, les appelantes fondent cette demande sur les dispositions des articles L. 122-8 du code de la consommation, relatifs à l'abus de faiblesse, et L. 331-32 du même code, en leurs rédactions alors applicables.

Le premier de ces textes prévoit en son premier alinéa que quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit sera puni d'un emprisonnement de trois ans et d'une amende de 375 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte.

Le dernier alinéa précise que lorsqu'un contrat est conclu à la suite d'un abus de faiblesse, celui-ci est nul et de nul effet.

En l'espèce, il est constant que M. et Mme [Z], alors âgés respectivement de 73 et 65 ans, ont souscrit auprès de la société Service Renov Habitat :

- à la suite d'un devis du 29 août 2014, accepté le même jour, un contrat de travaux concernant la toiture de la maison où ils résidaient, pour un prix de 7 800 euros TTC, financé en totalité par le prêt Franfinance ;

- à la suite d'un devis du 30 septembre 2014, accepté le même jour, un contrat pour assainissement des charpentes, pour un prix de 8 500 euros TTC, financé en totalité par un crédit souscrit auprès de la société Cetelem (devenue BNP Paribas personal finance) ;

- à la suite d'un devis du 25 novembre 2014, accepté le même jour, un contrat visant à la pose de matériaux d'isolation, pour un prix de 10 200 euros TTC, financé en totalité par un prêt souscrit auprès de la société Sofinco (devenue CA Consumer Finance) ;

- à la suite d'un devis du 18 février 2015, accepté le même jour, un contrat visant la mise en place de gouttières, pour un prix de 20 600 euros TTC, financé en totalité par un crédit souscrit auprès de la société Sofinco ;

- à la suite d'un devis du 18 février 2015, accepté le même jour, un contrat portant sur le traitement hydrofuge et anti-mousse, pour un prix de 16 600 euros TTC, financé en totalité par un crédit souscrit auprès de la société Sofinco.

Il convient de relever que, tandis que la société a son siège social à [Localité 11] (71), tous les devis ont été acceptés à « [Localité 12] », lieu du domicile des époux [Z] indiqué sur chacun des devis qu'ils ont acceptés (pièces appelantes n° 4, 9, 12, 15 et 18). Par ailleurs, l'information judiciaire (pièce n° 39, p. 6 et 7) mentionne des chefs de prévention pour des faits qui auraient été commis au préjudice de M. [Z], à la suite de « visites personnelles au domicile des consommateurs ».

Il résulte en outre du procès-verbal d'audition de Mme [Z] devant les forces de l'ordre (pièce n° 31 des appelantes) que les devis ont été proposés et acceptés au domicile du couple.

Dès lors, il y a lieu de retenir que la société Service Renov Habitat, a fait souscrire à [V] [Z] des engagements au comptant (pour ce qui la concerne) à la suite de visites à domicile.

En ce qui concerne l'état de faiblesse ou d'ignorance des souscripteurs, il ressort des pièces versées à son dossier par les appelantes (pièce n° 22 des appelantes) qu'[V] [Z], âgé de 73 ans au moment de la conclusion des contrats, avait été victime d'un accident vasculaire cérébral en 1984, avait subi une amputation de la jambe en 2013 et avait été reconnu comme personne handicapée par la maison départementale des personnes handicapées de l'Ain. Son médecin généraliste, dans un certificat médical du 28 mai 2015, indique qu'il avait constaté des troubles de la concentration et de la mémoire qu'il imputait à l'accident vasculaire qu'avait subi son patient (pièce n° 24 des appelantes).

En raison du lien entre cet événement médical, ancien, et le constat du médecin en 2015, ainsi que des circonstances qui précèdent, il y a lieu d'en déduire que, pendant la période durant laquelle les contrats étaient souscrits, [V] [Z] présentait des troubles cognitifs liés à son état de santé.

Il ne peut à cet égard qu'être relevé la graphie, extrêmement hésitante, de la signature d'[V] [Z], sur les documents contractuels, et notamment le premier (pièce n° 4).

En outre, le couple avait une fille handicapée, placée sous tutelle de l'ATMP (pièce n° 2) et qui vivait avec ses parents, dans une maison qui appartenait à leur fille en propre (pièce n° 1), de sorte que les travaux commandés ne bénéficiaient pas directement aux souscripteurs.

Lors de son audition par les forces de l'ordre, à raison de la procédure pénale engagée contre des membres de la société Service Renov Habitat (pièce n° 31), Mme [Z], âgée de 65 ans au moment de la souscription des contrats, a indiqué que son mari se déplaçait en fauteuil roulant, qu'ils avaient perdu deux enfants, et qu'elle n'était pas d'accord avec le principe des travaux mais qu'elle a cédé, en raison de l'insistance de sa fille, tout en indiquant que celle-ci n'aurait pas été en mesure de comprendre ce qui aurait pu se dire lors de la réception des travaux et qu'elle avait des pertes de mémoire.

Il doit également être relevé le montant global des devis acceptés, s'élevant à 63 700 euros, le montant global des échéances mensuelles de remboursement des prêts souscrits pour ces travaux, de 940,49 euros et le montant des revenus du couple, qui était annuellement de 16 370 euros net fiscal en 2014 (soit 1 364,16 euros par mois).

Par ailleurs, les appelantes justifient que, pendant une partie de la période durant laquelle les travaux ont été successivement réalisés et souscrits, [V] [Z] a été hospitalisé du 8 a 29 septembre 2014 (pièce n° 8).

Il résulte de ce qui précède que les souscripteurs, en raison des problèmes de santé affectant [V] [Z], et des fragilités notables liées à leur situation familiale, étaient dans une situation de faiblesse ou d'ignorance qui ne leur permettait pas d'apprécier la portée des engagements qu'ils ont pris.

Par ailleurs, en raison de la nature des difficultés affectant les souscripteurs, celles-ci ne pouvaient être méconnues du professionnel les ayant démarchés pour souscrire les contrats.

Dès lors, il y a lieu de retenir l'existence d'un abus de faiblesse commis par la société Service Renov Habitat au détriment des souscripteurs. Conformément aux dispositions de l'article L. 123-8 du code de la consommation, alors applicable, ces contrats doivent être annulés.

Par ailleurs, l'article L. 311-32 du code de la consommation, en sa rédaction alors applicable, prévoit que : « En cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne seront applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur. »

En l'espèce, il est constant que les crédits restant en litige, qui étaient des crédits affectés, ont été conclus en vue du financement des contrats souscrits par le couple auprès de la société Service Renov Habitat.

La nullité de ces derniers contrats emporte nullité des contrats de crédit litigieux.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Conformément à la demande des appelantes, il sera dit que la nullité des contrats de prêts litigieux entraînera la restitution des sommes prêtées. Cette restitution s'opérera sous déduction des sommes de toutes natures ayant été versées par les emprunteurs.

Sur la condamnation du liquidateur judiciaire, ès qualités

Les appelantes sollicitent la condamnation du liquidateur judiciaire, ès qualités, à payer le montant des sommes empruntées aux organismes de crédit.

Elles ont régulièrement appelé le liquidateur judiciaire à la cause et justifient avoir déclaré leur créance le 15 mars 2017 (leur pièce n° 33), à hauteur de 66 700 euros (correspondant au montant du capital emprunté auquel est ajouté celui d'une condamnation à l'article 700 du code de procédure civile).

La société Service Renov Habitat étant en liquidation judiciaire, le principe d'arrêt des poursuites individuelles de ses créanciers, qui résulte des articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce interdit le prononcé de toute condamnation à paiement contre elle.

En revanche, il y a lieu de considérer d'office que la demande de condamnation constitue une demande visant à ce que l'indemnité sollicitée soit fixée au passif de la société.

Toutefois, c'est sans préciser le fondement de leur demande, ni caractériser de faute précise et de lien de causalité avec le préjudice qu'elles invoquent, que les appelantes formulent leur demande indemnitaire, qui ne peut être considérée comme fondée.

Particulièrement, il sera relevé que, si les appelantes ne formulent aucune demande concernant les restitutions réciproques consécutives à l'annulation des contrats de prestations de services qui ont été souscrits, celle-ci devrait emporter notamment le remboursement du montant des travaux, auquel correspond celui des sommes empruntées en capital, de sorte que la réalité du préjudice invoqué n'est, en l'état du dossier, pas établie.

Cette demande sera ainsi rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'action indemnitaire contre les sociétés de crédit

Les appelantes sollicitent la réformation du jugement en ce qu'il a condamné la société CA Consumer Finance à leur verser la somme de 5 000 euros.

Cependant, ce n'est qu'à titre seulement subsidiaire de leurs demandes en nullité des contrats de vente et de crédits qu'elles sollicitent la condamnation de la même société, in solidum avec le liquidateur judiciaire, ès qualités, et de la société Franfinance, à leur verser des dommages-intérêts (à hauteur de 70 000 euros) pour défaut de conseil.

La cour ayant fait droit à la demande principale des appelantes, elle ne peut statuer sur cette demande subsidiaire.

A considérer l'appel formé par les consorts [Z], le chef de dispositif du jugement susvisé reste dès lors sauf de toute critique.

Néanmoins, la société CA Consumer Finance a formé un appel incident sur ce point.

À titre infirmatif, elle estime en effet qu'il n'est pas établi qu'elle ait commis une faute de nature à entraîner un préjudice, comme ayant parfaitement respecté ses obligations, ce dont elle justifie par la production des fiches de dialogue signées par les emprunteurs.

Elle indique qu'elle ne pouvait connaître l'ensemble des crédits souscrits.

Elle conteste l'existence et le quantum des dommages-intérêts alloués et de ceux demandés par les appelantes.

Toutefois, c'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas contredits par les moyens soulevés en appel par l'organisme de crédit et que la cour adopte, que le tribunal, appréciant les capacités financières et le risque d'endettement des emprunteurs, non avertis, en fonction de leurs biens et revenus, a retenu que la société Sofinco, devenue CA Consumer Finance, n'avait pas respecté son devoir de mise en garde en raison du risque d'endettement excessif que représentait le second prêt souscrit au regard des capacités financières des emprunteurs.

Etant rappelé que le manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt prive cet emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé en l'espèce, au regard de la situation financière des emprunteurs susvisée, c'est en outre par une juste appréciation, que la cour approuve, que le premier juge a fixé l'indemnisation due par l'organisme de crédit à la somme de 5 000 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la condamnation à paiement au titre des prêts consentis aux époux [Z]

La cour ayant annulé les contrats de prêts souscrits les 25 novembre 2014 et 18 février 2015 (n° 81474267838 et n° 81477441423) par les époux [Z] auprès de la société Sofinco (devenue CA Consumer Finance), la décision de première instance sera infirmée, conformément à la demande des appelantes, en ce qu'elle a prononcée une condamnation à paiement contre elle, de ce chef.

La société Franfinance indique que le tribunal n'a pas statué sur sa demande en paiement, en soulignant que les appelantes ne contestent pas la validité du contrat de crédit souscrit. Elle indique que les emprunteurs restent devoir, au 28 juin 2016, la somme totale de 7 133,31 euros.

Toutefois, la cour ayant prononcé l'annulation du contrat de prêt sur lequel l'organisme de crédit fonde sa demande en paiement, celle-ci ne peut qu'être rejetée.

Sur les autres demandes

Les sociétés de crédit, qui perdent en cette instance, seront condamnées in solidum à en supporter les dépens, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Le procès-verbal de commissaire de justice n'ayant pas été autorisé par décision judiciaire, il n'y a pas lieu d'en ordonner le remboursement à ce titre.

Par ailleurs, l'équité commande de condamner in solidum les sociétés CA Consumer Finance et Franfinance à verser à l'avocat des appelants, la somme globale de 2 000 euros, conformément aux dispositions de l'article 700, 2°), du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a :

- débouté Mme [M] [X], épouse [Z], et l'ATMP de l'Ain, en qualité de tutrice de Mme [Y] [Z], de leurs demandes en nullité des contrats (marchés de travaux et crédits affectés) souscrits par [V] [Z] et Mme [M] [X] ;

- condamné solidairement Mme [M] [X], veuve [Z], et Mme [Y] [Z], représentée par l'ATMP de l'Ain en qualité de tutrice, à payer à la société CA Consumer Finance les sommes suivantes :

- 11 484 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 5,4 % au titre du contrat de crédit n° 81474267838 :

- 18 270 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 5,4 %, au titre du contrat de crédit n° 81477441423 ;

L'infirmant de ces chefs et statuant à nouveau :

- annule les contrats pour marchés de travaux conclus entre [V] [Z] et Mme [M] [X], veuve [Z] (M. et Mme [Z]), d'une part, et la société Service Renov Habitat, d'autre part, les :

- 29 août 2014, pour un montant de 7 800 euros TTC ;

- 30 septembre 2014, pour un montant de 8 500 euros TTC ;

- 25 novembre 2014, pour un montant de 10 200 euros TTC

- 18 février 2015, pour un montant de 20 600 euros TTC ;

- 18 février 2015, pour un montant de 16 600 euros TTC ;

- annule les contrats de prêt conclus par M. et Mme [Z] :

- le 29 août 2014, (n° 10114423766) auprès de la société Franfinance, pour un montant de 7 800 euros ;

- les 25 novembre 2014 et 18 février 2015 (n° 81474267838 et n° 81477441423) auprès de la société Sofinco (devenue CA Consumer Finance), pour des montants respectifs de 10 200 et 16 600 euros ;

- dit que l'annulation des contrats de prêt entraînera la restitution, par les emprunteurs, aux organismes de crédit du montant des sommes empruntées, sous déduction des sommes de toutes natures qu'ils ont versés aux sociétés de crédit ;

Y AJOUTANT,

Rejette la demande de Mme [X] et de l'ATMP aux fins de condamnation de la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, en qualités de liquidatrice de la société Service Renov Habitat à payer l'ensemble des sommes dues aux organismes de crédit ;

Rejette les demandes en paiement des sociétés CA Consumer Finance et Franfinance ;

Condamne in solidum les sociétés CA Consumer Finance et Franfinance à supporter les dépens d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, les frais du constat de commissaire de justice du 8 juillet 2015 en étant toutefois exclus ;

Condamne in solidum les mêmes à payer à Me [N] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700, 2°) du code de procédure civile et rejette leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 20/07375
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;20.07375 ?
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