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11/04/2024 | FRANCE | N°20/05676

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 11 avril 2024, 20/05676


N° RG 20/05676 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NGCJ









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 14 septembre 2020



RG : 2018j01825







[F]

[I]



C/



S.A. BANQUE PRIVEE EUROPEENNE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 11 Avril 2024







APPELANTS :



Mme [R] [F] épouse [I]

née le [Date naissance 3] 19

49 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 5]



M. [V] [I]

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentés par Me Géraldine DUSSERRE-ALLUIS, avocat au barreau de LYON, toque : 955, postulant et ayant pour avocat plaidant...

N° RG 20/05676 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NGCJ

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 14 septembre 2020

RG : 2018j01825

[F]

[I]

C/

S.A. BANQUE PRIVEE EUROPEENNE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 11 Avril 2024

APPELANTS :

Mme [R] [F] épouse [I]

née le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 5]

M. [V] [I]

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentés par Me Géraldine DUSSERRE-ALLUIS, avocat au barreau de LYON, toque : 955, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

INTIMEE :

S.A. BPE anciennement dénommée BANQUE PRIVEE EUROPÉENNE, société anonyme au capital de 102.410.685 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 384 282 968, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés, en cette qualité, audit siège social

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, postulant et par Me Katia SITBON, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 02 Juin 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Février 2024

Date de mise à disposition : 11 Avril 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 31 décembre 2003, Mme [R] [F] épouse [I] et M. [V] [I] ont accepté, par acte authentique, l'offre de prêt de la Banque privée européenne du 4 décembre 2003, afin de financer l'acquisition d'un appartement et de deux places de parking situés à la Réunion. Cette offre renfermait un prêt d'un montant de 192.500 euros remboursable en 180 mensualités et prévoyait un taux de base de 4,05 % variable et un TEG annuel de 4,45%.

En 2018, à l'arrivée à échéance de leur crédit, les époux [I] ont fait part à la Banque privée européenne de leurs interrogations concernant d'éventuelles anomalies présentes dans les documents contractuels. Ils ont confié à un expert la mission de procéder à des investigations approfondies. L'expertise a révélé qu'il existerait bien des anomalies. Aucune solution amiable n'a été trouvée.

Par acte du 23 octobre 2018, les époux [I] ont assigné la Banque privée européenne devant le tribunal de commerce de Lyon

Par jugement contradictoire du 14 septembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

dit que le point de départ du délai de prescription correspond à la date de formalisation de l'acceptation de l'offre de prêt par les époux [I], soit le 31 décembre 2003,

dit que l'action intentée est irrecevable car prescrite depuis le 31 décembre 2008,

condamné solidairement les époux [I] à payer à la Banque privée européenne la somme de 700 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné solidairement les époux [I] aux entiers dépens.

Les époux [I] ont interjeté appel par acte du 16 octobre 2020.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 janvier 2022 fondées sur l'article 1907 du code civil, les articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation, les articles R. 313-1 et suivants du même code, l'article L. 312-33 du code de la consommation désormais L. 341-34 du même code, l'ancien article 1147 du code civil et ensemble les articles 1231 et suivants nouveaux du même code, M. et Mme [I] demandent à la cour de :

déclarer l'appel recevable,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit que le point de départ du délai prescription correspond à la date de formalisation de l'acceptation de l'offre de prêt par eux, soit le 31 décembre 2003,

dit que l'action intentée est irrecevable car prescrite depuis le 31 décembre 2008,

les a condamnés solidairement à payer à la Banque privée européenne la somme de 700 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

les a condamnés solidairement aux entiers dépens,

statuant à nouveau, et y ajoutant,

déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,

prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts au titre du prêt n° 0474574814701 qu'ils ont souscrit auprès de la Banque privée européenne,

en tout état de cause,

condamner la Banque privée européenne à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle,

condamner la Banque privée européenne à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la Banque privée européenne,

condamner la Banque privée européenne aux entiers dépens de première instance et d'appel.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 14 décembre 2021 fondées sur les articles 1134, 1304 et 1907 du code civil, l'article 16 du code de procédure civile, les articles L. 312-8, L. 312-10, L. 312-33, L. 313-1, L. 313-2, L. 341-4, R. 311-6, R. 322-18 et R. 313-1 du code de la consommation, les articles 15 et 1907 du code civil et l'article L. 110-4 du code de commerce, la BPE, anciennement dénommée Banque privée européenne, demande à la cour de :

à titre principal,

confirmer le jugement déféré,

juger que le point de départ du délai de prescription correspond à la date de formalisation de l'acceptation de l'offre de prêt par les époux [I], soit le 31 décembre 2003,

juger que la prescription de l'action les époux [I] est acquise depuis le 31 décembre 2008

juger que les époux [I] ont engagé la présente procédure par assignation délivrée le 23 octobre 2018,

en conséquence,

juger irrecevables les demandes formées par les époux [I], à son encontre, à toutes fins qu'elles comportent,

à titre subsidiaire,

juger mal fondés les époux [I], en l'ensemble de leurs demandes,

juger que les époux [I] ne rapportent pas la preuve d'un manquement contractuel de sa part, ni d'un quelconque préjudice,

à titre infiniment subsidiaire,

juger que les époux [I] ne rapportent pas la preuve de l'existence d'une perte de chance de contracter un prêt à un TEG moins élevé,

en tout état de cause,

confirmer le jugement déféré,

débouter les époux [I], de l'ensemble de leurs demandes, à toutes fins qu'elles comportent,

condamner solidairement les époux [I] à lui payer la somme de 4.000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 juin 2022, les débats étant fixés au 21 février 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande principale en nullité de la stipulation d'intérêt

La BPE fait valoir que :

l'erreur du TEG de l'offre de crédit immobilier n'ouvre pas droit à l'emprunteur d'introduire une action judiciaire en nullité relative de la stipulation d'intérêt en application des dispositions combinées de l'article 1907 du code civil et L.313-1, L.313-2 et R.313-1 du code de la consommation ;

cette action est irrecevable sans besoin d'examen au fond ;

l'intégralité des demandes des appelants doit être rejetée.

M. et Mme [I] ne font pas valoir de moyens sur ce point.

Sur ce,

Vu les dispositions des articles 1907 du code civil, et L313-1, L313-2 et R313-1 du code de la consommation,

La lecture exacte de ces textes ne permet pas de relever une interdiction faite à un emprunteur, qu'il soit consommateur ou pas, de contester la validité du taux effectif global inscrit dans son offre de prêt.

Dès lors, il y a lieu d'examiner les moyens soulevés par chaque partie dans le cadre de la présente instance, le moyen de la BPE étant rejeté.

Sur la prescription de l'action de M. et Mme [I]

M. et Mme [I] font valoir que :

le point de départ de la prescription ne vise pas la connaissance qu'ils auraient 'pu' avoir des faits, mais les faits qu'ils auraient 'dû' connaître ;

ils ne pouvaient déceler eux-mêmes les irrégularités dénoncées dès la signature des documents contractuels alors qu'ils faisaient confiance à la banque ;

ils ont légitimement ignoré les faits jusqu'à ce qu'un sachant attire leur attention sur ce point,

le principe d'effectivité des sanctions applicables en cas de manquement par le banquier à ses obligations doit conduire à écarter la prescription,

le report du point de départ de la prescription ne conférerait pas à celle-ci un caractère potestatif, car la prescription demeure en tout état de cause acquise au bout de 20 ans,

le prêt litigieux est actuellement en cours d'exécution de sorte qu'aucune prescription ne peut leur être opposée en tant que consommateurs de crédit, au nom du principe de l'égalité des armes,

le prêt étant en cours d'exécution, le délai butoir de 20 ans n'a pas vocation à s'appliquer.

La BPE fait valoir que :

les éléments permettant aux appelants d'agir étaient décelables à la lecture de l'offre, de sorte que le point de départ de la prescription est l'acceptation de l'offre,

l'offre ayant été acceptée par les appelants en décembre 2003, l'action est prescrite depuis décembre 2008,

l'assignation introductive d'instance visant à sanctionner l'offre de prêt a été signifiée le 23 octobre 2018,

l'action subsidiaire en déchéance du droit du prêteur aux intérêts est également prescrite,

la production du rapport d'expertise non contradictoire est indifférente et ne saurait fonder le point de départ de la prescription,

le rapport d'expertise a été établi à partir des seuls éléments contenus dans l'offre,

il suffit que l'un au moins des griefs que prétendent faire valoir les emprunteurs pour soutenir que le TEG de l'offre acceptée serait erroné, ait été aisément décelable à la lecture de l'offre pour que le point de départ de la prescription s'opère à la date de son acceptation,

la demande indemnitaire accessoire des appelants est également prescrite.

Sur ce,

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 1304 alinéa 1 du code civil, dans sa version applicable au litige dispose que dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Eu égard aux textes susvisés, il convient de rappeler que la prescription est fixée en son point de départ à la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé, ou à défaut, à la date à laquelle le tableau d'amortissement définitif est remis.

Dans la présente instance, il est relevé que l'offre de prêt a été émise le 4 décembre 2003 et précise les modalités d'évaluation des frais d'hypothèque exclus du calcul du taux effectif global (article XVI des conditions générales), et un taux effectif global définissant les intérêts annuels.

Il est constant que cette offre de prêt a été acceptée et signée le 31 décembre 2003.

Les appelants entendent faire valoir qu'ils n'ont pu se rendre compte de l'erreur que lors de la remise du rapport d'expertise privée.

Toutefois, la lecture simple de l'offre et son examen permettent de retrouver les éléments repris plus tard dans l'expertise.

Dès lors, le délai de prescription a commencé à courir dès lors que le contrat a été formé soit le 31 décembre 2003 pour s'achever au 31 décembre 2008.

Le moyen soulevé par M. et Mme [I] est dépourvu d'effet, ces derniers ne pouvant faire abstraction de la nature du contrat et de son contenu.

Enfin, s'agissant du droit à l'égalité des armes et du droit au procès équitable en application de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et au fait que la banque pourrait bénéficier d'un report de prescription à chaque impayé, alors que les droits des appelants sont limités en cas de difficultés liées à la conclusion même du contrat, M. et Mme [I] entendent comparer deux droits sans rapport, ayant chacun un régime propre, de même qu'une prescription propre.

Les appelants ne justifient d'aucune rupture dans leur accès au droit ou bien du non-respect du droit fondamental au procès équitable.

Enfin, il est rappelé que le régime de la prescription, propre à chaque droit, permet d'assurer la stabilité juridique de la situation de chaque partie.

Ce moyen ne pourra qu'être rejeté, n'étant pas de nature à modifier la date d'acquisition de la prescription.

Eu égard à ce qui précède, les demandes présentées sont irrecevables et de il convient de confirmer la décision déférée dans son intégralité.

Sur les demandes accessoires

M. et Mme [I] échouant en leurs prétentions, ils seront condamnés solidairement à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande d'accorder à la BPE une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, M. et Mme [I] seront condamnés solidairement à lui verser la somme de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Rejette la demande d'irrecevabilité formée par la Banque Privée Européenne,

Confirme la décision déférée dans son intégralité,

Y ajoutant

Condamne solidairement Mme [R] [F] épouse [I] et M. [V] [I] à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,

Condamne solidairement Mme [R] [F] épouse [I] et M. [V] [I] à payer à la Banque Privée Européenne la somme de 2.500 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/05676
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;20.05676 ?
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