N° RG 23/01907 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O2UQ
Décision du Tribunal de Commerce de Lyon en référé
du 01 mars 2023
n° : 2022R00929
S.A.R.L. TEX SERVICES
C/
S.A.S. HR ASSOCIES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 10 Avril 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. TEX SERVICES
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Thomas COURADE de la SELARL TC AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1109
INTIMÉE :
S.A.S. HR ASSOCIES
[Adresse 10]
[Localité 9]
Représentée par Me Sandra GARCIA, avocat au barreau de LYON, toque : 2731
Ayant pour avocat plaidant Me Jeremy Maruani, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANTES :
La société FHBX, en qualité d'administrateur judiciaire de la société TEX SERVICES, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE, sous le numéro 491 975 041, représentée par Maître [E] [Y] et [P] [S], dont le siège social est sis [Adresse 1] [Localité 11] et l'établissement secondaire est sis [Adresse 3] [Localité 6],
Représentée par Me Thomas COURADE de la SELARL TC AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1109
La société MJ ALPES, en qualité de mandataire judiciaire de la société TEX SERVICES, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de VIENNE, sous le numéro 830 490 413, représentée par Me [I] [M] et Me [I] [T], dont le siège social est [Adresse 12] [Localité 4] et l'établissement secondaire est sis [Adresse 5] [Localité 7],
Représentées par Me Thomas COURADE de la SELARL TC AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1109
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Date de clôture de l'instruction : 13 Mars 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Mars 2024
Date de mise à disposition : 10 Avril 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Bénédicte BOISSELET, président
- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
- Véronique DRAHI, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL Tex Services exerce une activité de nettoyage et en 2014, elle a confié au cabinet Henri Roche une mission d'expertise comptable.
Par courriel du 20 octobre 2020, le cabinet Henri Roche a informé la SARL Tex Services d'une reprise des activités d'expertise comptable par la SAS HR Associés.
Du 4 février au 8 juin 2021, la société Tex Services a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2017 au 31 août 2020. Par courrier du 8 juin 2021, la Direction spécialisée de contrôle fiscal Centre-Est a proposé au contribuable une rectification de l'ordre de 200'000 € portant tant sur la TVA et que sur l'impôt sur les sociétés.
Dans ce contexte, la SAS HR Associés a soumis à la signature de son client deux contrats':
L'un, daté du 31 juillet 2021, au titre d'une mission comptable classique destiné à formaliser la succession au cabinet Henri Roche effective à effet au 1er août 2021.
L'autre, daté du 30 juillet 2020, désigné «'avenant à la lettre de mission'» dans le cadre de la procédure de contestation de la proposition de rectification fiscale moyennant des honoraires évalués à 4'000 € HT.
En exécution de cet avenant, la société HR Associés a, le 5 août 2021, remis à la société Tex Services un projet de réponse au contrôleur fiscal pour envoi à ce dernier. Le 21 septembre suivant, la société Tex Services a transmis à la société HR Associés la réponse du contrôleur fiscal en date du 15 septembre aux termes de laquelle les rectifications proposées étaient maintenues en totalité. Après recueil d'informations complémentaires, la société HR Associés a remis une nouvelle proposition de réponse mais la société Tex Services a informé l'expert-comptable qu'elle ne la transmettrait pas à l'administration fiscale, jugeant cette réponse très insuffisante.
Le 12 janvier 2022, le cabinet Magnat Groupe a adressé une correspondance à la société HR Associés l'informant de son intervention dans l'intérêt de la société Tex Service en ses lieux et place, sauf existence d'un motif légitime d'opposition à la prise en charge du dossier.
En réponse et par courrier du 20 janvier suivant, la société HR Associés a avisé le cabinet Magnat Groupe du défaut de paiement de ses honoraires d'un montant total de 5'700 € TTC, tant au titre de sa mission comptable dont le solde impayé au 31 décembre 2021 était de 900 € HT et qui avait été reconduite tacitement pour 2022 à défaut de courrier de résiliation, que de sa mission d'assistance dont le solde impayé était de 4'000 € HT.
Le 25 janvier 2022, la société Tex Services a informé la société HR Associés de sa volonté de résilier la lettre de mission en raison d'un manquement important à ses obligations. Cette résiliation sera réitérée par courrier de son conseil et, en réponse, la société HR Associés a réclamé le paiement de ses honoraires et contesté tout manquement de sa part.
Reprochant au cabinet comptable une rétention des éléments comptables l'entravant dans sa contestation de la proposition de rectification fiscale et invoquant le blocage de ses lignes de crédit, la société Tex Services a, par exploit du 8 novembre 2022, fait assigner la société HR Associés devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir la restitution des pièces sous astreinte.
Par ordonnance de référé contradictoire rendue le 1er mars 2023, le Président du Tribunal de commerce de Lyon a statué ainsi :
Disons que la société HR Associés SAS soulève des moyens de défense qui constituent des contestations sérieuses au sens de l'article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile,
En conséquence,
Disons que les demandes formulées par la société Tex Services SARL excèdent les pouvoirs du juge des référés et l'invitons à mieux se pourvoir devant les juges du fond,
Disons qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'ensemble des autres demandes,
Disons que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a pu engager dans la présente instance,
Condamnons la société Tex Services SARL aux dépens de l'instance.
Le juge des référés a retenu en substance :
Que la relation contractuelle entre les parties est formalisée par un «'contrat de mission'» conclu le 1er août 2021 à la suite de la cession de portefeuille de clients entre Henri Roche et HR Associés';
Qu'aucun élément versé aux débats n'explicite les engagements et obligations résultant de la cession de portefeuille clients notamment au regard de la société Tex Services, cliente depuis 2014';
Que la relation contractuelle a été étendue par un avenant du 30 juillet 2021 aux fins d'accompagnement et d'assistance pour le traitement des demandes de l'administration fiscale portant sur une période antérieure à l'avenant, lequel est lui même antérieur au contrat principal';
Que ces éléments, tenant à la volonté des parties et à leurs engagements contractuels, excédent la compétence du juge des référés';
Que la demande de paiement d'une provision se heurte tout autant à une contestation sérieuse.
Par déclaration en date du 6 mars 2023, la SARL Tex Services a relevé appel de cette décision en tous ses chefs et, par avis de fixation du 3 avril 2023 pris en vertu de l'article 905 et suivants du Code de procédure civile, l'affaire a été fixée à bref délai.
Par jugement rendu le 22 août 2023, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SARL Tex Services et le 15 janvier 2024, la SELARL FHBX, ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Tex Services et la SELARL MJ ALPES, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Tex Services, sont intervenues volontairement à l'instance.
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Aux termes de leurs écritures remises au greffe par voie électronique le 18 janvier 2024 (conclusions d'appel n°2 et d'intervention volontaire), la SARL Tex Services, appelante, et les SELARL FHBX, ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Tex Services, et MJ ALPES, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Tex Services, intervenantes volontaires, demandent à la cour':
Vu les articles 872 et 873 du Code de procédure civile,
Vu l'article 369 du Code de procédure civile,
Vu les articles L. 622-22 et L.622-23 du Code de commerce,
Vu l'article 2286 du Code civil,
Vu l'article L.622-5 du Code de commerce,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,
DIRE RECEVABLE ET BIEN FONDEE l'intervention volontaire des sociétés FHBX et MJ ALPES intervenant ès-qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Tex Services,
JUGER bien fondé l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance rendue le 1er mars 2023 par le juge des référés du Tribunal de Commerce de Lyon en ce qu'elle a : (reprise dispositif ordonnance de référé),
LA REFORMER DE CES CHEFS
Statuant à nouveau :
ORDONNER la restitution par la société HR ASSOCIES à la société Tex Services de la totalité de la documentation comptable et des pièces comptables de la société Tex Services en sa possession, notamment les journaux comptables, grands livres et déclarations fiscales, le tout sous astreinte de 200 € par jour de retard à défaut d'exécution spontanée dans les huit jours suivant l'arrêt à intervenir,
CONDAMNER la société HR Associés à payer à la société Tex Services la somme de 10'000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la société HR ASSOCIES aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elles prétendent que l'ouverture d'une procédure judiciaire a emporté interruption de l'instance qu'elles entendent poursuivre par la voie de leurs interventions volontaires et dont elles demandent à la cour de leur donner acte.
Elles rappellent qu'un droit de rétention ne peut pas être exercé si la créance invoquée n'est pas certaine, ce qui est le cas des honoraires réclamés par la société HR Associés. En tout état de cause, elles invoquent l'article L.622-5 du Code de commerce prévoit que «'Dès le jugement d'ouverture, tout tiers détenteur est tenu de remettre à l'administrateur ou, à défaut, au mandataire judiciaire, à la demande de celui-ci, les documents et livres comptables en vue de leur examen.'». Elles soulignent que cette disposition, qui fait tomber le droit de rétention de l'expert-comptable indépendamment du bien ou mal fondé de sa créance, a pour objectif de permettre à l'administrateur judiciaire de remplir sa mission et de favoriser le redressement du débiteur. Or, elles exposent que la société intimée a indiqué aux organes de la procédure collective qu'elle refusait cette transmission, sans pour autant déclarer sa créance au passif de la procédure.
Elles rappellent que la SAS HR Associés a été gravement défaillante dans l'exercice de sa mission et qu'elle a placé la société Tex Services dans l'impossibilité d'assurer correctement sa défense dans le cadre du contrôle fiscal. Elles contestent dès lors devoir la somme de 4'800 € pour l'année 2021. Elles contestent également devoir les honoraires pour 2022 puisque la société Tex Services a régulièrement prononcé la résiliation du contrat pour faute. En l'absence de créances, elles considèrent que l'intimée ne peut invoquer aucun droit de rétention, outre que le juge des référés aurait dû ordonner la restitution sollicitée compte tenu de l'urgence et afin de mettre fin à un trouble manifestement illicite.
Elles soulignent l'urgence à obtenir la restitution des documents comptables nécessaires pour contester utilement la proposition de rectification fiscale, alors que le redressement fiscal représente 50 % du passif. Elles invoquent encore la nécessité de mettre à jour la comptabilité de la SARL Tex Services, les besoins de poursuivre le recouvrement de l'important poste client de cette société et le retrait des lignes de découvert.
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Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 24 mai 2023 (conclusions d'intimée et d'appel incident), la SAS HR Associés demande à la cour':
Vu les articles 1103, 1210, 1211 et 1217 du Code civil,
Vu les articles 56, 835 et 873 du Code de procédure civile,
Vu les pièces versées au débat et les pièces adverses,
Confirmer l'ordonnance de référé rendue le 1er mars 2023, par le président du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a :
Dit que la société HR Associés soulève des moyens de défense qui constituent des contestations sérieuses au sens de l'article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Dit que les demandes formulées par la société Tex Services SARL excèdent les pouvoirs du juge des référés,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'ensemble des autres demandes, en ce qu'elles sont soulevées par Tex Services,
Condamne la société Tex Services SARL aux dépens de l'instance,
Infirmer l'ordonnance de référé rendue le 1er mars 2023, par le président du tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a :
Dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'ensemble des autres demandes soulevées par HR Associés, et notamment ses demandes reconventionnelles,
Dit que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a pu engager dans l'instance,
Et statuant à nouveau,
Condamner Tex Services à payer à la société HR Associés la somme provisionnelle de 10'302,00 € au titre des honoraires relatifs à la mission de comptabilité et à la mission sociale,
Condamner Tex Services à payer à la société HR Associés la somme provisionnelle de 4'800 € au titre de l'accompagnement et assistance sur le contrôle fiscal,
Débouter Tex Services de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Condamner Tex Services à payer à la société HR Associés, la somme de 3'000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle conteste l'existence du dommage imminent invoqué par la société Tex Services qui fonde ses demandes sur l'article 873 du Code de procédure civile. Elle considère en effet que cette société ne peut raisonnablement prétendre que l'absence de communication des pièces et fichiers comptables au cabinet MAGNAT GROUPE ferait craindre le blocage de son fonctionnement et de sa gestion, alors même que la société appelante est responsable de son propre préjudice en ne procédant pas aux règlements lui incombant au titre de ses engagements contractuels. Elle estime en outre que la société Tex Services ne justifie pas des prétendus périls imminents susceptibles de mettre fin à la poursuite de son activité, l'état de cessation des paiements pouvant mener à l'ouverture d'une procédure collective ne pouvant être caractérisé qu'en raison d'un passif exigible supérieur à son actif disponible.
Elle conteste également l'existence de toute obligation qui ne serait pas sérieusement contestable dès lors qu'elle a respecté ses obligations contractuelles. Elle affirme en effet que lorsqu'elle a été rendue destinataire de la proposition de rectification de l'administration fiscale, elle a proposé à sa cliente un avenant en vertu duquel elle a rédigé une réponse circonstanciée, puis un second courrier à l'attention de l'administration fiscale, que la société Tex Services s'est abstenue d'envoyer. Elle considère que la rédaction de ce second courrier démontre qu'elle a bien rempli ses obligations contractuelles. Elle souligne que la société appelante n'a pas respecté le préavis contractuel pour résilier le contrat qui a été reconduit tacitement postérieurement à la clôture de l'exercice social 2021.
Elle fait valoir n'avoir jamais acquiescé à la résiliation du contrat, rappelant que celui-ci a été tacitement reconduit à défaut de dénonciation trois mois avant la clôture de l'exercice.
A titre reconventionnel, elle réclame le règlement de ses factures en souffrance. Elle fait valoir que la preuve de la faute que lui impute la société Tex Services, qui ne peut se faire justice à elle-même, ne la dispense pas de payer les honoraires mais suppose de saisir le juge du fond. Elle fournit le détail des honoraires impayés pour un total de 15'102 €.
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Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.
MOTIFS
Aux termes de l'article L.622-23 du Code de commerce, les actions en justice et les procédures d'exécution autres que celles visées à l'article L. 622-21 sont poursuivies au cours de la période d'observation à l'encontre du débiteur, après mise en cause du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance ou après une reprise d'instance à leur initiative.
Il y a lieu de constater, en application de ce texte, que l'instance, en ce qu'elle a pour objet la restitution de documents comptables, est régulièrement poursuivie à la faveur des interventions volontaires de la SELARL FHBX, ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Tex Services, et de la SELARL MJ ALPES, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Tex Services.
Sur la demande reconventionnelle en paiement d'une provision':
L'article L.622-21 du Code de commerce pose le principe d'ordre public de l'interruption ou l'interdiction de toute action en justice exercée par un créancier contre un débiteur faisant l'objet d'une procédure collective lorsqu'une telle action a pour objet le paiement d'une somme d'argent, dont la créance est antérieure à la procédure collective.
Au sens de l'article L.622-22 du Code de commerce, l'instance en cours, interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance. Tel n'est pas le cas de l'instance en référé qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle de sorte que la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire.
L'instance en référé-provision n'est pas donc pas interrompue par la survenance d'une procédure collective mais l'arrêt des poursuites individuelles, règle d'ordre public, s'applique et la décision sur la créance appartenant au juge-commissaire, la juridiction des référés ne peut pas accueillir la demande de provision.
En l'espèce, l'avis BODACC produit par l'appelante et les sociétés intervenantes volontaires établit que la SARL Tex Services fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire en vertu d'un jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 22 août 2023. Cette procédure collective a été ouverte au cours de l'instance d'appel.
Si en application des règles précitées, l'instance en référé n'est pas interrompue par la survenance de la procédure collective, cette instance n'ôte pas au juge commissaire le pouvoir de prononcer l'admission ou le rejet de la créance. Dès lors, la demande en paiement d'une provision présentée reconventionnellement par la SAS HR Associés est devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par le texte susvisé.
L'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à statuer sur cette demande, sera confirmée par substitution de motifs.
Sur la demande de restitution de pièces comptables':
Aux termes de l'article 872 du Code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'article L.622-5 du Code de commerce prévoit': «'Dès le jugement d'ouverture, tout tiers détenteur est tenu de remettre à l'administrateur ou, à défaut, au mandataire judiciaire, à la demande de celui-ci, les documents et livres comptables en vue de leur examen.'».
Ce texte imposant la remise de la comptabilité à l'administrateur par le tiers détenteur n'est assorti d'aucune sanction et il ne saurait faire échec au droit réel opposable à tous conféré à une société d'expertise comptable par l'article 1948 du Code civil et son application jurisprudentielle constante laquelle a consacré le droit à rétention de l'expert-comptable des documents qui lui ont été volontairement remis pour l'accomplissement de sa mission tant qu'il n'a pas été payé.
En tout état de cause, l'article 168 du décret n°2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable encadre l'exercice du droit de rétention en prévoyant une information préalable du président du conseil régional de l'ordre de tout litige contractuel conduisant à envisager de procéder à la rétention des travaux effectués faute de paiement des honoraires par le client ou adhérent.
En outre, l'interprétation actuelle de la rédaction de l'article 168 consiste à autoriser le professionnel à ne retenir que le travail effectué par lui-même, ce qui constitue une exception d'inexécution au plan juridique, et non les documents appartenant au client, ce qui constitue le droit de rétention au sens du droit commun.
Dès lors, l'exercice du droit de rétention suppose une corrélation entre les documents retenus et la créance réclamée.
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En l'espèce, la SAS HR Associés ne conteste pas ne pas avoir remis à la SARL Tex Services les pièces comptables qu'elle a établies au titre de sa mission comptable (notamment journaux comptables, grands livres et déclarations fiscales). Indépendamment même de l'ouverture de la procédure collective, l'urgence pour la société appelante à obtenir la restitution de ces documents est évidente dans la mesure où ces pièces sont nécessaires à la gestion de la société. En outre, cette urgence est désormais accrue par la nécessité de faciliter le redressement judiciaire de la société Tex Services qui bénéficie depuis août 2023 d'une procédure collective.
Pour s'opposer néanmoins à cette restitution, l'on comprend que la SAS HR Associés invoque, au moins implicitement, son droit de rétention. En effet, par courriel du 20 janvier 2022, le cabinet d'expertise comptable a informé la société Magnat Groupe, appelée à lui succéder dans sa mission comptable auprès de la société Tex Services, que ses honoraires n'avaient pas été réglés à hauteur de 5'700 €.
La cour relève que cette somme correspondait, d'une part, aux honoraires de 4'800 € TTC réclamés au titre de la mission d'assistance à contrôle fiscal, soit une mission étrangère aux documents retenus, et d'autre part, aux honoraires de 900 € réclamés au titre de la mission comptable classique dus au 31 décembre 2021, soit une mission directement en lien avec les documents retenus.
Si le droit de rétention a ainsi été valablement invoqué à ce moment-là compte tenu de l'existence d'une créance de 900 € due au titre des travaux comptables réalisés pour l'exercice 2021, compte tenu de la corrélation entre les documents retenus et la créance réclamée, la cour relève que tel n'est plus le cas à ce jour. En effet, dans le cadre de la présente instance, la SAS HR Associés réclame une créance dont elle fournit le détail sous forme de tableau inclus dans ses écritures et dont elle produit les factures correspondantes en pièce 7 de son bordereau.
Or, ces factures sont sans aucun lien avec l'exercice comptable 2021 puisqu'elles concernent, en premier lieu, la somme de 5'400 € au titre de la mission de contrôle fiscal, en deuxième lieu, des honoraires au titre d'une mission sociale exécutée en 2022, et en troisième et dernier lieu, des honoraires au titre de la mission comptable exclusivement échus en 2022 dans la mesure où la société intimée considère que sa mission comptable a été tacitement reconduite. Il s'ensuit qu'en l'absence de corrélation entre les documents retenus au titre des exercices comptables antérieurs à 2022 et la créance réclamée, la SAS HR Associés n'est manifestement plus fondée à opposer un droit de rétention.
Dès lors, la cour constate que la demande en restitution formée par la SARL Tex Services présente un caractère urgent et que cette demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse dès lors que le droit de rétention opposé par la SAS HR Associés n'est pas valablement invoqué.
L'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a rejeté la demande de restitution, sera infirmée. Statuant à nouveau, la cour condamne la SAS HR Associés à remettre à la SARL Tex Services la totalité de la documentation comptable et des pièces comptables (notamment, journaux comptables, grands livres et déclarations fiscales) dans les conditions qui seront précisées au dispositif de la présente décision. En particulier, l'ancienneté du litige commande d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
Sur les autres demandes':
La SAS HR Associés succombant, la cour infirme la décision attaquée qui a condamné la SARL Tex Services aux dépens et rejeté sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Statuant à nouveau et y ajoutant, la cour condamne la SAS HR Associés aux dépens de première instance et d'appel et rejette sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles.
La cour condamne la SAS HR Associés à payer à la SARL Tex Services la somme de 3'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Vu la poursuite de l'instance suite à l'intervention volontaire des SELARL FHBX, ès- qualités d'administrateur judiciaire de la société Tex Services, et MJ ALPES, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Tex Services,
Confirme l'ordonnance rendue le 1er mars 2023 par le Président du Tribunal de commerce de Lyon en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en paiement d'une provision présentée à titre reconventionnel par la SAS HR Associés,
L'infirme pour le surplus de ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SAS HR Associés, prise en la personne de son représentant légal, à remettre à la société Tex Services la totalité de la documentation comptable et des pièces comptables de la société Tex Services en sa possession, notamment les journaux comptables, grands livres et déclarations fiscales, dans le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision,
DIT que faute pour la SAS HR Services d'avoir procéder à cette remise, elle sera redevable, passé ce délai, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé jusqu'au 30 juin 2024 à 100 € par jour de retard,
Condamne la SAS HR Associés, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la SAS HR Associés, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la SARL Tex Services la somme de 3'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT