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28/03/2024 | FRANCE | N°21/07233

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 28 mars 2024, 21/07233


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/07233 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N3RL





[J]



C/



Association SAINT ETIENNE NATATION







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Saint-Etienne

du 13 Septembre 2021

RG : 19/00394





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 28 MARS 2024







APPELANTE :



[U] [J]

[Adresse 2]

[Local

ité 3]



représentée par Me Sandrine PIERI de la SELARL FRANCOIS DUMOULIN, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Association SAINT ETIENNE NATATION prise en la personne de son président en exercice



[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/07233 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N3RL

[J]

C/

Association SAINT ETIENNE NATATION

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Saint-Etienne

du 13 Septembre 2021

RG : 19/00394

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 28 MARS 2024

APPELANTE :

[U] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Sandrine PIERI de la SELARL FRANCOIS DUMOULIN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Association SAINT ETIENNE NATATION prise en la personne de son président en exercice

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant au barreau de LYON, Me Nelly COUPAT, avocat plaidant au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Décembre 2023

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Françoise CARRIER, conseiller honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

- Nabila BOUCHENTOUF, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nabila BOUCHENTOUF, conseiller pour Etienne RIGAL, Président empêché et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Mme [U] [J] épouse [A] a été engagée par l'association Saint-Etienne Natation (ci-après SEN) à compter du 1er septembre 2017 en qualité d'entraîneuse et de secrétaire suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 11 juillet 2017 moyennant un salaire brut mensuel de 1 920 €.

Il était convenu d'un forfait en heures de 1 607 heures par an.

Les relations contractuelle étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale du sport.

Par courrier du 8 avril 2019, l'association SEN a convoqué Mme [J] à un entretien préalable à licenciement, avec notification d'une mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 27 avril 2019, elle a notifié à la salariée son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

' Suite à notre entretien qui s'est tenu le mardi 23 avril 2019 à 12H30 à la piscine Raymond Sommet, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants :

- Encaissement d'un chèque destiné à l'association Saint-Etienne-Natation d'un montant de 300 euros à votre nom propre le 21 décembre 2018 sur votre compte bancaire. En effet, Madame [Y] vous a donné en main propre 3 chèques sans ordre en octobre 2018 destinés à Saint-Etienne-Natation pour le règlement du stage de sa fille en Martinique. Un chèque d'un montant de 285 euros a été encaissé par Saint-Etienne Natation le 20 février 2019. Le 7 mars 2019, Madame [Y] a envoyé un mail au trésorier de l'association pour demander le remboursement de l'intégralité du stage car sa fille n'est pas partie en Martinique (Arrêt de la natation artistique). Le trésorier lui a répondu le 22 mars 2019 par mail qu'il voulait bien la rembourser du chèque encaissé et lui rendre le second chèque non encaissé mais que l'association n'avait jamais perçu le 3ème chèque. Madame [Y] a envoyé par mail le 22 mars 2019 son relevé de compte en indiquant que ce chèque avait bien été déposé sur un compte bancaire puisqu'il était prélevé. Le trésorier lui a demandé si elle pouvait faire une recherche auprès de sa banque pour connaître la personne qui avait encaissé ce chèque. Le 29 mars 2019, la banque lui a apporté la preuve que c'était Madame [U] [A] qui avait encaissé le chèque destiné à Saint-Etienne Natation.

Vous nous avez demandé un délai de 48h que nous vous avons accordé pour vous expliquer par rapport à ce chèque. Vous avez envoyé un mail au comité directeur restreint le 24 avril 2019 pour vous justifier. Nous avons entendu votre interprétation.

- Disparition d'une somme de 300 euros en espèces qu'on vous a confiée destinée à payer le stage en Martinique. Le 1er février 2019, Madame [O] vous a fait passer dans une enveloppe la somme de 300 euros en espèces pour payer le voyage de sa fille [Z] accompagnatrice. Elle vous avait au préalable proposé un chèque et vous lui aviez répondu que vous préféreriez avoir des espèces. Quand le trésorier a fait les comptes de la Martinique le 29 mars 2019, il s'est rendu compte qu'il n'avait aucune somme concernant la participation de [Z] au stage. ll lui a alors demandé le paiement lejour même et Madame [O] lui a indiqué qu'[K] avait donné la somme de 300 euros en espèces dans une enveloppe à Madame [A] lors d'un entraînement. Nous disposons d'une attestation sur l'honneur en date du 15 avril 2019 pour prouver également ce fait reproché. Par conséquent, le budget du stage montre un manque de 300 euros pour le club de Saint-Etienne Natation.

Compte-tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien au sein de l'association est impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans préavis ni indemnité de licenciement.Vous avez fait par ailleurs l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 avril 2019 que vous avez réceptionnée le 10 avril 2019.

Dès lors, la période non travaillée du 10 avril à la première présentation de la présente lettre ne sera pas rémunérée.

A l'expiration de votre contrat de travail, nous vous adresserons par courrier votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle emploi.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement.'

Le 21 octobre 2019, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne à l'effet de contester son licenciement et d'obtenir le versement de rappels de salaire, d'heures supplémentaires, des dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos, d'une indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour violation de la durée quotidienne et hebdomadaire de travail, de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, d'un rappel de salaire pour la période de mise à pied, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement pour violation du droit à l'emploi, plus subsidiairement pour licenciement irrégulier.

Par jugement du 13 septembre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [J] de ses demandes :

'' de rappel de salaires au titre des journées des 6 et12 juillet,15, 28, 30 et 31 août 2017,

'' de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2018 et 2019,

'' au titre de la contrepartie oblígatoire de repos,

'' au titre des durées maximales et minimales de travail et de repos,

'' d'indemnité pour travail dissimulé,

- requalifié le licenciement de Mme [J] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné l'association SEN à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

'' 1 084 € au titre des heures supplémentaires pour l'année 2017 outre 108,40 € au titre des conges payés afférents,

'' 804,16 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

'' 1 930 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre il 193 € au titre des congés payés afférents,

'' 1 261,92 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre 126,19 € au titre des congés payés afférents,

- débouté Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause reelle et sérieuse,

- ordonné à l'association Saint-Etienne Natation de remettre une attestation Pôle Emploi rectifiée à Mme [J], ce sous astreinte de 30 € parjour à compter du mois suivant la notification du jugement,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné l'assooiation Saint-Etienne Natation à verser à Mme [J] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Mme [J] épouse [A] a interjeté appel.

Aux termes de conclusions notifiées le 20 juin 2022, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de rappel de salaires au titre des journées des 6, 12 juillet, 15, 28, 30 et 31 aout 2017, de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2018 et 2019, d'indemnisation au titre de la contrepartie obligatoire de repos, d'indemnisation au titre des durées maximales et minimales de travail et de repos, d'indemnité au titre du travail dissimulé, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001,

- condamner l'association Saint-Etienne Natation à lui verser, outre intérêts de droit, les sommes suivantes :

'' 337,21 € à titre de salaire pour les journées des 6, 12 juillet, 15, 28, 30 et 31 août 2017 outre 33,72 € au titre des congés payés afférents,

'' 8 228,61 € à titre d'heures supplémentaires pour les années 2018 et 2019 outre 822,86 € au titre des congés payés afférents,

'' 1 599,90 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux droits acquis au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

'' 11 580 € à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

'' 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions légales et conventionnelles sur la durée maximale quotidienne et hebdomadaire du travail et la durée minimale quotidienne et hebdomadaire de repos,

- enjoindre, sous astreinte de 30 € par jour de retard à compter vingtième jour suivant la notification du jugement à intervenir (sic), à l'association Saint-Etienne Natation d'avoir à établir et délivrer à Mme [J] une attestation Pôle Emploi rectifiée du chef des rappels de salaire sollicités,

- dire que la cour se réserve la possibilité de liquider l'astreinte,

- condamner l'association Saint- Etienne Natation à lui verser, outre intérêts de droit, la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, si le Conseil (sic) ne retenait pas l'inopposabilité du plafonnement de l'article L.1235-3 du Code du travail, la somme de 3 860 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 2 140 € à titre de dommages et intérêts pour violation du droit à l'emploi, plus subsidiairement la somme de 1 930 € pour licenciement irrégulier,

- condamner l'association Saint-Etienne Natation à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les intérêts de droit au taux légal afférents aux condamnations à venir produiront capitalisation par année entière,

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations par le jugement à intervenir et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 devront être supportés par l'association Saint-Etienne Natation en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'association Saint-Etienne Natation aux dépens.

Aux termes de conclusions notifiées le 23 mars 2022, l'association Saint-Etienne Natation demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes de :

'' rappel de salaires au titre des journées des 6, 12 juillet, 15, 28, 30 et 31 août 2017,

'' rappel d'heures supplémentaires pour la saison 2018/2019,

'' d'indemnisation au titre de la contrepartie obligatoire de repos et d'indemnisation au titre des durées maximales et minimales de travail et de repos,

'' d'indemnisation au titre du travail dissimulé,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- débouter la salariée en conséquence de l'ensemble des demandes indemnitaires formulées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire, dommages-intérêts) et de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre de l'année 2017,

- condamner Mme [J] à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé que les demandes tendant à voir "constater" ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; qu'il en est de même des demandes tendant à voir 'dire et juger" lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur le rappel de salaire au titre des journées des 6, 12 juillet, 15, 28, 30 et 31 août 2017

Mme [J] fait valoir qu'elle a travaillé au bénéfice de l'association aux mois de juillet et d'août 2017 à hauteur de 32 heures et que ces heures n'ont pas été rémunérées.

L'association SEN fait valoir que Mme [J] avait accepté de participer à titre bénévole aux inscriptions des mois de juillet et d'août 2017, que ces heures ont été incluses dans le forfait annuel de la saison 2017/2018 et qu'elles ont été payées.

L'employeur reconnaît que Mme [J] a travaillé pour l'association dès le mois de juillet 2017, les 6 et 12 juillet de 13h à 17 h et les 15, 28, 30 et 31 août de 12h à 18h soit au total 32 heures. Il ressort du planning de l'année 2017/2018 que 12 heures effectuées aux mois de 'juin/juillet' (sic) ont été comptabilisées par l'employeur et que Mme [J] a travaillé 1 675,25 heures au cours de cette saison.

Or, compte-tenu de cinq semaines de congés payés, Mme [J] a été rémunérée sur la base de 35 heures par semaine pendant 47 semaines soit pour 1 645 heures. Il en résulte que, nonobstant la prise en compte de 12 heures et non pas de 32 effectuées au cours de la période considérée, Mme [J] n'a été réglée de ses heures de travail des mois de juillet et août 2017 qu'à hauteur de 1,75h (1 645 + 32 - 1 675,25).

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de rappel de salaire à hauteur de 30,25h soit 318,83 € outre 31,88 € au titre des congés payés afférents.

Sur les heures supplémentaires des années 2017, 2018 et 2019

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties.

Si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La majoration des heures réalisées au delà du nombre d'heures contractualisé est due même en dépit de l'opposition ou de l'absence d'autorisation de l'employeur si ces heures sont indispensables à l'accomplissement des tâches à réaliser.

L'employeur qui, en connaissance de cause, laisse un salarié effectuer des heures supplémentaires sans s'y opposer y consent implicitement.

En l'espèce, Mme [J] produit au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires des récapitulatifs d'heures travaillées faisant apparaître qu'elle a travaillé 1 687,10 heures au cours de la saison 2017/2018 et 1 309,85 heures au titre de la saison 2018/2019, des plannings détaillés, une attestation de la mère d'une élève témoignant de ce qu'elle avait été présente à divers compétitions et galas et des documents justifiant de sa participation à des jurys et à des stages.

Elle inclut dans son emploi du temps des travaux effectués en dehors des heures de travail 'mais obligatoires pour le bon fonctionnement du club' (recherche d'équipements, établissement de plannings, recherche, choix et montage de musiques ou de chorégraphies).

Elle compte 13 heures de travail par jour pendant le stage organisé à la Martinique, en faisant valoir que les nageuses devaient être prises en charge de six heures à 20 heures ainsi que cela ressort d'une attestation de Mme [O], accompagnatrice bénévode.

Ces éléments sont suffisamment précis et permettaient à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'association SEN soutient que les plannings estimatifs, les calendriers des compétitions et de permence ainsi que le suivi de l'activité de la salariée lui permettent d'affirmer que celle-ci n'a effectué que 1 607 heures au lieu de 1 675,25 heures au cours de la saison 2017/2018 et 1 110,90 heures au cours de la saison 2018/2019.

Toutefois, elle ne fait aucune analyse précise des documents dont elle se prévaut permettant d'emporter la conviction de la cour sur ce point.

Elle produit des attestations de M. [F], directeur sportif, qui indique qu'aucune heure supplémentaire n'a été programmée ni effectuée au cours des saissons 2017/2018 et 2018/2019 et de Mme [V], responsable de la section artistique, qui indique que les heures de travail telles que fixées aux plannings étaient suffisantes pour faire face à la charge de travail de chacun.

Toutefois, ces attestations sont insuffisantes à démentir l'accomplissement d'heures supplémentaires par Mme [J] et à démontrer que sa charge de travail n'imposait pas l'accomplissement d'heures supplémentaires.

L'association SEN fait encore valoir qu'il n'entrait pas dans les tâches de Mme [J] de rechercher des équipements, d'établir des plannings, de rechercher et de choisir de la musique ou de procéder à un montage musical ou à une chorégraphie. Toutefois, sa fiche de poste et celle de Mme [V] font apparaître qu'elles avaient toutes deux en charge de rechercher des maillots de bain pour les compétitions, du choix des musiques pour chaque compétition et qu'elle avait en charge la logistique des stages ou des compétitions.

S'agissant du stage à la Martinique, l'employeur fait valoir qu'il a retenu une base de travail de 10 heures par jour en accord avec Mme [J] et se prévaut de l'attestation de Mme [O], accompagnatrice bénévole. Celle-ci déclare que, si les nageuses se levaient à six heures et étaient couchées à 20 heures, elle s'en occupait entre 4 et 5 heures par jour, les entraînements n'étant que le matin de 7h à 12h parfois 13 heures, l'après-midi étant consacré à des balades ou à la plage. Ainsi, les 13 heures de travail par jour revendiquées par Mme [J] au titre de ce stage apparaissent excessives.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir l'existence d'heures supplémentaires. Après analyse des pièces de chacune des parties et en tenant compte des éléments évoqués ci-dessus, la cour évalue la rémunération des heures supplémentaires accomplies par Mme [J] pendant la période d'emploi à la somme de 4 500 € outre 450 € au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts correspondant aux droits acquis au titre de la contrepartie obligatoire en repos

Mme [J] fait valoir qu'elle a accompli 335,20 heures supplémentaires durant l'année 2018 soit 115,20 heures au delà du contingent annuel fixé à 220 heures et 333,40 heures supplémentaires pour l'année 2019 soit 113,40 heures au delà du contingent et qu'elle n'a pas bénéficié de la contrepartie en repos.

La matérialité d'heures supplémentaires accomplies au delà du contingent n'est pas établie de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de ce chef.

Sur le non respect des dispositions sur le repos hebdomadaire et la durée maximale de travail hebdomadaire

Selon l'article L.3121-18 du code du travail la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures.

L'article L.3121-20 dispose qu'au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.

L'article 5.1.3.2 de la convention collective nationale du sport prévoit que « le nombre de semaines dont la durée atteint ou dépasse 44 heures est limité à 15 par an.

Lorsque 4 semaines consécutives sont supérieures ou égales à 44 heures, la 5 ème doit être de 35 heures au plus. »

Selon l'article L.3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives.

L'article L.3132-1 ajoute qu' il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine.

La convention collective du sport dispose que « les entreprises ou établissements s'efforcent de rechercher la possibilité d'accorder deux jours de repos consécutifs à leurs salariés. » et que « lorsque les salariés travaillent habituellement le dimanche et les jours fériés, l'employeur doit organiser leur travail afin qu'ils puissent bénéficier soit de deux jours de repos consécutifs par semaine avec dimanche travaillé, soit de 11 dimanches non travaillés par an, hors congés payés. »

La preuve du respect des durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail et de même que celle du respect du repos quotidien minimal incombe exclusivement à l'employeur.

En l'espèce, les relevés de galas et les comptes rendus de réunions mentionnés sur les tableaux récapitulatifs produits par la salariée établissement établissent la matérialité du non respect des dispositions relatives à la durée du travail et au droit au repos.

L'employeur ne discute pas les mentions des tableaux récapitulatifs invoqués par la salariée ni ne produit aucune pièce susceptible de les contredire.

La violation des dispositions légales relatives à la protection et la santé du salarié et son intégrité physique, psychique et mentale, est en soi génératrice d'un préjudice pour ce dernier.

Le préjudice subi par Mme [J] du fait du non respect par l'employeur des dispositions légales en matière de droit au repos et de durée du travail sera justement réparé par une indemnité de 2 000 €.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

L'article L. 8221-5 du code du travail répute travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Selon l'article L.8223-1, « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »

La dissimulation d'emploi est caractérisée s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de salaire un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué.

Mme [J] fait valoir que l'association SEN l'a fait travailler au cours des mois de juillet et d'août sans la rémunérer ni la déclarer auprès de l'URSSAF, qu'elle n'a pas rémunéré ses heures supplémentaires, qu'elle ne pouvait ignorer l'accomplissement d'heures supplémentaires puisqu'elle préparait les plannings et les organisait au cours de réunions suivies de comptes-rendus.

L'association SEN fait valoir qu'elle a toujours agi avec loyauté à l'égard de la salariée en faisant des points réguliers sur les décomptes d'heures en comparant le prévisionnel établi en début de saison avec les heures effectivement réalisées et souligne que Mme [J] n'a pas émis de 'difficultés quant à l'établissement de ses fiches de paie' antérieurement à son licenciement.

Il est acquis que l'association a employé Mme [J] dès le mois de juillet 2017 sans la déclarer.

Il ressort en outre des plannings prévisionnels versés aux débats par l'employeur lui-même qu'ils comportaient l'exécution d'heures supplémentaires ce qui établit le caractère structurel de ces heures supplémentaires et la connaissance qu'il en avait. Or aucune heure supplémentaire n'a été mentionnée sur les bulletins de paie de Mme [J].

La dissimulation d'emploi est par conséquent caractérisée et il convient de faire droit à la demande d'indemnité forfaitaire à hauteur de la somme réclamée soit 11 580 € correspondant à six mois de salaire.

Sur la rupture du contrat de travail

Selon l'article L.1232-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est la faute qui résulte d'un fait, ou d'un ensemble de faits, imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige. L'employeur a la charge de la preuve de la faute grave et ce n'est pas au salarié de démontrer qu'il n'a pas commis les fautes reprochées.

Le fait pour le salarié de ne pas s'être expliqué au cours de l'entretien préalable ne saurait valoir reconnaissance des griefs qui lui sont imputés ni laisser présumer que ceux-ci sont fondés.

En l'espèce, il est reproché à Mme [J] d'avoir encaissé un chèque de 300 € qui ne lui était pas destiné et d'être responsable de la disparition d'une somme de 300 € en espèces.

S'agissant de la disparition de la somme de 300 € en espèces, le conseil de prud'hommes a justement retenu que la responsabilité ne pouvait être imputée à Mme [J] dès lors qu'il n'était pas établi que l'enveloppe contenant ces fonds lui ait été remise par l'intermédiaire mandaté pour ce faire.

S'agissant du chèque de 300 €, il est acquis qu'il a bien été encaissé par Mme [J]. Celle-ci indique l'avoir encaissé 'par erreur'. Il ressort toutefois des explications qu'elle a fournies à l'employeur à la suite de l'entretien préalable qu'elle reconnaissait que le chèque de [G] [Y] devait être encaissé par le SEN mais qu'elle s'était considérée légitime à l'encaisser pour opérer compensation avec un chèque de 450 € émis par Mme [L] à l'ordre de l'association alors qu'il aurait dû être établi à son ordre.

Il ressort de l'attestation de Mme [L] que le chèque de 450 € était destiné à financer son voyage à la Martinique au tarif groupe dont bénéficiaient les nageuses mais qu'il avait été établi à l'ordre de la SEN 'à la demande de Mme [J]'. (sic)

Mme [J] fait valoir :

- que les circonstances démontrent que l'encaissement de ce chèque était une simple 'erreur', qu'elle n'avait aucune 'mauvaise intention', qu'il s'agissait d'un fait isolé,

- que l'employeur ne lui avait pas interdit d'ouvrir le séjour à des tiers,

- qu'elle n'a commis aucune malversation financière ni tiré profit de la situation,

- qu'elle a remboursé les frais de recherche de chèques.

Toutefois, il était loisible à la salariée soit de demander à Mme [L] d'établir un nouveau chèque ou, plus simplement, de s'ouvrir à l'employeur de la difficulté en lui demandant l'autorisation d'encaisser le chèque en ses lieu et place ou de mettre en place une solution comptable adéquate.

Quel qu'ait été le but poursuivi, le fait d'encaisser délibérément un chèque qu'elle savait destiné à l'employeur sans l'accord de ce dernier ne saurait s'analyser en une simple 'erreur' mais constitue une dissimulation et une déloyauté caractérisées de nature à faire perdre définitivement à l'employeur la confiance nécessaire à la poursuite de la relation contractuelle. C'est par conséquent à bon droit que l'employeur a licencié la salariée pour faute grave.

Il convient en conséquence de réformer le jugement déféré et de débouter Mme [J] de l'ensemble des demandes formulées au titre de la rupture du contrat de travail.

Sur l'irrégularité de la procédure

Mme [J] fait valoir que l'association SEN a été représentée par 4 personnes lors de l'entretien préalable, à savoir la présidente, la vice-présidente, le trésorier et la secrétaire de sorte que l'entretien a été privé de son caractère confidentiel, de le transformer en enquête et de la déstabiliser ce qui l'a empêchée de s'expliquer.

L'employeur fait valoir que seul la présidente et le trésorier ont pris la parole et que l'entretien s'est déroulé dans de bonnes conditions et dans le respect les uns des autres ainsi que cela ressort du compte-rendu établi par le conseiller du salarié.

Il résulte de l'article L.1232-3 du code du travail qu'au cours de l'entretien préalable à un éventuel licenciement, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié.

C'est un dialogue qui doit s'instaurer pour éclaircir une situation dont chaque partie ne connaissait pas nécessairement au départ tous les éléments.

Selon l'article L.1235-2 du code du travail, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment au cours de l'entretien préalable, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Constitue une irrégularité de procédure le fait de transformer l'entretien préalable en enquête.

En l'espèce, la présence aux côté de l'employeur de trois personnes a transformé l'entretien préalable en enquête et caractérise un détournement de la procédure de son objet.

Toutefois, il appartient au salarié d'établir le préjudice que lui a causé cette irrégularité. En l'espèce, Mme [J] a, sur sa demande, été autorisée à s'expliquer ultérieurement par écrit, ce qu'elle a fait de façon adaptée. Il n'est ainsi pas établi que l'irrégularité alléguée lui ait causé un préjudice.

Sur les demandes accessoires

Les sommes allouées à titre de dommages et intérêts supportent les cotisations et contributions sociales qui s'y rapportent.

L'employeur qui succombe partiellement supporte les dépens.

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande en application de l'article R.631-4 code de la consommation de mettre à la charge de l'employeur l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution.

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts sous réserve qu'ils soient dûs pour une année entière.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté Mme [J] épouse [A] de ses demandes :

'' de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'' de dommages et intérêts correspondant aux droits acquis au titre de la contrepartie oblígatoire de repos,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné l'association Saint-Etienne Natation à verser à Mme [J] épouse [A] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Réforme le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté Mme [J] épouse [A] de ses demandes :

'' de rappel de salaires au titre des journées des 6 et12 juillet,15, 28, 30 et 31 août 2017,

'' de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2018 et 2019,

'' au titre des durées maximales et minimales de travail et de repos,

'' d'indemnité pour travail dissimulé,

- requalifié le licenciement de Mme [J] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné l'association SEN à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

'' 1 084 € au titre des heures supplémentaires pour l'année 2017 outre 108,40 € au titre des conges payés afférents,

'' 804,16 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

'' 1 930 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre l93 € au titre des congés payés afférents,

'' 1 261,92 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre 126,19 € au titre des congés payés afférents,

- ordonné à l'association Saint-Etienne Natation de remettre une attestation Pôle Emploi rectifiée à Mme [J] épouse [A], ce sous-astreinte de 30 € parjour à compter du mois suivant la notification du jugement,

- débouté Mme [J] épouse [A] de sa demande de condamnation de l'employeur aux frais d'exécution forcée de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 ;

Statuant à nouveau,

Condamne l'association Saint-Etienne Natation à payer à Mme [U] [J] épouse [A] les sommes suivantes :

'' 318,83 € à titre de rappel de salaire outre 31,88 € au titre des congés payés afférents,

'' 4 500 € à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 450 € au titre des congés payés afférents,

'' 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales et minimales de travail et de repos,

'' 11 580 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

Dit que le licenciement de Mme [U] [J] épouse [A] repose sur une faute grave ;

Déboute Mme [U] [J] épouse [A] de ses demandes d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et d'indemnité pour irrégularité de la procédure ;

Ordonne la capitalisation des intérêts sous réserve qu'ils soient dûs pour une année entière ;

Ordonne à l'association Saint-Etienne Natation de remettre à Mme [U] [J] épouse [A] une attestation Pôle Emploi rectifiée conformément à la présente décision ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'association Saint-Etienne Natation aux dépens ;

Dit qu'en cas d'exécution forcée, elle supportera l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/07233
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;21.07233 ?
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