La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2024 | FRANCE | N°21/07034

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 28 mars 2024, 21/07034


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/07034 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N3AO





[T]



C/



SASU WIISMILE INVESTISSEMENT







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 30 Août 2021

RG : F 20/00399



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 28 MARS 2024







APPELANT :



[Z] [T]

né le 10 Octobre 1972 à [Localité 1]>
[Adresse 3]

[Localité 1]



représenté par Me Norbert POPIER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



SASU WIISMILE DEVELOPPEMENT

[Adresse 4]

[Localité 2]



représentée par Me David BLANC de la SCP FROMONT BRIENS, avocat plaidant...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/07034 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N3AO

[T]

C/

SASU WIISMILE INVESTISSEMENT

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 30 Août 2021

RG : F 20/00399

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 28 MARS 2024

APPELANT :

[Z] [T]

né le 10 Octobre 1972 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Norbert POPIER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

SASU WIISMILE DEVELOPPEMENT

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me David BLANC de la SCP FROMONT BRIENS, avocat plaidant au barreau de LYON, et Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Décembre 2023

Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Françoise CARRIER, conseiller honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

- Nabila BOUCHENTOUF, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nabila BOUCHENTOUF, Conseiller pour le Président empêché, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [Z] [T] a été embauché par la société Wiismile Développement par contrat à durée indéterminé en date du 11 juin 2018, en qualité de responsable développement terrain (RDT).

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 décembre 2019, M. [T] a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Postérieurement à son licenciement, par courrier du 2 septembre 2020, M. [T] a réclamé à son ancien employeur la somme de 3 516,26 euros à titre d'indemnité d'occupation d'une partie de son logement à des fins professionnelles.

Par courrier du 21 septembre 2020, la Société Wiismile Développement s'y est opposé en rappelant au salarié qu'il n'avait jamais été contraint d'entreposer à son domicile du matériel, lequel pouvait être conservé dans son véhicule de fonction et que la direction avait pris l'engagement de mettre à disposition de ses commerciaux un espace de travail en coworking à 30 minutes de leur domicile.

Face à ce refus, M. [T] a par requête du 6 octobre 2020, saisi le Conseil des prud'hommes de Saint-Etienne d'une demande en paiement d'une indemnité d'occupation.

Dans le cadre de cette instance, la société Wiismile Développement a sollicité reconventionnellement la condamnation de M. [T] au paiement des frais de réparation du véhicule de fonction ensuite d'un accident de la circulation survenu le 23 novembre 2019.

Le conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne a, par décision du 30 août 2021 :

- débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné M. [T] à rembourser à la société Wiismile Développement la somme

de 6640,13 euros au titre des frais de remise en état du véhicule de fonction ;

- débouté la société Wiismile Développement de ses autres demandes ;

- condamné M. [T] aux dépens.

Le 20 septembre 2021, M. [T] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées électroniquement le 20 décembre 2021, M. [T] demande à la cour de :

- RÉFORMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne en date du 30 août 2021 ;

et statuant à nouveau :

- CONDAMNER la société Wiismile Développement à lui verser la somme de 3 516,26 euros au titre de l'indemnité d'occupation de son sol privé à des fins professionnelles ;

- ANNULER la condamnation de M. [Z] [T] à payer la somme de 6 640,13 euros à la société Wiismile Développement en remboursement des frais de réparation du véhicule de fonction ;

- CONDAMNER la société Wiismile Développement à verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société Wiismile Développement aux dépens.

Il fait valoir tout d'abord, que dans le cadre de son activité commerciale, il travaillait depuis son domicile et y entreposait de manière permanente, des produits à caractère commercial de son employeur Wiismile Développement, livrés à son domicile, d'autre salariés occupant les mêmes fonctions que lui, attestant aussi qu'ils entreposaient du matériel commercial à leur domicile en l'absence d'espace de stockage au sein de l'entreprise.

Il ajoute que si l'entreprise avait projeté de mettre en place un espace de coworking, cette initiative n'a jamais vu le jour.

Par ailleurs, et s'il reconnaît avoir eu un accident avec le véhicule de fonction, celui-ci ne relève d'aucune intention de nuire, et il s'étonne de l'absence de prise en charge du sinistre par l'assurance de son ex-employeur, alors qu'il avait la qualité de préposé et estime qu'à ce titre, il ne peut être tenu civilement responsable des dommages causés sur son véhicule de fonction.

Par conclusions notifiées électroniquement le 16 mars 2022, l'employeur demande à la cour de:

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes et condamné M. [T] à lui rembourser la somme de 6 640,13 euros au titre des frais de remise en état du véhicule de fonction ;

- INFIRMER le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation des propos inacceptables tenus à l'égard de son dirigeant, et statuant à nouveau,

- CONDAMNER M. [T] à lui verser 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des propos inacceptables tenus,

- CONDAMNER M. [T] à lui verser 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La société Wiismile Développement conteste le bien-fondé de la demande d'indemnité d'occupation du salarié, soutenant qu'il disposait d'une solution alternative par la mise à sa disposition d'un espace de coworking dont il n'a jamais sollicité la réservation, relevant par ailleurs, qu'il n'avait jamais formulé la moindre réclamation à ce titre, pendant l'exécution du contrat de travail, et que cette procédure judiciaire a été engagée d'un an après la rupture du dit contrat.

Elle rappelle également avoir mis à la disposition du salarié un ordinateur et une clé 4G lui permettant de travailler depuis n'importe quel endroit, et qu'au demeurant, les tâches administratives d'un RDT sont très limitées. Elle estime d'ailleurs que M. [T] ne démontre pas avoir été contraint d'utiliser son domicile à des fins professionnelles, hormis par convenance personnelle, ce qui ne lui permet pas de prétendre à une indemnité d'occupation.

Elle souligne aussi le caractère particulièrement excessif de la réclamation indemnitaire, faisant observer que la volumétrie du matériel stocké est indéterminée, et ne peut tout au plus que correspondre à une faible proportion s'agissant d'éléments de petit format.

Elle expose en outre, que l'accident de circulation survenu le 23 novembre 2019, implique totalement M. [T] puisqu'il était en état alcoolique, a refusé une priorité et a commis un délit de fuite. Elle souligne que ces faits ont été commis le week-end, et ne sont donc pas rattachables à ses fonctions, l'assureur ayant de surcroît refusé sa garantie compte tenu du contexte de commission des faits.

Enfin, elle rappelle qu'à l'occasion d'un échange de mails, M. [T] s'est cru autorisé à tenir des propos outranciers et désobligeants à l'égard du dirigeant de la société constitutif d'un abus fautif manifeste de son droit d'expression.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR L'INDEMNITÉ D'OCCUPATION

Le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition ( Cass, Soc. 5 avril 2018 n° 16-26526 ).

Au cas d'espèce, le salarié sollicite la condamnation de l'employeur au versement de la somme de 3 516,26 euros au titre de l'indemnité d'occupation de son domicile. Il se déduit de ses écritures peu explicites, qu'il la fonde tant au titre de l'exercice de son activité au sein de son domicile, que du stockage en ce lieu de produits professionnels et de documentation commerciale.

Aux termes du contrat de travail liant les parties, les fonctions du salarié consistaient à 'participer au développement commercial' de la société, par la prospection téléphonique et physique, la mise à jour permanente du fichier commercial et le maintien du lien avec les clients.

Le contrat précisait aussi que M. [T] était rattaché au siège de la société, mais que la mission confiée 'implique que M. [T] relève d'une situation d'itinérant', le salarié ayant en charge le secteur commercial de la zone Rhône-Alpes Auvergne.

Le caractère majoritairement itinérant des fonctions du salarié est donc incontestable.

La société reconnaît avoir remis à son salarié, un ordinateur ainsi qu'une clé 4G. Elle admet également, qu'il se voyait remettre du matériel lui appartenant, étant précisé que celui-ci consistait en du matériel de papeterie, des enveloppes, des stylos, des plaquettes commerciales, des exemplaires de contrats ou encore des cartes de visite.

La société se prévaut aussi du fait qu'à l'occasion d'une réunion de délégués du personnel tenue le 5 juillet 2018, elle s'est dite 'favorable au fait de mettre à disposition des commerciaux terrain des bureaux en coworking dans une zone géographique de 30 minutes environ autour de leur domicile (...)' ; pour autant, elle ne justifie pas avoir effectivement mis à la disposition de M. [T] un tel espace de travail, à proximité de son domicile.

La cour observe surtout que M. [T] ne justifie par aucune pièce, de la proportion du temps de travail consacré à des tâches administratives, ni même à la réalisation de tâches qui nécessiteraient sa présence dans un local de bureau dédié.

En revanche, il démontre suffisamment, notamment par les attestations de trois anciens salariés, également RDT, qui affirment avoir reçu de leur employeur du matériel informatique leur permettant de travailler en 'home office' à leur domicile où ils entreposaient la documentation, commerciale, qu'il devait stocker le matériel à son domicile, sans que l'employeur ne lui ait permis de l'entreposer ailleurs.

Cette situation justifie sur le principe, l'octroi d'une indemnité qui est versée indépendamment du temps de travail effectif du salarié.

Toutefois, s'agissant précisément de l'ampleur de l'occupation de son domicile, le salarié ne verse au dossier aucun élément relatif à l'aménagement de son domicile ni à l'importance de la sujétion alléguée, se contentant d'une photographie d'un entassement de cartons au sol, dépourvue de toute force probante et deux bons de commande d'articles de papeterie et de prospectus commerciaux dont il ressort qu'ils consistaient en des fournitures de faible volume.

Sur le montant réclamé, il se borne, sans prendre la peine de détailler le quantum réclamé, à préciser le montant de son loyer (665 euros), de la consommation d'énergies gaz et électricité ( 131 + 35 euros), d'eau (19 euros), d'abonnement internet (30,99 euros), et d'assurance habitation (17,76 euros), en produisant les factures afférentes.

Dès lors, faute d'éléments suffisants sur la sujétion que représentait le stockage du matériel et sans aucune précision sur le temps de travail fourni à son domicile, sa demande d'indemnisation ne peut prospérer.

Confirmant sur ce point le jugement critiqué, il doit en être débouté.

SUR LES FRAIS DE RÉPARATION DU VÉHICULE DE FONCTION

Il est constant que la responsabilité pécuniaire du salarié sur le plan contractuel, ne peut être engagée par l'employeur qu'en cas de faute lourde, laquelle implique la démonstration par celui qui s'en prévaut, de l'intention de nuire du responsable, ou pour des accidents lorsque le véhicule est utilisé à titre privé.

Il n'est pas contesté par M. [T] qu'il a fait l'objet de poursuites pénales pour des faits de conduite en état alcoolique, délit de fuite, défaut de maîtrise et dégradations volontaires, faits commis dans la nuit du 24 novembre 2019, au volant du véhicule de fonction Peugeot 308.

La société justifie avoir pris en charge le coût des réparations du véhicule, chiffrées à 6 640,13 euros, l'assurance ayant refusé sa garantie du fait de l'état d'ébriété du conducteur.

M. [T] ne conteste pas que les infractions et les dégradations sur le véhicule ont été commises alors qu'il utilisait le véhicule à titre privé, et qu'il n'avait alors, pas la qualité de commettant de sorte que ses développements relatifs à la faute lourde sont totalement inopérants en l'espèce.

En conséquence, confirmant la décision des premiers juges, la cour retient que les réparations effectuées sur le véhicule, résultant d'un accident survenu alors que M. [T] ne faisait pas du véhicule un usage professionnel, doivent incomber à ce dernier.

SUR L'INDEMNISATION DES PROPOS TENUS A L'ÉGARD DU DIRIGEANT

La société Wiismile Développement réclame une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de propos désobligeants tenus par M. [T] envers son dirigeant, dans le cadre d'un échange de mails courant septembre 2020, considérant qu'il a commis un abus manifeste dans sa liberté d'expression.

Les échanges de courriels des 24 et 25 septembre 2020, entre M. [T] et M. [S], dirigeant de la société, démontrent effectivement des propos offensants tenus par le premier à l'égard du deuxième ('des gens aussi intelligents que vous (lol)', 'si tu me trouves injuste, c'est que tu as oublié ton enfance qui n'a pas dû être de tout repos concernant ton handicap', 'je ne vous souhaite pas du bien', qui s'inscrivent dans un échange duel, sans publicité, et surtout alors que la relation contractuelle avait pris fin depuis plus d'un an.

S'agissant de propos visant le dirigeant à titre personnel, en dehors de la relation contractuelle, la société est mal fondée en sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

SUR LES MESURES ACCESSOIRES

Il convient de condamner M. [T] aux dépens d'appel et à la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera en outre débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [T] à payer à la société Wiismile Développement la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [T] de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [T] aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/07034
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;21.07034 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award