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28/03/2024 | FRANCE | N°21/06333

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 28 mars 2024, 21/06333


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 21/06333 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NZC4





[Y]



C/



SAS MOB MONDELIN SAS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de ROANNE

du 30 Juin 2021

RG : 20/00035



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 28 MARS 2024













APPELANT :



[N] [Y]

né le 01 Août 1969 à [Localité 6

] (42)

[Adresse 3]

[Localité 1]



représenté par Me Mélanie CHABANOL de la SELARL CABINET MELANIE CHABANOL, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS MOB MONDELIN devenue NOVALIA

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]



représentée par Me Vincent D...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 21/06333 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NZC4

[Y]

C/

SAS MOB MONDELIN SAS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de ROANNE

du 30 Juin 2021

RG : 20/00035

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 28 MARS 2024

APPELANT :

[N] [Y]

né le 01 Août 1969 à [Localité 6] (42)

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Mélanie CHABANOL de la SELARL CABINET MELANIE CHABANOL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS MOB MONDELIN devenue NOVALIA

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant du barreau de LYON et Me Anne sophie LARDON-BOYER, avocat plaidant du barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Décembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Etienne RIGAL, Président

Vincent CASTELLI, Conseiller

Nabila BOUCHENTOUF, Conseiller

Assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Mars 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nabila BOUCHENTOUF, Conseiller pour Etienne RIGAL, Président empêché, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [N] [Y] (ci-après, le salarié) a été embauché par la société Roger Mondelin, spécialisée dans la fabrication d'outillage à main, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 juillet 2001 en qualité de contrôleur de gestion.

La convention collective applicable est celle des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

À compter de décembre 2010, et jusqu'en août 2014, il s'est vu confier le mandat de président du directoire de la société Roger Mondelin, en complément de ses fonctions salariées.

Courant juillet 2014, la société Financière Moulin a acquis la société Roger Mondelin.

Le 11 juillet 2014, un avenant au contrat de travail a été régularisé, prévoyant que le salarié occuperait désormais les fonctions de directeur administratif, financier et commercial.

Le 1er juillet 2016, la société Mob Mondelin (aujourd'hui dénommée Novalia et ci-après, l'employeur, la société), laquelle résulte de la fusion des sociétés Roger Mondelin et Mob Outillage, est devenue l'employeur du salarié.

Par courrier recommandé du 15 avril 2020, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 27 avril suivant, et a été mis à pied à titre conservatoire.

Par courrier recommandé du 30 avril 2020, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave, en ces termes':

« En votre qualité de salarié, de membre du comité de direction de l'entreprise et eu égard à votre ancienneté et vos responsabilités, vous avez une parfaite connaissance des règles de fonctionnement applicable et des enjeux stratégiques de la société.

Pourtant le 14 avril dernier, le service informatique m'a alerté sur un flux inquiétant de mails sortants (non identifiés comme personnels ou privés) de votre adresse mail professionnelle à destination de 2 adresses mail extérieures à la société : [Courriel 4] et [Courriel 5].

Entre le 9 mars et le 13 avril 2020, sur un total de 1.304 mails envoyés depuis votre adresse mail professionnelle, 19 mails ont été envoyés sur votre adresse mail personnelle et 1.203 à l'adresse flash.gordon pour un volume de 578 Mo de fichiers joints.

Il est important de préciser que sur ces 1.203 mails, 1.113 mails ont été envoyés entre le 18 mars à 19 heures 07 et le 20 mars à 14 heures 58 (ce alors même que vous étiez en activité partielle).

Par la suite, vous avez continué à transférer quand l'occasion se présentait des emails contenant des informations sensibles ou confidentielles, pour un total de 90 emails supplémentaires, et cela jusqu'à la suspension de votre accès à nos serveurs consécutive à votre mise à pied conservatoire.

L'analyse de ces mails et de leurs contenus fait apparaître que vous avez transféré à l'extérieur de l'entreprise des éléments généraux et confidentiels relatifs à la société et au groupe auquel elle appartient comme par exemple (liste non exhaustive) :

-fichier comportant tous les clients de la société Leborgne (société s'ur à MOB MONDELIN acquise en 2019 et pour laquelle vous n'exercez aucune mission) : avec les raisons sociales numéro de SIRET, adresses postales,

-tableau de synthèse des conditions commerciales confidentielles accordées à l'ensemble de nos centrales nationales incluant les CA 2018 et 2019 ainsi que le détail des conditions commerciales spécifiques de chaque centrale,

-scan d'une grande partie de nos contrats commerciaux,

-fichier avec le détail de notre CA pour chacun des 4.628 clients de la société avec les raisons sociales, la répartition des CA par marques distribuées, les centrales d'appartenance de ces clients

-plusieurs fichiers contenant la liste complète des magasins de clients avec : les raisons sociales, adresses postales, numéro de téléphone et fax mais également les noms et prénom des propriétaires de ces magasins

-des photos de votre écran d'ordinateur après avoir fait afficher des pages de notre ERP concernant le détail du calcul des prix de revient de divers produits de notre fabrication et/ou le détail de la nomenclature nécessaire à leur fabrication.

Au-delà du nombre très élevé de mails transférés, leurs contenus et leurs objets fait apparaître que vous avez détourné une très grande partie des données commerciales du groupe allant bien au-delà des informations utiles au simple exercice de vos missions professionnelles.

De tels agissements que vous avez parfaitement reconnus constituent des manquements particulièrement graves à votre obligation de loyauté.

En outre, ils vont à l'encontre du règlement intérieur et de la charte informatique applicables au sein de notre société :

Dans son article 7 le règlement intérieur stipule que « la messagerie électronique mise à disposition des salariés de l'entreprise à des fins strictement professionnelles est soumise au strict respect de la charte informatique qui leur est transmise lors de leur connexion.

Son utilisation, comme celle des autres moyens de communication mis à disposition, doit se faire dans le cadre exclusif de la mission professionnelle.

L'utilisateur, qui reste soumis à un devoir de discrétion vis-à-vis des activités de l'entreprise, devra veiller à ne pas entretenir de correspondances de nature privées ».

Parallèlement, l'article 3 de la charte informatique dans ses points 5 et 6 stipule que « tout utilisateur de l'entreprise accédant à des services réseaux devra le faire de façon autorisée et s'engage à ne pas effectuer les actions suivantes (ni d'opérations pouvant entraîner les conséquences suivantes) : l'envoi en nombre de messages personnels sauf dans le cadre de l'activité ou quand l'exercice de la fonction le requiert » et que « pour les nécessités de la maintenance et de gestion technique, l'utilisation des ressources matérielles et/ou logicielles ainsi que les échanges via le réseau peuvent notamment être analysés et contrôlés dans le respect du droit des personnes et des libertés individuelles et notamment de la vie privée de chacun, conformément aux dispositions de l'article L. 1222-4 du code du travail ».

Ainsi, les manipulations informatiques que vous avez opérées sont en violation flagrante des règles internes dont vous aviez parfaitement connaissance.

En atteste d'ailleurs le fait que vous ayez pris soin de les effacer par la suite dans votre ordinateur des boîtes d'« éléments envoyés » et « éléments supprimés ».

Au-delà, vos agissements vont à l'encontre des règles en matière de respect des données personnelles informatiques telles que définies par le RGPD que ce soit pour nos clients dont les données personnelles les concernant ont été transmises sur un réseau non sécurisé mais également pour la société MOB MONDELIN si ces informations stratégiques présentes envoyées simplement par mail étaient reprises par une tierce personne mal intentionnée.

Lors de cet entretien préalable, vous nous avez confirmé que vous aviez transféré l'ensemble des fichiers et données précités sur des boîtes de messagerie personnelles vous appartenant ([Courriel 4] et [Courriel 5]) et ce afin de vous créer une base de travail personnelle au motif que les serveurs de la société ne seraient pas accessibles à distance.

En réponse, nous vous avons rappelé qu'il y avait d'autres possibilités que d'envoyer des données stratégiques sur une adresse mail extérieure (sans aucune autorisation préalable ni de la direction générale ni du service informatique), comme par exemple demande un disque dur externe sécurité au service informatique, ce que vous n'avez pas fait.

De plus, vous avez procédé à ces transferts de mails alors même que vous étiez connecté à distance sur les serveurs ce qui signifie nécessairement que vous étiez en mesure de vous connecter.

Pour revenir sur votre argument d'être en capacité de travailler n'importe où et n'importe quand, cela n'explique en rien l'envoi d'éléments stratégiques sans lien avec les clients qui vous sont affectés mais relevant d'informations commerciales générales voire même de données personnelles, puisque nous avons découvert que vous preniez des photos de mon agenda Outlook que vous vous envoyez ensuite par mail !

Enfin, vous avez conclu vos explications en menaçant la société : « avec tout ce que je sais, les informations que j'ai eu accès ces dernières années, et pas des moindres -je ne vais pas remettre cela sur le tapis maintenant- si j'avais l'intention de nuire, je l'aurais fait depuis longtemps car il y a matière ».

Vos tentatives d'explications et de justifications n'ont pas modifié notre appréciation des faits.

Les agissements frauduleux précités sont inacceptables au sein de notre société compte tenu des raisons évoquées précédemment.

Ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien dans l'entreprise, y compris pendant la durée d'un quelconque préavis.

Votre licenciement pour faute grave sera donc effectif à la date d'envoi de cette lettre, soit le 30 avril 2020, sans préavis ni indemnité de rupture ».

Le 30 juillet 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Roanne afin de contester son licenciement.

Au dernier état de la procédure, il a demandé au conseil de condamner la société à lui verser':

- 81.857,20 € à titre de rappel de part variable de rémunération, outres les congés payés afférents,

- 26.035,14 € à titre de rappel de prime de 13ème mois, outre les congés payés afférents

- 2.165,52 € à titre de rappel de jours de RTT, outre les congés payés afférents

- 4.150,60 € à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire, outres les congés payés afférents,

- 59.119,08 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,

- 104.008,17 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (base 9.853,19 € intégrant le rappel de part variable)

- 90.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

- 175.000 € nets à titre de dommage et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 30.000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation des conditions vexatoires du licenciement

- 45.000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise de documents de fin de contrat non conformes

- 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

En réplique, la société a demandé au conseil de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui verser, à titre reconventionnel, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Le 20 juin 2021, le conseil a rendu un jugement de départage, dont le dispositif est rédigé comme suit':

«'- condamne la société MOB Mondelin à payer à M. [N] [Y] la somme de 30 000 euros au titre de la prime d'objectif, outre la somme de 3 000 euros correspondant aux congés payés afférents,

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Condamne M. [N] [Y] à payer la somme de 1 000 euros à la société MOB Mondelin en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.'»

Par déclaration du 29 juillet 2021, le salarié a relevé appel du jugement.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 22 novembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, le salarié demande à la cour de':

- le recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondé,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté des demandes suivantes :

- dire et juger que le licenciement prononcé le 30 avril 2020 ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et a fortiori sur aucune faute grave,

- condamner la société à lui verser':

- outre intérêts de droit à compter de la demande :

- 81.857,20 € à titre de rappel de part variable de rémunération, outre 8.185,72 € au titre des congés payés afférents

- 26.035,14 € à titre de rappel de prime de 13ème mois, outre 2.603,51 € au titre des congés payés afférents

- 2.165,52 € à titre de rappel de jours de RTT, outre 216,55 € au titre des congés payés afférents

- 4.150,60 € à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire, outre 415,06 € au titre des congés payés afférents

- 59.119,08 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 5.911,90 € au titre des congés payés afférents

-104.008,17 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (base 9.853,19 € intégrant le rappel de part variable)

- subsidiairement 80.006,24 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (base 7.579,37 € sans part variable),

- 45.476,22 € à titre d'indemnité compensatrice de six mois de préavis, outre 4.547,62 € au titre des congés payés afférents,

- outre intérêts de droit à compter du jugement à intervenir :

- 90.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

-175.000 € nets à titre de dommage et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (équivalent à 23 mois de salaire),

- 30.000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation des conditions vexatoires du licenciement,

- 45.000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise de documents de fin de contrat non conformes,

- condamner la société à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

- et en ce qu'il l'a condamné à payer la somme de 1.000 € à la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement prononcé le 30 avril 2020 ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et a fortiori sur aucune faute grave,

- condamner la société à lui verser':

*outre intérêts de droit à compter de la demande,

- 81.857,20 € à titre de rappel de part variable de rémunération outre 8.185,72 € au titre des congés payés afférents,

- 26.035,14 € à titre de rappel de prime de 13ème mois, outre 2.603,51 € au titre des congés payés afférents,

- 2.165,52 € à titre de rappel de jours de RTT, outre 216,55 € au titre des congés payés afférents,

- 4.150,60 € à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire, outre 415,06 € au titre des congés payés afférents,

- 59.119,08 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 5.911,90 € au titre des congés payés afférents,

-104.008,17 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (base 9.853,19 € intégrant le rappel de part variable),

-subsidiairement : 80.006,24 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (base 7.579,37 € sans part variable),

- 45.476,22 € à titre d'indemnité compensatrice de six mois de préavis, outre 4.547,62 € au titre des congés payés afférents,

*outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir,

- 90.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- 175.000 € nets à titre de dommage et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (équivalent à 23 mois de salaire),

- 30.000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation des conditions vexatoires du licenciement,

- 45.000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise de documents de fin de contrat non conformes,

A titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société à lui verser la somme de 30.000 € à titre de rappel de prime d'objectifs, outre 3.000 € au titre des congés payés afférents,

- condamner en tout état de cause la société à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 21 novembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de':

- réformant le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Roanne,

dire et juger que la demande du salarié relative à la prime d'objectif est infondée,

en conséquence, le débouter de l'intégralité de ses demandes de ce chef,

- confirmant le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Roanne,

constater l'absence de manquement de la société au titre de l'exécution du contrat de travail du salarié,

en conséquence, le débouter de l'intégralité de ses demandes de ce chef,

dire et juger que le licenciement pour faute grave du salarié est parfaitement fondé et n'est pas intervenu dans des circonstances vexatoires,

en conséquence, le débouter de l'intégralité de ses demandes de ce chef,

- Accueillant la demande reconventionnelle de la société,

condamner le salarié à verser à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- SUR L'EXÉCUTION DU CONTRAT

A titre liminaire, sur le périmètre des fonctions du salarié

Les parties développent de longues pages sur les fonctions réellement exercées par M. [Y].

L'employeur affirme qu'en réalité le salarié n'a jamais exercé les fonctions de directeur administratif, financier et commercial puisqu'il a choisi, de son propre chef, de se focaliser sur ses seules missions commerciales, et plus précisément une partie de celles-ci. Il soutient qu'il exerçait ainsi les fonctions de responsable grands comptes sans jamais avoir et vouloir exercer des missions de direction. Il a alimenté sciemment un flou quant au périmètre de ses fonctions et a refusé de régulariser l'avenant actant la réalité des fonctions qu'il avait lui-même choisi d'exercer.

Le salarié rétorque que dans les faits, la société le chargeait principalement de missions commerciales, et ce, conformément à leur commune intention de conserver ses fonctions commerciales, lors de la conclusion de son contrat de travail. Il rendait compte régulièrement de son activité commerciale et la société n'a jamais émis de remarques concernant son périmètre d'intervention.

La cour observe que la relation contractuelle résulte du contrat de travail conclu entre M. [Y] et la société Roger Mondelin, le 11 juillet 2014, et par lequel il est indiqué que le mandat social de président du directoire de M. [Y] a pris fin le 11 juillet 2014, celui-ci étant à compter du 12 juillet 2014, salarié en qualité de 'directeur administratif, financier et commercial', avec en 'charge plus particulièrement le développement commercial et la gestion administrative et financière', sans autre descriptif de son poste.

En tout état de cause, aucun avenant n'a été régularisé par les parties pour faire correspondre la réalité des fonctions prétendument limitées, et au demeurant, la société n'a jamais fait usage de son pouvoir de direction, ni reproché un manquement du salarié dans l'exercice de ses attributions contractuelles.

1- Sur le rappel de prime d'objectifs

Il est patent que le contrat de travail prévoit l'octroi d'une prime d'objectif à compter du 1er janvier 2015, 'dont le montant et les conditions d'attribution seront fixés ultérieurement'. Aucune précision n'a été contractualisée par la suite.

Le salarié soutient que malgré ses demandes, la société n'en a jamais défini les modalités ni ne lui a jamais versé cette prime, alors que, compte tenu de ses missions essentiellement commerciales, elle était parfaitement en mesure de lui en proposer les modalités d'attribution. Il estime que son évaluation doit en conséquence être faite conformément aux pratiques de l'entreprise à l'égard des autres commerciaux, indépendamment de sa qualité de membre du Codir.

L'employeur considère qu'aucune obligation ne saurait découler de la clause, en ce qu'elle n'est pas certaine dans son principe, en l'absence de précision sur son montant, ses conditions d'attribution et sur le mode de détermination des objectifs.

Toutefois, le contrat de travail constituant la loi entre les parties, a fixé le principe même du versement au salarié d'une rémunération variable, sans que la détermination du périmètre des responsabilités du salarié ne puisse la conditionner, sauf pour l'employeur à en fixer les critères d'appréciation au regard de ce qu'il estimait correspondre à ses fonctions, ce qu'il n'a jamais fait.

L'employeur ne peut davantage considérer que cette prime était la contrepartie des fonctions de directeur que le salarié n'a jamais exercées, alors que le contrat de travail ne comporte strictement aucune précision à cet égard.

Le principe de la prime d'objectifs est donc acquis.

Lorsque le salarié a droit au paiement d'une rémunération variable reposant sur l'atteinte d'objectifs, il appartient à l'employeur de fixer les objectifs servant au calcul de la rémunération variable. A défaut, il incombe au juge de fixer le montant de la rémunération en fonction des critères convenus entre les parties et des éléments de la cause et la rémunération variable doit être payée intégralement (Cass., Soc., 7 juin 2023, pourvoi n° 21-23.232).

S'agissant du quantum de cette prime d'objectifs, M. [Y] prend les exemples des commerciaux de la société dont la rémunération variable est fixée entre 25 et 30 % de la rémunération fixe (pièces salarié 54, 55, 79, 96 et 97) et reproche au premier juge d'avoir fixé forfaitairement cette prime annuelle à 10 000 euros en tenant compte de sa participation au comité de direction de la société.

Il sollicite en conséquence, la somme de 81 857,20 euros correspondant à une prime d'objectifs forfaitaire à hauteur de 30% de son salaire annuel, dans les limites de la prescription triennale.

Subsidiairement, la société Novalia conteste ce calcul, opposant que les exemples de comparaison concernent des commerciaux qui ne sont pas membres du Codir, et dont la rémunération fixe est bien moins importante que celle de M. [Y], qu'au surplus, la rémunération variable des autres membres du Codir est bien inférieure à ce que réclame le salarié.

La cour observe tout d'abord, que l'argument de l'employeur relatif à la rémunération variable des autres membres du Codir est sans emport pour la détermination de la prime d'objectifs, dès lors qu'elle consiste en une 'prime cadres' (pièce employeur 20),totalement distincte que M. [Y] et les autres membres du Codir ont perçu. En outre, faute d'en avoir précisé les contours, l'employeur ne peut aujourd'hui se contenter d'en minorer le montant au regard du montant de la rémunération fixe.

Dans ces conditions, l'employeur ne justifiant pas avoir précisé au salarié les objectifs à réaliser et les conditions de calcul de la prime, cette rémunération doit être intégralement payée au salarié conformément à sa demande.

Le jugement sera donc confirmé sur le principe du versement au salarié de rappels de primes d'objectifs, mais infirmé quant au quantum alloué, la société devant être condamnée à payer au salarié la somme de 81 857,20 euros, outre 8.185,72 € au titre des congés payés afférents.

Ces sommes portent de droit intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2020, date de la signature par la société de l'accusé de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation.

2- Sur la prime de 13e mois

M. [Y] affirme avoir été exclu du bénéfice d'une prime de 13ème mois, dont il demande aujourd'hui le rappel, alors que d'une part les cadres commerciaux au sein de la société en bénéficient au moins depuis décembre 2015, et que d'autre part, il occupait des fonctions équivalentes.

L'employeur répond que le salarié ne rapporte ni la preuve de l'existence d'un usage, ni ne démontre avoir été placé dans une situation identique à celle de ses collègues de travail bénéficiant du 13ème mois.

Par ailleurs, il affirme qu'initialement, le salarié bénéficiait de deux primes s'apparentant à un 13ème mois, et qui, à compter de décembre 2010, ont été intégrées dans sa rémunération mensuelle fixe, en sorte que sa rémunération intégrait ainsi déjà une forme de 13ème mois.

De jurisprudence constante (Soc. 18 mai 1999, 97-45.569), le droit au paiement d'une prime «ne peut résulter que d'une convention ou d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve».

Le contrat de travail liant les parties ne comporte aucune disposition relative au versement d'une prime de 13e mois.

Contrairement à ce que prétend M. [Y], la société Novalia n'a jamais reconnu formellement le principe de son versement, pas plus qu'il ne peut être admis que l'intégration de primes constitutives 'd'une forme' de 13e mois suffise à remplir le salarié de ses droits à ce titre, le cas échéant.

M. [Y] invoque une inégalité de traitement dans le versement de la prime de 13e mois, en se référant à un usage pratiqué au sein de l'entreprise et se compare à plusieurs salariés : Monsieur [Z] (fonction et statut au sein de la société, inconnus), Monsieur [X] (directeur commercial), Madame [H] (directrice commerciale),

Monsieur [R] (responsable régional, statut d'agent de maîtrise selon contrat de travail, pièce salarié 55), Monsieur [V] (fonction et statut inconnus) et Monsieur [T] (responsable régional, statut d'agent de maîtrise selon contrat de travail, pièce salarié 55).

Force est de relever qu'au regard de cette seule pièce, M. [Y] auquel incombe la charge de la preuve, ne démontre pas l'existence d'un usage présentant le caractère de fixité, de généralité et de constance. Il apparaît notamment que sur les deux contrats de travail produits, les salariés concernés sont des agents de maîtrise et non des cadres, et que le salarié produit lui-même le contrat de travail de M. [L], au statut également d'agent de maîtrise, pour lequel il est précisé que la rémunération variable intègre tous les éléments de salaire d'origine conventionnelle dont le 13e mois, ce dont il se déduit l'absence de toute pratique générale.

En outre, si le principe « à travail égal, salaire égal » oblige l'employeur à assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ou, du moins, à devoir justifier toute disparité de salaire, cette règle d'égalité de traitement ne concerne que des salariés, qui placés dans une situation identique, sont traités différemment au regard de l'octroi d'une augmentation de salaire, d'une prime ou d'un avantage.

En la matière, il appartient au salarié qui s'estime victime d'une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer son existence et donc de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire, au regard de l'avantage considéré, à celui auquel il se compare de façon déterminée. Il incombe ensuite à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs et pertinents.

Or, ici, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. [Y] ne fournit aucun élément de nature à laisser supposer une inégalité de traitement, dès lors qu'il compare sa situation avec des salariés qui sont soit agents de maîtrise, soit dont il n'est fourni aucune précision sur le poste occupé ou sur le statut.

Faute pour l'appelant d'apporter des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité, il doit, par confirmation du jugement, être débouté de sa demande de rappel de primes de 13e mois.

3- Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié demande une indemnisation au titre de l'exécution fautive du contrat de travail du fait de l'employeur en ce que :

- tout d'abord, il a fait l'objet d'une mise à l'écart manifeste et injustifiée à compter du mois de janvier 2019, ayant été exclu de toutes les réunions commerciales au sujet du rachat par la société Financière Moulin de la société Leborgne et de toutes les incidences de cette opération sur l'activité commerciale au sein de la société Mob Mondelin, alors que ce rachat le concernait directement eu égard à ses fonctions et missions.

- suite à ce rachat, la direction lui a annoncé un projet de restructuration commerciale, lequel conduisait à une modification importante de ses fonctions et de leur périmètre, et ce, sans tenir compte de son impact sur son état de santé, étant reconnu travailleur handicapé.

Il considère que dans les faits, la société avait prévu son éviction depuis plusieurs mois, et entendait l'intégrer dans ce projet de réorganisation, ce qui justifiait qu'il n'y soit nullement associé et qu'il ne soit d'ailleurs, pas remplacé après son licenciement.

- la société a agi de manière déloyale en le déclarant en chômage technique et en lui enjoignant de ne pas déclarer le travail pourtant réalisé à domicile pendant la période de confinement, et ce afin de percevoir les aides afférentes.

De son côté, la société Novalia objecte que le salarié n'a pas été mis à l'écart :

- puisqu'il était convié aux réunions lorsque sa présence était nécessaire ou lorsque les projets présentés avaient un impact sur son activité personnelle, ce qui n'était pas le cas s'agissant des réunions de 2019 et du projet de rachat de la société Leborgne, cette acquisition étant réalisée par la société Financière Moulin qui n'est pas l'employeur du salarié ;

- le projet de réorganisation de son organisation commerciale n'entraînait aucune modification de son contrat de travail, le salarié conservant le même niveau hiérarchique, le même niveau de rémunération ainsi que la même qualification professionnelle, ni ne remettait en cause les aménagements de son poste ;

Elle ajoute qu'après son licenciement, M. [Y] a été remplacé en novembre 2023.

- S'agissant de la période de chômage technique, la décision concernant l'activité partielle était claire et appartenait seulement à l'employeur, le personnel cadre devant être en activité partielle en même temps que le personnel placé sous leur responsabilité de sorte qu'il appartenait au salarié de respecter cette consigne: en tout état de cause, il a perçu l'intégralité de sa rémunération pendant cette période d'activité partielle.

La cour observe que le rachat de la société Leborgne (spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d'outils de jardin et d'outillages pour les professionnels du bâtiment et travaux publics) par la société Financière Moulin est totalement étranger aux attributions de M. [Y], la seule interaction envisagée alors à la suite de cette opération étant la commercialisation du catalogue Leborgne par les forces de vente de la société Mob Mondelin (pièce salarié 4) dont M. [Y] n'assurait pas l'encadrement ainsi que le confirme l'organigramme de l'entreprise Mob Mondelin (pièce employeur 22), et ainsi qu'il l'avait lui-même reconnu (mail du 19 février 2020 qu'il produit lui-même -p5- par lequel il indique travailler 'peu en contact direct avec les commerciaux'). Il s'ensuit que son absence aux réunions (des 21 février et 23 mai 2019 et 9 janvier 2020) impliquant les seuls cadres commerciaux de la société de la Mob Mondelin, relativement à la commercialisation des produits qui ne relevait pas de son périmètre, ne caractérise aucune mise à l'écart, d'autant que M. [Y] ne rapporte pas la preuve des difficultés économiques réelles et des impacts de ce rachat sur sa propre activité, alors que ses résultats commerciaux étaient en constante augmentation entre 2016 et 2019 (pièce salarié 61), en dehors des longs développements sur son appréciation personnelle de la stratégie de la société Financiere Moulin.

En outre, il ressort du contenu même du mail de M. [Y] en date du 30 mars 2020 (pièce 15) qu'à la suite du confinement national lié au contexte de crise sanitaire, il a été décidé dans l'entreprise d'instaurer le principe selon lequel 'si un cadre a ses collaborateurs en chômage partiel, le cadre est en chômage partiel', et qu'il devait par conséquent, se conformer à ce principe.

S'il indique avoir été contraint de télétravailler devant les nombreuses sollicitations des clients puisque certaines entreprises de BTP avaient été autorisées à travailler, force est de constater qu'il l'a fait de sa propre initiative, sans contrainte de la part de son employeur, la délivrance d'une autorisation professionnelle de déplacement n'étant que l'application de l'activité partielle mise en place.

Au demeurant, cette situation d'activité partielle n'a pas perduré après le 31 mars 2020 et M. [Y] ne conteste pas avoir perçu une pleine rémunération, de sorte qu'aucune inexécution fautive du contrat de travail ne peut ici non plus, être retenue.

II- SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Pour fonder le licenciement de M. [Y] pour faute grave, la société Novalia fait valoir que :

- alors qu'il n'existait aucune pratique de la sorte au sein de la société et qu'il n'a reçu aucune autorisation préalable, le salarié a transféré sur ses boites mails personnelles, 1 203 mails à compter du 9 mars 2020 et en l'espace d'un mois, dont la plupart contenait des informations à caractère sensible ou confidentiel, notamment des comptes-rendus de réunions du comité de direction, de réunions commerciales, ou encore contenant des données relatives aux tarifs pratiqués par la société, ses encaissements, son chiffre d'affaires ;

- il n'existe aucune justification professionnelle à ce transfert, il n'avait pas besoin d'un accès VPN pour accéder à ses mails professionnels et il n'a opéré ces transferts qu'un an après le seul incident informatique important au sein de la société ;

- ainsi, ces agissements constituent de graves manquements à son obligation de loyauté et aux dispositions du règlement intérieur de la société et de la charte informatique dont le salarié s'est vu remettre une copie, ainsi qu'aux dispositions de son contrat de travail.

Le salarié oppose que :

- l'utilisation de sa messagerie personnelle dans le cadre de son activité professionnelle était une pratique ancienne et connue de son employeur, consistant à transférer des mails/informations de la boîte professionnelle vers la boîte personnelle pour pallier certaines défaillances informatiques ou par commodité, et pour laquelle il n'a jamais eu de remarques ou sanctions de la part de la société ;

- à compter du 18 mars 2020, il a transféré des mails pour pallier les difficultés informatiques et anticiper la période de confinement en se constituant une base de données lui permettant de travailler à distance, et également pour se prémunir d'un éventuel licenciement et avant de se prononcer sur la proposition de changement de poste,

- aucune information stratégique n'a été détournée, de sorte qu'aucun préjudice ne résulte du transfert de mails opéré, et ce d'autant moins que la société n'a pas déposé plainte et a par ailleurs, levé sa clause de non-concurrence.

- que le véritable motif de son licenciement est économique et résulte de son refus d'accepter les modifications de son poste induites par le plan de restructuration commerciale ensuite du rachat de la société Leborgne.

Il résulte de l'article L.1235-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L 1235-2 du même code prévoit notamment que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement. Les griefs doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

La jurisprudence considère de manière constante qu'un salarié, lorsque cela est strictement nécessaire à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à son employeur, peut produire en justice des documents dont il a eu connaissance à l'occasion de ses fonctions (Cass. soc., 30 juin 2004, no 02-41.720 et 02-41.771)

Le salarié ne conteste pas, tel qu'établi par les nombreuses pièces produites, avoir transféré plusieurs centaines de mails de sa boîte électronique professionnelle vers deux boîtes personnelles. La matérialité des faits fautifs est donc acquise aux débats.

Il convient de déterminer si cette pratique est fautive, et le cas échéant, d'en apprécier le degré de gravité.

Le contrat de travail liant les parties énonce que le salarié 's'engage à ne pas utiliser, en dehors de son activité pour la société, toutes informations, documents écrits ou informatiques, de quelque nature qu'ils soient, auxquels il aura pu avoir accès dans le cadre de son contrat de travail.'

Selon l'article 7 du règlement intérieur, 'la messagerie électronique mise à disposition des salariés de l'entreprise à des fins strictement professionnelles est soumise au strict respect de la charte informatique qui leur est transmise lors de leur connexion.

Son utilisation, comme celle des autres moyens de communication mis à disposition, doit se faire dans le cadre exclusif de la mission professionnelle.

L'utilisateur, qui reste soumis à un devoir de discrétion vis-à-vis des activités de l'entreprise, devra veiller à ne pas entretenir de correspondances de nature privées'

La charte professionnelle en vigueur dans l'entreprise énonce que 'L'envoi en nombre de messages personnels sauf dans le cadre de l'activité ou quand l'exercice de la fonction le requiert, est également interdit'.

Si M. [Y] justifie que ponctuellement le serveur de l'entreprise, comme tout système informatique, a rencontré des dysfonctionnements techniques rapidement résolus (en mai 2019 et janvier 2020), il ne rapporte nullement la preuve de ce que l'employeur admettait la pratique de transfert de mails professionnels sur la messagerie personnelle de ses salariés, les seuls échanges électroniques avec l'un de ses clients n'établissant aucunement une pratique généralisée et acceptée par la société. La cour observe d'ailleurs, que malgré ces difficultés informatiques, M. [Y] pratiquait alors, ce transfert de manière très isolée et ponctuelle.

La lettre de licenciement précise que l'essentiel des transferts de mails a été opéré entre les 18 et 20 mars 2020, soit effectivement postérieurement à l'information portée par l'employeur d'un projet de réorganisation commerciale auquel le salarié n'était pas favorable.

Toutefois, la cour considère que l'argument avancé par le salarié selon lequel ce transfert était destiné à la préservation de preuve dans l'éventualité d'une éviction, ne permet pas de retenir que dans le cadre d'un litige l'opposant à son employeur, les documents ainsi transférés auraient été strictement nécessaires à l'exercice des droits de la défense, notamment eu égard au caractère particulièrement important et démesuré du nombre de messages ainsi transférés et des pièces jointes qui les accompagnaient.

Surtout, il ressort que sur l'ensemble de ces messages, M. [Y] a transféré vers ses messageries personnelles des données confidentielles appartenant à la société. A cet égard, la société en donne une liste non exhaustive et non contestée par le salarié : fichier clients comportant notamment les remises accordées à chacun (pièce employeur 50), fichier comportant les clients de la Société Leborgne avec précisions des chiffres d'affaires (pièce employeur 44), les accords commerciaux et de tarifs avec certains clients (pièces employeur 45 à 49), ou encore différents mails portant sur la politique commerciale de l'entreprise.

Ces pièces portaient en conséquence, des informations commerciales, confidentielles et stratégiques, qui ne pouvaient en tout état de cause, avoir aucune portée dans un éventuel litige avec son employeur relatif à un licenciement que ce dernier aurait envisagé.

Par ailleurs, l'analyse de ces transferts de message a mis en évidence qu'ils avaient tous été définitivement supprimés, traduisant de surcroît sa volonté de dissimulation de sa manoeuvre.

Il s'ensuit que par ce transfert massif de documents hors du réseau interne de la société, M. [Y] a manqué de manière injustifiée à son obligation de discrétion et de confidentialité telles qu'énoncés tant à son contrat de travail, qu'au règlement intérieur et à la charte informatique, en conservant à titre personnel des documents qui auraient dû rester sur les réseaux internes de la société.

Il importe peu que ce transfert n'ait pas donné lieu à des poursuites pénales, et l'absence de préjudice avéré est également indifférente à la caractérisation de la faute grave qui ici, eu égard aux fonctions du salarié, nonobstant son ancienneté, et à la nature économique et confidentielle des données ainsi exportées, est caractérisée.

En conséquence, la cour juge que ce manquement est d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien de M. [Y] dans l'entreprise malgré son ancienneté.

Le jugement entrepris sera par conséquent, confirmé de ce chef, et en ce qu'il a débouté subséquemment le salarié de ses demandes financières.

III - SUR LES AUTRES DEMANDES PÉCUNIAIRES

1- Sur l'indemnisation pour licenciement vexatoire

M. [Y] réclame une indemnisation à hauteur 30 000 euros, soutenant que la rupture de son contrat de travail est intervenue dans des conditions brutales et vexatoires, au regard du délai entre la notification de sa mise à pied et la tenue de l'entretien préalable, de la répartition de ses dossiers entre ses collègues pendant sa mise à pied, et de la demande de restitution du matériel de la société.

Il ajoute avoir rencontré des difficultés à retrouver un emploi et son état de santé s'est dégradé à la suite de son licenciement.

Le premier juge n'a pas statué sur ce chef de demande alors que le salarié qui justifie, en raison des circonstances vexatoires ou brutales de la rupture, d'un préjudice distinct du licenciement lui-même, que celui-ci soit justifié ou non, peut obtenir des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice.

Il incombe toutefois au salarié de justifier d'un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l'ont accompagnée.

En l'espèce, il ne résulte d'aucun élément que la procédure de licenciement se soit accompagnée de quelques circonstances brutales que ce soit, de nature à caractériser le caractère vexatoire du licenciement et à justifier une indemnisation complémentaire de ce chef.

L'employeur rappelle à juste titre que dans le contexte de confinement et de fonctionnement des services au ralenti, il avait dû anticiper sur le délai particulièrement long de l'acheminement de la lettre de convocation à l'entretien préalable, comme il a dû organiser le fonctionnement interne de la société durant la période de mise à pied, avant de solliciter légitimement la restitution des outils informatique et du véhicule après son licenciement.

M. [Y] sera débouté de ce chef de demande.

2- Sur le rappels de jours de RTT

Monsieur [Y] affirme que le solde de tout compte a omis de comptabiliser 6 jours de RTT, soit un total de 2.165,52 €, outre les congés payés afférents dont il demande le paiement.

La cour observe d'une part que les premiers juges n'ont pas statué sur ce chef de demande, et d'autre part, que M. [Y] se contente d'une simple allégation sans qu'aucune argumentation soit développée à ce sujet, ni précision de la période à laquelle elle se rapporte, et sans produire le moindre document susceptible d'en justifier le bien-fondé.

Il en sera par conséquent, débouté.

3- Sur l'indemnisation pour défaut de remise des documents de fin de contrat conformes

M. [Y] demande une indemnisation en raison du préjudice subi du fait des erreurs portant sur l'ancienneté figurant sur son attestation Pôle emploi ainsi que sur l'intitulé de ses fonctions mentionné sur le certificat de travail. Il indique qu'en raison de ses erreurs, il a rencontré des difficultés pour s'inscrire à Pôle emploi.

L'employeur répond que le salarié ne peut reprocher les conséquences d'une confusion sur le périmètre de ses fonctions qu'il a lui-même créée et entretenue, qu'au surplus, l'attestation Pôle emploi a été rectifiée, et qu'au demeurant, le préjudice n'est pas démontré.

Là encore, le juge départiteur n'a pas statué de ce chef de demande.

Il incombe au salarié de rapporter la preuve d'une faute de l'employeur dans l'établissement de ses documents de travail, ainsi que la réalité du préjudice qui en est résulté.

Or ici, le salarié ne démontre pas l'incidence qu'a pu avoir la mention erronée du poste de 'DG adjoint développement commercial' pour la période du 31 juillet au 30 octobre 2017, sur son contrat de travail, et l'employeur justifie avoir rectifié l'attestation Pôle Emploi s'agissant de la date de début de contrat, sans que le salarié ne démontre ici non plus, les difficultés d'inscription auprès de Pôle Emploi.

Il sera débouté de sa demande de ce chef.

IV - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et à la charge des dépens seront confirmées.

M. [Y] qui succombe principalement à hauteur d'appel, sera condamné à payer à la société Novalia la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté de sa demande de ce chef.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il retient le principe du versement d'un rappel de de part variable de rémunération au salarié, en ce qu'il rejette la demande de rappel de primes de treizième mois, en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation au titre de l'inexécution fautive du contrat de travail, en ce qu'il dit que le licenciement est fondé sur une faute grave et déboute le salarié de ses demandes financières afférentes, en ce qu'il condamne le salarié au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Novalia à payer à M. [Y] la somme de 81 857,20 euros à titre de rappels de part variable de rémunération, outre 8.185,72 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2020,

Déboute M. [Y] de sa demande de rappel de jours de RTT,

Déboute M. [Y] de sa demande d'indemnisation au titre de la remise de documents de fin de travail erronés,

Condamne M. [Y] à payer à la société Novalia la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [Y] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne chaque partie à supporter la charge de ses propres dépens.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/06333
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;21.06333 ?
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