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28/03/2024 | FRANCE | N°21/04512

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 28 mars 2024, 21/04512


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/04512 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NUR7





[G]



C/



S.A.S. MOB MONDELIN







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de SAINT ETIENNE

du 04 Mai 2021

RG : F18/00565





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 28 MARS 2024







APPELANT :



[T] [G]

né le 24 Août 1971 à [Localité 5]
<

br>[Adresse 4]

[Localité 2]



représenté par Me Laetitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



S.A.S. MOB MONDELIN

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Anne sophie LARDON-BOYER, avocat au même barreau













DÉBATS...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/04512 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NUR7

[G]

C/

S.A.S. MOB MONDELIN

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de SAINT ETIENNE

du 04 Mai 2021

RG : F18/00565

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 28 MARS 2024

APPELANT :

[T] [G]

né le 24 Août 1971 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Laetitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

S.A.S. MOB MONDELIN

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Anne sophie LARDON-BOYER, avocat au même barreau

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Novembre 2023

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Françoise CARRIER, conseiller honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

- Nabila BOUCHENTOUF, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nabila BOUCHENTOUF, Conseiller pour le Président empêché, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [T] [G] (ci-après, le salarié) était engagé par la société MOB, à compter du 25 mai 1998 suivant un contrat à durée déterminée en qualité d'adjoint responsable de magasin.

La relation contractuelle se poursuivait suivant un contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 1998.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait les fonctions de responsable de magasin, coefficient 305, niveau V, indice 1 avec le statut d'agent de maîtrise A.

La société MOB acquérait en 2015 la société MONDELIN ; une fusion de leurs services logistiques était réalisée en 2016.

La société MOB devenue MOB MONDELIN (ci-après la société), ayant pour activité la fabrication d'outillage à main, relève de la convention collective de la métallurgie de la Loire et arrondissement d'[Localité 6].

Le salarié était placé en arrêt de travail pour maladie du 15 avril 2016 au 24 juin 2016, puis du 16 décembre 2016 au 22 janvier 2017, et du 14 novembre 2017 au 21 mai 2018.

Le 22 mai 2018, il rencontrait le médecin du travail dans le cadre d'une visite de reprise, au terme de laquelle l'avis suivant était rendu':

«'Inaptitude totale et définitive au poste et autre poste de l'entreprise en examen art R. 4624-42 du code du travail. Compte tenu de mes connaissances de l'entreprise, du poste de travail, des conditions de travail au sein de la société, maintenir le salarié à son poste présente un danger immédiat pour lui-même ou autrui. Aucun reclassement n'est envisageable quels que soient les aménagements techniques ou organisationnels ou mutations proposés. Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Étude de poste réalisée le 12/04/18, fiche entreprise réalisée le 27/02/2014'».

Par courrier recommandé du 28 mai 2018, la société convoquait le salarié à un entretien préalable à licenciement.

Par courrier recommandé du 13 juin 2018, la société lui notifiait son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête reçue au greffe le 28 novembre 2016, le salarié faisait convoquer son ancien employeur à comparaître devant le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne, cela, afin de voir juger que son employeur avait manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat travail et à son obligation de sécurité et afin de contester le bien-fondé de son licenciement.

Selon le dernier état de la procédure devant cette juridiction, il demandait au conseil de':

- constater l'origine professionnelle de son inaptitude et les manquements de la société à son obligation de sécurité,

- déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes':

8 700, 06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 870,00 euros de congés payés afférents,

725,00 euros au titre du 13ème mois sur préavis avec intérêts légaux à compter de la saisine,

18 724,98 euros au titre du solde d'indemnité spéciale de licenciement, avec intérêts légaux à compter de la saisine,

10 000, 00 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

76 600,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner à la société de lui remettre un certificat de travail et une attestation destinée à Pole emploi, conformes au jugement,

- dire que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 3 191,92 euros,

- condamner la société au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En réplique, la société concluait au rejet de l'intégralité des demandes du salarié et sollicitait sa condamnation, à titre reconventionnel, à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 4 mai 2021, le conseil, présidé par le juge départiteur, rendait le jugement suivant':

«' déboute Monsieur [T] [G] de l'ensemble de ses demandes,

déboute la S.A.S. MOB MONDELIN de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamne Monsieur [T] [G] aux entiers dépens de l'instance,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.'»

Par déclaration du 20 mai 2021, le salarié relevait appel du présent jugement.

Par ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 26 septembre 2023, le salarié demande à la cour de':

- réformer intégralement le jugement du conseil de prud'hommes et statuant à nouveau':

- constater l'origine professionnelle de son inaptitude,

- constater les manquements de la société à son obligation de sécurité à l'origine de son inaptitude,

- déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes':

8 700,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 870,00 euros de congés payés afférents,

725,00 euros au titre du 13ème mois sur préavis,

18 724,98 euros au titre du solde d'indemnité spéciale de licenciement,

intérêts légaux à compter de la convocation de la société devant le bureau de conciliation et d'orientation sur ces 4 premières condamnations,

10 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

76 600,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner à la société de lui remettre un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes à l'arrêt à venir,

- condamner la société au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le salarié fait valoir notamment que':

- la société a commis plusieurs manquements qui ont conduit à son inaptitude';

- les difficultés ont débuté en suite de la fusion des services logistiques de la société MOB et la société MONDELIN qui n'a pas été anticipée';

- cette fusion s'est traduite par une augmentation conséquente de son travail, puisqu'il devait assurer la supervision d'une quarantaine de salariés et faire face à l'augmentation importante du chiffre d'affaires ;

- la société n'a pas mis des moyens matériaux et humains adéquats pour faire face à cette nouvelle masse de travail, eu égard au turn-over important, à l'insuffisance du personnel et aux dfficultés liées à un espace de stockage insuffisant et à un système informatique inadapté, ce qui a engendré des retards et le mécontentement des clients ;

- elle l'a laissé seul devant ces changements à opérer ;

- les difficultés ont perduré au-delà de la période de fusion des services logistiques ;

- il était contraint d'effectuer des horaires importants et faisait office d'agent de maintenance à la demande des chefs d'équipe en dehors de ses horaires de travail ;

- la société n'a pas cessé d'accroître sa pression sur lui, en lui fixant des objectifs en perpétuelle augmentation, avec une promesse d'augmentation de salaire toujours différée ;

- il était tenu pour responsable de toutes les difficultés et des retards du service';

- la société a nommé un supérieur intermédiaire, cette nomination s'analysant en son déclassement ;

- face à ces difficultés, et malgré ses alertes et propositions pour améliorer le travail, la société n'a pris aucune mesure efficace de nature à alléger sa charge de travail et à prévenir les risques psychosociaux ;

- cette pression a entraîné une grave détérioration de son état de santé le conduisant à une dépression ; ainsi, son inaptitude est directement liée à l'exercice de son travail'; il relève alors des dispositions protectrices du Code du travail des accidentés du travail ou victimes de maladie professionnelle ;

- la société avait nécessairement connaissance lors du licenciement de l'origine professionnelle de son inaptitude, notamment par la lecture de l'avis du médecin du travail et de l'entretien annuel d'octobre 2016 ;

- l'ensemble de ces circonstances constituent une exécution fautive du contrat de travail et un manquement à son obligation de sécurité, ce qui lui a causé un préjudice'; son inaptitude est directement liée aux manquements de la société, de sorte que le licenciement en découlant est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 2 mai 2023, la société demande à la cour de':

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes, et ainsi':

dire et juger l'absence de manquement imputable à la société,

dire et juger que inaptitude du salarié ne repose pas sur une origine professionnelle,

dire et juger que le licenciement du salarié est parfaitement fondé,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société de sa demande reconventionnelle et ainsi':

accueillir sa demande reconventionnelle et condamner le salarié à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

La société fait valoir que':

- la fusion a été anticipée plusieurs mois avant sa réalisation, et ce, en association avec le salarié;

- des moyens supplémentaires ont été mis en 'uvre tant sur le plan matériel, des mesures ayant été prises afin de gagner de la place pour intégrer le stock des articles, que sur le plan humain, par l'embauche d'intérimaires et par la création d'un poste de responsable Supply chain afin de permettre une meilleure coordination, enfin que sur le plan informatique, par la modification du logiciel afin que le même logiciel soit utilisé sur les deux sites ;

- les allégations du salarié sont erronées ;

- si les premières semaines de la fusion ont nécessité un temps d'adaptation pour toutes les équipes, le fonctionnement est redevenu normal assez rapidement et elle a tout mis en 'uvre pour que cette fusion se déroule le mieux possible ;

- le salarié ne l'a jamais alertée sur une problématique de surcharge de travail susceptible de conduire à une dégradation de son état de santé et n'a jamais formulé de demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle ;

- les documents médicaux produits ne démontrent pas l'existence d'un de lien direct et exclusif entre les conditions de travail du salarié et la dégradation de son état de santé ;

- il ne rapporte donc pas la preuve d'un quelconque manquement qu'elle aurait commis et qui serait à l'origine de la dégradation de son état de santé ;.

- elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité ;

- l'inaptitude n n'a pas une origine professionnelle et le licenciement du salarié est intervenu pour une cause réelle : son inaptitude et l'impossibilité de le reclasser.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

L'ordonnance de clôture était rendue le 24 octobre 2023.

MOTIFS

Il ressort des écritures mêmes de la société qu'en suite et à l'occasion de la fusion des sociétés visée plus avant, le service expédition a connu des retards importants.

La réalité de ces retards ressort notamment du compte rendu de la réunion du comité d'entreprise en date du 8 avril 2016.

Ce compte rendu relève que : 'des problématiques demeurent en termes de place mais également de préparation des commandes suite à la réorganisation du début d'année. Des solutions essayent d'être trouvées..

La société intimée soutient quant à la cause de ce dysfonctionnement que : 'le retard accumulé (n'était) en fait que le résultat de l'incapacité du salarié à réorganiser aussi bien les flux de réceptions que ceux d'expéditions'.

'Il aurait fallu anticiper et gérer les ressources humaines et matérielles avec rigueur et de façon optimisée en fonction de la charge de cross-docking à traiter'.

'Il lui a été suggéré de passer en deux postes de travail, de façon à optimiser les ressources'.

'Or le salarié s'est obstiné à ne pas vouloir mettre en place cette organisation.'

Cependant, la cour doit relever que l'employeur ne produit aucune pièce démontrant que des suggestions ou des injonctions ayant trait à la réorganisation qu'elle juge nécessaire auraient été faites au salarié.

Par ailleurs, le compte rendu du comité d'entreprise déjà cité rapporte des difficultés ayant trait à un manque de place et à la réorganisation des services, il rapporte également une recherche de solutions en cours dans l'entreprise, sans indiquer que les dites difficultés seraient imputables à une personne quelconque et notamment pas au salarié

Ce compte rendu ne rapporte pas plus que la recherche de solutions aurait été confiée, même partiellement, au salarié

De telles difficultés consécutives à la fusion des entreprises apparaissent manifestement avoir dépassé l'exercice par le salarié de ses fonctions .

Il sera, à ce titre, ajouté que celui-ci occupait un poste au statut d'agent de maîtrise et qu'il n'est déposé à la procédure aucun contrat de travail au poste de responsable de magasin qui énumérerait les fonctions et responsabilités lui étant dévolues et les pouvoirs qui lui étaient octroyés pour les remplir.

Ainsi, il n'est pas démontré que celui-ci était en charge d'une quelconque gestion du personnel ou d'une fonction d'organisation de son service.

Dans ces conditions et au regard de ce statut, il n'est manifestement pas démontré qu'il était en charge de décisions ayant trait à l'organisation des services ou relevant de la gestion ou de l'embauche de personnels, alors même que les comptes-rendus des entretiens individuels le concernant lui font grief d'un manque d'anticipation quant à la gestion du personnel.

L'entretien individuel d'évaluation de son activité pour la période d'avril 2015 à mai 2016 reconnaît ainsi qu'il a mis en 'uvre un 'effort de volonté', mais lui fait également grief d'un défaut de réflexion sur les moyens à mettre en 'uvre pour améliorer les problèmes récurrents.

La cour relèvera toutefois, d'une part, que comme cela a été énoncé précédemment, il n'est pas suffisamment démontré que ce salarié, agent de maîtrise, était en charge de la politique organisationnelle de son service et notamment qu'il devait engager une réflexion quant à celle-ci et, d'autre part, à supposer qu'il ait été en charge de telles responsabilités, l'employeur, dans la situation nécessairement difficile d'une réorganisation majeure découlant de la fusion, aurait dû l'accompagner dans la réalisation de telles tâches par des conseils, des soutiens, un accompagnement, dont il ne justifie aucunement.

L'affirmation de la société soutenant que ce salarié aurait été responsable des difficultés qu'elle a connues ne peut être retenue comme bien fondée.

L'argumentaire de la société, de ce chef, comme les compte rendus d'entretiens produits aux débats, lui faisant grief d'un défaut d'anticipation quant à la gestion du personnel ou un défaut de propositions ayant trait à la réorganisation du service précité conduisent la cour à considérer que le salarié soutient à bon escient que l'employeur, durant l'exécution du contrat travail et dans ce contexte de difficultés, les lui a imputés.

Ce fait ressort également de courriels produits aux débats lui faisant reproche de retards, tel que le message du 15 octobre 2015 lui étant adressé et se terminant comme il suit : ' les actions mises en place ne sont donc pas suffisantes, avez-vous d'autres propositions ''.

Le salarié, par ailleurs, produit aux débats plusieurs attestations convergentes d'anciens salariés ayant travaillé à ses côtés ; ceux-ci rapportent qu'il connaissait 'une surcharge de travail au quotidien', ' courrait partout' parfois, ' ne s'arrêtait même pas manger', 'préparait lui-même des commandes, quand on était très en retard', 'en cas de panne informatique, c'était lui qui revenait car il avait les capacités à dépanner les machines', etc.

Il ressort de ces témoignages la démonstration d'un engagement professionnel très important de l'appelant et d'une surcharge de travail qu'il supportait manifestement et qui ne pouvait évidemment échapper à la connaissance de l'employeur, sans que celui-ci justifie d'une quelconque attention ou protection de ce salarié en évidentes difficultés, sans justifier d'un quelconque accompagnement de celui-ci et alors qu'il se voyait indûment reprocher des difficultés internes au fonctionnement de l'entreprise.

Il suit de l'ensemble de ces éléments la démonstration que l'employeur, dans un contexte de fusion d'entreprises nécessitant des adaptations et une réorganisation du service de magasin, a fait peser sur la responsabilité du salarié, simple agent de maîtrise, des dysfonctionnements constatés alors qu'il n'est en rien démontré qu'il avait la responsabilité de tâches de gestion du personnel et d'organisation de son service, avec des pouvoirs correspondants à de telles fonctions, d'une part et, d'autre part, alors qu'il connaissait une surcharge de travail importante, que l'employeur ne pouvait ignorer.

En conclusion, la cour retiendra qu'il est suffisamment établi que le salarié a bien connu une situation de surcharge de travail manifeste, s'ajoutant à une pression majeure de son employeur, lui reprochant les difficultés connues par l'entreprise et exigeant de lui l'exercice de responsabilités, pouvant ne pas correspondre à son contrat travail, à son statut et, au-delà, sans lui apporter de soutien ou d'accompagnement.

L'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur est, dès lors,, acquise, ainsi, nécessairement que son manquement au respect de son obligation de sécurité.

Le jugement sera bien de ce chef infirmé.

En réparation du dommage né de cette exécution fautive du contrat travail et au regard des conséquences dommageables subies de ce chef et qui seront évoquées ci-après, le salarié recevra la somme de 10'000 €, à titre de dommages-intérêts, le jugement de ce chef étant réformé.

Sur l'origine de l'inpatitude et son lien avec l'exécution fautive du contrat de travail

L'avis d'arrêt travail en date du 15 avril 2016 de ce salarié mentionne l'existence d'un état dépressif et le besoin pour le salarié par le biais de cette interruption de travail de 'se changer les idées'.

Il est également produit un certificat médical du même médecin traitant, en date du 15 avril 2016, qui indique qu'il 'présente un syndrome anxio-dépressif suite à des soucis professionnels'.

Le certificat d'avis d'arrêt travail du 15 novembre 2017 établi par le même praticien porte cette mention : 'autres troubles mentaux : 'difficultés professionnelles.'

L'arrêt de travail

Le Docteur[Z], médecin psychiatre, a indiqué, suivant courrier au dit médecin généraliste le 13 mars 2018: ' suivre ( le salarié) en consultation régulière depuis le 23 novembre 'dans un contexte de souffrance au travail compliqué d'un épisode dépressif, chez un patient sans antécédent personnel ou familial'.

Ce médecin spécialiste ajoutait : 'toute espèce de perspective de reprise au sein de son entreprise, à quelque poste que ce soit, occasionne une nette recrudescence de sa symptomatologie et apparaît préjudiciable à son état de santé.'

Il doit être relevé, par ailleurs, que plusieurs des témoins précités ayant travaillé à ses côtés ont attesté l'avoir vu avant son arrêt médical dans une situation de stress et de fatigue intense au travail, l'avoir vu changer dans les circonstances de surcharge et de pression visées plus avant et ne pas avoir été étonnés de le voir être placé en arrêt maladie .

Il ressort de l'ensemble de ces éléments de preuve convergents que l'inaptitude constatée par le médecin du travail a eu, au moins partiellement, pour origine les conditions difficiles de travail auxquelles était confronté l'appelant et l'exécution fautive par l'employeur du contrat de travail.

Ce lien entre l'inaptitude et l'exercice professionnel ne pouvait être ignoré par l'employeur notamment en ce qu'il a été nécessairement destinataire du certificat d'arrêt travail prescrit le 15 novembre 2017 , lequel énonçait que ce salarié connaissait un épisode dépressif en lien avec des difficultés professionnelles.

Dans ces conditions, le licenciement querellé en ce qu'il est, au moins pour partie imputable à des manquements de l'employeur, sera jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement étant, là encore, infirmé.

Le salarié, en application de l'article L. 1226-14 du code du travail recevra une indemnité compensatrice égale au montant de l'indemnité de préavis, improprement dénommée indemnité de préavis au terme de ses écritures, et cela pour la somme, non contestée même à titre subsidiaire de 8 700,06 euros ; mais il sera débouté de la demande en congés payés afférents à cette indemnité, laquelle n'ouvre pas droit à congés payés.

Il succombera également en sa demande en paiement d'une somme au titre du 13e mois sur préavis, l'indemnité précitée n'étant pas une indemnité de préavis.

Il recevra également la somme non contestée en son quantum même à titre subsidiaire, de 18'724,98 euros à titre de solde de l'indemnité spéciale de licenciement prévue par le même article L 1226-14 du code du travail.

Il sera nécessairement fait droit à la demande tendant à la condamnation de la société à lui remettre un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi, prenant en considération le versement de ces sommes.

S'agissant du montant de dommages-intérêts pour licenciement abusif, il sera rappelé que le salarié avait dans cette entreprise de plus de 10 salariés, une ancienneté de 20 années.

Le montant de dommages-intérêts pour licenciement abusif pouvant lui être alloué est , dès lors compris entre 3 et 15,5 mois de salaire, en application de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017.

L'application de ce barème, notamment au regard du maximum qu'il détermine, permet une réparation adéquate du préjudice subi en l'espèce et la demande tendant le voir déclarer inopposable, ne peut être accueillie.

Il n'est pas débattu que le montant du salaire versé à l'appelant au dernier état du contrat, s'élevait à la somme mensuelle de 3191,92 €.

Au regard du dommage dont il justifie, la cour lui allouera la somme de 45'000 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement infondé.

Sur le remboursement des prestations de chômage

La société remboursera à Pôle Emploi le montant des indemnités chômage versées à ce salarié, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société succombant supportera les dépens de première instance et d'appel, le jugement étant infirmé de ce chef.

Il sera nécessairement confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle formée par celle-ci au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef et celui-ci recevra, en équité, à ce titre, la somme de 3 000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, notifié par sa mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne le 4 mai 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [G] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens,

Statuant à nouveau,

Condamne la société MOB MONDELIN à payer à Monsieur [T] [G] la somme de 10'000 €, à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail formé avec celui-ci,

Constate que l'inaptitude ayant conduit à son licenciement à une origine à tout le moins partiellement professionnelle et est consécutive à la dite exécution fautive du contrat par cet employeur,

Juge que le licenciement intervenu le 28 mai 2018, était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne en conséquence la société MOB MONDELIN à payer à Monsieur [T] [G] les somme suivantes :

- 8 700,06 € au titre de l'indemnité compensatrice d'un montant équivalent à celui de l'indemnité de préavis, prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail,

- 18'724,98 € à titre de solde sur l'indemnité spéciale de licenciement prévu par cette même disposition légale,

Condamne la société MOB MONDELIN à rembourser à l'association PÔLE EMPLOI le montant des indemnités chômage versées à Monsieur [T] [G], dans la limite de six mois d'indemnités.

Condamne la société MOB MONDELIN à remettre sans délai à Monsieur [T] [G] un certificat de travail et une attestation destinée à PÔLE EMPLOI, prenant en considération versement de ces sommes,

Condamne la société MOB MONDELIN à payer à Monsieur [T] [G] la somme de 45'000 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

Condamne la société MOB MONDELIN à verser à Monsieur [T] [G] la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres ou plus amples demandes,

Condamne la société MOB MONDELIN aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/04512
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;21.04512 ?
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