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28/03/2024 | FRANCE | N°21/01361

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 28 mars 2024, 21/01361


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/01361 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NNNU





[E]



C/



Association ORDRE DE MALTE FRANCE TE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 25 Janvier 2021

RG :





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 28 MARS 2024







APPELANTE :



[C] [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]<

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représentée par Me Laurène JOSSERAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



Association ORDRE DE MALTE FRANCE prise en son établissement E.H.P.A.D. [7] sis [Adresse 5], à [Localité 6],

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me P...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/01361 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NNNU

[E]

C/

Association ORDRE DE MALTE FRANCE TE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 25 Janvier 2021

RG :

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 28 MARS 2024

APPELANTE :

[C] [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Laurène JOSSERAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

Association ORDRE DE MALTE FRANCE prise en son établissement E.H.P.A.D. [7] sis [Adresse 5], à [Localité 6],

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Décembre 2023

Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

-- Etienne RIGAL, président

- Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 21 septembre 2009 Mme [C] [E] a été recrutée par l'association Ordre de Malte, prise en son établissement E.H.P.A.D. [7], en qualité d'élève aide médico-psychologique (AMP).

A son embauche, elle a bénéficié d'une formation qualifiante d'AMP de 18 mois, prise en charge par l'Association.

Durant la relation contractuelle, elle y a exercé des mandats de déléguée du personnel et de déléguée syndicale.

Par décision de la caisse primaire d'assurance maladie du 10 septembre 2013, la salariée a été reconnue travailleuse handicapée 1ère catégorie et a bénéficié d'une rente à ce titre.

Par avenant du 29 octobre 2013 validé par le Médecin du Travail, il a été convenu que Mme [C] [E] assume deux missions :

- Poste de soignant /AMP au coefficient 351 (5,25 heures hebdomadaires)

- Poste de maîtresse de Maison au coefficient 339 (9h38 hebdomadaires).

Mme [E] a été placée en arrêt de travail pour maladie ordinaire le 7 mars 2018.

***

Le 3 août 2018, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne de demandes indemnitaires dirigées contre son employeur, notamment au titre du harcèlement moral, de la discrimination, ainsi que de manquements à l'obligation de loyauté et à l'obligation de sécurité.

Par jugement du 25 janvier 2021, le Conseil des prud'hommes a débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes hormis celle attrait aux DI pour absence de visite médicale et a condamné L'EHPAD à verser à la salariée 1500 € à ce titre et 1500 € à celui de l'article 700.

Le 22 février 2021, Mme [E] a relevé appel de la décision.

***

Déclarée apte sans réserve par le médecin du travail, Mme [E] a repris son poste le 22 mars 2021, avant d'être de nouveau arrêtée à compter du 28 juin 2021.

La salariée a bénéficié d'une visite de reprise le 13 février 2023, à l'issue de laquelle elle a été déclarée inapte à son poste de travail avec dispense de reclassement.

Mme [E] a été licenciée pour inaptitude par courrier du 22 mai 2023.

***

Par conclusions n°2 notifiées électroniquement le 24 octobre 2023, Mme [E] demande à la cour de :

CONSTATER la recevabilité de la demande additionnelle tendant à obtenir la requalification du licenciement en licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse et des demandes subséquentes,

INFIRMER PARTIELLEMENT le jugement déféré,

CONDAMNER l'EHPAD [7] au paiement de la somme de 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales auprès de la médecine du travail,

CONSTATER que l'EHPAD [7] a manqué à son obligation de sécurité de résultat, un manquement traduisant par des faits de harcèlement moral ou à tout le moins par une exécution déloyale du contrat de travail du salarié, ayant eu pour incidence l'altération effective de l'état de santé de Mme [E],

CONDAMNER l'EHPAD [7] au paiement de la somme de 20 000 euros nets de dommages et intérêts pour harcèlement moral, ou à tout le moins exécution déloyale du contrat de travail,

CONDAMNER l'EHPAD [7] au paiement de la somme de 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

A titre principal,

CONSTATER que les faits de harcèlement moral sont à l'origine du prononcé de l'inaptitude,

PRONONCER la nullité du licenciement consécutif,

ÉCARTER le plafonnement de l'indemnisation au titre de la nullité du licenciement,

A titre subsidiaire,

CONSTATER que les manquements fautifs de l'employeur sont à l'origine du prononcé de son inaptitude,

PRONONCER l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement consécutif,

DIRE ET JUGER que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité,

En tout état de cause,

CONDAMNER l'EHPAD [7] au paiement de la somme de 65 000 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNER l'EHPAD [7] au paiement de la somme de 4 738,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre le paiement de la somme de 473,82 euros au titre des congés payés afférents,

CONDAMNER l'EHPAD [7] au paiement de la somme de 71 075,70 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,

CONDAMNER l'EHPAD [7] au paiement de la somme complémentaire de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Josserand, Avocat sur son affirmation de droit.

Par conclusions n°2 notifiées électroniquement le 13 novembre 2023, l'association l'Ordre de Malte demande à la cour de :

DÉCLARER irrecevables les demandes nouvelles en appel relatives à la rupture du contrat de travail,

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a jugé qu'aucun harcèlement moral n'était caractérisé et en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande indemnitaire,

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a jugé qu'aucune violation de l'obligation de loyauté ou de sécurité n'étaient caractérisées et en ce qu'il a débouté Mme [E] de ses demandes indemnitaires,

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a jugé qu'aucune discrimination n'était caractérisée et en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande indemnitaire,

RÉFORMER le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [E] des dommages-intérêts pour défaut de visite médicale,

Si la Cour devait juger que les demandes nouvelles sont recevables,

DIRE ET JUGER que le licenciement pour inaptitude n'est pas entaché de nullité,

DÉBOUTER Mme [E] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul,

DIRE ET JUGER que le licenciement pour inaptitude est parfaitement fondé,

DÉBOUTER Mme [E] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

DIRE ET JUGER que le barème issu de l'article L. 1235-3 du code du travail est parfaitement opposable à Mme [E],

DIRE ET JUGER que le licenciement a été notifié sur autorisation de l'inspecteur du travail,

DÉBOUTER Mme [E] de sa demande d'indemnité pour violation du statut protecteur,

DÉBOUTER Mme [E] de l'ensemble de ses réclamations,

LA CONDAMNER à verser à l'association 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ DES DEMANDES NOUVELLES RELATIVES AU LICENCIEMENT

La salariée forme une demande nouvelle portant sur la critique du licenciement intervenu après le prononcé du jugement, tandis que l'employeur considère que cette demande portée pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable.

Au terme de ses demandes originaires, Mme [E] sollicitait la reconnaissance de l'existence de faits de harcèlement moral mais également d'une exécution déloyale de son contrat de travail, imputables à son employeur, à l'origine de ses arrêts maladie successifs.

Ensuite du jugement, par courrier en date du 22 mai 2023 Mme [E] a été licenciée pour inaptitude.

Dans le cadre du présent recours, Mme [E] soutient que son inaptitude ayant pour origine les agissements fautifs de l'employeur, le licenciement doit consécutivement être considéré nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse.

A l'appui de la recevabilité de cette demande indéniablement nouvelle, elle soutient que celle-ci, et ses demandes financières subséquentes sont une conséquence de la demande initiale en reconnaissance de faits de harcèlement, et d'exécution déloyale de son contrat de travail, qu'elles prolongent et complètent les demandes originaires et ne soumettent pas aux débats un litige nouveau.

L'article 564 du code de procédure civile dispose que les demandes nouvelles sont irrecevables, 'si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

Il est constant que le licenciement est intervenu postérieurement à la décision du conseil de prud'hommes en date du 25 janvier 2021, de sorte que s'agissant d'un fait nouveau, la demande au titre du licenciement intervenu postérieurement au jugement déféré ne constitue pas une demande nouvelle et doit être examinée par la cour.

La fin de non-recevoir sera par conséquent rejetée.

Sur l'absence de visites médicales auprès de la médecine du travail

Mme [E] affirme n'avoir jamais bénéficié depuis le 20 mai 2012, d'une visite médicale de reprise ni de visites périodiques qui auraient permis à l'employeur d'évaluer la compatibilité de son état de santé avec son poste de travail, alors qu'elle a été victime d'une embolie pulmonaire et d'un AVEC courant 2016, que son état de santé était fragile, et qu'elle bénéficiait d'une surveillance médicale renforcée ainsi que le précise l'avis d'aptitude du 17 novembre 2015.

Elle sollicite l'infirmation du jugement de ce chef, en ce qu'il lui a alloué 1 500 euros et réclame une indemnisation à hauteur de 5 000 euros.

L'employeur répond uniquement sur l'absence de visite médicale ensuite de son arrêt de travail de juin 2018.

Selon les dispositions de l'article R. 4624-16 alinéa 1 du code du travail, le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois, par le médecin du travail. Ces examens médicaux ont pour finalité de s'assurer du maintien de l'aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé et de l'informer sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire.

Il résulte aussi des dispositions de l'article R. 4624-22 du code du travail rappelé par Mme [E], que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail:

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel'.

Il résulte, en outre, de ces dispositions que tout travailleur qui déclare être considéré comme travailleur handicapé au sens de l'article L. 5213-1 du code du travail bénéficie d'un suivi individuel adapté de son état de santé.

A défaut, le manquement à cette obligation peut justifier l'octroi de dommages et intérêts au salarié, pour autant que ce dernier justifie d'un préjudice à cet égard.

Pas plus que devant les premiers juges, l'employeur ne conteste n'avoir pas satisfait à son obligation de visite de reprise à l'issue de l'arrêt de travail de Mme [E] en 2016, alors que son arrêt de travail était de plus de 30 jours. Il ne justifie pas davantage de visites périodiques depuis le 20 mars 2012, alors même que la fiche d'aptitude du 17 novembre 2015 (ensuite d'un précédent arrêt de travail) faisait mention expresse d'une surveillance médicale renforcée du fait de la qualité de travailleur handicapé connue de l'employeur, sans que l'absence de Mme [E] à une visite organisée au demeurant par la médecine du travail en juillet 2021, pour cause de cure de la salariée, ne suffise à dédouaner l'employeur du manquement à ses obligations.

Ces éléments confirment que l'absence de visite qui a privé la salariée d'une évaluation de situation lui cause un préjudice qui a été justement évalué à la somme de 1 500 euros par les premiers juges.

SUR LE HARCÈLEMENT MORAL ET L'EXÉCUTION DÉLOYALE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Il sera rappelé que le harcèlement moral par référence à l'article L 1152-1 du code du travail est constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l'article L 1154-1 impose au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, les juges devant ensuite examiner si ces faits permettent, dans leur globalité, de présumer l'existence d'un harcèlement moral puis enfin vérifier si l'employeur rapporte la preuve que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Par ailleurs, en vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

A ce titre, Mme [E] invoque les faits suivants :

- une surcharge de travail en dépit d'un état de santé précaire, et une gestion aléatoire de ses horaires de travail,

- un harcèlement moral managérial notamment à l'arrivée de M. [B], directeur adjoint, en 2015, se traduisant par une attitude et les propos particulièrement agressifs et violents son égard, mais également à l'égard d'autres salariés, conduisant à des conditions de travail délétères,

- l'absence de réaction de l'employeur face une situation de harcèlement, lequel employeur s'est contenté d'une enquête dont les conclusions ne correspondent pas au stress au travail dénoncé par de nombreux salariés,

- la dégradation de son état de santé lié à ce harcèlement, conduisant à son arrêt de travail en novembre 2017 pour burn-out, ainsi qu'à son hospitalisation et à la prescription d'un lourd traitement médicamenteux.

Pour justifier du harcèlement subi, Mme [E] produit notamment les éléments suivants :

- l'avenant de son contrat de travail daté du 29 octobre 2013, portant notamment sur l'organisation de ses horaires de travail en qualité d'AMP et de maîtresse de maison, avec la possibilité pour l'employeur de modifier cette répartition sous réserve d'un délai de prévenance et après validation du médecin du travail, ainsi que les fiches de poste de son activité actualisées au 13 avril 2021 étant observé qu'il ressort de ces documents que le travail devait être exercé 'soit seul soit en binôme' ;

- un planning de travail du mois d'avril 2017 ;

- les attestations de Mmes [Z] et [I] qui indiquent que les conditions de travail au sein de l'établissement se sont dégradées, notamment en raison d'un 'personnel très réduit', conduisant à ce que Mme [E] ait toujours seule la charge de 12 résidents en unité de vie protégée, et que souvent ses horaires étaient modifiés pour 'remplacer des absences, à la dernière minute';

- les échanges de mails avec M. [B] en décembre 2015 par lesquels elle lui exprime son sentiment d'avoir 'été agressée par ces propos', M. [B] lui répondant 'il est vrai que je peux parfois être agressif envers vous et je m'en excuse mais il y a un moment où parfois j'ai besoin de connaître [C] l'AMP et non pas que [C] élu';

- l'attestation de Mme [J] qui explique qu'à son arrivée en août 2017, alors que Mme [E] était en arrêt de travail, M. [B] avait tenu des propos particulièrement désobligeants à son égard, en faisant état de détournement d'argent, la faisant passer pour une personne 'mentalement fragile', ou disant qu'elle 'était toujours absente au travail'. Elle ajoute que durant la campagne électorale, 'tout a été fait pour discréditer sa candidature allant jusqu'à taguer 'Casper le fantôme' sur les tracts qu'elle avait affichés';

- les attestations de Mmes [Z], [P], [T], [F] et [I] aux travers desquelles elles évoquent leur 'mal-être' ressenti personnellement. Mme [F] explique ainsi avoir quitté l'établissement après avoir subi 'de nombreuses pressions de la part d'une collègue dont j'ai fait part à la direction lors de mon départ, car j'y laissais ma santé physique et mentale'.

Mme [Z] explique quant à elle, avoir été convoquée régulièrement par son supérieur, ce qui a entraîné son départ pour inaptitude, exposant également avoir signalé cette situation à l'occasion d'une enquête organisée par le CHSCT.

Mme [T] ajoute avoir vécu 'personnellement' le mauvais traitement de la direction, son état de santé ne lui permettant d'ailleurs plus d'exercer son métier, craignant 'des représailles de la part du sous-directeur qui ne se gêne pas pour dire oralement qu'il favorise le donnant- donnant et que ceux qui ne jouent pas le jeu doivent partir'.

Mme [P] affirme de manière plus générale qu'il 'règne dans l'établissement un climat malsain où il faut être du côté de la direction pour pouvoir faire son travail sinon on est persécuté. C'est ce que vit Mme [E] depuis des années, et bien d'autres salariés qui ont peur de témoigner car après, ils subissent des représailles et sont obligés de partir'.

- les courriers adressés les 14 et 17 novembre 2017 par Mme [E] à M. [V] et à M. [D], respectivement directeur et responsable RH de l'établissement, dans lequel elle fait état d'une réunion tenue le 13 novembre 2017 au cours de laquelle elle affirme avoir été verbalement agressée par le premier, qui qualifiait son comportement de 'chiant', vivant cette situation 'comme une atteinte personnelle surtout qu'elle est la suite d'autres qui viennent se rajouter de plus en plus souvent', évoquant au second, après l'envoi du courrier au directeur, la venue dans son bureau, de M. [V] en compagnie de M. [B], s'interrogeant sur le but de ce passage au regard du contexte de tension, et dont elle n'a pu se défaire de la présence que grâce à la présence d'une autre collègue, et expliquant ainsi que cette situation la 'rend malade', estimant être 'entravée dans son rôle de déléguée', se rajoutant également 'la peur de ce qui peut m'être subitement reprochée professionnellement pour me faire craquer ou le licencier pour faute';

- le courrier qu'elle a adressé à M. [V] en janvier 2023, par lequel elle l'informe de sa démission d'élue du CSE en raison de 'situations vécues ces derniers temps qui me replongent dans un contexte d'attaques psychiques et morales que j'ai déjà subies et que je ne peux et ne veux plus revivre', évoquant la question par le directeur, de ses heures de délégation à l'occasion d'une réunion CSE ;

- les attestations de Mmes [R] et [U] qui confirment avoir été témoins à plusieurs occasions lors de réunions, de l'état psychologique de Mme [E], ou encore 'l'avoir vu en réunion pleurer en expliquant ce qu'elle vivait et nous avons constaté que cela altérait son état de santé' ;

- l'attestation de Mme [X] qui explique avoir alerté les membres du CHSCT et les délégués du personnel de l'établissement en mars 2018, sur le harcèlement subi par Mme [E], affirmant que 'ces accusations n'ont pas été contestées par les salariés et délégués du personnel, mais par peur n'ont pas voulu témoigner par écrit' ;

- le courrier du secrétaire CCE central de l'Association à son président en novembre 2017, rappelant 'il y a un turn-over important dans le personnel soignant. Chaque jour, il manque du monde et le personnel en place doit faire face à un manque d'effectif. Tout cela engendre un surcroît de travail, de fatigue, de perte de vigilance qui peut amener à des burn-out. Des tensions, de l'irritabilité, de la souffrance et un mal-être se créent au sein des équipes', cette situation générant des 'conséquences sur le bien-être' des résidents ce mal-être étant par ailleurs attesté par M. [A], délégué du personnel relevant le nombre important d'arrêts de travail, lequel a ensuite demandé en avril 2018 l'ouverture d'une enquête par le CHSCT sur 'le mal-être des salariés et l'hospitalisation de Mme [L] qui a fait un burn-out' ;

- le courriel adressée par Mme [G], déléguée syndicale, à l'inspection du travail en août 2021, dans lequel elle précise avoir été contactée 'par des salariés et des élus de l'Ehpad [7] pour des raisons de souffrance au travail et une ambiance non sereine. (...)Pour avoir rencontré les salariés, une ambiance délétère qui serait favorisée par la direction et certains salariés, il me semble important de faire quelque chose;. (...) Pour l'historique, c'est le 2e rapport concernant les mêmes problématiques, il date de 2018 et introuvable'. Le compte-rendu de la visite de la déléguée, en mars 2018, fait état d'une surcharge de travail, d'une confusion des postes, d'un traitement inégalitaire des salariés, d'un sentiment de mal-être et de peur accentué par la présence de la conjointe de M. [B], elle-même AMP ;

- les pièces médicales en suite de l'arrêt maladie du 15 novembre 2017 pour 'dépression sévère suite difficultés professionnelles', le certificat du 27 mars 2018 du Dr [H], psychiatre qui indique son hospitalisation pour 'une problématique dépressive sévère suite à un burnout professionnel. Elle dit subir une pression et un harcèlement de la part de sa hiérarchie qui a contribué à son état de santé physique actuel', ce même médecin indiquant en septembre 2019 que 'son état de santé psychologique reste fragile, avec une humeur triste, une angoisse importante, troubles du sommeil';

Au vu de ces éléments, la cour retient que Mme [E] présente des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer et de supposer l'existence d'un harcèlement.

Il appartient en conséquence à l'employeur de justifier qu'ils n'étaient pas constitutifs de harcèlement et que sa décision reposait sur des éléments objectifs.

Sur la surcharge de travail

L'Association Ordre de Malte affirme que la salariée était intégrée à une équipe pluridisciplinaire en charge de l'unité de vie protégée, et qu'aucun membre n'a jamais fait état d'une surcharge de travail, le document unique d'évaluation des risques évoquant d'ailleurs les mesures de prévention de ce risque, sans que Mme [E] n'ait jamais eu recours aux outils ainsi mis à sa disposition.

Elle soutient encore, qu'il n'y avait aucune gestion aléatoire de ses horaires de travail puisqu'en réalité, c'est la salariée elle-même qui était à l'origine des modifications pour exercer ses mandats ou faire face à des contraintes personnelles ; que même, du fait des problèmes de santé de la salariée, et afin de l'alléger, elle s'est vue confier un temps d'animation.

Sur ce grief, la cour observe tout d'abord, que Mme [E] qui n'a jamais alerté la direction sur ce point à titre personnel ou en sa qualité de représentante du personnel, n'apporte aucun élément de fait précis de nature à objectiver qu'elle avait constamment en charge seule, la prise en charge des 12 résidents de l'unité de vie protégée, alors qu'elle était selon l'avenant du contrat de travail, employée à temps partiel, ce temps partiel étant lui-même établi selon une répartition de travail différenciée entre ses fonctions d'AMP à raison de 5,25 heures par semaine et de maîtresse de maison à raison de 9,38 heures hebdomadaires.

S'il est fait état d'un fort absentéisme au sein de l'établissement, l'employeur rappelle à juste titre que la fiche d'absence produite par la salariée porte sur l'année 2020 particulièrement affectée par la crise sanitaire et ne saurait ainsi refléter à elle seule un manque d'effectifs stucturel.

De même, tandis que Mme [E] se contente de présenter un planning sur un seul mois, l'employeur produit de nombreux plannings ainsi que les demandes de modifications d'horaires formulées par la salariée, au demeurant acceptées par la direction.

La cour relève aussi que les attestations de Mme [Z] ou de Mme [I] quant à la lourde charge de travail de Mme [E] ne se réfèrent qu'à son état de santé fragile, ensuite de ses problèmes médicaux, étant toutefois relevé qu'aucune inaptitude n'avait été relevée par le médecin du travail et que celui-ci avait d'ailleurs validé en octobre 2013, les termes de l'avenant du contrat de travail.

Aucune gestion hasardeuse des horaires, ni aucune surcharge de travail n'étant établies, ces éléments ne peuvent être retenus au titre de l'illustration d'un harcèlement moral.

Sur le harcèlement managérial de M. [B] et de M. [V]

L'employeur indique que la salariée se plaint uniquement de propos qui sont prêtés à M. [V] ou à M. [B], sortis de leur contexte, en les déformant, alors que par exemple M. [V] avait simplement utilisé le qualificatif 'chiant', sans la viser personnellement, mais pour signifier sa lassitude aux récriminations récurrentes de la part de la salariée, que ses accusations de déstabilisation ne sont pas étayées et correspondent seulement à un ressenti et à des extrapolations.

Il ajoute que dans les faits, la direction était très peu en contact avec Mme [E] puisque celle-ci a été longuement en arrêt en 2017, disposait de plusieurs heures de délégation syndicale, et travaillait essentiellement durant les week-ends, soit à des moments où MM. [V] et [B] n'étaient pas présents.

S'agissant de l'incident qu'elle relate lors de la venue dans son bureau en novembre 2017, de MM. [V] et [B], il a fait l'objet d'une déclaration d'accident de travail le 16 mars 2018 que la caisse d'assurance maladie a refusé de prendre en charge à ce titre, sans contestation de la part de la salariée.

Elle se défend de tout dénigrement évoqué par Mme [E] au cours de la campagne électorale.

Sur ce grief, la cour observe qu'aux termes de ses écritures, Mme [E] vise particulièrement M. [B], et notamment un échange agressif à son égard en décembre 2015, reconnu par lui et à l'issue duquel il a présenté ses excuses. Aucun autre fait précis n'est évoqué le concernant.

Elle vise également le directeur, M. [V] au cours de deux épisodes : le premier en novembre 2017 au cours duquel ce dernier accompagné de M. [B], s'est présenté dans son bureau, sans toutefois qu'aucun propos, ni geste n'aient été commis et révélant seulement, comme le souligne l'employeur, un'ressenti' de persécution de Mme [E], qui n'est toutefois corroboré par aucune autre pièce que sa propre retranscription des faits, alors que l'employeur produit l'attestation d'une salariée présente à cette occasion, qui affirme avoir ce jour-là 'constaté et [avoir] été interpellée par l'état de fatigue de Mme [E]', alors qu'il n'y avait alors eu aucun 'moyen d'intimidation qu'il soit verbal ou physique de la part de M. [V] ou de M. [B]'.

M. [V] a également répondu à la salariée au sujet des propos rapportés lors de la réunion du comité d'entreprise du 13 novembre 2017, en rappelant que le qualificatif 'chiant' ne visait pas sa personne, mais plutôt son sentiment de lassitude quant aux critiques continuels de la salariée sur son management.

De même, si la salariée a dénoncé l'attitude de M. [V] à l'occasion d'une réunion CSE en décembre 2022, qui évoquait son nombre d'heures de délégation, toujours sans virulence ni reproche, la relation des faits par la salariée elle-même, ne permet pas de retenir un quelconque harcèlement.

Les attestations de Mmes [Z], [R] et [O], sur les prétendues pressions, et entreprise de déstabilisation, se contentent de dénoncer des pressions ou des 'reproches' dans l'exercice des mandats de représentants du personnel, mais sans jamais viser aucun fait précis de pression, ou se bornent à évoquer des altercations avec l'épouse de M. [B], mais sans aucune portée quant aux allégations de harcèlement de Mme [E].

En outre, l'ambiance délétère décrite par Mme [I] dans une lettre à la direction en décembre 2017 et Mme [G] dans son rapport d'août 2021, est à elle seule insuffisante, en ce que ces documents énoncent des faits également non décrits, mais seulement qualifiés en termes généraux de 'dénigrement et brimade, critique injustifiée, humiliation publique, mesure vexatoire, tâche dévalorisante, mise au placard, pression disciplinaire', sans jamais être étayés par aucun autre élément.

Sur l'absence de réaction de l'employeur face à sa situation de harcèlement

L'Ordre de Malte fait valoir tout d'abord que la salariée ne démontre pas avoir alerté sa hiérarchie, ni même les instances représentatives, ni le médecin du travail ou l'inspection du travail.

Néanmoins, la cour observe que ce point est contredit par les éléments rappelés plus haut, et notamment, la saisine du CHSCT en 2018, la visite des lieux par une déléguée syndicale en mars 2020, et les nombreux signalements adressés par les élus.

L'employeur soutient qu'en réalité, la salariée ne faisait pas l'unanimité parmi la délégation unique du personnel, trois délégués syndicaux ayant remis leur démission en raison de divergences avec elle, produisant à cet effet, les courriers de démissions de Mesdames [Y], [N] et [A] aux fonctions de délégués du personnel en novembre et décembre 2015, les deux premières faisant état d'un point de vue divergent avec certaines collègues, dont il sera observé néanmoins que l'identité n'est pas précisée.

Il objecte aussi que le compte-rendu de visite de Mme [G] est rédigé en termes généraux, n'identifiant aucun salarié, ni aucun fait précis et qu'une enquête a effectivement été déclenchée en début d'année 2018, laquelle a été menée par un cabinet d'expertise indépendant désigné, non par la direction, mais par le CHSCT, sous le contrôle d'un comité de pilotage dont Mme [E] était membre, et qui à l'issue des réponses aux questionnaires adressés aux salariés et des entretiens individuels, a au contraire des allégations de la salariée, mis en exergue un climat social très satisfaisant.

Il conteste également les allégations de mal-être au travail et verse aux débats le courrier de M. [W], élu du CSE le 16 novembre 2020, à l'attention de M. [V] pour l'alerter quant à son sentiment partagé avec une collègue, 'd'être victimes de harcèlement et de maltraitance moraux de la part de Mme [E], encouragée par Mme [J] qui la conforte dans ses pratiques, dans le cadre de leurs fonctions respectives de trésorière et de secrétaire du CSE', et précisant que par ses propos, ils ressentent 'de l'intimidation, des menaces juridiques, de la diffamation/calomnie, des insinuations et sous-entendus douteux, de la violence morale, un travail d'usure et de sape par le biais de ressassement des mêmes choses, de la malveillance en se victimisant à tout bout de champ, suggérant que nous la persécutions et en adoptant des pratiques douteuses consistant à introduire de façon cachée de nouveaux interlocuteurs syndicaux dans le fil des discussions. (...) Mme [M] est dans un état d'épuisement moral catastrophique avec des répercussions physiques. Il en va de même pour moi avec une fatigue importante, des troubles du sommeil et de l'anxiété importants. (...) Nous avons un moment envisagé notre démission. Nous nous sommes également rappelé que des collègues élues avaient déjà par le passé, démissionné, semblerait-il du fait d'agissements similaires de la part de Mme [E].'

L'employeur produit aussi la décision rendue par l'inspection du travail, le 2 octobre 2023, rejetant le recours hiérarchique de la salariée contre l'autorisation de licenciement, au motif qu'il 'n'a été relevé aucun indice de nature à établir que l'inatpitude de Mme [E] résulterait d'une dégradation de son état de santé en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives'.

Au vu de ces éléments, il convient de relever que si Mme [E], à l'instar de M. [A], et de Mmes [F] et [O], doute de la fiabilité de l'enquête menée par le cabinet indépendant courant 2018, il ne peut être contesté que sa désignation émane du seul CHSCT, la décision ayant été prise à l'issue de plusieurs réunions. Cette enquête a abouti à un rapport à la suite d'entretiens individuels et de questionnaires anonymes que les salariés étaient libres de renseigner ou non. Les conclusions de ce rapport font apparaître une bonne ambiance générale au sein de l'établissement, même si elles mettent aussi en évidence l'existence de 'deux clans', et un clivage qui est en définitive, particulièrement révélateur des pièces produites par la salariée, qui s'il n'est pas étranger à la dégradation de l'état de santé de la salariée, ne peut être imputé à l'employeur, et ce d'autant moins que les pièces médicales produites par l'appelante ne permettent pas d'établir que cette dégradation soit en lien avec une situation de harcèlement dont l'employeur serait à l'origine.

La cour observe enfin que la force probante des certificats médicaux versés aux débats est circonscrite à l'état de santé de la salariée et ne préjuge en rien de ses causes, leurs rédacteurs n'ayant pas vocation à constater directement la situation de harcèlement moral sur le lieu de travail.

Dès lors, compte tenu des éléments objectifs de réponse apportés par l'employeur, étrangers à tout harcèlement, la cour confirme le jugement ayant conclu que le harcèlement moral allégué par Mme [E] n'est pas caractérisé et débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre.

Au vu des éléments précédemment développés et en l'absence de tout élément venant à l'appui des allégations de la salariée, sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail sera également rejetée, par confirmation du jugement.

SUR LE LICENCIEMENT

A titre liminaire, la cour rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass, Soc., 15 avril 2015 pourvoi n° 13-21.306), dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité du contrat de travail. L'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations.

En conséquence, la Cour de céans est compétente pour statuer sur la demande de Mme [E] relativement à la nullité de son licenciement.

Toutefois, au cas présent, la cour ayant écarté l'existence d'une situation de harcèlement moral, il ne peut être retenu que le licenciement pour inaptitude prononcée à l'égard de la salariée aurait été causé par le fait de l'employeur et devrait en conséquence être annulé.

Il est de principe qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité qui l'a provoquée.

Au soutien de l'infirmation du jugement sur le caractère réel et sérieux du licenciement, Mme [E] invoque le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, l'absence de mesure prise de manière effective pour 'la protéger', 'l'absence de soutien', sa 'mise à l'écart' et les 'tentatives multiples de déstabilisation' à son égard.

Ces moyens ont été écartés, et ne sont pas davantage développés ni démontrés notamment en ce qui concerne une prétendue mise à l'écart, et sans que l'absence de visite médicale puisse être en lien avec l'inaptitude reconnue par le médecin du travail, en sorte que la cour retient comme les premiers juges, que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Par voie de conséquence, les demandes indemnitaires subséquentes et notamment celle formée au titre de la violation du statut protecteur, sont rejetées.

SUR LA DISCRIMINATION SYNDICALE

La salariée réclame en cause d'appel, une somme portée à 10 000 euros en réparation d'un préjudice résultant d'une discrimination syndicale, en sa qualité de membre du CSE et de déléguée syndicale.

Il résulte des dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

En application de l'article L. 1134-1du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Pour que le régime de la preuve applicable à la discrimination syndicale soit retenu, il incombe au préalable au salarié de démontrer que son employeur avait connaissance de son appartenance syndicale ou de ses activités syndicales.

L'interdiction définie par l'article L. 2141-5 du code du travail inclut les discriminations exercées en raison d'un mandat représentatif du personnel que le salarié soit syndiqué ou non.

En l'espèce, Mme [E] justifie avoir été membre du CSE, et affirme avoir subi une discrimination, se traduisant par 'des pressions du fait de l'exercice de son mandat'.

Elle se prévaut à cet égard, des attestations précédemment évoquées, de plusieurs salariées, Mmes [Z], [R], [O], qui attestent de l'implication de leur collègue, ce qui 'dérangeait énormément' et 'attiraient les foudres' de la direction.

Elle invoque également un courrier adressé le 17 novembre 2017, au directeur des ressources humaines dans lequel elle affirme être 'entravée' dans son rôle de déléguée et ressentir 'la peur de ce qui peut m'être subitement reprochée professionnellement pour me faire craquer ou me licencier'.

La cour relève au vu de ces seuls éléments, qu'au-delà d'une affirmation générale sur la dégradation de ses conditions de travail, la discrimination syndicale alléguée ne repose pas sur la présentation de faits concrets, clairement et précisément identifiés, laissant supposer une telle discrimination directe ou indirecte, étant également rappelé que le licenciement pour inaptitude a été autorisé par l'inspection du travail.

Confirmant la décision des premiers juges, la demande de Mme [E] au titre de la discrimination syndicale sera par conséquent rejetée.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

Mme [E], partie perdante au principal, est condamnée aux dépens d'appel.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par l'Association Ordre de Malte tirée des demandes nouvelles au titre d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que le licenciement n'est pas nul,

Dit que le licenciement pour inaptitude est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Rejette les demandes indemnitaires subséquentes formées par Mme [E],

Dit n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [E] aux entiers dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/01361
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;21.01361 ?
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