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27/03/2024 | FRANCE | N°20/05934

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 27 mars 2024, 20/05934


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE



N° RG 20/05934 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NGVU



Société ARROW ECS

C/

[M]



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 01 Octobre 2020

RG : 19/00420









COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 27 MARS 2024







APPELANTE :



Société ARROW ECS

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Jeannie MONGOU

ACHON de la SELARL MONGOUACHON AVOCAT, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Nathalie CAZEAU de la SELARL CAZEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Luca DEMURTAS, avocat au barreau de PARIS






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AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/05934 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NGVU

Société ARROW ECS

C/

[M]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 01 Octobre 2020

RG : 19/00420

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 27 MARS 2024

APPELANTE :

Société ARROW ECS

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jeannie MONGOUACHON de la SELARL MONGOUACHON AVOCAT, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Nathalie CAZEAU de la SELARL CAZEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Luca DEMURTAS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

[B] [M]

née le 19 Juillet 1974 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Karine ROSSI, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Catherine MAILHES, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseillère

Anne BRUNNER, Conseillère

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Mars 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [B] [M] (la salariée) a été engagée à compter du 15 janvier 2001 par la société 'Logix'devenue 'Arrow ECS' (la société) par contrat à durée indéterminée en qualité d'assistante administrative.

La société Arrow ECS est spécialisée dans la conception et la vente de solutions informatiques et cloud pour tout type de société. L'une de ses activités consiste également en la formation des

professionnels de l'informatique. Elle applique la convention collective Syntec.

A compter du 25 août 2008, Mme [M] a bénéficié, à sa demande, d'un congé parental à 80%.

Le 18 mai 2010, son temps partiel a été prolongé au-delà du 1er juin 2010.

Par un avenant du 13 juin 2014, Mme [M] a été promue aux fonctions d'ingénieur commercial spécialiste.

Le 3 septembre 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 13 septembre 2018.

Par lettre du 4 octobre 2018, la société lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle, lui reprochant :

- une implication insuffisante et fluctuante ;

- un manque de régularité dans le travail et un manque d'efficacité, affectant la bonne marche

du service ;

- une efficacité moindre que celle des collègues dans le traitement des appels clients, ce que

démontrent les relevés des compteurs d'appel établissant un nombre d'appels inférieurs à ceux des collègues que ce soit dans les appels reçus, ou dans les appels sortants ;

- la nécessité d'être relancée à plusieurs reprises pour obtenir les éléments nécessaires au

processus de facturation, ce qui avait déjà été observé plusieurs fois auparavant, et également en octobre et novembre 2017 ;

- un manque de régularité dans le traitement des commandes en attente.

Le 13 février 2019, Mme [M], contestant son licenciement, a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de contester son licenciement et voir la société Arrow ECS condamnée à lui verser un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et l'indemnité de congés payés afférente, une indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés afférente, un indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à lui remettre les bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés avec astreinte, au paiement des intérêts au taux légal.

La société Arrow ECS a été convoquée devant le bureau de conciliation et d'orientation par courrier recommandé avec accusé de réception envoyée le 14 février 2019.

Par jugement du 1er octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- Dit et jugé que le licenciement prononcé par la SAS Arrow ECS à l'encontre de Mme [B] [M] est sans cause réelle et sérieuse,

Par conséquent,

- Condamné la SAS Arrow ECS à verser à Mme [B] [M], sur la base d'un salaire moyen reconstitué de 2 540 euros, les sommes suivantes :

35 560,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2 561,08 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement,

1 943,07 euros au titre du solde de l'indemnité de préavis, outre 194,30 euros au titre des congés payés afférents,

1 921,76 euros au titre du rappel du 13éme mois,

1 014,53 euros d'indemnité compensatrice de congés payés,

15 560,97 euros au titre du rappel d'heures complémentaires, outre 1.556,10 au titre des congés payés afférents,

- Dit et jugé que la SAS Arrow ECS doit rembourser 428,95 euros à Mme [B] [M] au titre de la régularisation de la prime variable,

- Dit et jugé que la SAS Arrow ECS doit verser à Mme [B] [M] la somme de 4 926,26 euros en complément de l'indemnité de non-concurrence, outre celle de 492,63 euros au titre des congés payés afférents,

- Condamné la SAS Arrow ECS à verser à Mme [B] [M] la somme de 1 700,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile,

- Rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure

de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances

salariales et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées,

- Condamné la SAS Arrow ECS à remettre à Mme [B] [M] ses bulletins de paie à compter du mois de juin 2019 sous astreinte journalière de 50 euros à compter de 30 jours

suivant le prononcé du présent jugement,

- Dit que le Conseil de Prud'hommes de Lyon se réserve le droit de liquider ladite astreinte,

(...)

- Condamné la SAS Arrow ECS aux entiers dépens de la présente instance, y compris les frais et honoraires éventuels d'huissier en cas d'exécution forcée du présent jugement.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 27 octobre 2020, la société Arrow ECS a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 1er octobre 2020, aux fins de son infirmation en toutes ses dispositions expressément mentionnées dans la déclaration d'appel.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 25 mai 2021, la société Arrow ECS demande à la cour de :

- Réformer la décision entreprise par le Conseil de Prud'hommes de Lyon le 1er octobre 2020

Statuant à nouveau,

- Dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- Débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner Mme [B] [M] à lui régler la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Mme [B] [M] aux entiers dépens.

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 6 avril 2021, Mme [M] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

Dit et jugé que le licenciement prononcé par la SAS Arrow ECS à son encontre est sans cause réelle et sérieuse,

Par conséquent,

Condamné la SAS Arrow ECS à verser à Mme [B] [M], sur la base d'un salaire moyen reconstitué de 2 540 euros, les sommes suivantes :

35 560,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2 561,08 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement,

1 943,07 euros au titre du solde de l'indemnité de préavis, outre 194,30 euros au titre des congés payés afférents,

1 921,76 euros au titre du rappel du 13éme mois,

1 014,53 euros d'indemnité compensatrice de congés payés,

15 560,97 euros au titre du rappel d'heures complémentaires, outre 1 556,10 au titre des congés payés afférents,

Dit et jugé que la SAS Arrow ECS doit rembourser 428,95 euros à Mme [B] [M] au titre de la régularisation de la prime variable,

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes de Lyon le 1er octobre 2020 en ce qu'il a dit que la SAS Arrow ECS devait lui verser des sommes en complément de l'indemnité de non-concurrence outre congés payés afférents, mais réformer le jugement sur le quantum alloué ;

- Condamner en conséquence la SAS Arrow ECS à lui verser la somme de 7 885,22 euros brute au titre du solde de l'indemnité de non-concurrence, outre celle de 788,53 euros au titre des congés payés afférents, outre intérêts de droit ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Arrow ECS à lui remettre ses bulletins de paie, à compter du mois de juin 2019, sous astreinte journalière de 50 euros à compter de 30 jours suivant le prononcé du jugement, et dit que le conseil de prud'hommes de Lyon se réserve le droit de liquider ladite astreinte ;

- Débouter la société Arrow ECS de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SAS Arrow ECS à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SAS Arrow ECS aux entiers dépens de la procédure d'appel, en ce compris les dépens éventuels d'exécution.

La clôture des débats a été ordonnée le 7 décembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur l'insuffisance professionnelle :

La société fait valoir que Mme [M] avait pour charge la vente de formations dites ' inter' pour des centres de formations partenaires. Dans ce cadre, il était notamment attendu d'elle qu'elle gère les relations avec lesdits partenaires (organisation des formations par exemple) et avec les prospects (devis, réservation des formations, etc.).

La société soutient que dès 2015, l'attention de sa salariée a été attirée à l'occasion des entretiens annuels, sur des lacunes en termes de communication avec son équipe et de relation avec les partenaires (focalisation des efforts sur un seul partenaire en dépit des autres).

La société soutient que :

- la salariée a des statistiques de traitement des appels et relances inférieures a celles de ses

collègues ;

- elle n'a pas répondu à ses sollicitations pour obtenir des éléments servant à la facturation ;

- elle a relevé des lacunes dans le traitement des commandes par la salariée, via le logiciel

' faxorder' ;

- la salariée a reconnu la baisse de qualité de son travail puisqu'elle a indiqué au cours de

l'entretien préalable :

' Suite à des événements extérieurs à l'entreprise, cela a peut-être pu avoir un impact sur mon travail. Je pense que nous avons tous des baisses de productivité à certains moments, c'est humain ».

Mme [M] fait valoir en réponse que l'employeur se contente de reprendre les termes de la lettre de licenciement sans étayer ses propos par un quelconque élément.

Mme [M] se prévaut pour sa défense de :

- sa promotion dans des fonctions d'encadrement en juin 2014 ;

- ce qu'elle n'a cependant bénéficié d'aucune formation spécifique pour accéder à ses nouvelles fonctions ;

- ses entretiens annuels au titre des années 2015, 2016 et 2017 au cours desquels elle a toujours été félicitée pour son travail par son manager direct, M. [Z],

- de données chiffrées relatives à ses performances pour l'année 2018 : elle produit des tableaux excel sur les commandes de formations passées par tous les membres de l'équipe qui montrent la concernant, un pourcentage de marge important en dépit d'un travail à 80%.

Mme [M] soutient que le véritable motif de son licenciement est un motif économique dés lors que son poste a été supprimé.

****

L'insuffisance professionnelle peut justifier un licenciement dès lors que l'employeur s'appuie sur des faits précis que le juge peut contrôler. En pratique, ce sont les conséquences vérifiables de l'insuffisance qui établiront cette dernière.

Et si l'employeur est responsable de l'insuffisance ou incompétence qu'il invoque, le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, l'insuffisance ne doit pas résulter d'une défaillance passagère qui serait démentie par le passé professionnel du salarié. Et le juge doit prendre en considération l'ensemble de l'activité du salarié pour établir ou non la réalité de l'insuffisance professionnelle.

Il résulte des débats que l'employeur ne produit aucun élément relatif à l'implication supposée insuffisante et fluctuante de la salariée, à son manque de régularité dans le travail, à son manque d'efficacité affectant la bonne marche du service, à son efficacité inférieure à celle de ses collègues s'agissant du traitement des appels clients, et ce alors même qu'il invoque, dans la lettre de licenciement, une comparaison des relevés des compteurs d'appel de la salariée par rapport à ses collègues.

L'employeur invoque par ailleurs des mails de relance adressés à la salariée pour qu'elle fournisse des éléments indispensables au bon déroulement du processus de facturation, mais il ne produit aucun de ces mails, de sorte que le défaut de réponses aux sollicitations n'est pas établi.

La salariée produit pour sa part des éléments chiffrés, soit un tableau de ses commandes pour l'année 2018, ainsi que le pourcentage de chiffre d'affaires (inter et training) attribué à la salariée, ainsi qu'à trois de ses collègues (Mme [P], Mme [I] et M. [Y]), dont il ressort que la marge 'inter' de la salariée est largement supérieure à celle de ses collègues, soit 73% contre 5% et 22% , tandis que la marge 'training' de la salariée est largement supérieure à celle de deux de ses collègues (41% contre 3% et 13%) et sensiblement équivalente à celle du troisième (41% contre 44%).

En outre, la salariée a été nommée aux fonctions d'ingénieur commercial spécialiste en juin 2024 et ses évaluations annuelles au titre des exercices 2015, 2016 et 2017 sont particulièrement satisfaisantes et révèlent une progression favorable et ce alors même que la salariée est à temps partiel. Par ailleurs, l'employeur ne justifie lui avoir délivré aucune formation particulière pour l'adapter au poste d'ingénieur commercial alors qu'il convient de rappeler qu'elle a été recrutée comme assistante administrative.

Ainsi, au terme de l'année 2015, la salariée est remerciée par son évaluateur pour son implication durant une année jugée difficile et il est souligné que '[B] a gagné une certaine confiance qui la fait plus partager en réunion commerciale même si ce n'est pas assez (...)' au goût de l'évaluateur.

Au terme de l'année 2016, les attentes sont jugées remplies et la salariée est remerciée dans les termes suivants :

' [B], merci pour cette année 2016, je compte effectivement sur toi pour poursuivre les efforts menés dans le développement des inter grâce à ton travail avec IB ainsi que les autres centres de formation.'.

Enfin, en 2017, les attentes sont jugées remplies et l'évaluation globale est la suivante :

'[B], je te remercie pour cette bonne année en terme de résultats. Ta gestion des relations avec nos partenaires formation a été fortement contributrice de notre résultat 2017. Merci [B].'.

Compte tenu de ces évaluations, et de l'absence de tout élément objectif en faveur d'une insuffisance professionnelle, l'employeur n'est pas fondé à invoquer l'appréciation faite par la salariée au cours de l'entretien préalable, selon laquelle des événements extérieurs à l'entreprise auraient pu avoir un impact sur son travail. En effet, cette remarque ne saurait, compte tenu du contexte, constituer une quelconque reconnaissance d'une insuffisance professionnelle. Il s'agit, tout au plus, de l'évocation d'une défaillance passagère.

Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu'il a jugé que Mme [M] avait bénéficié d'une promotion en juin 204 sans recevoir de formation spécifique pour accéder à ses nouvelles fonctions, que son manger lui avait exprimé son entière satisfaction au terme des exercices 2015, 2016 et 2017, que ses performances étaient bien plus élevées que celles de ses collègues malgré son temps partiel à 80%, de sorte que l'insuffisance professionnelle n'est pas établie.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement notifié à Mme [M] comme non fondé sur une cause réelle et sérieuse.

- Sur les demandes de rappels de salaire :

1°) sur les heures complémentaires :

La salariée rappelle que son temps de travail était de 28 heures par semaine depuis le 25/08/2008.

Elle soutient que :

- elle a réalisé entre janvier 2016 et son licenciement, huit heures complémentaires par semaine pendant 15 semaines ;

- elle travaillait les mercredis, le soir et le week-end pour pallier les absences de Mme [P] et de M. [K], ainsi que pour assurer la reprise du suivi commercial du client IBM ( à compter de novembre 2016) ;

- ainsi, sur 15 semaines de remplacement, elle a du travailler en moyenne 36 heures par semaine au lieu des 28 heures contractuelles, soit 8 heures complémentaires par semaine. Elle demande par conséquent le paiement de 120 heures au taux de 15,22 euros avec application d'une majoration de 10% de 28 à 30,80 heures et de 25% de 30,80 heures à 36 heures.

Elle produit des captures d'écran d'ordinateur ainsi que des messages envoyés le mercredi, le soir et pendant les week-end.

La société s'oppose à cette demande en soutenant que le conseil de prud'hommes a fait une mauvaise application du régime de la charge de la preuve. Elle soutient que :

- les remplacements qualifiés de 'partiels' par le conseil de prud'hommes ainsi que la prise en charge d'un nouveau client étaient des tâches qui entraient parfaitement dans le champ d'intervention de la demanderesse et pour lesquels elle n'a jamais demandé à la salariée d'effectuer des heures complémentaires ;

- l'intégralité de la prétention de la salariée repose sur sa pièce n°5 qui est une collection de plus de 50 pages de captures d'écran du logiciel Outlook, que cette pièce est dénuée de toute force probante ;

- les courriels communiqués ne permettent pas de déterminer les horaires de début et de fin de journée, ni de retracer les horaires effectués dans la journée, de sorte que la salariée, confrontée à cette difficulté, raisonne en termes de moyenne et de minima, et qu'elle est dans l'incapacité d'étayer sa demande ;

- la crédibilité des captures d'écran du logiciel est relative ;

- quand bien même la salariée démontrerait qu'elle a envoyé des courriels les mercredi, le soir ou lors de ses pauses déjeuner, elle n'établit pas que l'employeur lui aurait demandé de travailler à ces dates et horaires.

****

La demande de la salariée au titre des heures complémentaires repose sur des éléments précis tels que le remplacement de collègues ou la reprise du client IBM.

Si l'employeur soutient que ces tâches entraient dans le champ d'intervention de la salariée, il résulte cependant de l'évaluation globale de la salariée pour l'année 2016, évaluation non corrigée par l'employeur, que Mme [M] a déclaré :

'Cette année a été chargée du fait que nous avons dû palier aux absences et assurer les back-up en plus de notre mission ( congé maternité, départ, maladie) mais nous allons atteindre notre objectif 2016 (...) J'ai également repris la gestion du compte IBM/Allianz, gros challenge pour moi l'année pro avec un suivi rigoureux pour répondre aux exigences d'[W]. (...)'.

L'évaluateur a souligné la justesse des propos de la salariée dans les termes suivants :

'[B], effectivement, dans un contexte difficile que tu évoques très justement dans ton commentaire, tu as réussi à mener une belle année 2016. ( avec la reprise du compte Allianz).'.

Il en résulte que les heures complémentaires sollicitées par la salariée sont justifiées par une charge de travail augmentée en raison d'absences non remplacées et de la reprise d'un client important à compter de novembre 2016, et ce à moyens et horaires constants. Et si la société Arrow ECS soutient qu'elle n'a jamais demandé à la salariée d'effectuer des heures complémentaires, il résulte de l'évaluation annuelle de 2016 qu'elle a implicitement autorisé l'augmentation de la charge de travail et expressément validé cette augmentation.

Ainsi il résulte par exemple d'un courriel du 3 mai 2016 de [S] [Z], brand manager education, qu'un transfert de la messagerie de Mme [P] vers celle de Mme [M] a été instauré pendant le congé maternité de Mme [P], de janvier à mai 2016.

En outre, les excellents résultats de Mme [M], au regard de ceux de ses collègues pourtant engagés à temps complet, laissent présumer une implication dépassant la cadre d'un temps partiel à 80%.

Il en résulte que la créance de Mme [M] au titre des heures complémentaires repose effectivement sur un accroissement de ses tâches à partir de 2016.

Et il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

En l'espèce, la salariée expose qu'elle a réalisé :

- du 27 janvier 2016 au 9 mai 2016 (15 semaines), pour les besoins du remplacement de Mme [P]: 8 heures complémentaires par semaine au taux horaire de 15,22 euros, et réclame la somme de 2 187,11 euros outre 218,71 euros de congé payés afférents, soit un total de 2 405,82 euros ;

- à compter du 22 novembre 2016 et jusqu'au licenciement (90 semaines), pour palier l'absence de M. [K] et reprendre le suivi commercial du compte IBM : 8 heures complémentaires par semaine au taux horaire de 15,22 euros jusqu'au 30 avril 2017 et au taux horaire de 15,60 euros à compter du 1er mai 2017, et réclame la somme de 13 373,86 euros outre 1 337,38 euros de congés payés afférents, soit un total de 14 711,24 euros.

Il s'agit d'éléments suffisamment précis au regard des exigences jurisprudentielles, lesquels permettent à l'employeur d'apporter ses propres éléments. Or, la société Arrow ECS, sur laquelle pèse une obligation de contrôle du temps de travail, ne produit aucun élément contraire permettant de contester la créance salariale de Mme [M] ou son décompte horaire.

Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu'il a condamné la société Arrow ECS à payer à Mme [M] la somme de 15 560,97 euros à titre de rappel d'heures complémentaires pour la période du 27 janvier 2016 jusqu'au licenciement.

2°) la salariée demande en conséquence la reconstitution de son salaire mensuel de base et sur la base de ce salaire reconstitué, un solde d'indemnité de licenciement, un solde d'indemnité de préavis, ainsi qu'un rappel de prime de 13ème mois et un rappel d'indemnité compensatrice de congés payés.

La société soutient que le salaire de référence calculé par la salariée est erroné.

****

La salariée expose que depuis mai 2017, son salaire brut mensuel était de 1 892,31 euros sur 13 mois pour 121,33 heures au taux de 15, 6. En introduisant 8 heures supplémentaires par semaine, soit 2,80 heures au taux majoré de 10% et 5,20 heures au taux majoré de 25% sur 4,333 semaines, la salariée obtient un salaire mensuel brut de 2 540 euros et la société Arrow ECS, qui ne démontre pas en quoi ces bases de calcul seraient erronées, ne propose pas un autre mode de calcul.

La salariée est par conséquent fondée à solliciter, sur la base d'un salaire mensuel moyen de 2 540 euros :

- un solde d'indemnité de licenciement de 2 561,08 euros

- un solde d'indemnité de préavis de 1 943,07 euros outre 194,30 euros de congés payés afférents

- un rappel au titre du 13 ème mois de 1 921,76 euros,

- un solde de 1 014,53 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société au paiement de ces sommes.

- Sur la demande de restitution de la somme de 428,95 euros retenue au titre de la régularisation de la prime variable :

Le jugement déféré qui a constaté que la salariée avait été dispensée d'exécuter son préavis, qu'elle ne pouvait par conséquent être pénalisée pour non atteinte de son objectif, lequel n'était pas communiqué, doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société Arrow ECS à rembourser à la salariée la retenue de 428,95 euros effectuée sur le solde de tout compte au titre de la rémunération variable, étant précisé que l'employeur n'a pas conclu sur ce point.

- Sur la demande de paiement de la contrepartie pécuniaire à la clause de non concurrence

La salariée expose que l'avenant signé le 13 juin 2014 prévoyait une clause de non concurrence d'une durée de douze mois, limitée au territoire français. Il était ainsi prévu en contrepartie, une indemnité forfaitaire mensuelle dont le montant est fixé à 50% du salaire brut moyen mensuel perçu au cours des douze derniers mois précédant son départ effectif de la société.

La salariée soutient qu'à force de réclamation, elle a obtenu la copie d'un bulletin de salaire pour le mois de juin 2019 mentionnant au titre de l'indemnité de non concurrence, la somme de : 10 313,74 euros.

La salariée expose cependant qu'elle était rémunérée sur 13 mois et qu'elle avait perçu à titre de primes, sur les douze derniers mois, la somme de 3 377,88 euros, de sorte que sur la base d'un salaire de base mensuel de 2 540 euros, auquel s'ajoutent les primes perçues, son salaire brut moyen aurait dû être de 3 033,16 euros.

Elle demande par conséquent un solde d'indemnité de non concurrence de 7 885,22 euros se décomposant comme suit : ( 3 033,16 euros x 12 mois x 50%) - 10 313,74 euros.

La société soutient que :

- le salaire de référence calculé par la salariée est erroné, dés lors que les primes perçues par la salariée ont bien été intégrées au calcul de la rémunération brute ;

- en mentionnant des primes, la salariée fait référence à l'avance sur la part variable qui est prise en compte dans la rémunération brute, de sorte que le salaire de référence et bien de 2 148,57 euros.

****

La salariée demande d'ajouter à son salaire de base mensuel, un total de 3 377,88 euros de primes versées au cours des douze derniers mois précédant son licenciement. Elle ne justifie cependant pas de primes qui n'auraient pas été incluses dans le calcul de sa rémunération brute, ses bulletins de salaire mentionnant des avances sur primes variables, ou encore des régularisations de primes variables, lesquelles ont été comptabilisées dans la rémunération mensuelle brute.

Il convient dés lors, de retenir, pour le calcul du solde de la contre partie pécuniaire à la clause de non concurrence, le salaire mensuel reconstitué par intégration des heures complémentaires retenues ci-avant, soit un salaire de base de 2 540 euros décomposé comme suit :

1 892,31 euros (salaire brut de base sur 13 mois) + (2,80 h x 17,16 euros (taux majoré à 10%) + (5,20 h x 19,50 euros ( taux majoré à 25%) x 4,333.

La salariée ayant perçu la somme de 10 313,74 euros au titre de la contre partie pécuniaire à la clause de non-concurrence, l'employeur lui doit un solde de 4 926,26 euros se décomposant comme suit : (2 540 x 50%x 12 mois) - 10 313,74 euros.

Le jugement est par conséquent confirmé et la salariée déboutée de sa demande pour le surplus.

- Sur les dommages-intérêts :

En application des dispositions de l'article L.1235-3, la salariée ayant eu une ancienneté de 17 années complètes dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité comprise entre trois et quatorze mois de salaire brut.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée âgée de 44 ans lors de la rupture, de son ancienneté de 17 années, la cour estime que le préjudice a été justement évalué par les premiers juges. En conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 35 560 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement, sur la base d'un salaire moyen brut reconstitué de 2 540 euros, doit être confirmé.

- Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation.

- Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société Arrow ECS les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à Mme [M] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Arrow ECS sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

- Sur la remise des documents de fin de contrat :

Il convient d'ordonner la remise par la société Arrow ECS des documents de fin de contrat et d'un bulletin de salaire rectifié dans un délai de deux mois à compter de ce jour, sans qu'il y ait lieu à astreinte.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Dans la limite de la dévolution,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a ordonné la remise des bulletins de salaire sous astreinte journalière de 50 euros ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

DIT n'y avoir lieu à astreinte ;

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par la société Arrow ECS à Pôle Emploi des indemnités de chômages versées à Mme [M] du jour de son licenciement dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage

CONDAMNE la société Arrow ECS à verser à Mme [M] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Arrow ECS aux dépens de l'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 20/05934
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;20.05934 ?
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