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25/03/2024 | FRANCE | N°24/00027

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 25 mars 2024, 24/00027


N° R.G. Cour : N° RG 24/00027 - N° Portalis DBVX-V-B7I-POOL

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DE REFERE

DU 25 Mars 2024





























DEMANDERESSE :



S.A.S. MANU LORRAINE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]



représentée à l'audience par son gérant M. [S] [P]



avocat post

ulant : la SELARL LX LYON, avocats au barreau de LYON (toque 938)



avocat plaidant : Me Lionel WIRTZ, avocat au barreau de BRUXELLES



DEFENDERESSES :



S.A.S. CEGELEC MOBILITY

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Bru...

N° R.G. Cour : N° RG 24/00027 - N° Portalis DBVX-V-B7I-POOL

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 25 Mars 2024

DEMANDERESSE :

S.A.S. MANU LORRAINE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée à l'audience par son gérant M. [S] [P]

avocat postulant : la SELARL LX LYON, avocats au barreau de LYON (toque 938)

avocat plaidant : Me Lionel WIRTZ, avocat au barreau de BRUXELLES

DEFENDERESSES :

S.A.S. CEGELEC MOBILITY

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Bruno TALLON substituant Me Armelle DEBUCHY de la SELAS PERSEA, avocat au barreau de LYON (toque 2157)

S.A.S. L.M.P.E

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Julie HAZART, avocat au barreau de LYON (toque 1775)

Audience de plaidoiries du 11 Mars 2024

DEBATS : audience publique du 11 Mars 2024 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 31 janvier 2024, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée le 25 Mars 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

La S.A.S. Cegelec mobility (Cegelec) chargée de la pose de caténaires dans le cadre du chantier d'une ligne ferroviaire à grande vitesse a confié à la S.A.S. Altead Lorlev (Altead) des prestations de location d'engins de chantier avec chauffeur, pour lesquelles elle a utilisé un engin de levage, dite pelle Atlas, propriété de la S.A.S. LMPE, qui avait acheté ce matériel auprès de la S.A.S. Manu Lorraine, dont la responsabilité est garantie par la société Generali IARD.

Suite à plusieurs incidents et accidents dans le cadre de la mise en oeuvre de cet engin, différentes procédures ont été initiées en référé.

Par actes du 12 juin 2017, la société Altead a fait assigner la société Cegelec devant le tribunal de commerce de Lyon en règlement de ses factures, et notamment suite à la liquidation judiciaire de la société Altead, ont été mises en cause ses liquidateurs judiciaires, les sociétés LMPE et Manu Lorraine comme les assureurs des parties.

Dans son jugement réputé contradictoire du 6 mars 2023, le tribunal de commerce de Lyon a notamment en ordonnant l'exécution provisoire :

- condamné la société Cegelec à payer à la SCP BTSG et à la SELAFA MJA, liquidateurs [judiciaires] de la société Altead, la somme de 409 785,66 € TTC, outre intérêts calculés à compter de la date d"échéance de chaque facture en application de l'article L. 446-1 du code de commerce et des conditions de règlement figurant sur la facture, la somme de 1 280 € au titre des frais de recouvrement et la somme de 19 617,45 € HT outre intérêts appliqués par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points, à compter du 25 février 2020, outre capitalisation des intérêts,

- condamné solidairement la société Manu Lorraine et la société Generali IARD, son assureur, à payer aux liquidateurs de la société Altead la somme de 59 557,42 € HT, outre intérêts appliqués par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points, à compter du 7 juillet 2021, outre capitalisation des intérêts,

- condamné la société Manu Lorraine à payer à la société Cegelec la somme de 163 452,75  € HT (193 143,30 € TTC) et à payer à la société LMPE la somme de 51 082,32 € HT au titre du préjudice financier sur l'achat de la pelle Atlas,

- condamné solidairement les liquidateurs judiciaires de la société Altead, à payer à la société LMPE la somme de 24 000 € HT au titre de la perte de recettes.

- condamné la société LMPE à payer à la société Manu Lorraine la somme de 20 000 € HT au titre de la fourniture du rotator EBGCON,

- condamné solidairement les sociétés Manu Lorraine et Generali IARD, comme les liquidateurs judiciaires de la société Altead, Helvetia compagnie Suisse d'assurance, Cegelec et LMPE aux dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire pour une somme de 36 172 €.

La société Manu Lorraine a interjeté appel de cette décision le 16 août 2023.

Par assignations en référé délivrées les 29 et 30 janvier 2024 aux sociétés Cegelec et LMPE, la société Manu Lorraine a saisi le premier président afin d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire et la condamnation des défenderesses à lui payer chacune la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'audience du 11 mars 2024 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation, la société Manu Lorraine soutient au visa de l'article 524 ancien du Code de procédure civile que l'exécution provisoire de ce jugement va entraîner des conséquences manifestement excessives en ce qu'elle se trouve dans l'impossibilité de payer ses condamnations.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 8 mars 2024, la société Cegelec s'oppose aux demandes de la société Manu Lorraine et sollicite la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle relève que le conseiller de la mise en état a prononcé la radiation de l'instance d'appel en retenant l'absence de production de documents financiers pour appuyer l'affirmation d'une situation obérée de la société Manu Lorraine. Elle fait valoir que le caractère infructueux des saisies-attribution réalisées n'est pas de nature à établir des conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire et que le dernier bilan de la société Manu Lorraine confirme sa parfaite santé financière.

Elle soutient que la société Manu Lorraine ne démontre pas, comme l'article 524 ancien du Code de procédure civile l'oblige, l'existence de conséquences manifestement excessives alors qu'elle fait partie d'un groupe dont l'aide financière lui permet de faire face à la condamnation et que son bilan de l'année 2022 confirme sa parfaite santé financière.

Elle considère que l'exécution provisoire a été prononcée par le tribunal de commerce de Lyon dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation et relève que la société Manu Lorraine avait elle-même sollicité le prononcé de cette exécution provisoire.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 4 mars 2024, la société LMPE demande au délégué du premier président de :

- in limine litis, déclarer irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la société Manu Lorraine,

- au fond, rejeter cette demande,

- en tout état de cause, condamner la société Manu Lorraine à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient au visa des articles 122, 502 et 503 du Code de procédure civile que l'absence de signification de la décision du tribunal de commerce de Lyon interdit toute demande de radiation et qu'en l'absence de signification effectuée à sa demande elle ne peut pas en l'état actuel des choses, faire exécuter cette décision.

Elle excipe de l'article 514-3 du Code de procédure civile pour relever qu'il appartient à la société Manu Lorraine de démontrer l'existence de moyens sérieux de réformation et que la responsabilité de cette dernière a été retenue dans l'expertise judiciaire, ce qui doit conduire à la confirmation du jugement par la cour d'appel en l'absence de ces moyens sérieux.

Elle ajoute qu'aucune conséquence manifestement excessive n'est établie par la société Manu Lorraine.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 8 mars 2024, la société Manu Lorraine maintient les demandes contenues dans son assignation sauf à porter à 5 000 € sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle souligne que le premier président n'a pas à examiner en application de l'article 524 ancien du Code de procédure civile les chances de réformation du jugement du tribunal de commerce et qu'en application de l'article 55 du décret du 11 décembre 2019, l'article 514-3 du Code de procédure civile n'est pas applicable en l'espèce au regard de la date d'assignation devant le tribunal de commerce, soit le 12 juin 2017.

Elle répond que la radiation de l'instance d'appel ne fait pas obstacle à sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Elle fait valoir que le maintien de l'exécution provisoire va la conduire à déclarer sa cessation des paiements et sa mauvaise situation économique.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Attendu que l'exécution provisoire ordonnée dans le jugement rendu le 6 mars 2023 par le tribunal de commerce de Lyon ne peut être arrêtée, conformément aux dispositions de l'article 524 alinéa 1 du Code de procédure civile, dans sa version antérieure au 1er janvier 2020, que si elle est interdite par la loi ou si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ;

Attendu qu'en effet, l'article 55 du décret du 11 décembre 2019 prévoit que les dispositions nouvelles régissant l'exécution provisoire n'entrent en vigueur que pour les instances introduites à compter du 1er janvier 2020, l'acte introductif d'instance ayant en l'espèce été délivré devant le tribunal de commerce de Lyon le 12 juin 2017 ;

Que l'article 514-3 du Code de procédure civile en vigueur depuis le 1er janvier 2020 et invoqué par la société LMPE n'est pas applicable en l'espèce ;

Sur la recevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

Attendu que la société LMPE soutient au visa des articles 122, 502 et 503 du Code de procédure civile l'irrecevabilité des demandes de la société Manu Lorraine, à raison de son absence de signification personnelle du jugement du tribunal de commerce de Lyon qui l'empêche de faire exécuter cette décision ;

Qu'elle ne précise pas l'une des fins de non recevoir visées à l'article 122 pour venir au soutien de l'irrecevabilité qu'elle soulève, qui est sans rapport avec l'éventuel effet de la décision de radiation de l'instance d'appel prononcée par le conseiller de la mise en état le 13 février 2024 ; qu'en fait elle se prévaut de l'estoppel en affirmant que la société Manu Lorraine se contredit à son détriment en ayant soutenu devant le conseiller de la mise en état l'application des articles 502 et 503 du Code de procédure civile et en saisissant le premier président d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire sans qu'une signification soit intervenue ;

Que l'estoppel n'est pas applicable en l'espèce en ce que la présente instance en référé est distincte de celle d'appel ;

Attendu que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire est déclarée recevable ;

Sur le bien fondé de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

Attendu que la société Manu Lorraine ne soutient pas que l'exécution provisoire serait interdite par la loi, mais invoque dans son assignation le risque de conséquences manifestement excessives ;

Attendu que le premier président n'a pas le pouvoir d'apprécier l'opportunité, la régularité ou le bien fondé de la décision rendue par le premier juge pour en suspendre les effets ; que les observations des parties sur les circonstances dans lesquelles l'exécution provisoire a été prononcée par le tribunal de commerce d'office ou sur demande d'une partie sont inopérantes en ce que seules ses conséquences sont ici à examiner ;

Attendu que s'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction des facultés de remboursement de l'intimé si la décision était infirmée, mais également de la situation personnelle et financière du débiteur ;

Qu'en outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une condamnation au paiement d'une somme d'argent, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible ;

Attendu qu'il appartient à la société Manu Lorraine de rapporter la preuve de ces risques occasionnés par l'exécution provisoire ;

Qu'elle soutient ne pas disposer des finances suffisantes pour supporter les condamnations prononcées à son encontre, fait état de ses résultats comptables et des soldes débiteurs de ses comptes bancaires et qu'elle encourt une liquidation judiciaire en cas de maintien de l'exécution provisoire ; qu'elle ajoute qu'elle risque de perdre la confiance de ses partenaires bancaires à raison de la multitude des mesures d'exécution forcée dirigée à son encontre ;

Attendu qu'il convient de rappeler que l'impossibilité d'exécuter les condamnations assorties de l'exécution provisoire ne peut caractériser à elle-seule les conséquences manifestement excessives exigées par l'article 524 ancien ;

Attendu que la société Manu Lorraine a été condamnée seule à payer à la société Cegelec la somme de 163 452,75  € HT et à payer à la société LMPE la somme de 51 082,32 € HT soit 214 535,07 € HT, les autres condamnations prononcées étant solidaires avec un assureur qui n'a pas entendu mettre en avant une difficulté concernant l'exécution provisoire de ces dernières et solliciter pour sa part un arrêt de l'exécution provisoire ;

Attendu que comme l'ont relevé les sociétés Cegelec et LMPE, l'examen des bilans comptables de la société Manu Lorraine permet de repérer des résultats comptables bénéficiaires entre l'année 2019 et l'année 2022 supérieur à 250 000 €, en dehors de l'année 2020 ayant connu l'impact de la pandémie mondiale et disposait dans son bilan de l'année 2022 de différentes réserves dont le poste «autres réserves» d'un montant de 2 712 286 € ;

Que le caractère infructueux des saisies-attribution lancées par la société Cegelec, actuellement contestées devant le juge de l'exécution, sont ainsi impropres à démontrer une impossibilité de faire face aux condamnations ; que le faible résultat négatif de 4 260 € pour l'exercice au 30 juin 2023 n'est pas plus éclairant, le poste susvisé de son bilan étant passé de 2 712 286 € à 2 961 338 €, soit une nouvelle affectation aux réserves de 249 052 €, montant suffisant à couvrir les condamnations assorties de l'exécution provisoire ;

Que ces réserves ne permettent pas plus à la société Manu Lorraine d'être fondée à alléguer l'existence de conséquences manifestement excessives consécutives au paiement de ses condamnations ;

Attendu qu'en conséquence, sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire est rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la société Manu Lorraine succombe et doit supporter les dépens de ce référé comme indemniser ses adversaires des frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 16 août 2023,

Déclarons recevable, mais rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la S.A.S. Manu Lorraine,

Condamnons la S.A.S. Manu Lorraine aux dépens de ce référé et à verser à la S.A.S. Cegelec mobility une indemnité de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à la S.A.S. LMPE une autre indemnité de 1 500 € au même titre.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 24/00027
Date de la décision : 25/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-25;24.00027 ?
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