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21/03/2024 | FRANCE | N°20/03360

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 21 mars 2024, 20/03360


N° RG 20/03360 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NAOW









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 24 février 2020



RG : 2019j00404







S.N.C. [6]



C/



S.A.R.L. [L] AM





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 21 Mars 2024







APPELANTE :



S.N.C. CALMES [W] (anciennement SNC [6]), société en nom collectif au capital

de 1.000 €, immatriculée au RCS de CASTRES sous le numéro 812 598 944, prise en la personne de son gérant en exercice

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Solène LEGAY de la SARL TAGO AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1578, p...

N° RG 20/03360 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NAOW

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 24 février 2020

RG : 2019j00404

S.N.C. [6]

C/

S.A.R.L. [L] AM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 21 Mars 2024

APPELANTE :

S.N.C. CALMES [W] (anciennement SNC [6]), société en nom collectif au capital de 1.000 €, immatriculée au RCS de CASTRES sous le numéro 812 598 944, prise en la personne de son gérant en exercice

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Solène LEGAY de la SARL TAGO AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1578, postulant et par Me Alain LAWLESS de la SELARL ART LEYES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

S.A.R.L. [L] AM (anciennement dénommée E+G AGENCEMENT) au capital de 8 000,00 €, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 332 455 773, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié ès-qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Damien RICHARD de la SELARL RACINE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 366

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 14 Octobre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Janvier 2024

Date de mise à disposition : 21 Mars 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 22 novembre 2016, la Snc [6] (dont le siège est à [Localité 5]) a signé un devis avec la Sarl E+G Agencement (dont le siège est à [Localité 7]) pour la réalisation d'une prestation d'aménagement de ses locaux. Le calendrier prévu n'ayant pu être validé, un nouveau devis a été réalisé le 14 septembre 2017 pour un montant total de 74.311,50 euros HT.

Le 27 octobre 2017, la société [6] a versé un chèque d'acompte de 27.000 euros.

La réalisation des travaux a été décalée à plusieurs reprises. La société [6] s'est déclarée insatisfaite quant à la planification de la prestation de la société E+G Agencement et par courrier recommandé du 22 novembre 2017, elle a résilié le contrat et sollicité la restitution de son acompte.

Par courrier recommandé du 23 novembre 2017, la société E+G Agencement s'est opposée à cette demande et a indiqué que les matériaux avaient été commandés, les meubles fabriqués et les entreprises réservées.

Par courrier du 9 janvier 2018, la société [6] a mis en demeure la société E+G Agencement de lui restituer l'acompte versé puis elle l'a assignée à cette fin devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux. Par ordonnance en référé du 13 juillet 2018, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a retenu l'existence d'une contestation sérieuse et a rejeté les demandes formulées par la société [6].

Par acte du 16 octobre 2018, la société [6] a assigné la société E+G Agencement devant le tribunal de commerce de Bordeaux afin de se voir restituer l'acompte versé. Elle s'est désistée de l'instance en raison d'une clause attributive de compétence et, par acte du 26 février 2019, elle a assigné la société E+G Agencement devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 24 février 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

- retenu sa compétence pour connaître du litige,

- jugé qu'un contrat a été valablement formé entre les parties,

- jugé que les conditions de résolution du contrat par la société [6] ne sont pas remplies,

- débouté la société [6] de sa demande de remboursement de l'acompte versé,

- débouté la société [6] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et atteinte à sa réputation,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat,

- condamné la société [6] à payer à la société E+G Agencement la somme de 5.450,47 euros correspondant au solde des sommes engagées par la société E+G Agencement majorée du taux d'intérêt légal à compter de la date de l'assignation, soit le 26 février 2019,

- débouté la société E+G Agencement de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts,

- condamné la société [6] au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [6] aux entiers dépens de l'instance,

- prononcé l'exécution provisoire du présent jugement.

La société [6] a interjeté appel par acte du 30 juin 2020.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 août 2021 fondées sur les articles 1103, 1194,1172, 1224, 1226, 1229 et 1352-1 et suivants du code civil, la société Calmes [W] (anciennement [6]) demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel à l'encontre du jugement déféré,

- le réformer en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- juger que la société E+G Agencement a commis une faute contractuelle en ne respectant pas le calendrier des travaux fixés entre le 20 et le 29 novembre 2017,

- juger que l'échange des consentements n'était pas parfait pour amender le contrat du 14 septembre 2017,

- juger la résolution notifiée par elle à la société E+G Agencement recevable et bien fondée,

- subsidiairement, prononcer la résolution judiciaire du contrat du 14 septembre 2017 aux torts de la société E+G Agencement,

En conséquence,

A titre principal, condamner la société E+G Agencement à lui verser la somme de 27.000 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 janvier 2018, et capitalisation des intérêts,

A titre subsidiaire, condamner la société E+G Agencement à lui remettre les fournitures facturées pour un montant de 7.101,91 euros TTC,

- condamner la société EG Agencement à lui verser la somme de 19.898,09 euros TTC au titre de la différence, entre l'acompte versé et les prestations contractuelles exécutées,

En tout état de cause,

- condamner la société E+G Agencement à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et atteinte à la réputation,

- rejeter toutes demandes, fins et prétentions contraires de la société E+G Agencement,

- condamner la société E+G Agencement à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 23 juin 2021 fondées sur les articles 564, 910, 700, 48, 73, 74 et 75 du code de procédure civile et les articles 1103, 1104, 1172, 1224, 1226, 1228 et 1229 du code civil, la société [L] AM (anciennement E+G Agencement) demande à la cour de :

in limine litis :

- écarter la prétention nouvelle de la société [6], en ce qu'elle n'a jamais été présentée en première instance et ne figurait pas aux conclusions d'appelante n°1,

A titre principal :

- déclarer la société Calmes [W] non fondée en son appel et l'en débouter,

- infirmer le chef de jugement déféré qui l'a débouté de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts,

statuant de nouveau :

- condamner la société Calmes [W] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de dommages-intérêts, suite au préjudice qui lui a été imposé,

- confirmer le jugement déféré, sur tous les autres chefs de jugement,

- rejeter toutes demandes, fins et prétentions de la société Calmes [W],

A titre subsidiaire, statuant de nouveau :

- condamner la société Calmes [W] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de dommages-intérêts, suite au préjudice qui lui a été imposé,

en tout état de cause,

- condamner la société [6] aux entiers dépens ainsi qu'au versement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 octobre 2021, les débats étant fixés au 25 janvier 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est précisé que le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux est postérieur au 1er octobre 2016.

Sur la demande de l'appelante de remise des fournitures et de règlement de la différence

La société [L] AM fait valoir que cette demande est nouvelle car formulée pour la première fois dans les conclusions d'appel n°2 de l'appelante et qu'elle doit être écartée.

L'appelante indique qu'elle ne pouvait pas présenter cette demande en première instance, cette prétention étant la conséquence du jugement l'ayant déboutée de ses prétentions et ayant prononcé la résiliation du contrat. Elle ne répond pas sur l'article 910-4 du code de procédure civile.

Sur ce,

Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

En l'espèce, la demande de remise de fournitures formulée par l'appelante a été portée pour la première fois dans ses conclusions numéro 2, ce qui ne répond pas aux conditions susvisées, alors que cette demande ne relève pas d'un fait nouveau postérieur aux premières conclusions.

Cette prétention est dès lors déclarée irrecevable.

Sur la résolution du contrat

La société Calmes [W] fait valoir que :

- le devis signé le 14 septembre 2017 vaut contrat de louage d'ouvrage ; l'entrepreneur supporte ainsi une obligation de résultat englobant tout le contrat,

- le délai de réalisation stipulé par le contrat était déterminant pour elle ; elle y a fait référence à de nombreuses reprises compte tenu d'une formation de ses gérants devant se tenir pendant les travaux et l'intimée en était parfaitement informée

- la commande a été tardive ; les dates de réalisation des travaux ne pouvant plus être respectées, elle en a déduit que le devis n'avait plus lieu d'être,

- elle-même est profane en matière juridique et en matière de travaux,

- il n'y a pas eu d'accord sur un report de date ; son accord était conditionné à la signature d'un nouveau devis et à un geste commercial mais aucun avenant n'a été conclu ; sans confirmation sur ces conditions, et face à l'incertitude, elle a opté pour l'annulation pure et simple du contrat,

- l'intimée fait preuve de mauvaise foi en altérant le contenu du mail produit afin de faire disparaître les conditions énoncées ci-avant.

- elle a donc dénoncé à bon droit le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 novembre 2017,

- vu la perte de plusieurs semaines d'activité du fait de la défaillance initiale de l'intimée, et de l'impossibilité de se réorganiser dans les temps pour la formation et la réouverture du commerce, elle n'était pas en mesure de la mettre en demeure,

- subsidiairement, la cour confirmera la résolution judiciaire du contrat,

- aucun mobilier ne lui a été livré ni aucun travaux réalisé ; l'intimée n'a fourni aucune prestation contractuelle ; les dépenses prétendument exposées par l'intimée n'ont trouvé aucune utilité chez la concluante ; le jugement doit être infirmé en ce qu'il l'a condamnée à verser 5.450,47 euros au titre de la résolution en sus de l'acompte ; la résolution rétroactive doit être prononcée, avec restitution intégrale entre les parties.

La société [L] AM réplique que :

- les dates des travaux n'étaient pas déterminantes ; elles ont été notamment reportées à deux reprises et la volonté des parties de reporter les travaux est démontrée par leurs échanges,

- en tout état de cause, les échanges entre les sociétés commerçantes suffisaient à modifier les termes de la relation contractuelle sans nécessité d'un devis modificatif ou d'un avenant,

- l'obligation de résultat inhérente à sa qualité d'entrepreneur porte sur les travaux et leur bonne exécution, et non sur la date des travaux,

- l'appelante n'a pas soumis l'acceptation de report de la date des travaux à des conditions,

- en tout état de cause, il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir débuté les travaux à la date prévue, puisque l'appelante ne répondait pas à ses relances,

- l'appelante n'a pas respecté la procédure de résolution, elle aurait dû la mettre préalablement en demeure de satisfaire son obligation ; l'urgence n'est pas caractérisée ; la lettre recommandée de l'appelante ne fait pas suite à une inexécution suffisamment grave de la concluante et ne peut donc valoir notification de résolution,

- en tout état de cause, sa prestation a d'ores et déjà trouvé son utilité puisque le coût réel qu'elle a dû supporter pour les frais d'avant chantier est de 32.450,47 euros ; le tribunal a valablement prononcé la résiliation judiciaire du contrat,

- la résiliation et l'attitude de l'appelante, dépourvues de mise en demeure et brutales, sont fautives et à titre subsidiaire, si la cour estimait que la lettre recommandée constituait une résolution valable, la résolution sans mise en demeure et brutale demeurerait fautive.

Sur ce,

Selon l'article 1103 du code civil, 'les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits' et selon l'article 1104, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.

Selon l'article 1224 du code civil, 'la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice'.

L'article 1226 du code civil ajoute que 'Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution'.

L'article 1228 précise que 'Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts'.

En l'espèce, il résulte des productions que :

- le devis du 28 novembre 2016 signé par la société [6] précisait 'délai le 9 janvier 2017 au 13 janvier 2017" et bon pour accord sous réserve d'acceptation du prêt bancaire ; ce devis avait donné lieu à paiement d'un acompte de 27.000 euros pour engagement de commande auprès des fournisseurs,

- la Banque Crédit Agricole de [Localité 5] n'a pas validé la demande de prêt bancaire de la société [6], laquelle, par courriel du 20 décembre 2016, a fait part de ses difficultés auprès de son cocontractant et demandé le non encaissement du chèque d'acompte et la mise en suspens du chantier le temps d'une réponse définitive de l'établissement bancaire,

- après des échanges de courriers, un nouveau devis a finalement été signé le 14 septembre 2017, indiquant'délai lundi 20/11 (jusqu'au) 29/11,

- le 31 octobre 2017, M. [L] a indiqué avoir lancé la fabrication des meubles la veille, que le délai était un peu court et que le début des travaux était décalé au 27 novembre 2017,

- par courriel du 6 novembre 2017, les époux [W] ont fait connaître que cette situation leur était préjudiciable puisqu'ils s'étaient inscrits à une formation, qu'ils ne pouvaient ouvrir le magasin sans formation, qu'ils avaient dû annuler un événement et allaient perdre une semaine rentable. Ils ont fait connaître que le devis n'avait plus lieu d'être, qu'ils ne demandaient pas le remboursement de l'acompte mais souhaitaient appliquer des pénalités de retard de 1.000 euros par jour pour un délai d'exécution du 27 novembre au 6 décembre, qu'ils demandaient la non facturation des éclairages LED de la partie bar en indemnisation,

- par courriel du 14 novembre 2017, les époux [W] ont indiqué ne pas pouvoir commencer les travaux le 27 novembre 2017, précisé qu'une formation débutait le 11 décembre 2017 et qu'ils attendaient confirmation de leur inscription, que sinon, les travaux seraient repoussés en janvier ; ils ont rappelé leur demande de pénalités de retard, et le fait que les éclairages LED leur seraient facturés au prix coûtant,

- le 15 novembre 2017, M. [L] a répondu avoir pris note du changement de date des travaux devant se dérouler à partir du 11 décembre après confirmation, en attente avant un planning officiel,

- par courriel du 15 novembre 2017, les époux [W] ont précisé avoir la confirmation pour les dates de formation et que les travaux pouvaient démarrer à cette date,

- par courrier du 22 novembre 2017, la SNC [6] a demandé le remboursement de l'acompte de 27.000 euros, et déclaré annuler le contrat en faisant valoir que la société intimée était dans l'impossibilité d'honorer ses engagements et que le devis n'avait plus lieu d'être,

- par courrier recommandé des 23 et 29 novembre 2017, la société E+G Agencement a indiqué que tout était près pour l'exécution des travaux le 11 décembre 2017.

C'est à juste titre en premier lieu que l'intimée fait valoir que le délai d'exécution ne revêtait pas un caractère déterminant pour l'appelante, laquelle avait déjà elle-même demandé l'ajournement du chantier pour plusieurs mois en raison de problèmes financiers. Ceci est confirmé également par la demande des consorts [W] de reporter les travaux à nouveau en considération d'une date de stage.

Par ailleurs, le délai de report des travaux est minime puisqu'il porte sur 7 jours et il est en outre relevé que le devis initial ne mentionnait pas non plus la nécessité de faire coïncider les travaux avec une période de stage pour les buralistes, aucun courrier pré-contractuel n'en faisant notamment état.

Dans ce contexte, le report de seulement 7 jours du début des travaux lié à des contraintes fournisseurs ne revêtait pas un caractère fautif justifiant la résolution du contrat.

Il découle en second lieu de ce qui précède que les parties se sont mises d'accord sur une des modalités d'exécution de ce contrat, soit le report du début d'exécution des travaux, que les parties avaient convenu d'une date au 11 décembre 2017 qui convenait aux deux parties, que cette convergence matérialisée par les courriers ne nécessitait pas la conclusion d'un avenant écrit au contrat.

L'appelante ne peut non plus sérieusement invoquer l'absence d'accord sur ses demandes financières évolutives et dérogatoires aux conditions financières initiales pour prétendre qu'aucun accord n'avait finalement été matérialisé sur les dates d'exécution des travaux.

La résolution du contrat est donc intervenue brutalement, sans mise en demeure préalable en contradiction aux dispositions légales, à l'initiative de l'appelante pour un motif non avéré alors que les travaux pouvaient débuter à la date finalement convenue par les parties.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a, à bon droit, retenu que les conditions pour une résolution conventionnelle du contrat n'étaient pas remplies par l'appelante qui ne pouvait opposer l'inexécution contractuelle liée à la date de commencement des travaux.

Le jugement est par ailleurs confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire du contrat, sans imputer cette résolution à l'attitude fautive de la société E+G Agencement, l'intimée demandant la confirmation du jugement sur ce point.

Sur les dépenses préalables aux travaux engagées par la société [L] AM

La société Calmes [W] fait valoir que :

- les dépenses alléguées par l'intimée n'ont trouvé aucune utilité, ces dépenses, non contractuelles ne peuvent pas être mis à sa charge, notamment les 'études et travaux préalables' ou les 'recherches et infographies',

- la réalité des prestations alléguées n'est pas démontrée, notamment les billets d'avion alors que l'intimée réalisait d'autres travaux à [Localité 5],

- les commandes passées sur le fondement du devis de 2016 non définitif ne sont pas recevables ; ce devis est devenu caduc faute de réalisation de la condition suspensive,

- les factures postérieures à la résolution du contrat doivent être exclues ; il n'est pas démontré que la commande était antérieure, certaines factures ne mentionnent pas le commerce de la concluante, de sorte que leur affectation au présent dossier n'est pas démontrée, il n'est pas justifié de la perte ou de la destruction inévitable des meubles commandés par l'intimée, qui pourrait éventuellement les réutiliser,

- à titre subsidiaire, si la cour n'ordonnait pas la restitution de l'acompte versé, elle constatera l'absence de toute contrepartie au bénéfice de la concluante, de sorte que l'intimée doit lui fournir la prestation correspondant au montant payé, soit la livraison du mobilier et des matériaux correspondant d'une valeur de 7.101,91 euros TTC et devra en outre lui restituer la différence, soit la somme de 19.898,09 euros.

La société [L] AM réplique que :

- il ne peut être reproché à une société d'agencement pour la modernisation d'un local d'avoir conduit des études et travaux préalables, de s'être déplacée à [Localité 5] et d'avoir passé des journées sur place à préparer le devis,

- la mise en place de l'échéancier lui permettait de faire procéder à la fabrication des meubles en amont du commencement des travaux,

- les factures datées de janvier 2017 font suite au devis signé par l'appelante du 22 novembre 2016 et la facture postérieure à la lettre recommandée de l'appelant correspond à une demande passée antérieurement,

- elle a engagé des dépenses de fournitures, de frais d'avion, d'honoraires pour le travail sur site et de prestations intellectuelles ; ces dépenses sont justifiées par des factures ; le total est de 32.450,47 euros TTC,

- l'acompte de 27.000 euros a donc été dépassé ; il est demandé reconventionnellement la somme supplémentaire de 5.450,47 euros.

Sur ce,

L'intimée justifie concrètement du total des dépenses engagées pour le chantier en cause par ses productions.

Ces dépenses sont à perte en raison de la rupture du contrat et la conséquence de la résolution fautive de l'appelante, s'agissant de meubles sur mesure (dont la fabrication a pu commencer dans le cadre du premier devis), de frais d'avion nécessaires (le chantier ne pouvant avoir lieu sans un déplacement de la société d'agencement, ces frais ne sont pas contestables) et de frais d'études également indispensables pour réaliser un agencement.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de restitution de l'acompte, les sommes ayant été engagées pour l'exécution du contrat.

Il est également confirmé en ce qu'il a condamné la société [6], aujourd'hui Calmes [W] à payer à la société E+G Agencement devenue [L] AM la somme de 5.450,47 euros correspondant au solde des sommes engagées en vain par l'intimée.

Sur la demande de dommages intérêts de la société [L] AM

La société [L] AM fait valoir qu'elle a subi un préjudice incontestable causé par la résiliation brutale fautive par l'appelante, en ce que les meubles et fournitures sont toujours entreposés dans ses locaux depuis le 22 novembre 2017 ; le coût mensuel estimé est de 50 euros ; en outre la destruction de ces biens est estimée à 800 euros,

- à titre subsidiaire, si la résolution est valable mais demeure fautive, l'appelante devrait donc être condamnée au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 3.000 euros.

Sur ce,

La société [L] AM ne rapporte concrètement la preuve d'aucun préjudice financier qui découlerait de la conservation des meubles.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention non fondée.

Sur la résistance abusive et l'atteinte à la réputation par la société [L] AM

La société Calmes [W] fait valoir qu'elle a versé depuis plus de 3 ans et demi la somme de 27.000 euros sans contrepartie, que la retenue de cette somme lui cause un préjudice certain dans la tenue de sa trésorerie, l'enjeu étant important compte tenu de la petite taille de l'entreprise, que l'exécution provisoire a aggravé sa situation financière.

La société [L] AM réplique qu'elle n'a pas commis de résistance abusive ; une décision de justice ayant débouté l'appelante, que le quantum du préjudice n'est pas justifié et qu' aucune preuve d'une atteinte à la réputation n'est apportée.

Sur ce,

Compte tenu de ce qui précède, les prétentions de la société Calmes [W] ayant été rejetées, la demande de dommages intérêts pour résistance abusive et atteinte à la réputation n'est pas justifiée. Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens d'appel sont à la charge de l'appelante qui versera à son adversaire la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile e cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Dit que la demande de la société Calmes [W] (anciennement Snc [6]) aux fins de remise des fournitures et paiement du différentiel est irrecevable en application de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Confirme le jugement déféré.

Condamne la Snc Calmes [W] aux dépens d'appel et à payer à la société société [L] AM la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/03360
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;20.03360 ?
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