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20/03/2024 | FRANCE | N°23/07388

France | France, Cour d'appel de Lyon, 2ème chambre a, 20 mars 2024, 23/07388


N° RG 23/07388 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PG2M









Décision du

Juge de la mise en état de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 06 juin 2023



RG : 22/01197

cabinet 1



[J]



C/



[P]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



2ème chambre A



ARRET DU 20 Mars 2024







APPELANT :



M. [R] [J]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localit

é 18] (PORTUGAL)

[Adresse 7]

[Adresse 7] (SUISSE)





Représenté par Me Frédéric FAUVERGUE de la SELARL SUBLET-FURST & FAUVERGUE, avocat au barreau de l'AIN









INTIMEE :



Mme [O] [P]

née le [Date naissance 5] 1953 à [Localité 16]

[Adresse 6]

[Adresse 6]...

N° RG 23/07388 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PG2M

Décision du

Juge de la mise en état de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 06 juin 2023

RG : 22/01197

cabinet 1

[J]

C/

[P]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

2ème chambre A

ARRET DU 20 Mars 2024

APPELANT :

M. [R] [J]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 18] (PORTUGAL)

[Adresse 7]

[Adresse 7] (SUISSE)

Représenté par Me Frédéric FAUVERGUE de la SELARL SUBLET-FURST & FAUVERGUE, avocat au barreau de l'AIN

INTIMEE :

Mme [O] [P]

née le [Date naissance 5] 1953 à [Localité 16]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Dalila BERENGER de la SELARL SELARL BERENGER - CLEON, avocat au barreau de l'AIN, toque : 7

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 05 Février 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Février 2024

Date de mise à disposition : 20 Mars 2024

Audience tenue par Isabelle BORDENAVE, présidente, et Georges PÉGEON, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière,

en présence de [B] [E], élève avocate.

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Isabelle BORDENAVE, présidente

- Georges PÉGEON, conseiller

- Carole BATAILLARD, conseillère

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, auquel la minute a été remise par la magistrate signataire.

* * * *

EXPOSÉ DES FAITS

M. [J] et Mme [P] ont contracté mariage le [Date mariage 3] 1981,  devant l'officier d'état civil de [Localité 15] (Suisse), après contrat reçu le 3 juin 1981 par Me [M], notaire, instituant le régime de la séparation de biens.

Deux enfants sont issus de cette union :

- [G] [N] [J], né le [Date naissance 2] 1982,

- [F] [T] [J], né le [Date naissance 4] 1985.

Par acte du 1er avril 1985, Mme [P] a acquis une parcelle de terrain à bâtir située à [Localité 17], pour son compte personnel et moyennant le prix de 95 254,95 francs (14 521,52 euros), sur lequel les époux [J]/[P] ont décidé d'édifier leur résidence secondaire puis principale.

C'est dans ce contexte qu'un acte authentique a été établi le 3 mars 1988 par Me [D], notaire, aux termes duquel il a été décidé que :

1. Les époux [J]/[P] ont l'intention de faire édifier sur le terrain acquis par Mme [P] une maison de type villa.

2. En plus de la mise à disposition du terrain, Mme [P] participera à hauteur de 400 000 francs (60 979,61 euros) au coût de la construction.

3. M. [J] fournira le surplus du coût de la construction au moyen de ses deniers personnels. Il assurera la direction des travaux.

4. En cas de séparation notamment par divorce, la propriété sera vendue d'un commun accord dans les six mois de ladite séparation et le prix résultant de cette vente sera partagé par moitié entre les époux.

5. Aucun emprunt entrainant une prise de garantie hypothécaire ne pourra être réalisé sans l'accord des deux époux.

Il était précisé que la durée de cette convention était illimitée.

Le 30 août 1995, Mme [P] a acquis, pour son compte personnel, et moyennant le prix de 179 800 francs (27 410,33 euros), payé comptant, une parcelle de terrain contigüe à celle de la maison, et sur laquelle une piscine a été construite.

Par jugement du 28 avril 2008, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a notamment :

- prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de M. [J],

- ordonné la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux,

- commis M. le Président de la chambre départementale des notaires de [Localité 12] ou son délégataire pour procéder à cette opération, et le juge du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse chargé des difficultés en matière de liquidation de communauté et de partage pour en surveiller le cours et faire rapport en cas de difficultés,

- dit que le jugement prendra effet entre les époux s'agissant de leurs biens à compter du 11 octobre 2005, conformément aux dispositions de l'article 262-1 du code civil,

- constaté que Mme [P] a admis que le logement était un bien indivis.

Par arrêt du 25 janvier 2010, la cour d'appel de Lyon a confirmé le jugement du 28 avril 2008 en toutes ses dispositions.

Le 30 juillet 2010, Mme la Présidente de la chambre des notaires de [Localité 12] a délégué Me [U], notaire à [Localité 8], pour procéder à la liquidation et au partage du régime matrimonial de M. [J] et Mme [P].

Le 25 août 2010, il a été constaté l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux de M. [J] et Mme [P].

Le 11 mai 2011, Me [U], a établi un procès-verbal de difficulté.

Le 30 novembre 2011, a été établi le procès-verbal d'audition sur difficultés de liquidation.

Par ordonnance du 2 octobre 2012, le juge de la mise en état a radié l'affaire dans l'attente de la régularisation de la procédure par assignation devant le juge aux affaires familiales.

Par acte d'huissier signifié le 6 novembre 2012, M. [J] a fait assigner Mme [P] devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse.

Par jugement du 6 octobre 2014, le juge aux affaires familiales de Bourg-en-Bresse a notamment :

- dit que la loi Suisse demeure applicable au régime matrimonial de séparation de biens de M. [J] et Mme [P],

- qualifié la convention reçue le 3 mars 1988 par Me [D], notaire à [Localité 9], limitée à un bien immobilier, sis à [Localité 17] au lieudit [Localité 14], cadastré section [Cadastre 10] et [Cadastre 11] dans la limite du onzième indivis constituant le lot n°2 de l'association foncière urbaine « [13] » de convention d'indivision,

- en conséquence, déclaré que l'acte reçu le 20 septembre 2006 par Me [U], notaire à [Localité 8], est sans effet ni valeur juridique, et dit que la convention du 3 mars 1998 demeure applicable,

- ordonné la vente du bien immobilier sis à [Localité 17] avec partage du prix par moitié entre M. [J] et Mme [P],

- dit que Mme [P] est redevable à l'égard de M. [J] d'une indemnité d'occupation pour la maison de [Localité 17] du jour où l'arrêt de divorce est devenu définitif au jour du partage, montant à déterminer par le notaire en fonction de l'expertise de la maison qu'il a faite le 11 octobre 2010, outre indexation au 1er janvier de chaque année sur l'indice Insee du coût de la construction du 1er avril 2008,

- ordonné le partage des meubles meublant l'ancien logement familial visés dans le constat d'huissier dressé le 10 octobre 2005 par Me [Z] [S], huissier de justice à [Localité 9], conformément aux règles Suisses applicables à leur régime matrimonial,

- renvoyé les parties devant Me [U], notaire à [Localité 8], pour qu'il soit procédé à la liquidation et au partage de l'indivision relative au bien immobilier sis à [Localité 17], y compris des meubles meublants, aux conditions fixées dans le jugement.

Mme [P] a interjeté appel de ce jugement le 21 novembre 2014.

Par un arrêt rendu le 26 septembre 2017, la cour d'appel de Lyon a notamment :

- confirmé le jugement entrepris sauf en ce qui concerne la qualification de l'acte authentique reçu le 3 mars 1988 par Me [D] et le montant de l'indemnité d'occupation,

Statuant à nouveau,

- dit que la convention du 3 mars 1998 constitue un changement de régime matrimonial consistant en l'adjonction d'une société d'acquêts à la séparation de biens existant entre les époux,

- fixé à 1 967 euros le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [P] à l'indivision du 29 septembre 2010 jusqu'au jour du partage,

- renvoyé les parties devant Me [U] pour la liquidation des droits de chacun et le partage à intervenir postérieurement à la vente du bien telle qu'ordonnée par le jugement déféré.

Par un arrêt du 26 juin 2019, la Cour de cassation a notamment :

- cassé et annulé, sauf en ce qu'il dit que la loi Suisse demeure applicable au régime matrimonial de la séparation de biens de M. [J] et de Mme [P], ordonne le partage des meubles meublant l'ancien logement familial visés dans le constat d'huissier dressé le 10 octobre 2005 par Me [S] conformément aux règles Suisses applicables à leur régime matrimonial et rejette la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive de M. [J], l'arrêt rendu le 26 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon,

- remis, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.

Aux termes d'un acte établi le 31 août 2020 par Me [I], Mme [P] a procédé à la vente du bien situé à [Localité 17] moyennant le prix de 660 000 euros.

Par arrêt du 8 décembre 2020, la cour d'appel de Lyon a notamment :

- réformé le jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 6 octobre 2014 en ce qu'il a :

* dit que la convention reçue le 3 mars 1988 par Me [D], notaire à [Localité 9], sur le bien situé à [Localité 17], lieudit [Localité 14], cadastré section [Cadastre 10] et [Cadastre 11], est une convention d'indivision,

* dit que Mme [P] est redevable à l'égard de M. [J] d'une indemnité d'occupation pour la maison de [Localité 17] du jour où l'arrêt de divorce est devenu définitif au jour du partage, avec indexation,

Statuant à nouveau dans les limites de la cassation :

- dit que la convention du 3 mars 1988 est une convention sui generis qui crée au profit de M. [J] un droit de créance sur le prix de vente du bien en cas de séparation,

- dit que le bien situé à [Localité 17] objet de la convention est un propre de Mme [P],

- dit qu'elle n'est tenue d'aucune indemnité d'occupation, s'agissant d'un bien propre, et débouté M. [J] de sa demande à ce titre,

- confirmé le jugement pour le surplus.

Par une ordonnance du 29 juillet 2021, le juge commis aux liquidations et partages du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a désigné Me [A] [I], notaire à [Localité 8], en remplacement de Me [U] dans la procédure de liquidation et de partage opposant M. [J] et Mme [P].

M. [J] et Mme [P] ont initié un règlement des opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial en l'étude de Me [A] [I].

Une réunion a eu lieu le 26 octobre 2021, au terme de laquelle Me [I] a établi un procès-verbal de difficultés, Mme [P] considérant notamment, d'une part que la question de la liquidation de la créance n'est pas tranchée à ce stade de la procédure, et d'autre part qu'il appartient à M. [J] de revendiquer la créance qui lui est due.

Par acte d'huissier signifié le 31 mars 2022, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, M. [R] [J] a fait assigner Mme [O] [P] devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, aux fins de voir :

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 330 000 euros avec application d'un intérêt au taux légal à compter du 24 juillet 2006,

- ordonner le partage judiciaire des époux [J]/[P],

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions d'incident, notifiées les 3 mars et 25 avril 2023, Mme [P] demandait au juge de la mise en état de :

- dire n'y avoir lieu à renvoyer au fond l'incident,

- dire et juger l'assignation en partage délivrée le 31 mars 2022 par M. [J] irrecevable, en raison de l'absence d'indivision entre les parties,

- accueillir favorablement la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée,

- déclarer irrecevables devant le juge de la mise en état les demandes « au fond » formées par M. [J] tendant à :

* sa condamnation à lui payer la somme de 330 000 euros avec application d'un intérêt au taux légal à compter du 24 juillet 2006,

* ordonner le partage judiciaire des époux [J] / [P],

* sa condamnation à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- rejeter toutes autres demandes plus amples et contraires de M. [J],

- condamner M. [J] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions en réponse notifiées les 4 et 20 avril 2023, M. [J] demandait au juge de la mise en état de :

- joindre l'incident au fond,

- statuer sur la question de fond du quantum qui lui est dû en application de l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, par la cour d'appel de Lyon,

- débouter Mme [P] de sa demande d'irrecevabilité de l'assignation,

- renvoyer l'affaire à telle audience qu'il plaira pour permettre aux parties d'échanger leurs conclusions,

Au fond,

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 330 000 euros, avec application d'un intérêt au taux légal à compter du 24 juillet 2006,

- ordonner le partage judiciaire des époux [J] / [P],

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance.

Par ordonnance du 6 juin 2023, à laquelle il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :

- dit n'y avoir lieu de joindre l'incident au fond,

- déclaré irrecevable l'assignation en partage délivrée le 31 mars 2022 à la demande de M. [J] à l'encontre de Mme [P],

- condamné M. [J] à payer à Mme [P] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] aux dépens.

Par déclaration du 28 septembre 2023, M. [J] a interjeté appel de l'intégralité des chefs de l'ordonnance.

Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées le 29 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, M. [J] demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir pas lieu de joindre l'incident au fond,

- déclaré irrecevable l'assignation en partage délivrée le 31 mars 2022 à sa demande à l'encontre de Mme [P],

- l'a condamné à payer à Mme [P] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné aux dépens. 

Et statuant à nouveau,

- débouter Mme [P] de sa demande d'irrecevabilité de l'assignation,

Sauf à évoquer directement l'affaire dans un souci de bonne administration de la justice,

- renvoyer l'affaire à telle audience du juge aux affaires familiales de Bourg-en-Bresse qu'il plaira pour permettre aux parties d'échanger leurs conclusions afin qu'il soit statué sur les demandes, au fond, suivantes :

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 330 000 euros avec application d'un intérêt au taux légal à compter du 24 juillet 2006,

- ordonner le partage judiciaire des époux [J] / [P],

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Y ajoutant,

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [P] aux entiers dépens de l'instance.

M. [J] fait valoir que le comportement de Mme [P] renvoie à l'estoppel dès lors qu'elle se contredit à son détriment, en violation du principe de loyauté processuelle.

Il indique que Mme [P] ne peut à la fois soutenir devant le notaire qu'il lui appartient de revendiquer sa créance entre époux par une action en paiement, et conclure devant le juge qu'il n'est pas recevable à agir au fond, en paiement de cette créance.

De même, il considère que Mme [P] contestait le montant de cette créance en dépit des décisions intervenues, tout en prétendant qu'il ne pourrait plus en demander la fixation par le juge aux affaires familiales.

M. [J] soutient qu'il n'avait pas d'autre choix que de saisir à nouveau le juge aux affaires familiales, faute pour le notaire de rédiger un acte constatant sa créance compte tenu du refus de Mme [P] de signer l'acte liquidatif du notaire le 26 octobre 2021.

Il estime qu'il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance et de renvoyer les parties devant le juge aux affaires familiales, pour que celui-ci tranche d'éventuelles difficultés.

Il soutient que le montant de sa créance, définitivement tranchée en son principe, représente la moitié du prix de vente, soit 330 000 euros.

Il indique que Mme [P] ne l'a jamais tenu informé de la vente du bien immobilier réalisée le 31 août 2020, la promesse de vente alors versée aux débats ne pouvant être analysée comme un acte de vente, ni comme une attestation de vente.

M. [J] fait d'ailleurs valoir qu'il demandait, dans ses dernières conclusions devant la cour de renvoi, d'ordonner la vente du bien immobilier avec partage du prix par moitié entre Mme [P] et lui.

Il prétend n'avoir été informé de la vente du bien que le 7 octobre 2021, par la remise d'une attestation de vente, avec mention du prix signé par Me [I].

Il conclut qu'il n'appartenait pas au juge de la mise en état de considérer que le principe de concentration des moyens d'une instance qui s'est déroulée devant la cour d'appel rendrait irrecevable la demande en paiement qu'il a formulée.

M. [J] soutient avoir revendiqué sa créance dès le 24 juillet 2006, par l'intermédiaire d'une sommation interpellative délivrée par Me [Y] [H], huissier de justice.

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées le 5 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, Mme [P] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse du 6 juin 2023,

- rejeter toutes autres demandes plus amples et contraires de M. [J],

- condamner M. [J] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Mme [P] fait valoir que l'assignation délivrée par M. [J] concerne nécessairement une action en partage, puisqu'elle a été délivrée au seul visa des dispositions de l'article 1360 du code de procédure civile.

Elle considère que la recevabilité d'une action en partage suppose néanmoins l'existence d'une situation d'indivision, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque la cour d'appel de Lyon a jugé que le bien immobilier 'est un bien propre de Mme [P]'.

Elle soutient que le juge commis ne pouvait d'ailleurs pas désigner un nouveau notaire puisqu'aucun partage n'est réalisable dans la présente instance.

Elle considère qu'en sollicitant le changement de notaire commis, avant d'assigner en partage, M. [J] considérait nécessairement qu'une procédure de partage était déjà en cours, ce qui rend incompréhensible sa nouvelle assignation en partage et témoigne de sa volonté de troubler les juridictions.

Mme [P] conclut que c'est à juste titre que le juge de la mise en état a constaté que l'assignation, délivrée en 2022 par M. [J], se heurtait à l'autorité de la chose jugée.

Elle affirme que la cour de renvoi n'a donné raison à M. [J] qu'en ce que la convention de mars 1988 constitue une convention sui generis, qui crée à son profit un droit de créance sur le prix de vente en cas de séparation.

Toutefois, Mme [P] fait valoir que M. [J] n'a pas demandé à la cour, pas même à titre subsidiaire, le paiement d'une quelconque indemnité, alors qu'elle avait elle-même mis cette question dans le débat devant la cour.

Si l'appelant lui reproche sa déloyauté procédurale, elle indique qu'il a néanmoins laissé le juge du divorce fixer la prestation compensatoire, en admettant que le bien immobilier était un bien propre de Mme avant de soutenir que ledit bien était indivis dans la procédure de liquidation-partage ultérieure.

Mme [P] considère ainsi que la créance de M. [J] est infondée, dès lors que la cour d'appel de Lyon a déterminé le montant de la prestation compensatoire en considérant que le bien était propre.

Elle estime que la cour de renvoi ne pouvait pas se prononcer sur la créance de M. [J], faute pour ce dernier d'avoir formulé une demande à ce titre.

L'intimée indique que M. [J] ne peut lui imputer une quelconque déloyauté procédurale, pour couvrir sa propre erreur, et qu'il ne peut introduire de nouvelles instances pour faire rejuger ce qui a été tranché, ou ce qu'il a omis de faire trancher.

Elle estime ainsi que c'est à bon droit que le juge de la mise en état a déclaré irrecevable l'assignation en partage du 31 mars 2022.

Mme [P] considère qu'elle ne se contredit pas, au détriment de M. [J] puisqu'elle s'est toujours opposée au paiement d'une quelconque indemnité, et qu'elle adopte la même position devant le notaire, dès lors qu'elle a indiqué devant ce dernier que la créance de M. [J] n'est fondée ni en droit ni en fait.

L'intimée expose avoir vendu le bien immobilier litigieux le 31 août 2020, alors que la clôture de la procédure devant la cour d'appel n'est intervenue que le 6 octobre 2020, de sorte qu'elle n'a jamais caché la situation aux juridictions saisies, et a même produit devant la cour de renvoi le compromis de vente du 22 avril 2020, ce que ne conteste pas M. [J].

Elle fait valoir que M. [J] aurait dû solliciter le paiement d'une telle indemnité devant la cour de renvoi, au regard du principe de concentration des demandes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur l'étendue de la saisine de la cour

L'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que la cour n'est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties.

Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte'.

Par l'effet dévolutif de l'appel la cour connaît des faits survenus au cours de l'instance d'appel, postérieurement à la décision déférée, et statue au vu de tous les éléments justifiés même s'ils n'ont été portés à la connaissance de l'adversaire qu'au cours de l'instance d'appel.

Sont soumises à la cour, au regard de l'acte d'appel et des dernières conclusions des parties, les prétentions portant sur :

- la recevabilité de l'assignation en partage délivrée le 31 mars 2022, à la demande de M. [J] à l'encontre de Mme [P],

- l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Sur la recevabilité de l'assignation en partage délivrée le 31 mars 2022 à la demande de M. [J] à l'encontre de Mme [P]

L'article 88 du code de procédure civile prévoit que 'lorsque la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction'.

Selon le premier alinéa de l'article 568 du même code, 'lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.'

Il est constant que, lorsque la liquidation des intérêts pécuniaires d'époux a été ordonnée par une décision de divorce passée en force de chose jugée, la liquidation à laquelle il est procédé englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties, et qu'il appartient dès lors à l'époux, qui se prétend créancier de l'autre, de faire valoir sa créance contre son conjoint lors de l'établissement des comptes s'y rapportant.

En l'espèce, il ressort des pièces produites par les parties que la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux a été ordonnée par le jugement du 28 avril 2008, qui a prononcé leur divorce, jugement qui a été confirmé en toutes ses dispositions par l'arrêt rendu le 25 janvier 2010, par la cour d'appel de Lyon.

Il ressort également des pièces produites par les parties que, dans son jugement du 6 octobre 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a notamment :

- ordonné la vente du bien immobilier sis à [Localité 17] avec partage du prix par moitié entre M. [J] et Mme [P],

- ordonné le partage des meubles meublant l'ancien logement familial visés dans le constat d'huissier dressé le 10 octobre 2005 par Me [Z] [S], huissier de justice à [Localité 9], conformément aux règles suisses applicables à leur régime matrimonial.

- renvoyé les parties devant Me [U], notaire à [Localité 8], pour qu'il soit procédé à la liquidation et au partage de l'indivision relative au bien immobilier sis à [Localité 17], y compris des meubles meublants, aux conditions fixées dans le jugement.

Il ressort toujours des pièces produites par les parties que, dans son arrêt du 8 décembre 2020, aujourd'hui définitif, la cour d'appel de Lyon a notamment :

- réformé le jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 6 octobre 2014 en ce qu'il a :

* dit que la convention reçue le 3 mars 1988 par Me [D], notaire à [Localité 9], sur le bien situé à [Localité 17], lieudit [Localité 14], cadastré section [Cadastre 10] et [Cadastre 11], est une convention d'indivision,

* dit que Mme [P] est redevable à l'égard de M. [J] d'une indemnité d'occupation pour la maison de [Localité 17] du jour où l'arrêt de divorce est devenu définitif au jour du partage, avec indexation,

Statuant à nouveau dans les limites de la cassation :

- dit que la convention du 3 mars 1988 est une convention sui generis qui crée au profit de M. [J] un droit de créance sur le prix de vente du bien en cas de séparation,

- dit que le bien situé à [Localité 17] objet de la convention est un propre de Mme [P],

- dit qu'elle n'est tenue d'aucune indemnité d'occupation, s'agissant d'un bien propre, et débouté M. [J] de sa demande à ce titre,

- confirmé le jugement pour le surplus.

Il convient dès lors de constater que l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage et le renvoi des parties devant le notaire afin de procéder à la liquidation et au partage de l'indivision relative au bien immobilier sis à [Localité 17] ont autorité de chose jugée.

La disparition ultérieure de l'indivision, au terme de l'arrêt rendu en 2020, lequel a dit que le bien de [Localité 17] constitue un bien propre de Mme [P], n'a pas pour autant fait disparaitre le droit de créance créé par la convention sui generis, ainsi qualifiée par la cour de renvoi.

L'examen du procès-verbal de difficultés, dressé le 26 octobre 2021 par Me [I] révèle par ailleurs que Mme [P] considère, dans ses dires devant le notaire, qu'à 'ce stade de la procédure, la question de la liquidation de la créance n'est pas tranchée'.

Ainsi, il appartient à M. [J], qui se prétend créancier de Mme [P], de faire valoir sa créance contre son conjoint lors de l'établissement des comptes se rapportant à la liquidation des rapports pécuniaires entre les parties.

Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'assignation délivrée à la demande de M. [J] à l'encontre de Mme [P], et de juger ladite assignation recevable et en ce qu'elle a condamné M. [J] à payer à Mme [P] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné M. [J] aux dépens.

Faute pour la cour d'appel de pouvoir évoquer les demandes formées au fond par les parties, au regard des dispositions des articles 88 et 568 du code de procédure civile, dont les conditions ne sont pas réunies, et alors que la décision rendue est une ordonnance du juge de la mise en état, qui n'aurait pas eu compétence pour connaître du fond, il convient de faire droit à la demande de renvoi de l'affaire devant le juge aux affaires familiales de Bourg-en-Bresse, pour leur permettre d'échanger leurs conclusions afin qu'il soit statué sur leurs demandes au fond.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dépens seront partagés par moitié entre les parties, et employés en frais privilégiés de partage.

L'équité ne commande pas de condamner l'une ou l'autre des parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme l'ordonnance rendue le 6 juin 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l'assignation en partage délivrée le 31 mars 2022, à la demande de M. [J], à l'encontre de Mme [P],

Y ajoutant,

Renvoie les parties devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse,

Dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties et employés en frais privilégiés de partage,

Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Isabelle Bordenave, présidente et par Sophie Peneaud, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre a
Numéro d'arrêt : 23/07388
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;23.07388 ?
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