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15/03/2024 | FRANCE | N°22/00264

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 15 mars 2024, 22/00264


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







N° RG 22/00264 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OBQF





[K]



C/



Société [7]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 28 Avril 2016

RG : F 13/02788



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 15 MARS 2024











APPELANT :



[J] [K]

né le 28 Août 1951 à [Localité 6]

[Adre

sse 4]

[Localité 3]



présent et représenté par Me François LAFFORGUE de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉE :



Société [7]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Joumana FRANGIÉ MOUKA...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 22/00264 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OBQF

[K]

C/

Société [7]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 28 Avril 2016

RG : F 13/02788

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 15 MARS 2024

APPELANT :

[J] [K]

né le 28 Août 1951 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]

présent et représenté par Me François LAFFORGUE de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Société [7]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Joumana FRANGIÉ MOUKANAS de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 26 Octobre 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Etienne RIGAL, Président

Vincent CASTELLI, Conseiller

Nabila BOUCHENTOUF,

Assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Mars 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS , PROCEDURE ET PRETENTIONS

Monsieur [J] [K] (ci-apres le salarie) a ete employe sur le site de Fetablissement VMC, à [Localité 5], usine de fabrication de recipients de verre d'embalIage, bouteilles flacons, gobelets et bocaux, destinés notamment à I'industrie alimentaire, en qualite de tourneur pour la periode courant du 1er decembre 1968 au 14 decembre 2002

Le site de [Localité 5] était fermé en janvier 2003

La societe [9] etait reprise par la societe [7], devenue [8] (ci-apres la société), en juin 2004.

Par requéte, regue au greffe le 17 juin 2013, ce salarie faisait convoquer la societe à comparaitre devant Ie conseil de prud'hommes de Lyon.

Au dernier etat de ses demandes devant cette juridiction il demandait au conseil de :

- Ordonner Ia délivrance par la société d'une attestation d'exposition aux CMR et à l'amiante.

- Condamner Ia societe à lui verser Ies sommes suivantes :

- 20 000 € à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice d'anxiété lié à l'exposition à l'amiante,

- 20 000 € à titre de dommages-interéts en réparation du préjudice d'anxiété lié à l'exposition aux CMR,

- 20 000 € à titre de dommages-interets en réparation du manquement de l'employeur à son obligation de sécurite de résultat Iiée à l'exposition à l'amiante

- 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du manquement à l'obligation de sécurité de résultat Iiée à l'exposition aux CMR (produits cancérogènes, mutagénes et reprotoxiques).

- 10 000 € à titre de dommages-interéts pour mon délivrance de l'attestation d'exposition aux CMR et à l'amiante,

- 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 28 avril 2016, Ie conseil de prud hommes, en sa formation présidée par le juge départiteur, rendait un jugement dont le dispositif était rédigé comme il suit :

Déboute Monsieur [J] [K] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,

Condamne [J] [K] aux entiers depens de la présente instance.

Le 26 mai 2016, le salarié interjetait appel de ce jugement.

Au terme des débats et de ses dernières conclusions de réinscription au rôle, l'appeIant demande à la cour de :

Dire qu'il a été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante et au CMR dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail sur Ie site de [Localité 5], dans des conditions constitutives d'un manquement de l'employeur au respect de son obligation de sécurité lui incombant, justifiant de prejudices qu'il a subis,

Ordonner à la societe de lui remettre une attestation d'exposition aux CMR et une attestation

d'exposition à l'amiante,

Condamner Ia société à lui verser Ies sommes suivantes :

- 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété lié à l'exposition aux CMR ;

- 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du manquement à l'obligation de sécurité de résultat liée à l'exposition à l'amiante

- 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du manquement à l'obIigation de sécurité de résultat liée à l'exposition aux CMR,

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour non délivrance de l'attestation d'exposition aux CMR et a l'amiante,

- 1000 € en application de l'article 700 du code de procèdure civile.

Au soutien de ces demandes, il expose pour l'essentiel que :

Pendant de nombreuses années, ils a été exposé à différents produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (ci-apres, CMR) présents aux divers stades de la fabrication du verre d'emballage.

Le processus de fabrication du verre d'embaIlage nécessitait I'emploi de silice à Iaquelle étaient ajoutés des adjuvants tels que la soude, la chaux d'alumine ou le cobalt. Des hydrocarbures intervenaient dans le graissages des moules chauds dégageant des vapeurs HAP, Ies recipients subissant ensuite des traitements de surface chimiques appliqués par pulverisation.

La trace de ces CMR a subsisté même après l'arrêt du site de GlVORS, comme le demontre

notamment un audit environnemental mettant en lumière la pollution des sols, et l'arrêté préfectoral du 6 mars 2006 instituant des servitudes d'utilité publique sur ce site.

Comme Ies autres salariés ayant travaillé dans le processus de fabrication du verre d'emballage à [Localité 5], il a été exposé à ces différents CMR.

Par ailleurs, l'amiante était utilisé dans le processus de sa fabrication, comme l'a reconnue

l'ACAARA, service de prévention des risques professionnels de la CPAM des Bouches-du-Rhône.

Expose aux CMR et à l'amiante, il aurait dû bénéficier de moyens de protection.

Tel n'a pas ete le cas .

Plusieurs verriers ayant travaillé sur ce site souffrent de pathologies dont certaines ont été prises en charge à titre de maladie professionnelle.

Des juridictions de sécurité sociale ont jugé à plusieurs reprises que la société avait commis une faute inexcusable à l'origine de maladie professionnelle développée par des verriers suite à une exposition à l'amiante, à l'arsenic ou encore à une poly-exposition.

Son exposition aux CMR étant antérieure au décret du 30 janvier 2012, Ia société est toujours

soumise à l'obligation de délivrance d'attestations d'exposition.

La délivrance de telles attestations conditionne la possibilite de bénéficier d'un suivi médical post-professionnel.

ll subit du fait des manquements de l'employeur un prejudice d'anxiété, du fait d'une inquiètude permanente face aux risques de déclencher une maladie et une perte d'espérance de vie.

Au terme de ses dernières conclusions en date du 18 juillet 2022, la société demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement appelé.

Elle soutient pour l'essentiel que l'appe|ant doit rapporter la preuve de son exposition à l'inhalation de poussieres d'amiante ou à une substance nocive ou toxique générant un risque de developper une pathologie grave.

ll doit également démontrer un manquement à son obligation de sécurite et d'un préjudice

d'anxiété personnellement subie.

Or, il est defaillant dans l'administration de telles preuves. Le seul témoignage produit rapporte qu'il a travaillé périodiquement au groisil, en sous-sol, sans autre précision sur Ies conditions de travail qui étaient Ies siennes et sur Ies conditions d'exposition à des produits toxiques.

MOTIFS

Le préjudice d'anxiété consiste en une situation d'inquiètude permanente d'un salarié ou ancien salarié face aux risques de déclaration d'une maladie consécutive à une exposition à l'amiante ou à un ou plusieurs CMR.

S'agissant de l'amiante, Ies salariés ne remplissant pas Ies conditions prévues à l'article 41 de la loi du 23 decembre 1998 et n'ayant pas travaillé au sein d'un établissement inscrit sur Ies listes des établissements ouvrant droit à l'ACCATA devront rapporter la preuve d'un manquement de l'employeur à ses obligations de prévention et de sécurité et, d'autre part à l'existence d'un preéjudice d'anxiété.

Le salarié doit ainsi, à titre liminaire, démontrer qu'il a été exposé à des poussières d'amiante

habituellement, et dans des conditions de risque de développer une pathologie grave.

Cependant, l'incontestable réalité de cette inquiètude, de ce ressenti sincère, ne demontre pas en elle-même son bien fondé et le fait que le salarié a été exposé à des substances pathogènes dans des conditions générant un risque de pathologie grave.

Sur Ie risque amiante

La société en son établissement de [Localité 5] n'est pas inscrite sur Ies listes des établissements ouvrant droit é l'ACCATA. Le tribunal administratif de Lyon par jugement du 22 novembre 2016, confirmé par la cour administrative d'appel de Lyon, a jugé que l'activité industrielle du site litigieux ne pouvait étre considéré comme revêtant une exposition significative à cet agent justifiant d'une telle inscription.

Le salarie appelant ne bénéficie pas du régime particulier découlant d'une telle inscription.

ll sera constatfé que la société ne conteste pas le fait que de l'amiante ait été utilisée dans le processus industriel de fabrication de sa production.

Ce fait acquis, ne démontre cependant pas que l'appelant, du fait des fonctions qui étaient Ies siennes et de ses conditions de travail, a bien été significativement exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante dans des conditions de nature à générer un risque pathogène.

La societe intimée précise, sans être en cela démentie, que l'amiante n'était utilisé que pour

certaines opérations limitées.

La même société plaide qu'au regard des fonctions qu'il exerçait, il n'est pas démontre que le salarié était confronté à un risque habituel d'inhalation de poussières toxiques.

Le salarie produit une attestation établie par Monsieur [C], rédigée comme il suit :

' Monsieur [J] [K] a été en contact avec de l'amiante durant les annees où j'ai travaillé avec lui. II travaillait dans I'ateIier ou étaient stockées toutes Ies pièces de rechange des machines de fabrication, qui contenaient de l'amiante.

Durant Ies années 70, il cuisinait Ies pinces garnies d'amiante sans protection efficace. '

ll ressort de ce témoignage que le salarié a bien été en contact avec des produits contenant de l'amiante.

Cependant, ce temoignage n'apporte aucune précision quant à l'importance et à la fréquence de cette exposition ; ii ne permet pas plus d'appréhender si ce dernier a pu être en contact avec des poussières d'amiante et Ies inhaler.

Dans ces conditions, Ies éléments de preuve produits sont insuffisants à démontrer une exposition significative à l'amiante de nature à engendrer un risque de pathologie péjorative.

A défaut d'autres éléments de preuve, il ne peut être reçu en ses demandes liées à une exposition aux risques de maladies consfécutives é l'exposition a l'amiante et le jugement sera confirme en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes liées à ce risque.

Sur Ies risques CMR

Le raisonnement sera le même s'agissant du risque d'exposition à des CMR.

En effet, le salarié ne produit aux débats aucune pièce ayant trait à une exposition significative à de tels produits cancérogènes.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formées à ce titre.

En conclusion

L'appelant sera par conséquent débouté de l'ensemble de ses demandes.

ll supportera Ies dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe, confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 28 avril 2016,

Laisse Ies depens de premiere instance et d'appel à la charge de Monsieur [J] [K].

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 22/00264
Date de la décision : 15/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-15;22.00264 ?
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