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14/03/2024 | FRANCE | N°23/01711

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 14 mars 2024, 23/01711


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 23/01711 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O2GX





S.A.S.U. FRET TOUCH



C/



[G]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 22 Février 2023

RG : 22/00444





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 14 MARS 2024











APPELANTE :



S.A.S.U. FRET TOUCH

[Adresse 1]

[Lo

calité 3]



représentée par Me Abdel-karim BOUSSETTA de la SAS GO CONSEIL - SPE D'AVOCATS ET D'EXPERTS-COMPTABLES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Fabien ROUMEAS de la SARL ROUMEAS AVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[S] [G]

[Adresse 2]...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 23/01711 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O2GX

S.A.S.U. FRET TOUCH

C/

[G]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 22 Février 2023

RG : 22/00444

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 14 MARS 2024

APPELANTE :

S.A.S.U. FRET TOUCH

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Abdel-karim BOUSSETTA de la SAS GO CONSEIL - SPE D'AVOCATS ET D'EXPERTS-COMPTABLES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Fabien ROUMEAS de la SARL ROUMEAS AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[S] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Charlotte BRACHET, avocat au barreau de LYON substitué par Me Cécilia MOTA, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C69383-2023-001802 du 25/05/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Janvier 2024

Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Suivant contrat à durée déterminée du 4 avril 2022, [I] [S] [G] a été embauché par la société Fret Touch en qualité de chauffeur-livreur.

Le 31 août 2022, la société a établi un reçu pour solde de tout compte, aucune pièce du dossier n'établissant les conditions dans lesquelles le contrat a été rompu.

Par requête du 3 novembre 2022, M. [G] a saisi le Conseil des prud'hommes de Lyon, en sa formation de référé, pour obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de rappels de salaires, outre une indemnisation en réparation du subi du fait de l'absence de paiement de sa rémunération.

Par ordonnance réputée contradictoire du 22 février 2023, le Conseil a condamné la société Fret Touch à lui payer la somme de 9 832,69 euros à titre de rappel de salaire, outre 983,27 euros de congés payés afférents, et celle de 500 euros nets de dommages et intérêts au regard du préjudice subi en raison de l'absence de paiement de sa rémunération, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, ainsi qu'à lui payer celle de 1 050 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par cette décision, le conseil a également condamné la société Fret Touch à remettre à M. [G] des bulletins de paie pour la période comprise entre avril et juillet 2022 ainsi que des documents de rupture rectifiés, conformes à la décision dans les 15 jours suivant la notification 'du jugement' et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, le conseil se réservant le droit de la liquider.

Le 27 février 2023, la société Fret Touch a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées le 6 avril 2023, la société Fret Touch demande à la cour de :

- INFIRMER l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

- DÉCLARER irrecevable la demande au titre des rappels de salaire,

- DÉCLARER irrecevable la demande au titre des dommages et intérêts,

- CONDAMNER M. [G] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle rappelle que durant l'exécution du contrat de travail, les relations étaient cordiales, que M. [G] n'a jamais émis la moindre doléance ou relance quant aux modalités de rémunérations ou à la remise des bulletins de paie ; elle souligne avoir réglé les salaires en espèces.

Elle ajoute qu'en l'absence de déclaration de son activité salariée entre avril et août 2022, M. [G] a été mis en demeure par Pôle Emploi de rembourser les sommes trop-perçues, et que n'étant pas responsable de l'omission de déclaration par le salarié ni de sa radiation, elle n'a commis aucune faute ouvrant droit à des dommages et intérêts.

Par conclusions notifiées le 21 novembre 2023, M. [G] demande à la cour de :

- CONFIRMER l'ordonnance en ce qu'elle a :

- déclaré ses demandes recevables,

- condamne la Société Fret Touch à lui verser 9 832,69 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 983,27 euros de congés payés afférents,

- condamné la Société Fret Touch à lui verser des dommages et intérêts au regard du préjudice en raison de l'absence de paiement de sa rémunération,

- Condamné la société Fret Touch à verser à maître Brachet Charlotte la somme de 1 050 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- donné acte à Maître Brachet de son engagement à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- Rappelé qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 alinéa 1er du Code civil, les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées,

- Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil relatif à la capitalisation des intérêts échus,

- Ordonné la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamné la société Fret Touch à lui remettre des bulletins de paie pour la période comprise entre avril et juillet 2022 ainsi que des documents de rupture rectifiés, conforme à la décision dans les 15 jours suivant la notification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard, le conseil se réservant le droit de liquider ladite astreinte.

- INFIRMER l'ordonnance pour le surplus,

et statuant à nouveau,

- CONDAMNER la société Fret Touch au paiement de 3 000 euros nets à titre de dommages et intérêts au regard du préjudice subi en raison de l'absence de paiement de sa rémunération,

- CONDAMNER la société Fret Touch au paiement de 12 500 € au titre de la liquidation de l'astreinte,

En tout état de cause :

- CONDAMNER la société Fret Touch au paiement de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,

- CONDAMNER la société Fret Touch aux entiers dépens.

Il fait valoir à l'inverse, que la société s'est montrée défaillante dans le paiement des salaires et la remise des bulletins de paie de sorte qu'il a été contraint de prendre acte de la rupture du contrat de travail en août 2022, la société lui ayant alors remis les documents de fin de contrat au 31 août 2022.

Il soutient n'avoir jamais été réglé de ses salaires au titre de son travail, rappelant que les règlements en espèce sont prohibés au-delà de 1 500 euros.

Il souligne également qu'en l'absence de paiement de sa rémunération, il s'est retrouvé dans l'impossibilité de régler les indemnités trop-perçues réclamées par Pôle Emploi d'avril à août 2022, ce qui a conduit à sa radiation des listes des demandeurs d'emploi en octobre 2022, et à l'absence de toute ressource depuis lors.

À titre additionnel, il demande la liquidation de l'astreinte prononcée par les premiers juges au titre de la délivrance des documents de rupture, précisant que la société n'a fait droit à la transmission des bulletins de salaire qu'au 15 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappels de salaires

Selon l'article R. 1455-5 du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article R. 1455-6 du code précité dispose encore que la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Enfin, selon l'article R. 1455-7, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il incombe à l'employeur, débiteur de l'obligation de paiement des salaires afférents au travail accompli, de rapporter la preuve du paiement ceux-ci. La seule délivrance des bulletins de salaire n'emportant pas présomption de paiement des sommes mentionnées.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'intimé était salarié de la société depuis le 4 avril 2022. Selon l'attestation destinée à Pôle Emploi, et le dernier bulletin de salaire (sur lequel il est indiqué que M. [G] a été absent tout le mois), il a quitté les effectifs de l'entreprise le 31 août 2022, les circonstances et les causes de la rupture étant ici indifférentes.

La formation de référé du Conseil des prud'hommes lui a alloué une somme de 9 832,69 euros correspondant au montant des salaires impayés pendant la relation contractuelle.

L'absence de toute réclamation du salarié pendant la relation de travail ne saurait avoir une quelconque incidence sur son droit à solliciter en justice le paiement de rappels de salaires, et si l'employeur affirme que la rémunération lui était versée en espèces, il n'en rapporte toutefois pas la preuve.

Dès lors que la demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse, et que le quantum n'est pas davantage remis en cause par la société appelante, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société Fret Touch à payer à M. [G] la somme de 9 832,69 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 983,27 euros de congés payés afférents, sauf à préciser que la condamnation est prononcée à titre provisionnel.

Sur la demande de dommages et intérêts

Le juge des référés n'a pas compétence pour condamner à des dommages-intérêts (Cass. soc., 5 mars 2003, n° 02-40.779), mais il peut accorder une provision sur dommages-intérêts dans la mesure où il n'y a pas de contestation sérieuse sur le droit à réparation.

Les premiers juges ont alloué une indemnité de 500 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de rémunération. Il sera néanmoins rappelé que le retard pris dans le paiement des salaires est déjà indemnisé par les intérêts moratoires.

M. [G] invoque une radiation à Pôle Emploi, alors que les pièces établissent qu'il n'était simplement plus inscrit en qualité de demandeur d'emploi à compter d'octobre 2022. Il est aussi dans l'incapacité de se prévaloir d'un quelconque préjudice, puisqu'en réalité, il ressort des pièces produites, qu'il a perçu entre avril et août 2022, des indemnités chômage auxquelles il n'avait pas droit et que Pôle Emploi lui a ensuite réclamé le 13 septembre 2022, le remboursement des indemnités trop-versées, situation qu'il ne peut imputer à son employeur, puisqu'elle résulte de son omission de déclaration de son activité salariée pour la société Fret Touch.

Il s'ensuit que M. [G] ne justifie pas suffisamment du préjudice fondant sa demande de dommages et intérêts, laquelle se heurte en cet état de référé, à une contestation sérieuse et ne peut donc qu'être rejetée.

L'ordonnance sera par conséquent, infirmée en ce qu'elle a alloué des dommages et intérêts à M. [G].

Sur la demande de liquidation de l'astreinte

M. [G] fait valoir que l'employeur n'a rectifié les bulletins de salaire comme ordonné par les premiers juges, que le 15 novembre 2023, et demande à la cour à titre additionnel, la liquidation de l'astreinte provisoire prononcée par les premiers juges à hauteur de 12 500 euros (correspondant à 250 jours du 10 mars 2023 au 14 novembre 2023, à raison de 50 euros/jour).

L'employeur ne fait valoir aucun élément en défense sur cette demande.

L'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution dispose que l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.

L'article L. 131-4 du même code dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, ou tout ou partie, d'une cause étrangère.

En outre, si la liquidation de l'astreinte est indépendante du préjudice subi par le créancier de l'obligation, il appartient au juge de vérifier de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige (Cass civ 2ème, 20 janvier 2022, 20-15.261).

Au terme de sa décision, la formation de référé du conseil des prud'hommes a condamné la société Fret Touch à remettre à M. [G] les bulletins de paie pour la période comprise entre avril et juillet 2022 ainsi que les documents de rupture rectifiés, conformes à la décision dans les 15 jours suivant la notification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard, le conseil se réservant le droit de liquider ladite astreinte'.

Les pièces du dossier montrent que l'ordonnance a été notifiée aux parties le 22 février 2023 et qu'elles en ont accusé réception le 24 février suivant.

Il n'est pas contesté que l'employeur ne s'est exécuté que le 15 novembre 2023.

L'employeur n'a fait état d'aucune difficulté expliquant l'exécution tardive de la décision de justice.

Néanmoins, eu égard à la disproportion entre la somme réclamée au titre de la liquidation d'astreinte et l'enjeu du litige, il convient de minorer l'astreinte ayant couru du 10 mars au 14 novembre 2023 à la somme de 20 € par jour de retard, soit au total un montant de 5 000 euros.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de l'issue de la procédure, l'ordonnance est confirmée en ce qu'elle a condamné la société aux dépens et à payer au salarié une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société, succombant en son appel, est tenue aux dépens et sa demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

M. [G] étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, il sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du CPC

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle condamne la société Fret Touch à payer à M. [G] la somme de 500 euros de dommages et intérêts au regard du préjudice subi en raison de l'absence de paiement de sa rémunération,

Confirme l'ordonnance pour le surplus sauf à préciser que la somme allouée au titre des rappels de salaires l'est à titre provisionnel,

Statuant à nouveau dans les limites du chef critiqué, et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [G],

Liquide l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 22 février 2023 à la somme de 5 000 euros, et Condamne la société Fret Touch à payer cette somme à M. [G],

Rejette les demandes d'article 700 du code de procédure civile formées par les deux parties

Condamne la société Fret Touch aux entiers dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 23/01711
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;23.01711 ?
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