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14/03/2024 | FRANCE | N°22/08820

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 14 mars 2024, 22/08820


N° RG 22/08820 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OWLQ









Décision du Tribunal de Commerce de Lyon du 08 décembre 2022



RG : 2022rj244







[U]



C/



S.E.L.A.R.L. [D] [W]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 14 Mars 2024







APPELANT :



M. [Y] [U]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 6]

[Adresse 3

]

[Localité 2]



Représenté et plaidant par Me Driss BOUSSIF de la SELEURL DRISS BOUSSIF AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 2739



INTIMEE :



S.E.L.A.R.L. [D] [W] immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LYON sous le numéro 901 604 73...

N° RG 22/08820 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OWLQ

Décision du Tribunal de Commerce de Lyon du 08 décembre 2022

RG : 2022rj244

[U]

C/

S.E.L.A.R.L. [D] [W]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 14 Mars 2024

APPELANT :

M. [Y] [U]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté et plaidant par Me Driss BOUSSIF de la SELEURL DRISS BOUSSIF AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 2739

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. [D] [W] immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LYON sous le numéro 901 604 736, prise en la personne de maître [D] [W], ès qualités

de liquidateur judicaire de la société EL NUEVO, désignée en ces fonctions par jugement de liquidation judiciaire du tribunal de commerce de LYON en date du 30 mars 2022

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 1470 substitué et plaidant par Me SLITI BITAM, avocat au barreau de LYON

En présence du Ministère Public, en la personne d'Olivier NAGABBO, avocat général

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 09 Janvier 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Janvier 2024

Date de mise à disposition : 14 Mars 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Y] [U] était le président de la Sas El Nuevo immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon le 8 février 2017. Cette société a cessé son activité.

Par jugement du 30 mars 2022, sur assignation de l'Urssaf du 24 février 2022, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire immédiate de la société El Nuevo, fixé provisoirement au 30 septembre 2020 la date de cessation des paiements et désigné la Selarl [D] [W] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte du 4 juillet 2022, la Selarl [D] [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société El Nuevo, a assigné M. [U] devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de voir prononcer une mesure de faillite personnelle, ou, à titre subsidiaire, une mesure d'interdiction de gérer à son encontre. Il lui reproche notamment un défaut de coopération avec les organes de la procédure, l'absence de tenue de comptabilité, l'absence de déclaration de cessation des paiements de l'entreprise dans le délai légal de 45 jours et le défaut de remise des documents aux organes de la procédure.

                                                                      

Par jugement réputé contradictoire du 8 décembre 2022, le tribunal de commerce de Lyon a :

- prononcé à l'encontre de M. [U], né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 6] (France), une faillite personnelle d'une durée de cinq ans,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rappelé qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, les condamnations prononcées sur le fondement du livre VI du code de commerce doivent faire l'objet d'une inscription au Fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,

- dit que les dépens sont tirés en frais privilégiés de la procédure,

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

                       

M. [U] a interjeté appel par acte du 29 décembre 2022.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 16 février 2023 fondées sur les articles 524, 655 et 659 du code de procédure civile et l'article L.653-5 du code de commerce, M. [U] demande à la cour de :

in limine litis,

- déclarer la procédure de faillite personnelle irrégulière contre lui,

à titre principal,

- infirmer le jugement déféré en totalité en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- juger que les faits relevés ne sont pas susceptibles de caractériser une faillite personnelle,

à titre subsidiaire,

- réformer le jugement déféré en prononçant une absence de peine ou à tout le moins réduire la sanction,

en tout état de cause,

- condamner la Selarl [D] [W] à lui payer la somme de 1.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 2 mars 2023 fondées sur les articles 55, 655, 656 et 658 du code de procédure civile et les articles 653-4, 653-5, 653-7, et 653-8 du code de commerce, la Selarl [D] [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Le Nuevo, demande à la cour de, rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

à titre principal,

- juger que M. [U] a été le dirigeant de droit de la société El Nuevo,

- juger que M. [U] a commis des fautes de gestion,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [U] pour une durée de cinq années,

à titre subsidiaire,

- juger que M. [U] a été le dirigeant de droit de la société El Nuevo,

- juger que M. [U] a commis des fautes de gestion,

- prononcer une mesure d'interdiction de gérer à l'encontre de M. [U] d'une durée de cinq années,

en tout état de cause,

- condamner M. [U] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [U] aux entiers dépens de l'instance.

Le ministère public, par avis du 24 octobre 2023 communiqué contradictoirement aux parties le 24 octobre 2023, a requis la confirmation de la décision entreprise.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 janvier 2024, les débats étant fixés au 18 janvier 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de l'assignation

M. [U] fait valoir à titre liminaire que :

- il n'a eu connaissance de la procédure à son encontre que de manière fortuite après un échange avec un collaborateur du liquidateur ; l'assignation est donc irrégulière puisque le liquidateur ne pouvait légitimement ignorer qu'il n'habitait plus à son adresse lyonnaise,

- il n'a pas reçu le moindre courrier relatif au procès-verbal et n'a pas connaissance des diligences effectuées par l'huissier de justice et l'irrégularité de l'assignation entraîne l'irrégularité de la procédure à son encontre.

La Selarl [D] [W], ès-qualités, fait valoir que :

- l'assignation a été régulièrement à domicile régulièrement mais la signification à personne s'est révélée impossible en l'absence de l'appelant et il ne ressort pas des recherches et constatation de l'huissier que l'appelant avait changé de domicile,

- quand bien même il aurait changé de domicile, il aurait dû mettre à jour son adresse personnelle auprès du registre du commerce et des société à moins de faire preuve de négligence,

- la taxe d'habitation produite par l'appelant pour démontrer son changement d'adresse pour [Localité 2] mentionne une majoration 'résidences secondaires', de sorte qu'il ne s'agissait pas de sa résidence principale.

Sur ce,

En qualité de dirigeant d'une société en procédure collective, M. [U] devait signaler aux organes de la procédure tout changement de domicile, ce qu'il ne justifie pas avoir fait. De même, il n'a fait procéder à aucune rectification au RCS. Il n'importe donc pas qu'il se prévale d'un domicile à [Localité 2] en justifiant d'une quittance de loyer datée du 3 décembre 2012 portant sur un appartement sis dans cette ville pour se prévaloir d'une assignation irrégulière de ce fait.

Par ailleurs, l'assignation litigieuse a été valablement délivrée au dirigeant à l'adresse mentionnée sur le Kbis de la société, étant indiqué que l'intéressé était absent de son domicile après constat que son nom figurait bien sur l'interphone et la boîte aux lettres.

Enfin, il résulte des productions que la taxe d'habitation portant sur l'appartement qu'il occupe à [Localité 2] comporte une majoration 'résidences secondaires' de sorte qu'il ne s'agit manifestement pas de la résidence principale de M. [U] au sujet de laquelle l'appelant reste très taisant.

Il découle de ce qui précède que M. [U] échoue à établir que l'assignation qui lui a été délivrée serait irrégulière et donc que la procédure de faillite serait 'irrégulière' étant souligné qu'il ne tirait en tout état de cause aucune conséquence d'une assignation irrégulière puisqu'il n'a pas demandé l'annulation du jugement querellé.

Sur les fautes de gestion    

       

M. [U] fait valoir que :

- il n'a pas volontairement compromis la procédure par une absence de coopération ; sa société n'ayant plus de droit au bail, d'activité ni de salarié, et après déclaration au Bodacc de la cessation totale d'activité, il a cru que sa société n'avait plus lieu d'être ; il n'avait pas connaissance des procédures ouvertes à l'encontre de la société ou de lui'même,

- après avoir appris fortuitement l'ouverture de la liquidation judiciaire, il n'a pas hésité à coopérer avec les organes de la procédure faisant preuve de bonne foi,

- il a disposé d'un délai trop court pour réunir les éléments demandés, alors que des raisons professionnelles et de santé l'empêchaient de revenir dans la région lyonnaise,

- malgré ces obstacles, il ne s'est pas désintéressé de la procédure, notamment en contestant une déclaration de créance, permettant la réduction du passif,

- en tout état de cause, la non-communication des éléments comptables n'a pas porté atteinte au bon déroulement de la procédure ; seules deux créances ont été déclarées, celle de l'Urssaf pour une taxation d'office dont il n'a jamais eu connaissance, et celle de la Caisse d'épargne pour un compte bancaire sans activité,

- on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir transmis les documents relatifs à la comptabilité pour une société sans activité, ne générant plus de flux comptables depuis des années ; il n'a pas de documents en sa possession et n'a plus de contact avec l'expert-comptable depuis 3 ans.

La Selarl [D] [W], ès-qualités, fait valoir que :

- l'appelant s'est abstenu volontairement de collaborer avec les organes de la procédure ; il ne s'est pas présenté à l'entretien auquel il avait été convoqué ; il ne s'est pas présenté à l'étude ; il n'a pas donné suite aux demandes du commissaire-priseur, l'obligeant à dresser un procès-verbal de difficultés ; il n'a transmis aucun document aux organes de la procédure,

- le défaut de production de documents par l'appelant a eu pour conséquence d'entraver les opérations de liquidation judiciaire en empêchant la vérification du passif, le recouvrement éventuel du compte client et la réalisation des actifs,

- l'appelant était tenu en qualité de dirigeant de s'assurer du suivi en cas de déménagement, de la déclaration de cessation des paiements, de demander l'ouverture d'une liquidation judiciaire et de répondre aux obligations qui lui incombent,

- le fait que l'appelant n'aurait pas chercher à entraver la procédure est indifférent,

- l'appelant n'a remis aucune comptabilité, ce qui équivaut à une présomption de non-tenue de comptabilité régulière, caractérisant une faute de gestion,

- l'Urssaf a précisé que la société n'a jamais procédé au dépôt de ses comptes annuels, ce qui peut laisser présumer l'absence de tenue de comptabilité durant son activité,

- le jugement du 30 mars 2022 a fixé la date de cessation des paiements 18 mois avant l'ouverture de la procédure ; l'appelant avait connaissance des dettes impayées mais s'en est désintéressé ; il n'a pas, sciemment, déclaré l'état de cessation des paiements de la société dans les 45 jours,

- l'appelant ne lui a pas remis la liste des créanciers et le montant des créances, la liste des principaux contrats en cours et la liste des instances en cours auxquelles le débiteur est partie, alors que ces documents lui avaient été demandés.

Le ministère public fait valoir que :

- un contrôle de gendarmerie a conduit à une poursuite correctionnelle pour travail dissimulé puis à un rappel de cotisation de 14.728 euros,

- une assignation de l'Urssaf a abouti au prononcé d'une liquidation judiciaire avec fixation rétroactive de la date de cessation des paiements au délai maximum ; le dirigeant avait connaissance de l'état de cessation des paiements ; il a omis de le déclarer,

- aucune comptabilité n'a été remise au mandataire liquidateur,

- l'appelant n'a jamais répondu aux sollicitations,

- l'appelant a vendu le fonds de commerce et déclaré sa cessation d'activité sans se soucier du passif social.

Sur ce,

L'article L.653-5 du code de commerce dispose que :

'Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

[...] 5°Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ; [...] '

L'article L.653-8 du code de commerce dispose que :

'Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22.

Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.'

Selon l'article L 122-6 du code de commerce, 'Le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire, pour les besoins de l'exercice de leur mandat, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours. Il les informe des instances en cours auxquelles il est partie'.

Il convient de reprendre successivement chacune des fautes imputées au dirigeant.

- L'absence de coopération avec les organes de la procédure

Il est constant que le dirigeant ne s'est pas présenté à l'entretien du 4 avril 2022 malgré convocation par courrier recommandé avec avis de réception. Il ne s'est pas non plus présenté à d'autres convocations par courrier recommandé avec avis de réception dont les plis sont revenus avec la mention 'pli avisé non réclamé'. M. [U] reconnaît lui même qu'une convocation lui a été transmise par un voisin et ne pouvait ignorer la liquidation judiciaire de sorte qu'il devait en tout état de cause veiller au suivi de son courrier.

Ainsi que vu supra, il n'est pas fondé à se prévaloir de convocations à une adresse erronée en ce qu'il se serait installé à [Localité 2] en 2019.

L'absence volontaire de collaboration est donc établie. Cette faute a conduit à un procès-verbal de difficultés du commissaire priseur et n'a pas permis au mandataire de disposer de documents lui permettant de mener à bien sa mission, ce qui a nécessairement fait obstacle à son bon déroulement, peu important le fait que M. [U] n'ait pas cherché à entraver la procédure, ce qui est sans effet sur la qualification de la faute de gestion.

La faute est en conséquence établie.

- l'absence de tenue et de remise de la comptabilité

Il est constant qu'aucune comptabilité n'a été remise par M. [U] à l'intimée et il n'est prouvé aucun dépôt de comptes annuels, ce qu'avait relevé l'Urssaf dans son assignation. Cette absence de comptabilité n'est pas contestée.

M. [U] pour lequel l'établissement d'une comptabilité exacte était une obligation de base et essentielle pour connaître l'état de la société se retranche derrière une absence d'activité et de flux comptables pendant plusieurs années et son absence de contact avec son expert-comptable depuis 3 ans.

L'établissement d'une comptabilité régulière est une charge de base qui incombe au dirigeant, lequel ne peut se retrancher derrière un tiers, fût-il expert-comptable pour échapper à ses obligations de sorte que cet argument est inopérant.

Par ailleurs, il ne peut invoquer le fait que sa société n'avait plus d'activité, son absence de diligences ayant entraîné une taxation d'office de l'Urssaf et une dette subsistant auprès de la Caisse d'épargne alors qu'il prétend faussement que sa société n'avait aucun passif social, ce qui n'est pas le cas et qu'une tenue de comptabilité aurait fait apparaître.

M. [U] ne peut par ailleurs se retrancher derrière le fait qu'il a manifestement abandonné le sort de sa société pour échapper à ses responsabilités. Cette faute est en conséquence établie.

- l'absence de déclaration de la date de cessation des paiements dans le délai légal (évoquée à titre subsidiaire, en cas de prononcé d'une interdiction de gérer)

Le jugement d'ouverture a fait remonter la date de cessation des paiements à 18 mois, montant maximum légalement permis et cette décision est définitive. Il est donc patent que la cessation des paiements n'a pas été déclarée dans le délai de 45 jours et n'a au surplus pas été déclarée par le dirigeant, la procédure ayant été initiée par l'Urssaf, cette faute s'appréciant au regard de la seule date de cessation des paiements du jugement d'ouverture.

Compte tenu du délai écoulé, M. [U] ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements, notamment en présence d'une créance de l'Urssaf non réglée depuis décembre 2017 malgré des poursuites en recouvrement, suite à un constat pour travail dissimulé ; il ne pouvait non plus ignorer une dette auprès de la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes mais il s'est tout simplement désintéressé du sort des créances sociales. Il ne peut pas plus contester la créance définitive de l'Urssaf et la taxation d'office à laquelle avait procédé cet organisme en raison des carences du dirigeant dans ses déclarations.

- l'absence de remise des documents prévus à l'article L 622-6 du code de commerce (subsidiaire, en cas de prononcé d'une interdiction de gérer)

Il n'est pas contesté que M. [U] n'a pas communiqué dans le délai d'un mois les documents prévus par l'article L 622-6 du code de commerce, à savoir, la liste des créanciers et le montant des créances, la liste des principaux contrats en cours et des instances en cours.

M. [U] est de mauvaise foi lorsqu'il prétend ne pas avoir pu y procéder en raison de sa connaissance tardive de la procédure collective, ne pouvant arguer d'un changement de domicile dont il n'aurait pas été tenu compte pour échapper à ses obligations ainsi qu'il a déjà été vu supra.

Cette faute de gestion est en conséquence établie.

Sur la sanction

M. [U] fait valoir que :

- les faits reprochés ne peuvent justifier une sanction en faillite personnelle,

- la sanction de 5 ans de faillite personnelle est disproportionnée,

- si elle doit entrer en condamnation, il demande à la cour de prononcer l'absence de peine, ou au moins de la réduire.

La Selarl [D] [W] sollicite contre l'appelant le prononcé d'une mesure de faillite personnelle et subsidiairement une mesure d'interdiction de gérer de 5 ans, vu notamment l'absence volontaire de déclaration de l'état de cessation des paiements et l'absence de remise des documents prévus à l'article L.622-6 du code de commerce.

Le ministère public demande la confirmation du jugement qui a prononcé une faillite personnelle d'une durée de 5 ans.

Sur ce,

Il résulte de ce qui précède que M. [U] a commis deux fautes de gestion graves sanctionnées par la peine de faillite et démontrant qu'il a littéralement 'laissé tomber' la société en difficulté qu'il dirigeait, s'estimant sans liens avec elle selon ses propres termes, sans se soucier des conséquences et du sort des créanciers, et par ailleurs que les obligations comptables, obligations élémentaires pour un dirigeant, lui sont étrangères.

La condamnation pénale dont il a fait l'objet et la poursuite de l'Urssaf confirme qu'il s'affranchit totalement des règles sociales, ce qui établit son incapacité de diriger une société.

Ainsi, la sanction de peine de faillite pour une durée de 5 ans qui a été prononcée par le tribunal de commerce est tout à fait proportionnée aux fautes commises et doit être confirmée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'action étant dirigée contre le dirigeant à titre personnel et non contre la société en liquidation, le tribunal de commerce n'a pu mettre les dépens en frais privilégiés de procédure collective alors qu'ils sont à la charge du dirigeant à titre personnel.

Le jugement est infirmé de ce chef et M. [U] est condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il est en outre équitable de le condamner à payer à la Selarl [D] [W] ès-qualités la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Rejette la demande de M. [U] visant à voir déclarer la procédure de faillite personnelle irrégulière à son encontre.

Confirme le jugement querellé sauf en ce qu'il a dit que les dépens sont tirés en frais privilégiés de la procédure.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [Y] [U] aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la Selarl [D] [W] en qualité de liquidateur judiciaire de la Sas El Nuevo la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

           

                                                                 

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 22/08820
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;22.08820 ?
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